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La paléographie latine et romane |
La paléographie latine classique et la paléographie du Moyen âge ou paléographie romane comprennent un domaine beaucoup plus étendu et beaucoup plus varié que celui de la paléographie grecque. Les écritures de l'Antiquité (capitale, onciale, semi-onciale, cursive romaine) forment la base de presque toutes les écritures modernes et embrassent une période qui remonte presque jusqu'aux origines de la littérature romaine. Cette période s'étend jusqu'à l'invasion des Barbares. Viennent ensuite les écritures adoptées par les divers peuples germaniques et auxquelles on a donné le nom d'écritures nationales (mérovingienne, lombardique, wisigothique, irlandaise et anglo-saxonne). A partir du VIIIe siècle et sous des influences diverses qui se centralisent toutes en France, on voit se développer l'écriture perfectionnée qui a reçu la dénomination de carolingienne ou caroline. Cette nouvelle écriture produit elle-même, du Xe au XIIe siècle, la magnifique écriture romane, exclusivement française, et qui atteint son apogée au XIIe siècle, où elle est adoptée par toutes les nations de l'Europe. C'est la même écriture que notre écriture actuelle d'imprimerie. Du XIIe au XVIe siècle règne l'écriture gothique, avec toutes ses variétés nombreuses et compliquées. Enfin, avec la Renaissance et la Réforme, commence l'époque des écritures modernes, qui, après une période de confusion et de mélanges d'écritures de provenances les plus diverses, se termine, à partir de la fin du XVIIe siècle, par la prépondérance de l'écriture cursive d'Italie. Celle-ci est adoptée, par toutes les nations d'origine européenne, à l'exception de la Russie et de plusieurs pays slaves à sa périphérie, et est aujourd'hui connue sous le nom d'écriture anglaise. L'écriture courante des Allemands, dernier dérivé de la cursive gothique du Moyen âge, s'est effacée graduellement au long du XIXe siècle dans les usages pratiques. Extrait du Livre du Couronnement de Charles V (Reims). Ce fragment montre un curieux mélange de capitales, d'onciales, de semi-onciales et de minuscules. Le mot "Intravit" (milieu de la dernière ligne) rappelle l'écruture anglo-saxonne. Remarquez aussi (juste au-dessus) le e-cédille du mot "scribae". L'écriture capitale. L'écriture onciale. On conçoit que ces caractères fussent plus rapides à tracer que les lettres correspondantes de l'alphabet majuscule. Cette écriture onciale a été en grand honneur durant le haut Moyen âge; elle a servi pour l'exécution de manuscrits entiers, mais elle a subi avec le temps des altérations diverses, et rien de plus difficile à dater à la simple vue de l'écriture que les manuscrits de ce genre. Toutefois, à mesure qu'on s'approche des temps carolingiens, l'onciale devient plus massive, plus écrasée, et, à condition de ne pas vouloir trop préciser, on arrive à dater par à peu près ces manuscrits. A partir du IXe siècle, sauf quelques rares exemples, l'onciale ne figure plus que dans les titres des ouvrages : elle sera employée jusqu'au XIIIe pour les légendes des sceaux. Minuscule romaine. Livre de prières du roi de Pologne Sigismond (milieu du XVIe s.). L'écriture minuscule. Les écritures nationales. L'écriture lombarde. Ecriture lombarde. Début du troisième chapitre de l'Evangile de Luc. L'écriture wisigothique. Cette écriture a fourni quelques éléments à l'écriture anglo-saxonne, beaucoup plus importante. Dans l'île d'Albion, les études furent très florissantes au cours des VIIe et VIIIe siècles, et de là vinrent les principaux maîtres chargés par Charlemagne de guérir la Gaule franque de la barbarie. Ces maîtres apportèrent leur écriture avec eux, et le nouvel alphabet, créé par l'école de Saint-Martin-de-Tours, à la fin du VIIIe siècle, emprunta à cet alphabet quelques formes caractéristiques. L'écriture mérovingienne. L'écriture carolingienne. Cette écriture va régner en France jusqu'à la fin du Moyen âge, non sans subir de profondes modifications au cours des siècles. Ces modifications sont d'abord presque insensibles, et il est parfois extrêmement malaisé de dater les manuscrits des IXe et Xe siècles. Bien mieux, cette écriture française ou diplomatique va faire le tour de l'Europe; elle a de bonne heure gagné l'Allemagne; en Italie et en Espagne, elle se substitue aux alphabets lombardiques et wisigothiques, puis, transportée en Angleterre par les clercs normands, elle supplante la vieille écriture anglo-saxonne. Minuscule caroline (début de l'Evangile de Jean, manuscrit du Xe s.). Elle varie du reste extrêmement d'aspect, suivant les temps et les pays, et la nouvelle mode atteint tous les genres d'écriture : capitale, onciale et minuscule. Pour les deux premiers, on copie aussi exactement que possible les modèles antiques; mais la fantaisie des capitales crée une capitale particulière, dite rustique, fleurie ou brodée. Ici, tantôt, la panse des lettres, tantôt la haste ont reçu des développements exagérés; puis on ajoute des appendices de toute espèce : longues lignes, corolles de fleurs rinceaux etc. Tout cela, généralement de contours brillantes dans les manuscrits, est un peu bizarre, mais non sans éclat, et certaines de ces pages ornées sont vraiment des oeuvres d'art. L'écriture gothique. Ecriture gothique. Livre du couronnement de Richard II d'Angleterre. L'écriture cursive. 1° elle emprunte ses formes aux alphabets de chaque temps;Il y avait déjà une cursive à l'époque romaine, et ce genre d'écriture, regardé longtemps comme indéchiffrable, n'est bien connu que depuis le début du XIXe siècle; il servait à l'expédition de certains actes impériaux; on le retrouve encore dans les graffiti ou inscriptions murales. Lentement modifiée, cette cursive donne naissance à la cursive italienne du VIe siècle, employée notamment pour la copie de certains actes publics à Ravenne. Plus tard, chaque siècle aura sa cursive; cette écriture revêtira, sous la plume de certains auteurs, un caractère extrêmement personnel. Elle s'inspirera successivement de la minuscule carolingienne, puis capétienne, puis gothique, et, plus tard, elle sera de plus en plus personnelle et parfois extrêmement difficile à déchiffrer, Ce n'est pas ici le lieu de faire l'histoire de cette écriture qui, tout en suivant la mode, s'affranchit à peu près de toutes les règles. Rappelons seulement les différentes écoles qui ont dominé en France depuis le XVIe siècle; d'abord la cursive subit successivement l'influence de l'école italienne, puis de l'école anglaise. Aujourd'hui, elle est de plus en plus personnelle et varie avec les habitudes d'esprit et d'éducation de chacun. - Commentaire de l'Epitre au Romains de Paul. Le commentaire (en haut) est en semi-cursives italiennes; le teste de l'épître (en lettres d'or) est en minuscules romaines. Les abréviations et le déchiffrement des anciens textes. Les signes abréviatifs sont à l'origine peu nombreux, et la plupart de ceux du Moyen âge paraissent venir de l'Antiquité. On emploie d'abord le sigle (de singulae s. e. litterae), lettre isolée, qui à elle seule figure tout un mot. On trouve beaucoup de sigles dans les inscriptions antiques, et le Moyen âge les a employés parfois avec profusion, notamment dans les traités de droit et de théologie. Pour le mot frater, on écrit F.; si le mot est au pluriel, on double la lettre : FF. = Fratres. On emploie encore l'abréviation par contraction; on supprime un certain nombre de lettres à l'intérieur du mot, et on les remplace par un signe abréviatif, une barre, par exemple; ainsi, scs, surmontés d'une ligne horizontale, signifient sanctus; sca = sancta; eps = episcopus. On abrège encore au moyen de lettres suscrites; une syllabe, par exemple, ne sera représentée que par la voyelle qu'elle renferme écrite en interligne. Il y a encore des abréviations par suspension; on omet la fin d'un mot en la remplaçant par un signe abréviatif, et le sens, la construction de la phrase indiquent au lecteur comment il faut combler la lacune.
Un mot, pour terminer, des lettres conjointes et des monogrammes. Dans certains cas, et pour ménager l'espace, les scribes ont réuni deux lettres consécutives, faisant servir à la seconde une partie des traits de la première. Au Moyen âge, le cas se présente surtout dans les titres de manuscrits, et les calligraphes ont parfois montré dans l'emploi de ces liaisons un goût et une ingéniosité remarquables. Quant au monogramme, c'est un caractère unique, réunissant les éléments de toutes les lettres d'un mot. Monogrammes de Charlemagne et de Louis VII. Très rares dans les manuscrits anciens, les abréviations se multiplient à mesure qu'on avance dans le Moyen âge, et leur abondance est, toutes choses semblables d'ailleurs, une marque de modernité relative. Ajoutons que, bien souvent, chaque auteur, chaque scribe donne à ces signes une valeur conventionnelle, et que le même mode d'abréviation s'applique non seulement aux différents cas ou personnes d'un substantif ou d'un verbe, mais encore à des mots différents ayant le même radical. En pareil cas, c'est le sens qui doit guider le lecteur. Le mieux est de s'attacher à comprendre aussi exactement que possible; le seul conseil pratique est d'engager le lecteur moderne à ne jamais admettre a priori une faute de la part de l'ancien copiste. (NLI). |
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