| Fantaisie, n. f. - Composition de forme libre, qui est, dit Brossard en 1703, « le pur effet du génie, sans que le compositeur s'assujettisse à un nombre fixe ou à une certaine qualité de mesure », ainsi que l'exigeaient alors les cadres habituels de la musique de danse, et plus tard ceux de la sonate et de ses dérivés. Chez les compositeurs de pièces instrumentales, au XVIe s., la fantaisie est analogue au ricercar et use volontiers du style imité et fugué, en le « colorant » de traits de virtuosité légers et rapides. Mais la fantaisie a cette différence, au regard de la forme précédente, qu'elle se présente volontiers (on n'ose dire exclusivement) comme une vaste transcription ornementée d'une chanson polyphonique ou d'un motet, sous les fioritures de laquelle on retrouve les linéaments de l'oeuvre vocale, comme l'ont, excellemment montré Pirro et Guilmant à propos de fantaisies de Peter Philips (vers 1610) et de Frescobaldi (1627). Mais à cette époque la fantaisie n'est pas seulement cultivée par les virtuoses, qui trouvent aisément, dans la liberté de ses formes, des occasions de faire valoir leur virtuosité : on écrit des fantaisies à plusieurs parties, qui se placent historiquement parmi les ancêtres du quatuor et de la symphonie. Telles sont les « 24 fantaisies à 4 parties disposées selon l'ordre de 12 modes » de Guillet (1610), les F. à 3, 4, 5 et 6 parties d'Eustache du Caurroy (1610, oeuvre posthume), dont l'une des plus intéressantes a pour thème les 6 notes de l'hexacorde, les « fantaisies à 2 parties pour les violes » de Métru (1642). Le caractère capricieux et inattendu qui répond particulièrement au titre d'une fantaisie se fait sentir davantage, aux XVIIe et XVIIIe s., dans les oeuvres destinées à un instrument solo. Comme dans le prélude, où les luthistes semblaient « tâter les cordes », et les clavecinistes, vérifier l'accord, l'auteur d'une fantaisie feint par moments de s'abandonner entièrement à son imagination, pour n'en annoncer que mieux un développement serré en contrepoint. Les grands organistes du XVIIIe s., et Bach tout le premier, excellent à ce jeu, dont leurs oeuvres écrites conservent partiellement le témoignage en nous offrant des passages libres, où la symétrie des valeurs et de la mesure est rompue par l'introduction de dessins suspensifs ou transitifs affranchis de toute contrainte. Dans la langue allemande, le mot Phantasie et le verbe phantasieren ont conservé le sens d'improvisation, que J.-J. Rousseau donnait uniquement, en français, au mot fantaisie, se refusant même à admettre qu'il pût exister une fantaisie écrite. Celles des maîtres du XVIIe s. et des maîtres allemands lui étaient inconnues. Celles de Mozart pour le clavecin, et la plus belle de toutes, la Fantaisie en ut mineur (1785), n'avaient pas encore vu le jour. On peul, regarder celle-ci comme le type accompli de la fantaisie à l'époque classique; c'est en somme une sonate, de formes libres, dont les développements ou les réexpositions sont remplacés par un enchaînement avec un mouvement nouveau, l'adagio qui sert d'introduction étant ramené dans la conclusion et donnant ainsi l'équilibre à la pièce tout entière. Cet exemple a été suivi par Beethoven. Celui-ci a intitulé « quasi fantasia » ses deux Sonates, op. 27, à cause de la liberté de leurs formes; son op. 80 est une fantaisie pour piano avec orchestre et choeur. Schumann a dédié à Liszt sa belle Fantaisie en ut, pour le piano, op. 17 (1836). Mais les exemples sont peu nombreux, à cette époque, de fantaisies entièrement originales. La plupart des pièces publiées sous ce titre, à quelque instrument qu'elles soient destinées, sont des morceaux de virtuosité établis sur un ou plusieurs thèmes d'opéras en vogue; et, si l'on peut dire de celles de Liszt qu'elles méritent presque d'être regardées comme des oeuvres originales, « tellement il y a mis son empreinte personnelle », dans les cas les plus nombreux, au contraire, le terme paraît « avili » par son extension aux plus vulgaires « pots-pourris ». Il s'est trouvé relevé plus tard par des compositions telles que les 6 Fantaisies de Brahms (1833-1897), op. 116 (qui portent séparément les titres de Capriccio et d'Intermezzo); la grande Fantaisie en la, pour orgue, de C. Franck (1878), la fantaisie pour piano et orchestre, intitulée Africa, de Saint-Saëns (1891), les 4 Fantaisies rythmiques de Ch. Bordes (1891), etc. (Michel Brenet). | |