| Facture, n. f. - Fabrication des instruments de musique et spécialement des instruments à clavier, des harpes, et des instruments à vent et à percussion, le nom de lutherie étant réservé à la facture des instruments à cordes pincées ou frottées. L'histoire de la facture témoigne d'un labeur immense et d'une fertilité d'invention à laquelle toute une partie du public, accoutumée à regarder la musique et son matériel comme de simples objets d'amusement, prête souvent peu d'attention. On doit également tenir pour erronée l'opinion d'après laquelle la facture serait un art tout moderne, car, si les perfectionnements que chaque type d'instrument a reçus d'âge en âge ont été, avec la fragilité de leur construction et leur usure naturelle, les causes de l'extrême rareté des spécimens qui en ont été conservés et de la disparition totale de quelques-uns, les documents écrits et figurés apportent des preuves abondantes du soin et de l'ingéniosité qui présidaient à leur fabrication. Dès le XIVe, le XVe s., alors que l'on procédait encore par essais et tâtonnements, sous le rapport des qualités proprement musicales, - volume du son, justesse, étendue, timbre, facilité d'exécution, - la recherche de l'élégance des formes et l'ornementation à l'aide de sculptures et d'incrustations de matières précieuses étaient déjà poussées très loin. Le « chef-d'oeuvre » que chaque apprenti était tenu de présenter pour parvenir à la maîtrise était souvent peut-être un de ces charmants instruments que Memling et les peintres de son temps ont minutieusement représentés dans leurs orchestres angéliques. Au XVe s., le grand orgue de la cathédrale d'Amiens était déjà assez important pour que sa tribune et son buffet, toujours subsistants, permettent d'y loger le Cavaillé-Coll actuel. Au XVIe s., l'état de la facture se trouve assez avancé pour permettre la construction du splendide orphéoréon du Musée du Conservatoire de Paris (1570) et de la virginale de la reine Élisabeth (1570) du South Kensington Museum. Dans le XVIIe s., la lutherie atteint un degré de perfection dont Stradivarius (mort en 1737) marquera le dernier terme. La facture d'orgues offre aux maîtres classiques des ressources de sonorité et de coloris chaque jour grandissantes. La facture de clavecins et de clavicordes s'achemine vers la fabrication moderne du piano. Une activité singulière se dévoile dans la facture des instruments à vent, où disparaissent les types anciens du cornet, du cromorne, du chalumeau, pour faire place à la clarinette, au basson, au moderne hautbois. Au XIXe s., l'invention des pistons révolutionne la fabrication des instruments en cuivre. Ainsi se développe, parallèlement aux transformations de l'art musical et en union avec elles, un mouvement industriel de la plus haute importance, dont, à partir de 1855, les expositions universelles ou régionales viendront jalonner la marche. A mesure que partout le goût pour la musique devient plus général, l'industrie de la facture s'étend et prospère. A l'époque de l'exposition de 1900, on constatait en France son état florissant. Les statistiques accusaient alors un personnel d'un peu plus de 9000 ouvriers, dont 3200 occupés par la fabrication des pianos, 900 par la facture d'orgues, 750 par celle des instruments à vent, 1800 par la lutherie. Les ateliers qui réunissaient le plus nombreux personnel étaient ceux de la facture d'orgues et de pianos; les ateliers de lutherie se partageaient entre les départements de la Seine (Paris et couronne), des Vosges, de l'Eure et de l'Aisne. Des orgues importantes ont été construites par la maison Cavaillé-Coll en divers pays d'Europe. Les importations d'instruments étrangers consistaeint principalement en modèles de fabrication allemande et italienne, à bon marché, et en pianos et harmoniums américains. (Michel Brenet). | |