| Chapelle-Musique. - Réunion de musiciens attachés au service de la chapelle privée d'un souverain. Avant la naissance de l'opéra, les chapelles-musique et les maîtrises furent les seuls foyers artistiques de l'Europe, et servirent pendant plusieurs siècles de rendez-vous aux compositeurs et aux chanteurs les plus distingués. La chapelle pontificale fut le type sur lequel se modelèrent toutes ces institutions; elle tire son origine de l'école des chantres fondée au IVe siècle; mais son existence propre datte de l'époque où se répandit la musique harmonique; cette transformation coïncide avec le séjour du Saint-Siège à Avignon et on peut l'attribuer à l'influence de l'art français; pendant longtemps les chanteurs harmonistes de cette chapelle se recrutèrent en France et en Flandre, et encore en 1552, A. Petit Coelicus écrivait : « Les Belges, les Picards et les Français ont un talent naturel qui leur permet d'arracher aux autres la palme; c'est pourquoi ils se trouvent seuls dans les chapelles du pape, de l'empereur, du roi de France et de quelques autres princes. » En France, on constate l'existence d'une chapelle rudimentaire dès les rois mérovingiens; sous Pépin et Charlemagne, elle prit plus de consistance. Charles V avait, au dire de Christine de Pisan « souveraine chapelle »; ses musiciens chantaient « à déchant » les dimanches et fêtes, en plain-chant les autres jours. Louis XI s'attacha les musiciens de René d'Anjou et donna à sa chapelle une extension nouvelle pour rivaliser avec celle des ducs de Bourgogne, qui pouvait servir de modèle aux plus puissants souverains, Il n'était pas, à cette époque et pendant plusieurs siècles encore, si petit prince en Europe qui ne se piquât d'avoir sa chapelle. Les rois recrutaient les leurs à grands frais et par tous les moyens : en 1517, les gens de François Ier enlevèrent de nuit, pour sa chapelle, deux enfants de choeur de la Cathédrale de Rouen; en Angleterre, de tels procédés étaient en vigueur sous Richard III. Les princes se plaisaient à mettre en présence leurs chapelles; celles de François Ier et de Henry VIII rivalisèrent de talent au Camp du drap d'or. La maison d'Autriche déploya un luxe particulier pour ses chapelles; sous Charles-Quint, elle en soldait trois : une à Vienne pour le service de l'empereur, une à Madrid pour celui du roi d'Espagne, une à Bruxelles pour les princes gouverneurs généraux des Pays-Bas. Presque tous les grands musiciens du Moyen âge et de la Renaissance faisaient partie de quelque chapelle : Dufay, Deprès, Arcadelt, E. Genet, Moralès, Palestrina, Allegri, furent attachés à la chapelle pontificale; Okeghern, Mouton, Sermisy, Du Caurroy, à celle des rois de France; Binchois, Pierre de La Rue, à celle des ducs de Bourgogne; Canis, Crequillon, Isaac, à la chapelle impériale; Orlando de Lassus, à celle du duc de Bavière; les Gabrieli, Willaert, Zarlino, Merulo, à la chapelle de Saint-Marc, ou de la seigneurie de Venise. De fréquentes allées et venues de chanteurs entretenaient des relations constantes entre les diverses chapelles et aidaient à la diffusion des oeuvres des maîtres célèbres. Ces oeuvres, jusqu'à la fin du XVIe siècle, restèrent exclusivement vocales, et le nom de style a capella sert encore à désigner le genre de composition dont elles ont donné les modèles. La chapelle royale d'Angleterre, formée sur le même patron, restait en dehors de tout échange avec les chapelles du continent, et lie recrutait ses membres qu'en Angleterre; Byrd, Morley, Hull, Gibbons, y furent attachés, au temps où existait réellement une école musicale anglaise. Après la Réforme, les chapelles-musique continuèrent d'exister dans les états protestants, à peu près dans leur ancienne forme. L'introduction de l'orchestre dans les chapelles-musique amena la transformation de leur répertoire; la chapelle pontificale seule resta fidèle jusqu'au XIXe siècle à ses anciennes traditions; Baini fut un de ses derniers compositeurs remarquables. En France, Lully prit l'initiative de l'introduction de l'orchestre dans la chapelle royale; sous Louis XIV, cette chapelle eut à sa tête Dumont, Lalande, Colasse, etc. Elle subsista pendant tout le XVIIIe siècle, et fut reconstituée sous Napoléon Ier; à l'époque de la Restauration, Martini, Lesueur, Berton, Baillot, en firent partie, et Cherubini la dota d'oeuvres admirables de musique religieuse; elle fut supprimée en 1830. Les autres grandes chapelles de l'Europe admirent successivement l'orchestre; au XVIIIe siècle, les plus renommées furent la chapelle impériale à Vienne, et la chapelle électorale de Saxe, à Dresde. La chapelle impériale russe, de fondation plus récente, fut célèbre par la qualité de ses chanteurs, et par son répertoire, au premier rang duquel figuraient les beaux choeurs de Bortniansky. En Allemagne, le mot chapelle ou capelle sert aujourd'hui, par extension, à désigner la réunion des musiciens instrumentistes formant l'orchestre d'un prince ou d'un théâtre. La musique de régiment s'appelle aussi capelle en Allemagne. (Michel Brenet). | |