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La Carmagnole

Carmagnole (chant et danse). - Chanson et ronde populaires, remontant à 1792, dont l'origine véritable demeure fort controversée et qui s'est profondément modifiée à travers les différentes périodes révolutionnaires de l'histoire. C'est à tort que, dans certains dictionnaires encyclopédiques, on a voulu faire remonter la date de l'apparition de la Carmagnole à la prise de Carmagnola par les troupes françaises. En réalité, Carmagnola ne fut prise qu'en 1796, et la chanson connue sous le nom de Carmagnole date manifestement de 1792. Elle fut très vraisemblablement composée après la prise du château des Tuileries (10 août 1792). L'auteur, ou pour parler plus exactement, les auteurs de cette ronde populaire sont restés inconnus.

Voici les couplets de la Carmagnole telle qu'elle se chantait en 1792 :

1er Couplet.
Monsieur Veto avait promis (bis)
D'être fidèle à sa patrie (bis); 
Mais il y a manqué.
Ne faisons plus quartié!

Refrain.
Dansons la Carmagnole!
Vive le son (bis),
Dansons la Carmagnole!
Vive le son
Du canon!

2e Couplet.
Antoinette avait résolu (bis)
De nous fair' tomber sur le cu (bis);
Mais son coup a manqué;
Elle a le nez cassé.

3e Couplet.
Son mari se croyant vainqueur (bis), 
Connaissait peu notre valeur (bis).
Va Louis, gros paour,
Du Temple dans la tour.

4e Couplet.
Les Suisses avaient promis (bis) 
Qu'ils feraient feu sur nos amis (bis);
Mais comme ils ont sauté!
Comme ils ont tous dansé!

5e Couplet.
Quand Antoinette vit la tour (bis),
Ell' voulut faire demi-tour (bis) ;
Elle avait mal au coeur
De se voir sans honneur.

6e Couplet.
La gendarm'rie avait promis (bis)
Qu'elle soutiendrait la patrie (bis);
Mais ils n'ont pas manqué
Au son du canonié.

7e Couplet.
Amis, restons toujours unis (bis).
Ne craignons pas nos ennemis (bis).
S'ils vienn' nous attaquer,
Nous les ferons sauter.

8e Couplet.
Oui, je suis sans-culotte, moi (bis), 
En dépit des amis du roi (bis).
Vivent les Marseillois!
Les Bretons et nos lois!

9e Couplet.
Le patriote a pour amis (bis)
Tous les bonnes gens du pays (bis);
Mais ils le soutiendront
Tous au son du canon!

10e Couplet. 
L'aristocrate a pour amis (bis) 
Les royalistes de Paris (bis).
Ils vous le soutiendront
Tout comm' de vrais poltrons.

11e Couplet.
Oui, nous nous souviendrons toujours (bis) 
Des sans-culottes des faubourgs (bis).
A leur santé, buvons!
Vivent ces bons lurons!

Il est facile, on le voit, rien qu'en relisant les couplets, de se rendre compte que la Carmagnole remonte à la fameuse journée du 10 août 1792. Il paraît également certain qu'elle ne fut pas composée d'une seule pièce. Les couplets vinrent, pour ainsi dire, s'ajouter les uns aux autres, suivant le goût, les émotions, les tendances du jour. Ce sont, du reste, ces modifications constantes, continuelles, dans les paroles de la Carmagnole, qui lui donnent son véritable cachet d'oeuvre populaire, qui en font réellement une chanson de la rue. Elle reflète les colères, les rancunes, les fureurs, les joies, les espérances de la foule. Que surviennent les grandes luttes militaires de 1793 à 1795, la propagande armée des idées républicaines à travers l'Europe, il se rencontrera un anonyme, un soldat inconnu, un citoyen quelconque, qui ajoutera ce couplet à la Carmagnole :
Ah! s'ils avaient le sens commun, 
Tous les peuples n'en feraient qu'un.
Loin de s'entr'égorger,
Ils viendraient tous manger
A la même gamelle!
Vive le son
Du canon!
Que Robespierre monte sur l'échafaud; que le régime terroriste prenne fin; qu'une intense réaction se manifeste contre la politique jacobine et voici qu'on chante aussitôt la Carmagnole de Fouquier-Tinville :
Fouquier-Tinville avait promis
De guillotiner tout Paris. 
Mais il en a menti,
Car il est raccourci. 
Vive la guillotine!
Pour ces bourreaux
Vils fléaux!
Sans acte d'accusation,
Avec précipitation,
Il fit verser le sang 
De plus d'un innocent. 
Vive la guillotine! 
Pour ces bourreaux 
Vils fléaux!
La Carmagnole, sorte de ronde immense, se dansait en même temps qu'elle se chantait. On tournait très lentement pendant le couplet, en frappant fortement du pied la terre; puis, au refrain, on accélérait le mouvement de ronde aussi vite que possible. La Carmagnole obtint une incroyable vogue. Dès le mois de novembre 1792, Dorvigny faisait jouer, au théâtre Montausier, une pièce en trois actes intitulée la Carmagnole à Chambéry. Dans les musiques de régiment, on orchestrait la chanson nouvelle, sous forme de pas redoublé.

Le nom de Carmagnole était également donné à certains discours, à certaines proclamations nettement révolutionnaires, C'est ainsi qu'Edgar Quinet parle de la Carmagnole adressée par Barère à l'armée de la République sous les murs de Toulon; que Michelet rappelle l'immense Carmagnole improvisée par Barère; que Louis Combes cite Barère et ses fameuses Carmagnoles. Quand Bonaparte fut nommé premier consul, il interdit de chanter et de danser la Carmagnole. On retrouve la chanson populaire à l'entrée des Alliés à Paris en 1814. Elle reprend une nouvelle faveur auprès du public, en 1848, sous la double forme de chanson célébrant la chute de Louis-Philippe, et de journal la Carmagnole, organe des enfants de Paris (février 1848), orné d'une double vignette représentant Jean qui pleure et Jean qui rit et se recommandant de cette devise : 
Ah! ça ira, ça ira, ça ira, les aristocrates au ridicule! 
Dans le numéro du 1er juin 1848, on trouve ce programme que Rochefort a repris plus tard dans une de ses plus amusantes Lanternes
« Au nom du peuple français : article Ier : Il n'y a plus rien. Article II : La commission du pouvoir exécutif rendra une loi pour assurer l'exécution du précédent article. » 
Lors du réveil démocratique qui se manifesta à partir de 1863. sous le second Empire, on se remit à chanter la Carmagnole. La ronde populaire subit alors des transformations nouvelles, non seulement au point de vue des paroles, mais aussi au point de vue musical. Une nouvelle phrase y fut ajoutée, sur le mode du couplet de la Gamelle, et sur le rythme du premier vers du refrain.

Voici la Carmagnole telle qu'elle se chantait à Paris en 1869 :

Madam' Veto avait promis (bis)
De faire égorger tout Paris (bis);
Mais son coup a manqué, 
Grâce à nos canonniers. 
On lui coupa la tête,
Vive le son!

On lui coupa la tête.
Vive le son
Du canon!
Que demande un républicain (bis)? 
La liberté du genre humain (bis),
Du coeur pour se venger,
Du fer pour l'étranger,
Et du pain pour ses frères!
Vive le son
Du canon!

Que demande un républicain (bis)
L'égalité du genre humain (bis),
Plus de riches debout, 
De pauvres à genoux, 
Aux fainéants la guerre!
Vive le son
Du canon!

Que demande un républicain?
C'est le bonheur du genre humain. 
La pioch' dans les cachots 
La torch' dans les châteaux, 
Et la paix aux chaumières!
Vive le son
Du canon!
Que demande un républicain (bis)?
C'est de mourir sans calotin (bis), 
Le Christ à la voirie, 
La Vierge à l'écurie,
Et le Saint-Père au diable!
Vive le son
Du canon!

On assure que ce dernier couplet est de Raoul Rigault, le membre de la Commune qui fut fusillé, rue Gay-Lussac, lors de l'occupation de Paris par l'armée de Versailles. Le couplet dit de la Gamelle avait été conservé. Après la Commune, quand se reconstituèrent les groupes socialistes révolutionnaires, le couplet suivant fut ajouté :
Vive la Commun' de Paris (bis), 
Ses mitrailleuses, ses fusils (bis).
La Commune battue
Ne s'avoue pas vaincue!
Elle aura sa revanche !
Vive le son
Du canon!
De plus, on remplaça le deuxième vers : l'Égalité du genre humain, la Liberté du genre humain, le Bonheur du genre humain, par l'unique formule : la Commune du genre humain. Enfin, à la suite des troubles anarchistes de Montceau-les-Mines (1883), deux nouveaux couplets furent encore ajoutés à la Carmagnole :
Au jour de la Révolution (bis)
Tous les moyens nous seront bons (bis).
Le pétrole à tonneaux, 
Tous les engins nouveaux 
Et pour aller plus vite,
Vive le son (bis) 
Pas mal de dynamite 
Vive le son
Du canon!
Que faut-il au républicain (bis)?
Le châtiment de tout gredin (bis), 
Des gifles aux cafards, 
La cravache aux mouchards, 
Aux dictateurs la bombe,
Vive le son (bis)
Aux dictateurs la bombe!
Vive le son
Du canon!
L'auteur de ce dernier couplet serait, affirme-t-on, le prince Kropotkine, le nihiliste russe bien connu. (A. Crié).
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Dictionnaire Musiques et danses
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