| Un cantique est aussi in chant pieux en langue commune, Les premiers cantique, alors dénommés cantilènes, furent composés dans le haut Moyen âge par des moines désireux de fournir au peuple une distraction religieuse et de substituer des pièces édifiantes aux chansons licencieuses que propageaient les jongleurs. Ainsi se produisirent en français la Cantilène de sainte Eulalie et en langue limousine une paraphrase de l'Ave, maris stella. Les chants farcis, tropes et séquences eurent la même origine. Le chant latin O filii, est une pièce extra-liturgique dont on ne sait si le texte a été imité d'une poésie ordinaire ou lui a, au contraire, servi de modèle. Une incertitude pareille pèse sur la plupart des anciens cantiques en l'honneur des saints, dont les paroles semblent adaptées tantôt à des cantilènes grégoriennes et tantôt à des mélodies profanes. Au milieu de la production médiévale se distinguent les Chants de la Vierge, de Gautier de Coincy (XIIIe s.). Mais c'est à partir du XVIe s., et sous l'influence de la Réforme, que le cantique prit une extraordinaire extension. Après que les calvinistes eurent porté jusqu'en dehors de leurs assemblées la coutume de chanter des psaumes en langue commune, il parut utile aux catholiques de se procurer un répertoire de chansons pieuses, dont la propagation devait contre-balancer celle des recueils huguenots. Des deux côtés, le choix des mélodies s'effectuait sans scrupules dans le domaine profane. Ainsi que les calvinistes chantaient le psaume XLIII sur l'air : Aventuriers de France, et le psaume C sur : Jouissance vous donnerai, le P. La Cauchie (1619) disposait ses paroles de cantiques sur « les airs mondains et plus communs », et le P. Berthod « convertissait » les airs de cour en airs de dévotion, par le changement de quelques mots; du couplet : « Des beaux yeux de Philis je me sens enflammer », il faisait : « Des regards de Jésus », etc. Par le même procédé, contre lequel Godeau, le P. Bridaine, Racine essayèrent en vain de réagir, furent compilés les très nombreux recueils de cantiques catholiques publiés dans le XVIIe et le XVIIIe s., notamment ceux de l'abbé Pellegrin, de l'abbé de Lattaignant et les plus fameux de tous, les cantiquesde Saint-Sulpice. Des centaines de morceaux semblables ont été depuis lors imprimés, dont, à très peu d'exceptions près, le niveau artistique et religieux n'était pas plus élevé. Destinés aux catéchismes, aux confréries, les cantiques n'ont pas de place dans la liturgie catholique, qui en tolère l'usage, mais ne le prescrit pas. Chez les communautés protestantes, le rôle du cantique a grandi à mesure que diminuait celui du psautier. Les protestants français (calvinistes) n'eurent pas de cantique avant ceux de Pictet (1705), qui se chantaient sur les mélodies des psaumes car les « chansons spirituelles » publiées durant le XVIe s. étaient des pièces d'une forme littéraire et musicale recherchée, accessible seulement à des chanteurs exercés. Vers 1830, un auteur suisse, Ch. Malan, fit paraître des cantiques faciles dont le succès hâta l'abandon des anciens chants du psautier; tellement peu musicien qu'il savait à peine noter ses mélodies, Malan était un producteur intarissable, qui n'a guère laissé moins d'un millier de cantiques Un certain nombre ont passé dans les recueils de Lutteroth et des divers Consistoires. Tous les cultes et toutes les nations d'Europe possèdent d'abondants répertoires du même genre. La seule Bibliographie des recueils de cantiques catholiques allemands, dressée par Baumker pour les années 1503 à 1909, comprend 963 titres d'ouvrages. Le principe de l'arrangement des textes sur des airs profanes a partout été admis, et les arrangeurs donnent aux reproches qui leur sont adressés de ce chef la même réponse que l'auteur du livre de chant luthérien de Gotha (1721) : que « très peu de fidèles connaissant l'origine des mélodies, ils les chantent fort dévotement et sans penser à mal ». |