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Morale
Morale et économie politique

L'économie politique est la science de la richesse. Elle recherche selon quelles lois la richesse est produite, échangée, répartie et consommée. De là les quatre grandes théories qui la composent : 1° production, 2° circulation, 3° distribution, 4° consommation.

Elle peut être considérée comme une branche de la science sociale. Elle est à la sociologie tout entière à peu près ce que la physiologie de la digestion et de la circulation est à la physiologie générale. On pourrait donc la définir comme la science du système d'opérations par lesquelles les sociétés humaines pourvoient à leurs besoins matériels.

Ayant pour but la détermination de lois abstraites, l'économie politique est une science théorique; elle peut cependant aboutir à des conclusions pratiques.

Par cela même qu'elle détermine les lois ou conditions sous lesquelles la richesse peut être produite, échangée, répartie et consommée dans l'humanité, elle est féconde en maximes utiles pour le moraliste et du responsable politique :

Les rapports de la moralité et de la richesse.
 La moralité est liée à la richesse à deux points de vue différents : 

1° En tant que cause ou condition;

2° En tant qu'effet ou conséquence.

D'une part l'expérience et la théorie prouvent que, sans un certain minimum de justice et de moralité, la richesse, soit des individus, soit des nations est impossible, et la morale se trouve ainsi comme à la base de l'économie politique.

D'autre part, l'expérience et la théorie prouvent aussi que la misère a souvent l'injustice et l'immoralité pour conséquences. De sorte que beaucoup de problèmes moraux, surtout de ceux qui concernent la société, sont en même temps des problèmes économiques. Tels sont en général les rapports de la morale et de l'économie politique.

La richesse.
On entend par richesse toute chose utile et susceptible d'être échangée.
Les deux propriétés constitutives de la richesse sont donc :

1° L'utilité : toute richesse satisfait quelqu'un des besoins de l'humain, naturel ou factice, réel ou imaginaire.

2° La valeur : toute richesse peut être échangée contre une autre richesse, et c'est le rapport même de ces deux richesses échangeables qui est leur valeur. La valeur représentée en monnaie s'appelle le prix.

Comment la richesse est-elle produite?
Les agents de la production de la richesse sont :
1° L'outil de production; 

2° Le travail;

3° Le capital.

Le travail. 
Le plus important de ces agents est non la terre (comme l'enseignait l'école des physiocrates), ou de façon générale l'outil de production (qui inclut la matière première), mais (comme l'a démontré Adam Smith, le véritable fondateur de l'économie politique) le travail.

Il faut distinguer le travail intellectuel, qui invente et dirige, et le travail manuel, qui exécute. Les trois conditions les plus favorables à la fécondité du travail sont la liberté, l'association et la division.

1° La liberté. - Que chacun soit libre de choisir le genre de travail vers lequel il se sent porté par ses aptitudes et ses goûts point d'esclavage, de servage, de corporations héréditaires.

2° L'association. - Que les travailleurs mettent en commun leur force, leur intelligence, toutes leurs ressources.

3° La division. - Que dans l'entreprise commune, chaque travailleur s'occupe et s'exerce exclusivement à une tâche spéciale, dont l'habitude lui rendra l'exécution de plus en plus facile et prompte.

C'est conformément à ces trois lois que le travail se fait dans les sociétés modernes. On peut même considérer une société comme une association de travailleurs dans laquelle le travail collectif est divisé entre toutes les sortes particulières d'industries.

Cette division suppose nécessairement la circulation ou l'échange des richesses. Chaque travailleur, en effet, produit des richesses, non pour les consommer lui-même, mais pour les échanger contre d'autres richesses qu'il puisse consommer.

La loi qui règle en principe les échanges est la loi de l'offre et de la demande. La valeur d'une richesse est en raison inverse de l'offre et en raison directe de la demande. Plus un produit ou un service est offert, moins il a de valeur; plus il est demandé, plus il a de valeur.

Le capital.
Le capital est une richesse épargnée qui sert à la production de nouvelles richesses. Il est le fruit de la privation ou de la prévoyance, soit que le travailleur retranche sur sa consommation ou qu'il augmente sa production dans le but de rendre plus facile un travail ultérieur. Le capital met à la disposition du travail les instruments et les ressources nécessaires.

La richesse produite, étant l'effet de ces trois agents, matière première, travail et capital, se répartit naturellement entre eux. La part qui revient à la matière première et des outils de production (ou à la terre dans les sociétés agricoles) s'appelle rente; celle du travail s'appelle tantôt salaire et tantôt bénéfice (selon qu'elle est fixe et payée d'avance, ou variable et payée seulement après que la richesse a été complètement réalisée); celle du capital s'appelle revenu.

Cette répartition se fait selon la loi de l'offre et de la demande. Celui des trois agents qui est le moins offert et le plus demandé prélève la plus grosse part; relui qui est le moins demandé et le plus offert prélève la plus petite.

Mais est-il juste que la terre et le capital prennent ainsi une part, et souvent la plus grande, du produit? Cette question est celle du droit de propriété. La propriété, en effet, se présente en économie politique sous la double forme de l'outil de production et de la matière première et du capital.

Le droit de propriété.
Le droit de propriété était défini par les jurisconsultes romains comme jus utendi, fruendi et abutendi.  Uti, c'est se servir de la chose : par exemple habiter sa maison. Frui, c'est en percevoir les fruits naturels ou civils: par exemple, toucher le loyer. Enfin, abuti, c'est faire de son droit de propriété un usage qui le fait s'évanouir: par exemple, démolir sa maison ou la vendre.

Quel est le fondement du droit de propriété?
Il est évident que l'humain ne peut vivre sans les objets matériels nécessaires à sa subsistance. Il a donc le droit de s'approprier ces objets, pourvu qu'ils n'appartiennent encore à personne (ou qu'ils ne soient pas considérés comme un bien commun).

Une fois l'appropriation faite, elle se prolonge et devient défininitive par le travail. L'objet approprié et élaboré est, en quelque sorte, le symbole de la personne : il est marqué au sceau de son activité volontaire; il est respectable comme elle.

Dès lors, s'il lui appartient légitimement, elle a le droit d'en disposer soit pour elle-même, soit au profit d'autrui.

Ainsi occupation première et travail, l'un et l'autre expressions de la volonté de la personne et conditions de sa subsistance matérielle, telles sont les deux sources légitimes du droit de propriété.

Mais la quantité des objets susceptibles d'appropriation étant limitée, l'individu, en exerçant son droit d'acquérir, ne doit pas rendre impossible l'exercice du même droit chez les survenants.

D'où il suit que la faculté d'acquérir et de posséder ne saurait, en droit naturel, être illimitée pour personne, mais qu'elle cesse nécessairement là où elle rencontre le droit des autres, non seulement de ceux qui possèdent déjà, mais encore de ceux qui ont droit à acquérir.

La société est donc autorisée à déterminer par le moyen des lois les limites de la propriété individuelle. Le droit de propriété ne diffère donc pas à cet égard des autres droits qui tous sont nécessairement limités et dont les limites peuvent et doivent être fixées par les lois sociales.

Les membres d'une association ont évidemment le droit de mettre en commun les biens qui appartiennent à chacun d'eux, et de transformer ainsi la propriété individuelle en une propriété collective; mais nul ne doit y être forcé. Au point de vue économique, le régime de la propriété individuelle parait infiniment plus favorable à la production des richesses que celui de la propriété collective. Au point de vue moral, il assure plus efficacement l'indépendance de l'individu et de la famille, partant leur liberté et leur responsabilité morale.  (E. Boirac).

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