| Rue de la Cité, à Paris (IVe'arrondissement). - Cette rue est l'artère principale de l'île de la Cité et va du pont Notre-Dame au Petit-Pont. Elle longe d'un côté la Préfecture de Police et le Marché aux Fleurs, et de l'autre côté, le parvis de Notre Dame et l'Hôtel-Dieu. Sa dénomination date du XIXe siècle. Auparavant, elle correspondait aux anciennes rues de la Lanterne, de la Juiverie et du Marché-Palu. Le 13 mai 1834, sur la demande des propriétaires riverains, le ministre de l'intérieur décida que ces trois voies publiques prendraient la seule et même dénomination de rue de la Cité. Un arrêté préfectoral en date du 12 août suivant prescrivit la régularisation du numérotage. Les rues de la Lanterne, de la Juiverie et du Marché-Palu ayant été confondues sous une seule et même dénomination, nous allons rappeler l'origine de chacune d'elles. Rue de la Lanterne. On désignait anciennement cette rue sous les noms de place Saint-Denis de la Chartre, place devant la croix Saint-Denis, et place devant l'église Saint-Denis de la Chartre. On la nommait aussi rue de la Jusrie (Juiverie). On la désigna également sous la dénomination de rue du Pont-Notre-Dame, parce qu'elle conduisait directement au pont ainsi appelé. Dès l'année 1326, elle avait pris d'une enseigne le nom de la Lanterne. Au coin septentrional de la rue du Haut-Moulin (aujourd'hui disparue), étaient situés l'église et prieuré de Saint-Denis-de-la-Chartre. Cette église, voisine d'une prison, et dédiée à saint Denis, existait probablement à l'époque mérovingienne. Plus tard, Louis-le-Gros et la reine Adélaïde, voulant former un monastère de religieuses de l'ordre de saint Benoît, firent l'acquisition du territoire de Montmartre, des moines de Saint-Martin-desChamps qui reçurent en dédommagement l'église de Saint-Denis-de-la-Chartre. Elle porta dès lors le titre de prieuré et fut sous la dépendance de Saint-Martin. En 1704, le prieuré de Saint-Denis fut uni à la communauté de Saint-François-de-Sales, établie vers cette époque pour servir de retraite aux prêtres infirmes; l'église conserva cependant sa destination primitive. L'épitaphe d'un des prieurs de Saint-Denis-de-la-Chartre, prouvait que cette église avait été rebâtie au XIVe siècle. Suivant un usage assez fréquent dans les constructions de cette époque, l'église était double et dans un des côtés de la nef était une paroisse sous le titre de Saint-Gilles et Saint-Leu, dont la cure fut transférée en 1618 dans l'église de Saint-Symphorien de la Cité (voir plus bas). En 1665, Anne d'Autriche fit rebâtir l'autel. Au-dessus de la porte on remarquait un bas-relief représentant des personnages chargés de ventres très proéminents; ces bas-reliefs dataient du règne de Louis XI, temps où les ventres postiches étaient en pleine faveur. Comme toutes les anciennes églises, Saint-Denis-de-la-Chartre avait une crypte ou chapelle souterraine, et l'on croit qu'en 1564 existait dans cette église une confrérie de drapiers-chaussiers dite de Notre-Dame-des-Voûtes, en raison des voûtes souterraines de la crypte. - La rue de la Cité, à Paris; à droite, la Préfecture de police; à gauche, l'Hôtel-Dieu. (© Photo : Serge Jodra, 2008-09). L'enceinte des maisons qui environnaient cette église et qu'on appelait le Bas-Saint-Denis, était un lieu privilégié dépendant du prieuré. Les ouvriers pouvaient y travailler avec sûreté sans avoir besoin d'obtenir la maîtrise. L'église de Saint-Denis-de-la-Chartre qui contenait, avec ses dépendances, une superficie de 1982 m, fut supprimée en 1790. Devenue propriété nationale, elle fut vendue en deux lots le 29 frimaire an VII et démolie peu de temps après. Une partie de son emplacement est représentée aujourd'hui par une propriété portant, sur le quai aux Fleurs. Près de Saint-Denis et dans la rue du Haut-Moulin était la chapelle ou église de Saint-Symphorien-de-la-Chartre ou Saint-Symphorien-de-la-Cité. Cette église fut cédée en 1702 à la communauté des peintres, sculpteurs et graveurs, dite Académie de Saint-Luc. Cette académie datait de 1391; elle fut réunie à l'académie royale de sculpture et de peinture en 1676; mais elle continua de subsister comme maîtrise des peintres, sculpteurs, graveurs et enlumineurs. Elle renfermait, depuis 1706, au-dessus de sa chapelle, une école de dessin qui ne ressemblait guère à la fastueuse école des Beaux-Arts, mais d'où, en revanche, sont sortis les meilleurs artistes du XVIIIe siècle. Rue de la Juiverie. La rue de la Juiverie, qui prolongeait vers le Sud la rue de la Lanterne, tirait son nom des Juifs qui y étaient parqués au XIIe siècle. Victimes d'une population chrétienne qui elle-même subissait la propagande anti-juive assénée par les Confrères de la Passion dans leurs Mystères, les Juifs étaient exposés sans cesse à des vexations et des avanies, et servaient aussi de jouet à l'avarice des princes qui les chassaient de leur territoire pour leur prendre leurs biens et les rappelaient pour les pressurer plus tard. Les plus riches, à Paris, demeuraient dans les rues de la Pelleterie, des Rosiers, de la Tixéranderie et surtout dans la rue de la Juiverie. Leurs artisans, leurs fripiers occupaient les Halles ou les rues malsaines qui y aboutissaient. Ils avaient leurs écoles dans les rues Saint-Bon et de la Tacherie; leur synagogue était située dans la rue du Pet-au-Diable. Depuis Saint-Louis, il ne leur était pas permis de paraître en public sans une marque jaune sur l'estomac (rouelle). Philippe-le-Hardi les obligea même à porter une corne sur la tête. Défense leur était faite de se baigner dans la Seine, et quand on leur faisait l'honneur de les pendre, c'était toujours entre deux chiens qu'on mettait le supplicié. Sous le règne de Philippe-le-Bel, leur communauté s'appelait societas caponum, d'où provient sans doute l'épithète injurieuse de capon. Il y avait dans la rue de la Juiverie un marché au blé qu'on appelait la Halle de Beauce. Philippe-Auguste la donna à son échanson, qui la céda à Philippe de Convers, chanoine de Notre-Dame. Un arrêt du parlement, à la date du 23 juillet 1507, ordonna l'élargissement de la rue de la Juiverie, suivant le second alignement du maître des oeuvres de la ville. L'arrêt porte : qu'à cet effet les maisons de la dite rue seront retranchées de part et d'autre jusqu'à la largeur de trois toises deux pieds. Dans cette rue, à la place d'une ancienne synagogue, fut construite en 1183 l'église de la Madeleine. Cette église, située au coin de la rue de la Licorne, était le siège « de la grande confrérie des seigneurs, prêtres, bourgeois et bourgeoises de Paris, laquelle est la mère de toutes les confréries, car elle est si ancienne qu'on ne sait pas quand elle a commencé » Tous les rois et reines ont fait partie de cette confrérie, qui a subsisté jusqu'en 1789. En face de l'église de la Madeleine était le cabaret de la Pomme-de-Pin. La rue du Marché-Palu. Elle dut ce nom , qu'elle porta dès le XIIIe siècle, à un marché qui y existait depuis le temps des Romains et qui était situé dans un terrain marécageux (palus). Son emplacement resta longtemps sans être pavé. C'est dans cette rue qu'habitait le boulanger François, qui fut massacré en 1789 dans une émeute populaire, et dont la mort amena la proclamation de la loi martiale. Les autres rues disparues. A l'emplacement de l'actuelle préfecture de police se trouvaient encore au début du XXe siècle la caserne de la Cité et, côté boulevard du Palais, les anciens locaux de la préfecture de police, ainsi que l'Etat major des Pompiers. Ces bâtiments replaçaient plusieurs rues qui autrefois aboutissaient dans la rue de la Cité : 1º Rue de la Calandre, l'une des plus anciennes voies de la ville. D'après une tradition, saint Marcel, évêque de Paris et bourgeois du Paradis, était né au IVe siècle dans la maison située dans cette rue; aussi, dans les processions où l'on portait la châsse du saint, une station solennelle était faite devant cette maison. C'était une rue très fréquentée, et qui a vu, tout étroite, sale et tortueuse qu'elle paraissait, de nombreuses entrées royales et cérémonies publiques : ainsi, en 1420, à l'entrée de Henri V, roi d'Angleterre, « fust fait en la rue de la Calandre un moult piteux mystère de la Passion au vif. » Entre les rues de la Calandre, de la Vieille-Draperie, de la Barillerie et aux Fèves, était autrefois un îlot de maisons qu'on appelait la ceinture de saint Éloi : cet évêque y avait demeuré dans une maison qui existait encore au XIIIe siècle sous le nom de maison au Fèvre, et il y fonda un monastère de femmes sous la direction de sainte Aure. Ce monastère devint un couvent d'hommes en 1107, et il passa en 1639 aux Barnabites. L'église qui fut reconstruite à cette époque et qui est cachée dans une cour de la place du Palais, renferma ensuite les archives de la comptabilité générale de l'État. En face de l'église des Barnabites était jadis une petite place, qui a été absorbée par la place du Palais et qui fut formée par la démolition de la maison de Jean Châtel, assassin malchanceux de Henri IV. Cette maison fut brûlée par sentence du Parlement et l'on a retrouvé au milieu du XIXe siècle ses fondations encore calcinées et ensoufrées. A sa place avait été élevée en 1594 une pyramide, qui rappelait le crime, la part qu'y avaient prise les Jésuites et le bannissement de ces religieux « comme corrupteurs de la jeunesse, perturbateurs de la paix publique, ennemis du roy et de l'Estat. » Cette pyramide, qui était un objet d'art remarquable, ne subsista que dix ans. 2º Rue Neuve-Notre-Dame. - Cette rue neuve était bien ancienne, car elle fut ouverte en 1163 par Maurice de Sully, évêque de Paris, pour servir de communication directe à la cathédrale. Cette voie publique, longue de 76 m, ne porta d'abord que le nom de rue Neuve. On commença à la désigner au XIIIe siècle sous la dénomination de rue Neuve Notre Dame. « Séance du primidi, 21 brumaire an II. - La section de la Cité annonce que le théâtre qui portait le nom de Palais-Variété, a déclaré vouloir se nommer théâtre de la Cité; elle ajoute qu'elle désirerait que le Pont, le Parvis et la Rue ci-devant Notre-Dame, s'appelassent Pont, Parvis et Rue de la Raison. Une discussion s'élève à ce sujet : plusieurs membres demandent l'ordre du jour; le conseil général adopte l'ordre du jour sur la première proposition, et, sur la motion d'un membre et la demande de la section, le conseil général arrête que la section de la Cité, le Parvis, le pont Notre-Dame, la rue Notre-Dame se nommeront désormais, Section, Parvis, Pont et rue de la Raison. » (Registre de la commune, tom. 22, pag. 13303). On y trouvait l'église Sainte-Geneviève-des-Ardents, dont l'origine est inconnue, mais qui avait été bâtie, disait-on, sur l'emplacement de la maison habitée par la vierge de Nanterre. Elle fut détruite en 1748 pour construire un hospice aux enfants trouvés. Les bâtiments de cet hospice furent ensuite occupés par l'administration de l'assistance publique. 3º Rue du Marché-Neuf.- On y trouvait l'église de Saint Germain-le-Vieux, dont l'origine est inconnue. C'est dans cette rue que, en 1588, les Suisses et le maréchal de Biron furent enveloppés par les bourgeois, « qui les auroient taillés en pièces s'ils ne s'étoient mis à genoux, rendant leurs armes et criant : Bons chrétiens! ». (L. / Th. Lavallée). | |