| Rue de l'Arbre-Sec, à Paris (Ier' arrondissement). - Cette rue, qui relie la rue Saint-Honoré au Quai du Louvre, doit son nom à une enseigne qu'on voyait encore en 1660 sur une vieille maison près de Saint-Germain-l'Auxerrois. Elle était en partie construite vers la fin du XIIIe siècle. Une décision ministérielle du 13 floréal an IX, signée Chaptal, a fixé la moindre largeur de cette voie publique à 11 m. Une ordonnance royale du 23 juillet 1828 a porté cette moindre largeur à 12 m. A l'extrémité de la rue de l'Arbre-Sec, à l'angle de la rue Saint-Honoré, on remarque une belle fontaine. Elle se trouvait autrefois au milieu de la rue : François Miron la fit transporter, en 1606, à l'endroit où nous la voyons aujourd'hui. La Croix du Trahoir, érigée sur la même place, a quelque célébrité dans les annales des exécutions judiciaires : c'est là qu'étaient mis à mort les condamnés de la juridiction de Saint-Germain-l'Auxerrois. - La fontaine de la Croix du Trahoir, à Paris. Fontaine édifiée sous François I, reconstruite en 1775 Soufflot, architecte; Boizot, sculpteur. Au commencement de la guerre civile de la Fronde, la rue de l'Arbre-Sec fut le théâtre d'une émeute. Deux conseillers au parlement s'étaient fait remarquer par leur courage à défendre les lois, en résistant aux empiètements du cardinal Mazarin : l'un était René Potier de Blancménil; l'autre, Pierre Broussel, qu'on nomma le père du peuple. Irritée de l'opposition de ces magistrats, dont l'influence entraînait la majorité de leur compagnie, Anne d'Autriche, par les conseils de son ministre, eut l'imprudence de les faire arrêter, le 26 août 1648. Dès que le peuple connut l'emprisonnement des deux conseillers, des attroupements se formèrent. La sévérité dont on usa pour les dissiper, le sang qui fut versé, augmentèrent à tel point l'animosité, qu'on vit alors presque tous les habitants de Paris s'armer pour en tirer vengeance. Dans toutes les rues, des chaînes sont tendues; plus de deux cents barricades, ornées de drapeaux, sont fortifiées aux cris de vive le Roi! poing de Mazarin! Le parlement vint en corps au Palais-Royal demander la liberté des prisonniers. Le premier président Mathieu Molé porta la parole. Il représenta à la régente que cette concession était le seul moyen de calmer le mécontentement général, en dissipant à l'instant le feu de la rébellion. Anne d'Autriche refusa avec beaucoup d'aigreur, en disant : « Que les membres du parlement étaient les vrais auteurs de la sédition par leur désobéissance aux ordres de la cour. » Une seconde tentative de la part du premier président n'eut pas un meilleur résultat. Les membres du parlement, ainsi congédiés, s'en retournent à pied à leur palais. Ils parviennent sans peine jusqu'à la troisième barricade qui se trouvait à la Croix du Trahoir : là cette compagnie est arrêtée. Un marchand de fer, nommé Raguenet, capitaine de ce quartier, saisit le premier président par le bras; et appuyant un pistolet sur le visage de Mathieu Molé : "Tourne, traître; lui dit-il, si tu ne veux être massacré toi et les tiens; ramène-nous Broussel, ou le Mazarin et le chancelier en ôtages!" Molé, sans se déconcerter, écarte le pistolet, et, conservant toute la dignité de la magistrature, rallie les membres effrayés de sa compagnie, et retourne au Palais-Royal à petits pas au milieu des injures et des blasphèmes de ce peuple en courroux. Pour la troisième fois, il expose à la régente l'irritation des esprits et la résistance que sa compagnie vient d'éprouver dans la rue de l'Arbre-Sec. La reine fait encore des difficultés. Le parlement, pour délibérer sur ce nouveau refus, tint séance dans la galerie du Palais-Royal. Le duc d'Orléans, le cardinal Mazarin assistèrent à cette conférence. Il fut décidé que les conseillers arrêtés seraient rendus à la liberté. La régente y consentit enfin. L'ordre en est expédié sur-le-champ. Cette décision fut aussitôt signifiée au peuple; mais les Parisiens, peu confiants en la sincérité de la cour, déclarèrent qu'ils resteraient armés jusgu'à ce qu'ils vissent Broussel en liberté. Ce conseiller parut le lendemain matin : alors, des salves d'artillerie se firent entendre; la joie publique se manifesta par de bruyantes acclamations. Le peuple porta ce magistrat en triomphe jusqu'à sa maison. Ainsi se termina la fameuse journée du 27 août de l'année 1648, connue dans l'histoire sous le nom de journée des Barricades. (L.). | |