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Groupe hospitalier
Pitié-Salpêtrière, à
Paris (XIIIe'
arrondissement).
- L'actuel Hôpital de la Pitié-Salpêtrière occupe
l'emplacement de l'ancien Hospice de la Salpêtrière, ayant
lui-même succédé à l'Hospice de la Vieillesse-Femmes
ou Hôpital général de la Salpêtrière.
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L'Hôpital
de la Salpétrière en 1904, par Joseph Dargaud.
Au commencement du règne de Louis
XIII, le nombre des mendiants et des vagabonds s'était accru
de telle sorte, que le gouvernement, les magistrats parisiens et quelques
personnes charitables cherchèrent à le diminuer en ouvrant
des asiles à ces malheureux: ainsi, en 1615, Marie
de Médicis transforma l'établissement de la Savonnerie
en hôpital pour les pauvres; en 1622, la ville de Paris acheta pour
le même objet la maison de Scipion, l'hospice
de la Pitié, etc. Tout cela devint insuffisant après
les troubles de la Fronde
et l'accroissement continuel que prenait Paris: le nombre des mendiants
s'éleva jusqu'à quarante mille, et les moyens de police étant
alors presque nuls ou réduits à quelques ordonnances du Parlement,
il devint menaçant pour la tranquillité publique.
«
Il n'était pas facile, dit Jaillot, de dissiper une foule de vagabonds
qui ne connaissaient de loi que leur cupidité, qui demandaient avec
arrogance et souvent n'obtenaient que par violence ou par adresse les secours
dont ils étaient indignes, et qui, par leur nombre ou par leur audace,
étaient capables de se porter aux plus grands excès pour
se maintenir dans leur indépendance. »
Alors, en 1656, le roi, sur la proposition
de Pomponne de Bellièvre, premier président du Parlement,
se décida à porter remède au mal. Son ordonnance de
fondation de l'hospice général des pauvres est un véritable
monument de sagesse et de dignité.
«
Comme nous sommes redevables, dit-il, à la miséricorde divine
de tant de grâces et d'une visible protection qu'elle a fait paraître
sur notre conduite à l'avénement et dans l'heureux cours
de notre règne, par le succès de nos armes et le bonheur
de nos victoires, nous croyons être plus obligés de lui en
témoigner nos reconnaissances par une royale et chrétienne
application aux choses qui regardent son honneur et son service [...].considérant
les pauvres mendiants comme membres vivants de Jésus-Christ et non
pas comme membres inutiles de l'État, et agissant en la conduite
d'un si grand oeuvre, non par ordre de police, mais par le motif de la
charité [...]. A ces causes [...]. nous ordonnons que les
pauvres mendiants valides de l'un et l'autre sexe soient enfermés,
pour être employés aux ouvrages, travaux de manufactures,
selon leur pouvoir... Donnons à cet effet, par les présentes,
la maison et l'hôpital, tant de la Grande et Petite Pitié
que du Refuge, sis au faubourg Saint-Victor, la maison et l'hôpital
de Scipion et la maison de la Savonnerie; ensemble maisons et emplacement
de Bicêtre... Voulons que les lieux servant à enfermer les
pauvres soient nommés l'Hôpital général des
pauvres; que l'inscription en soit mise, avec l'écusson de nos
armes, sur le portail de la maison de la Pitié; entendons être
conservateur et protecteur dudit hôpital-».
Les établissements indiqués
étant insuffisants pour contenir les pauvres, on éleva, d'après
les dessins de Libéral Bruant, sur l'emplacement d'une salpêtrière
bâtie par Louis XIII, l'église et les vastes bâtiments
qui existent aujourd'hui, et l'on y enferma jusqu'à cinq mille pauvres,
aveugles, enfants, aliénés, etc.; les autres se dispersèrent
ou furent renvoyés dans leurs provinces. En 1662, ce nombre était
déjà doublé; mais les directeurs, ne pouvant les nourrir,
allaient être forcés de leur ouvrir les portes, quand on se
décida à mettre les hommes à Bicêtre, à
la Pitié, etc., et à ne garder à la Salpêtrière
que les femmes et les enfants. En 1720, on y créa une maison de
travail pour huit cents orphelins, deux cent cinquante cellules pour loger
de vieux ménages, et une prison pour les femmes débauchées.
Dans les dernières années de l'Ancien
régime, le nombre de ces femmes était devenu si grand
à Paris, que chaque semaine la police en enlevait une centaine :
«
On les conduit, dit Mercier,
dans la prison de la rue Saint-Martin, et, le dernier vendredi du mois,
elles reçoivent à genoux la sentence qui les condamne à
être enfermées à la Salpêtrière. Le lendemain,
on les fait monter dans un chariot qui n'est pas couvert; elles sont toutes
debout et pressées: l'une pleure, l'autre gémit; celle-ci
se cache le visage; les plus effrontées soutiennent les regards
de la populace, qui les apostrophe;
elles ripostent indécemment et bravent les huées qui s'élèvent
sur leur passage. Ce char scandaleux traverse une partie de la ville en
plein jour. »
En 1789, la Salpêtrière était
le réceptacle de toutes les misères et infirmités
humaines: il y avait sept à huit mille femmes indigentes et autant
de détenues, des femmes enceintes, des enfants trouvés, des
fous, des épileptiques, des estropiées, des incurables de
tout genre. A partir de 1802, l'hospice fut destiné spécialement
aux vieilles femmes âgées de soixante-dix ans, ou insensées,
ou aveugles, ou accablées de maladies incurables. Il en renfermait
près de six mille. C'était alors le plus vaste hôpital
de l'Europe, ou, pour mieux dire, une ville d'hospices, qui avait ses rues,
ses quartiers, son marché, et qui se composait de quarante-cinq
corps de bâtiments ayant une superficie de trente hectares.
L'église est très belle :
c'est un dôme octogonal percé de huit arcades, sur lesquelles
s'ouvrent autant de nefs. (Th. L.). |
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