|
Abbaye
de Saint-Victor, à Paris (Ve'arrondissement).
- Ancienne et célèbre abbaye,
dont l'emplacement est représenté aujourd hui en majeure
partie par le quadrilatère qu'occupe l'université de Jussieu
(Paris VI, Paris VII, Pierre et Marie Curie), entre la Seine, les rues
des Fossés-Saint-Bernard, de Jussieu et Cuvier.
Elle avait été fondée
en 1110, pour une association de chanoines réguliers
de Saint-Ruf d'Avignon, par Guillaume de
Champeaux. Cet illustre chef de l'école de Paris, ayant été
vaincu dans les combats de la dialectique et de la théologie par
Abélard,
son disciple, se retira près d'une antique chapelle
dédiée à saint Victor, dans les champs solitaires
qui existaient entre la Seine et la Bièvre, et s'y bâtit une
retraite qui devint bientôt, par la protection de Louis
VI, une abbaye. Ses disciples l'y suivirent; il reprit ses leçons;
Abélard y vint encore engager contre lui des tournois d'éloquence,
de subtilité et d'érudition, où Guillaume fut de nouveau
vaincu; mais l'abbaye Saint-Victor n'en devint pas moins l'école
la plus florissante de la France,
et ses nombreux écoliers attirèrent la population sur la
rive gauche de la Seine, dans le voisinage de la montagne Sainte-Geneviève,
qui commença dès lors à se couvrir de rues et de maisons.
-
L'ancienne
abbaye de Saint-Victor, à Paris.
Pendant tout le Moyen âge,
cette abbaye garda sa célébrité,
avec sa règle austère et ses florissantes études.
La plupart de ses abbés ont laissé un nom dans l'histoire
de l'Église, principalement Guillaume
de Champeaux, Hugues de Saint-Victor, Richard de Saint-Victor, etc. Saint
Bernard la visita plusieurs fois et entretint avec elle des relations
continuelles. Saint Thomas de Canterbury l'habita lorsqu'il vint se réfugier
en France. Un grand nombre d'évêques de Paris,
parmi lesquels Maurice de Sully, ont voulu mourir dans cette sainte maison
et y être inhumés. Son cimetière renfermait plus de
dix mille morts, parmi lesquels le théologien Pierre Comestor, le
poète Santeul, le jésuite Maimbourg,
etc.
Cette abbaye a gardé jusqu'à
la Révolution sa réputation
scientifique : sa bibliothèque,
d'abord composée d'ouvrages ridicules, au dire de Rabelais
et de Scaliger, devint très précieuse
lorsqu'elle fut dotée, en 1652 et 1707, par deux savants magistrats,
Henri Dubouchet et le président Cousin
: elle renfermait plus de vingt mille manuscrits.
L'abbaye avait conservé de sa première fondation son cloître
percé de jolies arcades soutenues par
des groupes de colonnettes, et quelques parties de son église,
qui avait été reconstruite sous François
Ier, entre
autres un élégant clocher et
une crypte souterraine. L'enclos était
traversé par un canal dérivé de la Bièvre en
1148.
L'abbaye Saint-Victor fut supprimée
et détruite en 1790; la plus grande partie des terrains a été
attribuée à la Halle aux vins en 1808 et plus tard à
l'actuelle université.; l'autre partie
a servi à former les deux rues Guy-de-la-Brosse et Jussieu et la
petite place Saint-Victor, etc.
L'administration municipale n'a pas eu
un souvenir pour l'abbaye, dont les écoles
ont amené le peuplement de la montagne Sainte-Geneviève,
et, au lieu de donner aux rues ouvertes sur ses ruines les noms ou de Guillaume
de Champeaux, ou de Hugues de Saint-Victor, ou de Maurice de Sully,
ou même les noms plus populaires, plus mondains d'Abélard
et de Santeul, elle leur a donné ceux des fondateurs du Jardin
des Plantes. Il restait de l'abbaye, au coin de la rue de Seine, une
tour, dite Alexandre, à laquelle était adossée une
fontaine et qui jadis servait de prison
pour les jeunes nobles débauchés : elle a été
détruite en 1840 et remplacée par une fontaine monumentale
élevée à la gloire de
Cuvier
(la
Fontaine
Cuvier). (Th. L.).
-
L'ancienne
Halle aux vins, par Auguste Hibon.
Source
: musée Carnavalet.
|
|