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Paris : VIIe arrondissement Le Palais-Bourbon |
Trois siècles ont concouru à la formation du VIIe arrondissement de Paris, dit le Palais-Bourbon : le XVIIe a vu se créer les deux premiers quartiers, le XVIIIe, les deux autres, le XIXe enfin, et surtout après les Expositions universelles, a déterminé, aux abords du Champ-de-Mars, sans parler de la Tour Eiffel, un mouvement de constructions importantes, mondaines, qui ont changé les solitudes d'autrefois en un séjour fort apprécié. Le VIIe arrondissement est limité au Nord par la Seine; à l'Est, par l'axe du pont du Carrousel, de la rue des Saints-Pères et de la rue de Sèvres, qui le séparent du VIe arrondissement et du XVe arrondissement pour la partie de la rue de Sèvres, comprise entre le boulevard du Montparnasse et l'avenue de Saxe; au Sud, par l'axe de l'avenue de Breteuil, de la place de Breteuil et de la rue Pérignon; à l'Ouest, par l'avenue de Suffren. Quartier Saint-Thomas-d'Aquin. Les quais. L'ancien quai d'orsay est aujourd'hui divisé en trois parties : le quai Anatole France, le quai d'Orsay proprement dit et le quai Branly. Charles Boucher d'Orsay était prévôt des marchands lorsque, en 1704, un arrêt du Conseil d'État prescrivit l'ouverture de ce quai sur la rive gauche de la Seine, à partir de la rue du Bac jusqu'à 400 toises (200 mètres) plus bas. En 1894, le café d'Orsay, qui faisait le coin de la rue du Bac, a fermé ses portes pour ne plus les rouvrir, en dépit d'une célébrité longue et paisible, qu'Alfred de Musset avait consacrée avant de prendre ses habitudes à la Régence, et à laquelle une certaine affaire Santerre, en 1879, avait donné une note fortement pimentée. A côté, est la Caisse des dépôts et consignations, institution d'État qui date de 1816; l'entrée principale est sur la rue de Lille. Le musée d'Orsay. A l'hôtel des Mousquetaires gris, avait succédé une caserne de cavalerie placée sous le vocable de Bonaparte. Son emplacement est recouvert par la partie orientale des bâtiments de l'ancienne gare d'Orléans, devenue gare d'Orsay et, aujourd'hui, musée d'Orsay. Le beau palais de la Cour des Comptes, enfin, bâti si soigneusement par Lacornée, décoré si luxeusement des fresques de Chasseriau, a disparu à son tour. Ses ruines, encore qu'elles fussent le plus lamentable témoin de la guerre civile de 1871, avaient fini par devenir très parisiennes; les poètes les célébraient, les botanistes trouvaient une flore inconnue dans l'épaisse végétation que vingt-cinq années y avaient laissé croître; la zoologie se flattait d'y rencontrer des espèces rares, et, comme les poètes, les oiseaux y chantaient. Un hôtel terminus, contenant plus de trois cents « numéros », prit jour sur les rues de Lille et de Bellechasse. De ce fait, la rue de Poitiers (rue Potier au XVIIe siècle), qui n'avait pourtant que 20 mètres de longueur, a été raccourcie juste de moitié; entre la rue de Lille et la Seine, elle n'existe plus. La rue du Bac. La rue du Bac en eut six pour sa part, dont deux sont restées, au moins en partie : le noviciat des Jacobins, fondé en 1632, est devenu le dépôt de l'artillerie et de la marine; son église, placée sous le vocable Saint-Thomas-d'Aquin est la paroisse du quartier; le séminaire des Missions étrangères, ouvert en 1693 à l'angle de la rue de Babylone, existe toujours; sa chapelle est ouverte aux fidèles, fort nombreux dans cette région. La belle époque de la rue du Bac fut le temps de Louis XV et de Louis XVI ; le bon ton exigeait que l'on eût un hôtel au « faubourg Saint-Germain », connue autrefois à la place Royale, et la mode n'en est pas passée. Le faubourg Saint-Germain, vu par Henri Monnier (1828). Le ruisseau que regrettait Mme de Staël - si toutefois ce n'est pas de la Seine qu'elle a entendu parler - arrose des maisons qui ont presque toutes leur histoire. La rue a, d'ailleurs trouvé son historien en la personne de Charles Duplomb. Si les immeubles situés entre le quai et la rue de Lille paraissent beaucoup plus jeunes que leurs voisins, et ils le sont en effet, c'est parce que la guerre civile a passé par là. Six maisons furent « pétrolées » le 24 mai 1871, et n'ont été reconstruites que cinq ans après. Le général Schramm, qui a sa sépulture dans le petit cimetière de la Courneuve, près de Saint-Denis, où il était châtelain, habitait le n° 24 ; il y est mort le 25 février 1884. Le n° 46 représente l'hôtel de Boulogne, qui fut celui du fameux banquier Samuel Bernardin. Quelques pas plus loin, on croise le boulevard Saint-Germain. Ce point pourrait s'appeler carrefour Chappe, car au centre se dresse un monument élevé à la mémoire de l'inventeur du télégraphe aérien et auquel l'appareil contre lequel l'ingénieur est adossé donne un aspect assez singulier. Par le boulevard Saint-Germain, on accède à l'Eglise Saint-Thomas d'Aquin, et sur la même artère se trouvent l'hôtel de Chevreuse ou de Luynes (n° 202), de1640 environ, et dont il n'y a plus qu'une partie, et le ministère de l'équipement et des transports. Pour en revenir à la rue du Bac, un peu au delà de la rue de Grenelle, à gauche, était l'une des façades du couvent des Récollettes, dont l'église désaffectée (n°85) devint la salle du théâtre des Victoires nationales, puis la salle du Pré-aux-Clercs. On y dansait; depuis, on y a fait de conférences politiques et autres. Une plaque commémorative rappelle aux passants qu'au n° 108 mourut Laplace; au n° 120 une inscription analogue signale la maison mortuaire de Chateaubriand. Presque en face, commencent les constructions du Bon-Marché, dont les plus anciennes remontent à la fin du second empire. A mentionner, plus bas, un autre grand magasin de nouveautés, le Petit-Saint-Thomas, dont les parchemins remontent jusqu'à 1810. La rue de Grenelle, froide et sévère, possède une merveille au n° 57-59 : la fontaine de Bouchardon (Fontaine des Quatre Saisons), dont la construction fut ordonnée en 1639. Le Mercure de France de mai 1746 en donne une description complète sous forme de lettre de M*** à un ami de province. Nous lui emprunterons l'historique de la construction : « ... Vous êtes déjà instruit que cette fontaine est située dans la rue de Grenelle, assez près de l'endroit où cette rue se croise avec celle du Bac. Comme vous n'ignorez pas qu'il ne se trouvait aucune fontaine publique dans tout ce grand quartier, aujourd'hui si peuplé, vous comprenez aussi combien il était nécessaire qu'on en bâtit une; mais peut-être que les raisons qui ont déterminé sur le choix de la place qu'elle occupe vous sont inconnues; vous ne sçavez peut-être que ci-devant c'était un terrain vague appartenant aux religieuses récollettes, dont on pouvait faire aisément l'acquisition au lieu que, partout ailleurs, la même acquisition eùt souffert de très grandes difficultés. J'ai cru devoir vous faire en passant cette observation qui servira de réponse à eux qui critiquent un peu trop sévèrement le choix qu'on a fait de cet emplacement. Les arrangemens pris pour l'établissement de cet important édifice, M. Turgot, dont la Prévôté sera mémorable à jamais par le nombre, la grandeur et l'utilité des ouvrages dont il a embelli la capitale, et Messieurs du Bureau de la Ville, jetèrent les yeux sur M. Bouchardon, sculpteur ordinaire du Roi, dont la réputation était grande dans toute l'Europe, pour exécuter leur projet; ils lui firent faire des dessins et un modèle qui furent généralement applaudis, et l'on posa la première pierre de l'édifice sur la fin de l'année 1739. [Suit la description, trop longue pour que nous puissions la reproduire. L'auteur y remarque que] « tout y prend la forme pyramidale, si recommandée, si bien mise en pratique par le fameux Michel-Ange. De quelque côté que vous vous tourniez, quelque partie que vous embrassiez, la disposition de tous les objets vous dessine toujours une pyramide, et cependant, cet édifice est voilé avec tant d'adresse qu'il faut en être averti ou être plus qu'initié dans les arts, pour l'apercevoir. »Rappelons que le groupe de statues représente la Ville de Paris assise, ayant à ses côtés la Seine et la Marne. Au n°75 se trouve l' Hôtel de Fürstenberg, au 77, l'hôtel de Caumont et au n° 79 est l'Hôtel d'Estrées (1713), autrefois ambassade de Russie, sur laquelle Paris et le monde entier eurent les yeux fixés pendant les quatre jours d'octobre 1896, où l'empereur et l'impératrice de Russie y résidèrent. De longtemps sans doute, la paisible rue Saint-Simon ne reverra les cortèges magnifiques qui la parcoururent alors. S'il les avait vus, le grand écrivain dont elle porte le nom les aurait jugés dignes de son temps et dignes d'être décrits par lui. Disons à ce propos que Saint-Simon est né et mort dans le VIIe arrondissement : né dans un hôtel qui portait le n° 48 de la rue des Saints-Pères, et que le percement du boulevard Saint-Germain fit disparaître en 1877; mort rue de Grenelle, près de la rue de Bellechasse, dans un enclos dépendant de l'abbaye de Pentemont, dont l'église est devenue aujourd'hui un temple protestant. C'est en 1879 qu'en son honneur la rue de la Visitation fut débaptisée, le couvent dont elle rappelait l'emplacement ayant disparu depuis longtemps. En face du débouché de la rue Saint-Simon sur le boulevard Saint-Germain, le ministère de l'Equipement expose ses longues façades, sur l'emplacement des hôtels de Roquelaure et du Lude, où il a succédé au ministère de l'Agriculture. Il avait été auparavant installé dans l'hôtel de Fleury (1768), rue des Saints-Pères, dans les bâtiments occupés ensuite par l'École des ponts et chaussées. A mentionner encore dans le rue de Grenelle , au 85, l'Hôtel d'Avaray (1728), le Lycée Saint-Thomas-d'Aquin et le Musée Maillol. Les autres rues. Le square des Ménages, qui la sépare des magasins du Bon-Marché depuis 1865 ne doit pas cette domination patriarcale à une fréquentation plus spéciale d'époux unis comme Philémon et Baucis, mais simplement au fait qu'il occupe l'emplacement de l'hospice des Ménages, maison de retraite pour les vieillards mariés, ensuite transférée à Issy-les-Moulineaux. L'hôpital Laënnec n'existe avec sa destination actuelle et son nom, qui est celui d'un médecin, que depuis 1878. Avant, c'était l'hospice des Incurables fondé en ce lieu dès 1634, et qu'après la guerre on a transporté dans des locaux bien plus vastes, à Ivry. La chapelle conserve la sépulture - heureusement retrouvée en 1899 - des deux Turgot, le premier, prévôt des marchands, mort en 1751, le second. son fils, qui fut avec Necker le seul bon ministre de Louis XVI, et qui mourut en 1781. Si l'on revient à la Seine par les rues Vanneau et de Bellechasse, dont l'axe fait la limite du quartier Saint-Thomas-d'Aquin, on trouvera sans doute la promenade morose. Ces rues silencieuses, bordées de maisons ou d'hôtels bien clos et dont aucun bruit ne vient, font naître la mélancolie. On n'est pas plus calme dans la ville la plus calme de province. A signaler dans la rue de Varenne (lisez rue de la Garenne), aux numéros 47 et 53, les beaux hôtels de 47, Hôtel de Boigelin (Ambassade d'Italie) et de Matignon (résidence du Premier Ministre, remaniée sous Louis-Philippe), et n° 66, l'élégant hôtel Boucher d'Orsay (XVIIIe siècle). Egalement dans cette rue : le Lycée d'Hulst, les restes d'un portail d'église (n°16), l'hôtel Gouffier de Thoix (n°56). Rue de Lille, on trouve l'hôtel de Bernages (n° 2) qui abrite l'Institut des langues et civilisation orientales, l'hôtel du n° 1 (XVIIe siècle), au n° 64 Hôtel de Salm (Palais de la légion d'honneur), le Musée d'Orsay, la Caisse des dépôts et consignations (ces trois derniers édifices donnant aussi sur le quai Anatole-France). Rue de Solférino, on peut voir, au n°6, la maison où vécut Jules Romains entre 1947 et 1972. Rue de l'Université, sont : au n°3, l'hôtel Arselot (XVIIe siècle); au n°51, l'hôtel de Soyecourt (XVIIIe siècle); au n° 82, la maison où Lamartine vécut entre 1837 et 1853; l'étntrée méridionale du palais Bourbon. Quartier des Invalides. Au mois d'avril 1674, le roi signait un édit « perpétuel et irrévocable » aux termes duquel il fondait « l'Hôtel royal que nous avons qualifié du titre des Invalides, lequel nous faisons construire au bout du faubourg Saint-Germain pour le logement, subsistance et entretènement de tous les pauvres officiers et soldats de nos troupes qui ont été ou seront estropiés, ou qui, avant vieilli dans le service en icelles, ne seront plus capables de nous en rendre ».C'était, énoncée dans une forme assez incorrecte, la plus louable et la plus humanitaire fondation, mais l'idée n'en revenait pas à Louis XIV. Henri IV et Louis XIII avaient, avant lui, songé à ces pauvres officiers et soldats; ils leur avaient affecté le château de Bicêtre; Louis XIV eut le mérite de leur consacrer un établissement en rapport avec leurs services... et sa propre gloire. - Les Invalides, depuis le pont Alexanbdre III. (© Photos : Serge Jodra, 2009 - 2010). Le « bout du faubourg Saint-Germain » était à cette époque une simple plaine, l'ancienne garenne dont Grenelle a reçu son nom et qui; vers le Sud, s'étendait jusqu'au village d'Issy. Balayé par les vents du Sud et de l'Ouest, avant qu'il aient passé par la ville, elle était particulièrement salubre, et en conséquence fort bien choisie. Déjà, nous avons eu occasion de constater que l'architecture civile, au temps de Louis XIV, avait fourni de bien meilleurs types que l'architecture des églises. Par une heureuse exception, l'hôtel des Invalides offre dans son ensemble un rapprochement également remarquable des deux styles. L'hôtel, vu de l'extérieur, ou lorsqu'on y a pénétré, a très grand air et fait honneur à l'architecte Libéral Bruant qui l'a construit. L'église, dédiée à saint Louis, dont le même architecte avait commencé la construction et que Jules Hardouin-Mansard acheva, n'a pas cet aspect triste et froid des paroisses parisiennes bâties à la même époque : son dôme, fameux entre tous, lui assure pour toujours l'admiration non seulement du grand public, mais aussi de tous les connaisseurs. Il constitue, à vrai dire, une seconde église formant l'abside de la chapelle proprement dite, Saint-Louis-des-Invalides, qui est encastrée dans les bâtiments de l'hôtel, et il a une façade spéciale, de la meilleure architecture, ouvrant sur la place qui porte actuellement le nom de Vauban, mais qui alors formait une esplanade aussi vaste que celle de la façade opposée. Les voûtes de la coupole sont ornées de peintures de Lafosse et Jouvenet; les murs des chapelles, disposées en forme de croix grecque, portent une décoration picturale de Boullongne et de Doyen. Mais la « gloire » des Invalides, c'est le tombeau de Napoléon Ier; les étrangers, et bon nombre aussi qui ne le sont pas, inclinent à croire que la coupole a été construite pour abriter les cendres de l'Empereur et en font tort à la mémoire de Louis XIV. « Je désire, avait écrit l'exilé de Sainte-Hélène, que mes cendres reposent sur les rives de la Seine, au milieu de ce peuple français que j'ai tant aimé. »La Restauration ne pouvait guère satisfaire à ce voeu; le gouvernement de Louis-Philippe y accéda. Le 15 décembre 1840, le cercueil de Napoléon, ramené de Sainte-Hélène, était déposé dans la chapelle Saint-Jérôme, sous la coupole des Invalides, et aussitôt un concours fut ouvert entre les architectes pour le projet d'un tombeau définitif et monumental. Les plans de Visconti furent agréés; ils consistaient à ouvrir au centre de l'église, sous le dôme même, une large cavité circulaire qui ne serait pas refermée, et dans laquelle un mausolée magnifique contiendrait le cercueil rapporté en France. Les travaux durèrent longtemps, car l'inauguration solennelle du monument n'a eu lieu que le 2 décembre 1861. Napoléon III y présidait. L'esplanade des Invalides, qui offre à l'édifice une si majestueuse perspective jusqu'aux Champs-Élysées entre les pylones du pont Alexandre III, ne reçut ses six rangs de quinconces qu'en 1750, mais elle avait été créée en même temps que l'Hôtel même des Invalides. Promenade ombreuse, mélancolique, parfois peu sûre après la tombée de la nuit, elle n'offrait guère de charmes qu'aux habitants du voisinage, ce qui n'empêche qu'il y eut une levée en masse de tous les Parisiens lorsque, à l'automne de 1893, la nouvelle se répandit que la Compagnie du chemin de fer de l'Ouest allait y installer une gare tête de ligne pour ses trains de Bretagne. Une gare, dans cette forêt d'arbres et de souvenirs! La gare des Invalides a été faite, cependant, mais de façon à ne pas violer l'esthétique, car, par une ingénieuse disposition, ses bâtiments supérieurs dépassent de peu d'élévation le niveau du sol, et ont le mérite d'une réelle coquetterie. Deux séries de trains y aboutissent : ceux qui viennent de la gare Saint-Lazare par la ligne de Ceinture et l'embranchement de Courcelles au Champ-de-Mars, et ceux qui, se détachant à Versailles de la grande ligne, rejoignent la ligne des Moulineaux par une voie en partie souterraine qui passe sous les bois de Meudon et de Chaville. Pour ces derniers, la traction est électrique entre les Invalides et Versailles, en raison même du tunnel de Meudon, long de 4 kilomètres, et dont la disposition en lacets rendrait l'évacuation de la fumée presque impossible. A l'angle Nord-Est de l'Esplanade s'élève le ministère des Affaires étrangères, dont seule, la façade sur le quai d'Orsay est réellement digne, par son ordonnance à la fois élégante et majestueuse, d'un édifice où fréquentent les représentants des puissances étrangères. Il a été construit par Lacornée, le même qui avait bâti le palais de la Cour des Comptes. A côté, un peu en retrait et dissimulé par un massif de verdure, est l'hôtel du président de la Chambre, ancien hôtel de Lassay, contemporain du Palais-Bourbon, commencé en 1721 pour la duchesse de Bourbon, et auquel le prince de Condé fit apporter, à partir de 1764, tant de coûteux embellissements, lorsque, abandonnant son hôtel voisin du Luxembourg, il eut décidé de faire, à l'avenir, de celui-ci, « le palais des premiers chefs de sa maison». C'est de ce temps que date notamment la création de la place du Palais-Bourbon et la déviation de la rue de Bourgogne, qui avait été ouverte dès le commencement du siècle. Devenu Chambre des députés, puis Assemblée Nationale, le Palais-Bourbon est un des monuments les plus connus des Parisiens qui le désignent rarement sous son nom primitif, mais sa façade principale est devenue secondaire depuis qu'à la place de l'ancienne terrasse du bord de l'eau, si charmante d'après les gravures du XVIIIe siècle, Napoléon Ier fit construire par Poyet le grandiose placage d'architecture aux douze colonnes qui fait face au pont de la Concorde. Au fronton, Cortot sculpta un large bas-relief dont la France, entourée des divinités qui font sa force, occupe le centre. Au bas du perron, groupées deux à deux de chaque côté de la façade se dressent les statues quelque peu massives de Sully et du chancelier de L'Hospital, de Colbert et d'Aguesseau. Le projet d'un pont reliant la place Louis XV au Palais-Bourbon, sous le nom de pont Louis XVI, avait été approuvé en 1786. Perronet, qui, peu d'années avant, s'était illustré à bâtir le pont de Neuilly, fut chargé de cette nouvelle oeuvre. Il résulte de documents précis qu'à la fin de 1787 il avait touché 100,000 livres d'honoraires pour l'étude du plan et six mois de surveillance des travaux. Le pont ne fut achevé qu'en 1791 et sa dénomination passa par les mêmes vicissitudes que celles de la place où il conduisait. C'est en 1795 qu'il fut définitivement nommé pont de la Concorde. Il serait imprudent d'affirmer que sa construction fut achevée à l'aide de pierres provenant de la démolition de la Bastille : on n'en est rien moins que sûr. Ce qui est certain, en revanche, c'est que, en 1813. Napoléon Ier avait confié à douze sculpteurs l'exécution de douze statues de généraux, au prix de 25.000 francs chacune pour la décoration du pont. Ce projet n'eut pas de suites; la Restauration le reprit, cette fois en l'honneur de grands hommes de l'Ancien régime Condé, Duguay-Trouin, Du Guesclin, Turenne, Sully, Colbert, Suffren, Richelieu, Bayard, Du Quesne, Suger, Tourville. Les statues furent faites et installées; mais, en 1837, on dut les enlever, car leur masse excessive était fâcheuse pour l'oeil et allait même jusqu'à compromettre la solidité du pont : elles allèrent décorer la grande cour du château de Versailles, elles y sont encore aujourd'hui. Les édifices administratifs sont fort nombreux dans la partie orientale du quartier des Invalides. Le palais de la Légion d'honneur occupe le quadrilatère formé par les rues de Bellechasse et de Solferino, le quai d'Orsay et la rue de Lille. C'était l'hôtel de Salm-Salm, bâti en 1786 avec une rare élégance, encore qu'un peu mièvre. Après que Mme de Staël y eut vécu quelque temps, il fut affecté, sous Napoléon Ier même, à l'ordre de la Légion d'honneur. Les flammes, qui, en 1871, détruisaient la Cour des Comptes, ne l'épargnèrent pas, mais on a pu le réédifier avec sa grâce primitive. L'ambassade d'Allemagne occupe un bel hôtel, rue de Lille, 78. De l'autre côté du boulevard Saint-Germain, le ministère de la Défense montre, sur le boulevard, une façade relativement neuve, agrémentée d'une tour dont l'utilité est discutable, et sur la rue Saint-Dominique occupe les bâtiments de l'ancien couvent des filles de la providence ou de Saint-Joseph, fonde là en 1640. Dans la rue de Grenelle, le ministère de l'Education nationale s'est installé dans l'ancien hôtel de Navailles. Il y est mitoyen avec La mairie de l'arrondissement, établie dans L'ancien hôtel dont le maréchal de Villars avait confié la construction à l'architecte Lelion. En face de ces édifices, les bâtiments de l'Administration, bien placés à côté du ministère de l'Industrie. Plus bas, jusqu'aux Invalides, l'archevêché occupe, après l'Hôtel de Matignon, l'ancien hôtel du Châtelet, depuis que le pillage du palais voisin de Notre-Dame eut forcé l'Archevêque à chercher une autre demeure. Rue de Varenne, au 78-80, s'élève le coquet ministère de l'Agriculture. 78-80, sis dans Hôtel de Villeroy (1724). Un dossier des Archives nationales nous apprend qu'une ordonnance royale du 18 mai 1838 a autorisé « le sieur Barbet de Jouy à ouvrir une rue sur ses terrains, entre les rues de Varenne et de Babylone ». Egalement dans cette rue : au n° 66, l'élégant hôtel Boucher d'Orsay (XVIIIe siècle), au n° 72, Hôtel de Castries (1700), qui abrite le ministère fonction publique; au n° 73, l'Hôtel de Broglie (1735); au n° 77, l'Hôtel Biron (musée Rodin), anc. hôtel de la duchesse du Maine (1729) et anc. couvent du Sacré-Coeur. Quartier de l'Ecole militaire. Louis XIV avait donné l'abri des Invalides aux officiers et soldats blessés ou vieillis sous le harnois; Louis XV voulut fonder une école modèle pour former des officiers « Enfin, nous avons considéré que si le feu roi a fait construire l'hôtel des Invalides, pour être le terme honorable où viendraient finir paisiblement leurs jours ceux qui auraient vieilli dans la profession des armes, nous ne pouvons mieux seconder ses vues qu'en fondant une école où la jeune noblesse qui doit entrer dans cette carrière puisse apprendre les principes de la guerre... »L'École devait recevoir « cinq cents gentilshommes nés sans biens ». Sa construction, dans la plaine de Grenelle, fut confiée à Gabriel, le brillant architecte des hôtels de la place de la Concorde, et elle peut passer pour un chef-d'oeuvre. La façade principale sur l'avenue de la Motte-Picquet comporte une décoration de dix colonnes corinthiennes surmontées d'un entablement, également corinthien. Soucieux du beau, Gabriel a traité avec non moins de soin l'autre façade donnant sur la place de Fontenoy, que décore un monument qu'on trouvera peut-être un peu grêle pour être dédié « à la gloire des armées ». L'institution de l'École militaire n'atteignit même pas l'heure de la Révolution; supprimée une première fois en 1776, elle le fut définitivement en 1787. Depuis, la majeure partie des bâtiments a toujours été affectée au service d'une caserne. La Maison de l'Unesco se trouve au Sud de l'Ecole militaire. L'Institut national des jeunes aveugles est installé à l'angle de la rue de Sèvres et du boulevard des Invalides en 1843. La statue de Valentin Haüy est placée dans la cour d'honneur qui précède la façade. On ne pouvait mieux choisir pour honorer la mémoire de celui qui, le premier, s'ingénia et réussit à donner l'instruction, souvent même le talent, aux malheureux qui ne doivent jamais connaître la lumière. On se trouve être là dans une des régions des plus tranquilles de la ville. Il n'est pas de rues plus calmes que les rues Bertrand, Duroc, Éblé, Oudinot, malgré les noms de brillants guerriers qu'on leur a donnés, que la rue Monsieur, ouverte en 1778 sur la demande de Monsieur, frère du roi. Le couvent des Oiseaux, la maison des frères Saint-Jean-de-Dieu, d'autres monastères encore y occupent de vastes enclos; le seul bruit qu'en entende est celui des cloches, à intervalles lents et réguliers; c'est la paix des cloîtres. Rue de Sèvres on peut voir : la Fontaine du Fellah (près du métro Vanneau), la Chapelle Saint-Vincent de Paul, la Chapelle Saint-Ignace, le square Récamier, l'Hôtel Lutétia (à l'angle du boulevard Raspail) : Rue du Bac se trouve l'église Notre Dame de la médaille miraculeuse. Quartier du Gros-Caillou. Vers le milieu du XVIIe siècle, le quartier du Gros-Caillou s'appelait « marais du faubourg Saint-Germain »; son nom pittoresque lui vient d'une grosse borne qui servait à délimiter les censives des abbayes de Sainte-Geneviève et de Saint-Germain-des-Prés, propriétaires à peu près également de toute la plaine de Grenelle. Les maisons ne commencèrent à s'y grouper que sous Louis XV et c'est en 1735 qu'y fut décidée la fondation d'une paroisse. Comme aujourd'hui, les rues de Grenelle, Saint-Dominique et de l'Université étaient les principales artères du nouveau quartier; des voies secondaires les reliaient entre elles : la rue de l'Église (actuellement rue Cler), la rue de la Vierge, absorbée par l'avenue Bosquet, la rue Saint-Jean ou des Cygnes, devenue rue Jean-Nicot. Entre le pont des Invalides et le pont de Bir-Hakeim, qui bien entendu, n'existaient pas alors, la Seine formait une île qui s'appelait depuis Louis XIV île des Cygnes parce que le roi l'avait affectée à la résidence de quelques-uns de ces gracieux oiseaux, et qu'il ne faut pas confondre avec l'île des Cygnes actuelle, située entre le pont de Bir-Hakeim et le pont de Grenelle. L'entreprise de réunir la première à la terre ferme, en même temps que le prolongement du quai d'Orsay, fut commencée en 1773, mais des contestations de propriété entre la Ville et l'État, les événements politiques aussi, firent qu'elle ne fut achevée qu'en 1813. L'église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, Rue Saint-Dominique, a été reconstruite, de fond en comble, sur l'emplacement de l'ancien édifice, de 1822 à 1823, par Godde. C'est un monument insignifiant. Le pont des Invalides date de Charles X, sous le nom de pont d'Antin. C'était alors un pont suspendu, en fil de fer : il a été refait, en pierre, en 1855 et réédifié presque entièrement en 1881 à la suite d'une débâcle de glaces survenue en 1880. La construction du pont d'Iéna fut commencée en 1809 et achevée quatre ans plus tard. Son nom faillit le perdre. Lorsque les Prussiens entrèrent dans Paris, en 1814, le feld-maréchal Blücher ordonna de faire sauter à la mine un monument dont le vocable était une insulte à sa nation. Louis XVIII, qu'au même moment, pourtant, les alliés réintégraient, sur le trône, eut le grand mérite de s'opposer avec la dernière énergie à cet acte de vandalisme. Il écrivit sur-le-champ au roi de Prusse un billet des plus courageux : «... Je prie V. M. d'interposer son autorité; c'est une grâce que je lui demande. Si toutefois vous ne vouliez pas me l'accorder, je me bornerai à vous inviter à me faire savoir l'heure où l'on fera sauter le pont, pour que j'aille me placer au milieu. »Cette patriotique menace produisit son effet et le pont fut épargné. Une ordonnance royale du mois de juillet suivant lui donna le nom de pont des Invalides. Il redevint pont d'Iéna sous Louis-Philippe. En 1853, on a placé à chacune de ses entrées deux groupes d'écuyers : un grec, un romain, d'une part; un arabe, un gaulois, d'autre part, maîtrisant des chevaux. Ce sont des oeuvres médiocres et crues. La description du Champ-de-Mars, les destinations si diverses qu'il a reçues depuis près de deux cent cinquante ans demanderaient, pour être exposées en détail la matière d'un volume. Long de 985 mètres, large de 423, il fut d'abord le champ de manoeuvres affecté aux exercices de l'École militaire. En 1790, pour la fête de la Fédération, on le borda de talus en terre; les douze mille ouvriers employés à ce travail ne suflisant pas à la tâche, ce furent les habitants eux-mêmes de Paris et des environs qui vinrent les aider à l'achever pour la date voulue, et l'on sait quel enthousiasme indescriptible recueillit cette première grande fête pacifique de la Révolution. La Fédération y fut commémorée encore en 1791 et en 1792... La même année, quand la patrie fut proclamée en danger, c'est au Champ-de-Mars que les volontaires accoururent pour se faire enrôler en foule. Puis, ce furent, jusqu'à l'Empire, les fêtes républicaines de la Liberté,de l'agriculture, la pompe funèbre en l'honneur de Hoche. Une exposition des produits de l'industrie (la première exposition française qui ait eu lieu) s'y ouvrit le 19 septembre 1798. Napoléon Ier,y vint deux fois en grande solennité : le 5 décembre 1804 pour distribuer les aigles à l'armée, le 2 avril 1815 pour présider au banquet offert, en l'honneur du retour de l'île d'Elbe, à la garde nationale par la garde impériale. Pendant la Restauration et sous Louis-Philippe, les revues de la garde nationale se passèrent au Champ-de-Mars. Entre temps, on y faisait des courses de chevaux. Le second Empire y convoqua aussi, pour des revues solennelles, les troupes de la garde impériale et de la garnison de Paris. L'Exposition universelle de 1867, la seconde de ce genre qui ait eu lieu à Paris, se tint pour la première fois au Champ-de-Mars; le Palais de l'Industrie avait suffi à la première, celle de 1855. Déjà, il faut remonter loin dans le cours des souvenirs, ou consulter les documents contemporains pour se rappeler son élégant palais de forme elliptique et le parc si coquet qui l'entourait. Dès lors, la période undécimale des expositions universelles était créée, beaucoup par le hasard. L'Exposition de 1878 n'eut au Champ-de-Mars, comme celle de 1867, que des constructions éphémères. Il était réservé à celle de 1889 de doter ce terrain de quelques monuments stables, et par suite, de nécessiter sa désaffectation définitive comme terrain militaire, dépendant jusque-là du ministère de la Guerre. C'est de ce temps que datent la tour Eiffel et la galerie des Machines, qui, à des titres divers, mais réalisant toutes deux le triomphe de la métallurgie, sont restées des constructions infiniment curieuses à visiter. Au commencement de l'année 1886, Gustave Eiffel, ingénieur civil, fit agréer par le gouvernement le projet d'élever au Champ-de-Mars, pour l'Exposition de 1889, et cela à ses risques et périls, une tour toute de fer, haute de 300 mètres, c'est-à-dire dépassant de 125 mètres le monument le plus élevé du monde entier, la tour de Washington. Quand le dessin en fut produit dans le public, il y eut de nombreuses protestations d'artistes et d'écrivains, déclarant qu'une pareille construction déshonorerait la beauté de Paris. Si à l'Exposition de 1889, la métallurgie avait triomphé, En 1900, le Champ-de-Mars aura assisté à la gloire de l'électricité. Elle y aura fait merveilles par son pouvoir à transmettre la voix et la lumière, à transporter les fardeaux, à entraîner les véhicules. |
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