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Paris
: VIe arrondissement
Le Luxembourg |
Le
VIe
arrondissement de Paris participe de ses
deux voisins, le Ve
et le VIIe.
Au quartier latin il ressemble par l'animation, la vie tour à tour
studieuse et bruyante, les établissements d'enseignement, la résidence
des professeurs et de leurs élèves. De l'austère VIIe,
il tient, au contraire, par le calme, les rues longues et silencieuses.
Le Jardin
du Luxembourg est le terrain neutre où
ces deux mondes s'approchent, sans se confondre.
La superficie de l'arrondissement, dit Le Luxembourg, est de 211 hectares. Ce n'est pas la moyenne, car seuls les quatre premiers arrondissements lui sont inférieurs en territoire. Ses limites sont formées : à l'Est, par le boulevard Saint-Michel; au Sud, par le boulevard du Montparnasse, dans toute sa longueur; à l'Ouest, par l'axe de la rue de Sèvres entre le boulevard du Montparnasse et la rue des Saints-Pères, et l'axe de cette dernière rue; au Nord, par le milieu de la Seine entre le pont du Carrousel et le pont Saint-Michel. Quartier de la
Monnaie.
L'enceinte de Philippe-Auguste l'enferma dans Paris; c'est dire qu'il était bâti déjà, puisqu'il avait besoin de protection. La muraille partait de la Seine, juste en face de l'extrémité de la colonnade du Louvre et dans la direction du Nord-Ouest au Sud-Est, atteignait la rue Saint-André-des-Arts, où était la porte de Buci, entre le carrefour Buci et la rue Mazet. Cette dernière ne porte que depuis 1567 ce nom, qui est celui d'un médecin; avant, c'était la rue de la Contrescarpe-Saint-André, ce qui suffisait à expliquer aux gens du quartier le tracé de l'enceinte. Au point où le mur coupait la rue Dauphine (qui n'existait pas alors) était une porte, qui fut démolie en 1673, comme obstacle à la circulation. On peut encore voir, plutôt que lire, car elle est bien effacée, l'inscription qui fut apposée, l'année même, sur la maison portant le n° 44 de la rue Dauphine, pour constater cette démolition. Et c'est à l'honneur de l'ancien temps, lorsque n'existaient ni le comité des Inscriptions parisiennes, ni la commission du Vieux Paris, que les échevins aient songé à marquer pour la postérité un fait historique. Pourquoi leurs ancêtres n'eurent-ils pas la même sollicitude à nous transmettre par la voie lapidaire ce qu'ils savaient de la tour de Nesle? La tour fameuse entre toutes, qui précisément commençait l'enceinte sur la rive gauche. Ce que nous en savons, nous, est, hélas! un peu insuffisant ou douteux, Elle s'appelait, à l'origine de sa construction, Tour de Philippe-Hamelin. A la fin du XIIIe siècle, un certain Amaury de Nesle s'étant fait construire un hôtel dont les bâtiments s'adossaient à l'enceinte de la ville et dont les jardins débordaient sur la campagne, la tour et l'hôtel prirent le nom de leur propriétaire. Ils le gardèrent après avoir passé, en 1308, à Philippe le Bel, puis, en 1319, à Philippe le Long et à sa femme, Jeanne de Bourgogne. Et maintenant, à laquelle des reines de ce temps attribuer les moeurs aussi dépravées que criminelles que l'on sait? Laquelle attirait les Buridans de l'Université, les recevait dans sa propre chambre pour, le matin venu, les faire précipiter du haut de la tour dans la Seine? Il nous sera permis de n'en pas croire là-dessus les auteurs du célèbre mélodrame, ni même Brantôme, qui écrivait, deux cents ans après les faits, ni même Villon, dont les souvenirs n'étaient pas non plus d'un contemporain, lorsqu'il dit, avec un point d'interrogation : Semblablement où est la RoyneLe doute doit profiter à l'accusée; il se pourrait bien que les crimes de la tour de Nesle ne fussent qu'une légende, bonne pour les théâtres de drames. Par la suite, le « séjour » de Nelle se transmit à divers propriétaires, dont les noms sont connus dans l'histoire : les ducs de Nevers, Marie de Gonzague, la famille de Guénégaud, les princes de Conti. C'est à cette dernière famille qu'il appartenait lorsqu'en 1750 la ville de Paris résolut de l'acquérir pour en faire son hôtel de ville. Pourquoi elle y renonça, on l'ignore. Sur ces entrefaites, le roi avait décidé de faire construire l'hôtel de la Monnaie sur la place de la Concorde (alors place Louis XV) que décoraient déjà les deux belles façades édifiées par Gabriel. La Monnaie était, en effet, fort mal à l'aise dans ses vieux bâtiments de la rive droite de la Seine entre le Pont Neuf et la rue de Rivoli (l'actuelle rue de la Monnaie en rappelle le souvenir). Ce projet fut également abandonné pour la raison, assez juste alors, que « l'établissement se trouverait bien éloigné du centre de la ville, » et - disent les lettres patentes - « que les orfèvres et autres correspondants aux monnoies seroient obligés de perdre un temps considérable pour y porter leurs ouvrages et matières... »Ces lettres sont datées du 16 avril 1708. Quelques mois après, la démolition de l'hôtel de Conti était entreprise, et, le 30 avril 1771, la première pierre de l'Hôtel de la Monnaie fut posée. Les plans de l'édifice avaient été dressés par l'architecte Jacques-Denis Antoine; il en poussa rapidement l'exécution, qui ne fut pas achevée, cependant, avant 1779, car les fonds avaient manqué pour accomplir certains travaux supplémentaires. A vrai dire, le monument ne vaut guère que par sa façade, d'une ordonnance sévère jusqu'à en être glaciale, et par l'harmonie de la grande salle du premier étage, où, depuis 1832, est installé le musée des monnaies et médailles. L'escalier qui y conduit n'est pas non plus sans majesté, mais tout le reste de la construction est sombre, bas de plafond, visiblement sacrifié à l'aspect extérieur. Plus d'un siècle
avant, dès 1663, la tour de Nesle
était tombée, et avec elle la plus grande partie de la forte
muraille de Philippe-Auguste, inutile et devenue gênante. C'est que,
par testament du 6 mais 1661, le cardinal Mazarin,
pris, devant la mort, de quelque pudeur à s'être scandaleusement
enrichi aux dépens de la France,
avait décidé la fondation d'un collège et d'une académie
où seraient élevés 60 écoliers. Or, on était
assez embarrassé de trouver l'emplacement suffisant pour cette fondation
du collège des Quatre-Nations,
que le roi voulait grandiose, et ce n'est qu'après plusieurs hésitations
que l'on s'était arrêté à l'emplacement des
anciennes dépendances de l'hôtel de Nesle. Levau conçut
le plan de l'édifice en 1665; les bâtiments commencèrent
à s'élever aussitôt; ils nous ont été
conservés presque intacts, tels que l'Institut
les occupe aujourd'hui; il est donc loisible d'en admirer la lourdeur,
le manque de grâce.
L'Institut, vu depuis la rue de Seine. La Révolution supprima l'oeuvre créée par Mazarin, moins cependant sa très riche bibliothèque, qui occupe encore aujourd'hui l'aile gauche du palais, et est construite précisément sur l'emplacement de la tour de Nesle; le tombeau du cardinal, oeuvre de Coysevox, qui ornait la chapelle, fut transféré au musée des Monuments français (d'où, plus tard, on l'a installé au musée de Versailles). La façade centrale de l'Institut, sur le quai Conti, est décorée, si l'on peut ainsi parler, de lions d'aspect bête et piteux, coulés en fonte et tout, à fait mal à leur place. Peints en vert, ils servaient d'ornements à une fontaine disparue anjourd'hui; d'où ce plaisant quatrain fait contre eux : Superbe habitant du désert.Le quai Conti est orné de deux statues : celle de la République, par Soitoux, oeuvre de 1848, proscrite naturellement par l'Empire, installée en face de l'Institut, le 14 juillet 1880, et celle de Condorcet, par Jacques Perrin, inaugurée le 14 juillet 1894, pour le centenaire de la mort tragique de ce savant. Bonaparte, alors qu'il sortait de l'école de Brienne et n'était qu'un modeste sous-lieutenant d'artillerie, habita au quai Conti une mansarde de la maison située à l'entrée de l'impasse qui sépare la Monnaie de l'Institut. Cette maison était l'hôtel de Sillery; elle portait alors le n° 5 du quai Contli; elle y est aujourd'hui numérotée 9. La rue Dauphine, ouverte en 1607, doit son nom au dauphin qui fut Louis XIII, né en 1601. Le 27 octobre 1792, un arrêté du conseil général de la Commune lui donna le nom de rue de Thionville. Rien de plus naturel. Un arrêté préfectoral du 27 avril 1814 lui restitua son premier nom. Entre la rue Dauphine et la place Saint-Michel, se trouve tout un réseau de rues vieillottes où le passant est surpris de rencontrer fréquemment des constructions d'assez grand air, la plupart occupées aujourd'hui par des commerces. Il y en a dans la rue Christine (du nom d'une soeur de Louis XIII), dans la rue de Savoie (la princesse Christine, épousa un duc de Savoie); les rues Saint-André-des-Arts et des Grands-Augustins en sont pleines. L'église Saint-André-des-Arts, très ancienne paroisse de cette région, démolie pendant la Révolution, était située à l'extrémité orientale de la rue qui porte son nom, à l'angle de la rue Suger, dénommée jadis rue du Cimetière-Saint-André. Quant à la rue des Grands-Augustins, elle doit son nom, ainsi que le quai, au couvent d'Augustins, qui s"était établi au bord de la Seine en 1293, maison importante entre toutes, où eut lieu, le 1er janvier 1579, l'institution de l'ordre du Saint-Esprit. Elle devint en 1812, le siège d'un marché à la volaille qu'on appelait marché de la Vallée, qui disparut à son tour. Ce qui en resta servit un temps de dépôt à la Compagnie des omnibus. La rue du Pont-de-Lodi fut ouverte en 1798, sur une partie de l'emplacement resté libre de l'ancien couvent, que la Révolution avait fermé. Le percement, en 1899, de la rue Danton (dont l'amorce, sous le nom de boulevard Saint-André, datait du commencement du second Empire) a fait disparaître un coin bien curieux du vieux Paris : la rue des Poitevins, si étroite, si peu praticable aux voitures, mais si pittoresque et féconde en souvenirs : l'hôtel de Thou, la maison Panchoucke et cette célèbre pension Laveur, où tant d'hommes politiques ont fait l'apprentissage de leur talent oratoire. Du même coup, la pioche a fait tomber les bâtiments de l'ancien collège Mignon, devenu tour a tour mairie de l'arrondissement, puis imprimerie. La fontaine
Saint-Michel fait assez bel effet sur la place et à l'entrée
du boulevard de ce nom. Elle date de 1860 et a eu pour architecte Davioud.
En suivant, la rue Saint-André-des-Arts, nous passerons devant le lycée Fénelon, le premier en date des lycées qui ont d'abord été destinés aux jeunes filles, ouvert en 1883, dont on a reconstruit somptueusement les facades de 1893 à 1895. Un peu plus haut s'ouvre le passage du Commerce, où Sainte-Beuve, jeune et pauvre, vécut dans une mansarde. L'annexe du passage qui s'ouvre à gauche et se continue par la rue du Jardinet se nomme Cour de Rohan - il faudrait dire Rouen, puisque là était l'hôtel des archevêques de celle ville; on y voit encore un important fragment d'une tour de la muraille de Philippe-Auguste. La rue Mazarine abonde en maisons historiques : aux numéros 12 et 14 l'ancien jeu de paume où la troupe de Molière ouvrit l'Illustre Théâtre en 1643; au 42, l'ancien théâtre Guénegaud, successivement, de 1671 à 1689, Opéra, Théâtre de Molière et du Marais, réunis après la mort de Molière, enfin Comédie française. Au 33, la maison où l'intelligent comédien du Périer créa le premier hôtel parisien de pompiers. Quant à la rue de l'Ancienne-Comédie, elle n'est ainsi nommée que depuis 1834, en souvenir du théâtre de la Comédie Française, qui s'y tint de 1689 à 1700. Cétait la rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, et, plus modernement, rue de la Comédie. Rue André-Mazet,
le restaurant Magny, fameux par ses dîners d'intellectuels (Renan,
Flaubert,
les Goncourt,
Berthelot,
etc.) en a disparu à la fin du XIXe siècle, mais
on pouvait y voir encore quelques années plus tard une curiosité,
l'auberge du Cheval-Blanc, la dernière peut-être des auberges
du centre de Paris, avec cour, remises, écuries, poules qui picoraient,
dindons qui gloussaient,
Théophile Gautier
ne s'en serait-il pas inspiré Pour décrire l'hôtellerie
de la rue Dauphine, où il
a installé ses comédiens du Capitaine Fracasse?
Quartier de l'Odéon.
Ce quartier de Paris est placé sous
le vocable du Théâtre
de l'Odéon. Nous ne chicanerons pas là-dessus l'édilité
parisienne; elle aurait sans doute choisi la dénomination : quartier
du Luxembourg, si elle ne l'avait donnée à l'ensemble de
l'arrondissement. Elle aurait pu tout aussi bien adopter pour ce quartier
le patronage de Saint-Sulpice
ou de l'Ecole de médecine. Au fond, peu importe. L'Odéon,
il faut pourtant bien le dire, est un tard venu dans ces parages, qui,
depuis le commencement du XVIIIe siècle,
étaient occupés par l'hôtel des princes de Bourbon
(les rues de Condé et Monsieur-le-Prince
n'ont pas d'autre étymologie que ce voisinage). Vers 1770, le prince
Henri
de Bourbon ayant fixé sa résidence au Palais-Bourbon,
aujourd'hui Assemblée Nationale, qui appartient au VIIe
'arrondissement, les terrains
de l'hôtel de Condé devinrent libres, et, par lettres patentes
du 30 juillet 1773, le
L'avenue de l'Observatoire, dans le prolongement du Jardin du Luxembourg. Le premier projet consistait à bâtir la nouvelle salle sur l'emplacement du carrefour actuel de l'Odéon. Des lettres patentes, du 10 août 1779, décidèrent qu'il était préférable "de la placer dans la partie la plus voisine du Luxembourg, afin que, plus rapprochée du palais que nous avons donné à notre très cher et très amé frère, Monsieur, pour son habitation et celle de notre très chère et très amée soeur Madame, elle soit un nouvel agrément pour leur habitation, en même temps que pour nos sujets qui, avant d'entrer, ou en sortant du spectacle de la Comédie-Française, auront à proximité une promenade dans les jardins du Luxembourg."L'édifice fut achevé en 1782, sous la direction des architectes Peyre et de Wailly. La place de l'Odéon, qui s'étend devant sa façade, fut conçue sur un plan circulaire, de façon à s'harmoniser avec l'édifice; deux portiques le reliaient aux deux maisons d'angle de cette place, au coin des rues Corneille et Rotrou; ils ont disparu depuis longtemps. Le café
Voltaire se trouvait sur cette place; une grande maison d'édition
en occupe aujourd'hui les locaux. Vis-à-vis la maison où
il se situait est celle qu'habitait Camille Desmoulins
en 1792.
Au XVIe siècle, le duc de Piney-Luxemboug, prince de Tingry, avait fait bâtir sur l'emplacement du palais actuel un hôtel qui porta le nom de Palais du Luxembourg. Marie de Médicis l'acheta, après la mort de Henri IV, en 1612. Jacques Debrosse édifia, sur un plan rappelant le palais Pitti de Florence, une majestueuse demeure : pour retrouver l'ordonnance conçue par l'architecte, il faut supprimer par la pensée l'avant-corps de logis, bâti sous Louis-Philippe, sur la façade du jardin et les deux pavillons qui le flanquent. Marie de Médicis appela Rubens pour le décorer. Poussin et Philippe de Champaigne contribuèrent aussi l'embellir. La magnificence des jardins du Luxembourg dessinés par J. Debrosse répondait à l'ordonnance des bâtiments; on doit aussi à cet architecte la Fontaine de Médicis, pour laquelle la régente fit construire à Arcueil un aqueduc destiné à amener au Luxembourg les eaux de la fontaine de Rungis. En partant pour l'exil,
Marie
de Médicis céda son palais à Gaston
d'Orléans. Après Gaston, Mlle de Montpensier, puis Elisabeth
de Guise, ses deux filles, le possédèrent successivement;
la dernière le donna à Louis XIV.
Le duc d'Orléans, régent, y logea sa fille, la duchesse de
Berry.
Sous la Révolution, le Luxembourg devint une prison La Ferté, Beauharnais, David, Danton, Camille Desmoulins, Héraut de Séchelles, y furent enfermés. En 1795, le Directoire tint ses séances : les cinq directeurs habitèrent le Petit-Luxembourg. Au l8-Brumaire, le Palais du Directoire devint le Palais du Consulat; bientôt après, un décret du conseil des Cinq-Cents fit du Luxembourg le palais du Sénat conservateur. Louis XVIII y établit la Chambre des pairs. Depuis la Révolution, les jardins du Luxembourg eurent de vastes accroissennents aux dépens du couvent des Chartreux et par l'annexion de la pépinière qui en dépendait. Vers la fin du second Empire, furent effectués de nombreux remaniements : l'avenue de l'Observatoire fut convertie en squares: la fontaine rustique de J. Debrosse (fontaine Médicis), dut être déplacée, et elle fut décorée de sculptures d'Ottin. Des statues et des groupes, dus pour la plupart à des artistes du XIXe siècle, concoururent à l'ornementation des jardins. Quant au palais lui-même, sous Louis-Philippe, et pour les besoins de la cour des pairs, la grande galerie occupée par les tableaux de Rubens, dans l'édifice de Debrosse, fut détruite, et Chalgrin construisit sur son emplacement le grand escalier d'honneur, orné de statues des généraux et des législateurs célèbres de la période révolutionnaire. Le Sénat a repris possession du palais, en 1879. Le musée du Luxembourg était autrefois installé dans l'aile du palais la plus proche de l'Odéon; en 1887, on l'a transféré dans l'orangerie du jardin, sise à l'Ouest du Petit-Luxembourg, avec entrée spéciale sur la rue de Vaugirard, vis-à-vis de la rue Férou. A l'extrémité opposée
du jardin du Luxembourg, sur
lequel elle fait une emprise, l'École des mines a sa façade
principale sur le boulevard Saint-Michel. Sa fondation est antérieure
à la Révolution, mais,
telle qu'elle fonctionne maintenant, elle est en quelque sorte une école
complémentaire de l'École polytechnique, dont elle reçoit
les premiers élèves sortants.
Le boulevard Saint-Michel ne date que du second Empire. Si l'on regarde un plan antérieur, on se rend compte que la voie de communication à laquelle il s'est avantageusement substitué était la rue de la Harpe. Au carrefour, resté sans dénomination, que forment le boulevard, les rues de Médicis, Monsieur-le-Prince et Soufllot, était l'ancienne porte Saint-Michel, de l'enceinte de Philippe-Auguste, porte détruite en 1684 et remplacée alors par une place dite de Saint-Michel, où il y avait une fontaine et un marché. L'enceinte suivait le tracé de la rue Monsieur-le-Prince, nommée jadis, pour cette raison, rue des Fossés-Monsieur-le-Prince. Sur le boulevard Saint-Michel, le lycée Saint-Louis cache, derrière une façade monumentale, les bâtiments beaucoup moins beaux du collège d'Harcourt, auquel il a succédé. Ses titres de fondation sont vénérables, car ils datent de 1280. On ne songeait guère alors à la rue Racine; elle ne fut percée qu'en 1779, pour servir de dégagement à l'Odéon jusqu'à la rue Monsieur-le-Prince, son prolongement jusqu'à la rue de la Harpe ne date que de 1826. En revanche, la rue de l'Ecole-de-Médecine existait dès le Moyen âge sous le nom de rue des Cordeles ou des Cordeliers, parce que le couvent des Cordeliers, célèbre au Moyen âge, plus célèbre encore comme club révolutionnaire, y était situé. De ses bâtiments est restée debout une belle salle du XVe siècle, le réfectoire des religieux, devenu musée Dupuytren, mais les constructions annexes de l'École de médecine l'ont si complètement enveloppée qu'il est bien difficile maintenant de l'apercevoir du dehors. En face, s'ouvre la rue Hautefeuille, qui a conservé une gracieuse tourelle en encorbellement. L'École de médecine - qui est occupée aujourd'hui par la Faculté de médecine de l'Université de Paris V, à laquelle est accolé le musée de l'histoire de la médecine - a remplacé l'ancienne Académie royale de chirurgie, qui elle-même, en 1769, ayant occupé le terrain de l'ancien collège de Bourgogne, y avait fait aussitôt construire par l'architecte Gondouin le bâtiment central, en façade sur la place. Cet édifice suffit longtemps aux besoins de l'art d'Hippocrate, mais, depuis les années 1880, des agrandissements considérables ont été jugés nécessaires, si bien que les bâtiments couvrent tout le quadrilatère irrégulier formé par les rues de l'Ecole-de-Médecine et Hautefeuille d'une part, le boulevard Saint-Germain d'autre part, sans parler de l'Ecole pratique, construite de l'autre côté de la rue de l'Ecole-de-Médecine, chez les anciens Cordeliers (aujourd'hui Faculté de Médecine Broussais-Hotel-Dieu, Paris VI). Tout cela constitue un amas sérieux de pierres de taille. On n'en meurt pas moins sûrement, mais plus tard, ce qui est appréciable pour certains, avec moins de souffrances, ce qui est appréciable pour tous. La partie occidentale de ces constructions a fait disparaître une notable partie de la rue de l'École-de-Médecine (on y voyait une assez jolie fontaine), l'extrémité du passage du Commerce, où demeurait Danton, la maison où Marat fut assassiné par Charlotte Corday. Sur le terre-plein du boulevard Saint-Germain, à quelques mètres l'une de l'autre deux statues : celle de Broca, par le sculpteur sourd-muet Choppin; celle de Danton, oeuvre de A. Pâris, élevée le 14 juillet 1891, sur l'emplacement même de la maison qu'habitait le puissant orateur. Un peu plus loin, à l'angle de la rue Grégoire-de-Tours, une jolie construction attire les regards, c'est l'Hôtel du Cercle de la librairie. On ne sera pas surpris qu'elle ait si bonne mine lorsqu'on saura qu'elle est signée Charles Garnier. Au delà de la rue de Seine, le marché Saint-Germain représente à peu près l'emplacement de la foire Saint-Germain, qui donna tant de divertissements au bon. peuple de Paris. Elle avait été concédée, en 1482 à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, toujours, un quête de ressources nouvelles. Purement commerciale à l'origine elle perdit ce caractère durant la seconde moitié du XVIe siècle et devint simplement un lieu de plaisir, d orgies même durant sa tenue annuelle, qui coïncidait avec le carnaval. On y jouait un jeu infernal, ou s'y battait, les femmes honnêtes y jetaient leur bonnet par-dessus les moulins, les filles de joie faisaient fortune, le tout sous l'oeil paternel du bailli des religieux, lequel ne verbalisait que lorsque le scandale était par trop grand; mais le moyen de se fâcher quand Henri III, le roi lui-même, donnait le signal des pires folies! Cela dura, avec des périodes de calme et des péripéties diverses, jusqu'au printemps de l'année 1762, où les bâtiments de la foire brûlèrent. On tenta de les reconstruire, mais la vogue était partie; la foire mourut d'inanition après le carnaval de 1786. Un décret des 1811 prescrivit la construction d'un marché sur cet emplacement. Il fut ouvert en 1818. Toutes les rues environnantes portent des noms de Bénédictins de Saint-Germain-des-Prés, qui se sont illustrés dans la science historique. Dès le commencement du XIIIe siècle, une église paroissiale, placée sous le vocable de saint Sulpice, existait dans le faubourg de Paris construit au Sud de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. L'édifice fut reconstruit au XIVe siècle et agrandi sous François Ier, mais sa reconstruction fut jugée nécessaire au commencement du règne de Louis XIV. On adopta les dessins de l'architecte Christophe Gamart, et Anne d'Autriche posa la première pierre du monument actuel le 20 février 1646. Les travaux, longtemps suspendus, ne furent repris que sous Louis XV, et achevés sur les plans de Servandoni, en 1745. L'édifice est majestueux, mais sans beauté réelle; les tours du portail sont de construction dissemblable, la plus grande à 70 mètres de haut. On remarque dans le transept septentrional un petit monument en forme de pyramide, marquant le passage en ce point de la méridienne de Paris. Un élément dont l'écrivain Dan Brown, auteur du Da Vinci Code, a su faire une usage habile dans son roman. Le centre de la place Saint-Sulpice est occupé par une fontaine monumentale d'un style bien froid, placée là en 1847. C'est l'oeuvre de Visconti, qui fut souvent mieux inspiré. Elle est divisée en quatre arcades contenant les statues de Fléchier, Bossuet, Massillon et Fénelon. La longue façade du séminaire diocésain, construit en 1820, n'est pas faite pour donner de la gaieté à la place. L'angle Sud-Ouest est occupé par la mairie de l'arrondissement, édifiée en 1853, dans le style administratif; de 1886 à 1889, on lui a ajouté une façade du même goût sur la rue Madame. Bien tristes aussi sont les rues qui avoisinent
l'église. Rue Servandoni, 15, est la Maison où Condorcet,
proscrit, trouva un asile pendant huit mois. Il y écrivit sa dernière
oeuvre : Esquisse des progrès de l'esprit humain.
Sa tête était mise à prix; pour ne pas compromettre
sa protectrice, il s'enfuit sous un déguisement; mais, reconnu à
Clamart, incarcéré dans la geôle du district de Bourg-la-Reine,
il s'y donna la mort en absorbant, un violent poison contenu dans le chaton
de sa bague.
Quartier Notre-Dame-des-Champs
Lorsqu'il s'agit de doter le quartier d'une paroisse, on trouva donc tout naturel de la mettre sous le vocable qui y était déjà connu. C'était en 1858. Quelques anciens se rappellent encore l'église en bois, lrrévérencieusement surnommée Notre-Dame-des-Planches, qui alors fut construite rue de Rennes; il était convenu que ce n'était que provisoire; ce provisoire dura cependant jusqu'en 1876, date à laquelle l'église actuelle de Notre-Dame-des-Champs, sur le boulevard Montparnasse, fut livrée au culte. Elle a été construite dans le style roman, par Ginain. Quant à l'autre, on a eu le bon esprit de ne pas la laisser plus longtemps exposée aux regards; les maisons 153 et 155 de la rue de Rennes sont bâties sur son emplacement. Un si paisible quartier devait naturellement
attirer les gens d'étude. Beaucoup s'y sont fixés, y vivent
encore; nous ne parlerons que des morts. La rue
d'Assas est féconde en illustrations de ce genre. La maison
du n° 28, porte une Iongue inscription rappelant que sur cet emplacement
était l'hôtel possédé par Léon
Foucault, et où il mourut, le 9 février 1868; que c'est
là qu'en 1851 il avait fait la célèbre expérience
établissant la rotation de la Terre
par l'observation du pendule. Au n° 44 (ancien 12 de la rue de l'Ouest)
est mort Émile Littré, le 2 juin
1881; même rue, au n° 76, demeurait Michelet;
c'est dans le Midi, à Hyères, qu'il mourut, mais c'est de
là que partit le grandiose cortège de ses funérailles
civiles. Rue du Montparnasse,
n° 11, demeurait et mourut Sainte-Beuve,
le 13 octobre 1869; lui aussi eut un enterrement civil qui fit grand bruit.
Un peu plus haut, de l'autre côté de la rue, au n° 32,
est une belle maison où Edgar Quinet était
venu demeurer en 1840 et que le coup d'État de 1851 lui fit abandonner...
La rue de Rennes. Au fond : la tour Montparnasse. Parmi toutes les voies de ce quartier, deux seulement offrent quelque animation : la rue de Sèvres et la rue de Rennes; les autres offrent toutes ce caractère de mélancolie que nous signalions tout à l'heure. De la rue de Sèvres, mitoyenne avec le VIIe.arrondissement, peu de choses à dire : au n° 11, la grande maison-caserne qui fut jadis le couvent des Prémontrés; puis, en continuant vers la périphérie, d'autres couvents encore, alternant avec des habitations populeuses et bruyantes. La rue de Rennes, elle, est gaie et vivante dans toute son étendue et en tout temps; c'est une des plus grandes artères de la rive gauche, d'abord parce qu'elle conduit à la gare et à la tour Montparnasse, et aussi qu'elle aboutit à ces quartiers de Montrouge et de Montparnasse. Les rues adjacentes nous retiendront peu : la plus ancienne est la rue de Vaugirard, si longue, si triste dès qu'on a franchi les gais parages du Luxembourg. Une maison religieuse y est restée, c'est l'ancien couvent des Carmes (à l'angle de la rue Cassette qui doit son nom à l'hôtel de Cassel); il remontait au XVIIe siècle. La chapelle, dite des Martyrs, a été construite en commémoration du massacre qui fut fait dans ce couvent, en septembre 1792, de plus de cent prêtres détenus pour n'avoir pas voulu prêter le serment constitutionnel. L'Institut catholique occupe aujourd'hui une partie de ceux d'un ancien couvent de Carmes. Plus loin, du même côté, les vastes bâtiments de ce qui a été le pensionnat-ouvroir fondé sous le vocable de Saint-Nicolas. Nous arrivons à la Rue du Cherche-Midi, dont le nom a une origine assez mystérieuse. Etait-ce l'enseigne représentant un homme qui cherche midi à quatorze heures? On pourrait le croire, mais les documents anciens la nomment rue du Chasse-Midi, ce qui est fait pour dérouter les étymologistes. Faut-il admettre qu'elle conduisait à une remise de chasse située vers le midi de la ville? Ce serait ingénieux, mais il faut considérer que jusqu'à 1832 elle ne portait ce nom qu'entre le carrefour de la Croix-Rouge et la rue du Regard; au delà, vers le sud, elle s'appelait rue des Vieilles-Tuileries, puis rue du Petit-Vaugirard. Des événements bruyants ont eu pour effet de faire beaucoup parler du Cherche-Midi, désignation synthétique qui embrassait autrefois, à la fois l'hôtel du Conseil de guerre et la prison militaire, installés vis-à-vis l'un de l'autre; celui-là dans l'ancien hôtel de Vérue, possédé ensuite par le comte de Toulouse, celle-ci à la place de la communauté du Bon-Pasteur, qui déjà n'était guère autre chose qu'une maison de réclusion pour les femmes égarées. Un regard de canalisation d'eau a servi à baptiser la rue du Regard, bien moins fréquentée aujourd'hui qu'au temps où, la rue de Rennes n'existant pas, elle formait, avec la rue Notre-Dame-des-Champs, communication directe entre la rue de Grenelle et l'Observatoire. Au peut y voir, au n° 17, l'hôtel de la Guiche, de 1701. La rue de Fleurus a pris en 1798 le nom de la bataille où Jourdan vainquit le prince de Cobourg en 1794. Avant, c'était le cul-de-sac Notre-Dame-des- Champs. Les rues voisines, la rue Duguay-Trouin, la rue Jean-Bart sont aussi calmes et retirées qu'elle, en dépit de leurs noms d'héroïques marins. Elles ont été, ainsi que la rue Madame (Madame, femme du comte de Provence, plus tard Louis XVIII), crées au détriment du jardin du Luxembourg. Quartier Saint-Germain-des-Prés.
Il en fut ainsi jusqu'à la fin du XVIe siècle, époque où Marguerite de Valois - la reine Margot devenue ermite après que Henri IV l'eut répudiée s'y fit construire un hôtel, et fonda un couvent d'Augustins contigu à cette demeure. Le couvent, supprimé par la Révolution fut choisi par Alexandre Lenoir pour y recueillir, sous le nom Musée des Monuments français, toutes les oeuvres de sculpture fournissait en si grand nombre la mainmise par la Nation sur les églises et communautés religieuses. Après la regrettable dispersion de toutes ces oeuvres, ordonnée en 1816 par Louis XVIII, l'Ecole des beaux-arts fut établie la même année aux Augustins; elle y est encore. L'entrée principale est sur la rue Bonaparte. On pénètre dans une vaste cour où sont exposés de beaux fragments de sculpture de Renaissance française, provenant du château de Gaillon. Au fond un bâtiment moderne, de grand air, contient la riche bibliothèque de l'Ecole; à droite, l'administration, les ateliers; sur le quai, la façade de la salle Melpomène où se fait l'exposition des envois de Rome et d'autres oeuvres encore. Le nom de la rue des Saints-Pères offre un bien singulier exemple de la corruption du langage. Il y avait là autrefois une chapelle dépendant de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés et dédiée à saint Pierre ou à saint Père, comme disait le vieux langage. De saint Père on a fait, saints Pères. Au XVIIe siècle, cette chapelle fut remplacée par un hôpital qu'administraient les Frères de la Charité il a été conservé avec des modifications et des agrandissements considérables sous le nom d'hôpital de la Charité (à son emplacement et à celui où se trouvait autrefois l'Académie de médecine se trouvent aujourd'hui des bâtiments modernes dépendants de l'Université Paris V René Déscartes). L'entrée est rue Jacob et les bâtiments s'étendent le long de la rue des Saints-Pères jusqu'au Boulevard Saint-Germain. En tournant à gauche sur le boulevard
Saint-Germain, nous trouvons l'hôtel de la Société
de géographie, et quelques pas plus loin apparaît le vénérable
clocher
de l'église Saint-Germain-des-Prés. Vénérable,
ce n'est pas trop dire, car Paris ne possède pas de monument religieux
plus ancien. Fondée au VIe siècle,
sous l'invocation de saint Vincent, l'abbaye
de Saint-Germain des Prés fut placée peu de temps après
sous le vocable de saint Germain, évêque de Paris, qui l'avait
consacrée et y reçut la sépulture. Elle fut détruite
au cours des invasions des Vikings au IXe
siècle et sa restauration ne commença à être
entreprise qu'à l'extrême fin du Xe
siècle, par les soins de l'abbé Morard. C'est de ce temps
donc que datent les assises de la grosse tour dont la partie supérieure
constituant le clocher était jadis fortifiée et crénelée.
La nef et le choeur
sont un peu moins anciens; achevés seulement vers le milieu du XIIe
siècle, ils offrent un modèle tout à fait précieux
de l'architecture romane. Ce style,
si noble dans sa simplicité, apparaît peu à l'extérieur,
malgré le dégagement dont a bénéficié
le monument lorsque le boulevard Saint-Germain a été percé;
mais à cette façade latérale, que gâtent des
constructions parasites du XVIIIe
siècle, nous préférons encore celle qui lui est opposée,
sur la rue de l'Abbaye, où
derrière un lourd bâtiment se voient quelques travées
purement romanes. L'intérieur contraste par la richesse de sa décoration,
avec la simplicité du dehors; il ne faut pas s'en plaindre, car
ce luxe est dû en grande partie aux superbes peintures d'Hippolyte
Flandrin.
L'église de Saint-Germain-des-Prés. En médaillon, l'intérieur de la nef. © Photos : Serge Jodra, 2010. Au cours des deux derniers siècles de l'Ancien régime, les religieux de Saint-Germain-des-Prés rendirent leur maison célèbre par les remarquables travaux d'érudition qu'ils y accomplirent. De là sont sortis le Traité de Diplomatique de Mabillon, la monumentale Histoire de Paris, par Félibien et Lobineau, l'Histoire de l'abbaye de Saint-Denis, du même Félibien, des Monuments de la monarchie française, par Montfaucon, pour ne fournir que quelques-unes de leurs oeuvres. Les Bénédictins étaient, au demeurant dans d'admirables conditions pour de tels labeurs; au sein de leur cloître ils avaient à leur disposition une bibliothèque exceptionnellement riche en documents originaux, manuscrits et chartes. Elle n'a pas été, heureusement, dispersée au moment de la Révolution : la Bibliothèque nationale en conserve la majeure partie. L'enclos de l'abbaye était très vaste. On peut se le représenter comme un quadrilatère que limiteraient les rues Saint-Benoît, Jacob, de l'Echaudé et le boulevard Saint-Germain. Des constructions charmantes s'y élevaient dont on ne peut plus parler que par ouï-dire le réfectoire, la salle capitulaire, la chapelle de la Vierge, chefs-d'oeuvre de l'architecture du XIIIe siècle dus à Pierre de Montreuil. De ces bâtiments, rien ou à peu près ne reste que le palais abbatial situé au Nord-Est du chevet de l'église, et dont la façade ouvre sur la rue de l'Abbaye. Il fut construit en 1586, pour le cardinal de Bourbon, alors abbé. Devenu maison particulière, siège de plusieurs sociétés savantes, il fait regretter par sa grâce que Paris n'ait pas conservé beaucoup d'édifices du même goût. Sur la place, à l'entrée de la rue de Rennes, on a placé une statue de Diderot dont la pose ne serait que prétentieuse si en même temps elle ne prêtait à rire. En suivant la rue de Rennes, qui n'appartient à ce quartier que jusqu'à la rue du Four, on remarque à droite (n°50) un beau portail du XVIIIesiècle, décoré d'un dragon symbolique dont le voisinage de la rue Sainte-Marguerite (aujourd'hui rue Gozlin) expliquait la présence. La légende veut, en effet, que sainte Marguerite, engloutie par un de ces dangereux animaux, ait pu sortir saine et sauve de son ventre, tel Jonas de celui de la baleine. Ce portail donne accès à la Cour du Dragon, qui se relie à la rue du Dragon. Du même coté s'ouvrent les étroites rues du Sabot et Bernard-Palissy, vestiges du vieux Paris. Les rues du Four et de l'Echaudé, qui fermaient l'enclos de l'abbaye doivent nom : la première au four banal des religieux, la seconde, dit-on, à ce qu'avec deux autres rues, elle formait un triangle dit échaudé, par analogie avec le gâteau du même nom. Nous regagnons la rue Jacob. Sa dénomination est due au voeu que la reine Margot accomplit de bâtir un autel de Jacob lorsqu'elle fonda le couvent des Augustins. La petite rue Visconti s'appelait encore rue des Marais-Saint-Germain quand elle a vu naître Racine (n° 11 actuel, n° 19 ancien). Il est des rues qui semblent appropriées par avance au goût, à l'humeur de certains hommes. Qui, parmi les lecteurs de Mérimée, s'étonnera qu'il ait demeuré rue des Beaux-Arts? Le nom de la rue, l'aspect des maisons, le quartier, la perspective de l'école des Beaux-Arts, tout devait l'y attirer, l'y retenir. Elle avait été ouverte en 1826, sur le terrain de l'ancien hôtel de La Rochefoucauld, et cela sans autorisation préalable, dit un arrêté préfectoral du 14 mars 1839 qui impose aux propriétaires I'obligation de remplacer par des grilles de fer les charpentes de bois qui la fermaient. Les grilles ont été enlevées, elles aussi, dans les années 1890, mais cette fois sans la moindre autorisation préfectorale. Le quai Malaquais (on écrivait autrefois Malaquest, mais cela n'explique pas mieux l'origine de son nom) commence à l'Institut pour se terminer à la rue des Saints-Pères. A son extrémité orientale se voit une statue de Voltaire par Caillé; il offre aux regards la magnifique perspective du Louvre, qu'on ne se lasse pas d'admirer. |
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