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Écouen (Iticiniscoa, Iscuina, Esconium). - Ville du département du Val-d'Oise, à 18 kilomètres au Nord de Paris; 7100 habitants. Elle est situé sur une colline isolée de 155 m d'altitude, d'où la vue est fort belle et s'étend, au Nord-Est, jusqu'aux tours de Senlis. On remarque tout particulièrement à Ecouen, l'église et surtout le château (auj. Musée national de la Renaissance). Bien que mutilé en 1787, sous prétexte de restauration, ce bel édifice se compose encore aujourd'hui de trois corps de bâtiment (il formait auparavant un quadrilatère), dont le style est remarquable. - Vue d'Ecouen et de la campagne environnante, depuis la terrasse du château. © Photo : Serge Jodra, 2011. On trouve Écouen mentionné en 632 sous le nom d'Iticiniscoa dans un acte par lequel Dagobert Ier donne ce village à l'abbaye de Saint-Denis. Au XIe siècle, la terre appartenait aux sires de Montmorency, qui y firent sans doute élever un château fort. Vers 1540, le connétable Anne de Montmorency fit démolir cette forteresse et confia à l'architecte célèbre Jean Bullant la construction du château actuel, qui passe à juste titre pour un des meilleurs spécimens de l'architecture de la Renaissance. On ne saurait mieux le comparer qu'aux parties des châteaux de Blois, de Chambord et de Chaumont qui datent du même temps. Comme dans ces deux derniers, notamment, l'architecture militaire du Moyen âge se trahit encore par l'existence de larges fossés et de tourelles flanquant l'édifice; mais ce qu'il y a d'un peu rude dans ce système de défense, plus apparent que réel, est corrigé de la façon la plus heureuse par l'élégance des constructions. Trois avant-corps, d'intentions variées, occupèrent le milieu de trois des côtés de la cour; le plus somptueux offrit, dans deux niches latérales, d'admirables statues de les Captifs enchaînés en marbre blanc par Michel-Ange (maintenant au Louvre); une loge en arcade, d'un effet grandiose, fut ouverte sur la terrasse; de niches emblèmes caractérisèrent la demeure du guerrier. Comme ce guerrier était aussi le descendant des premiers barons chrétiens, la chapelle fut traitée avec un soin spécial : Bullant lui-même sculpta les figures des bas-reliefs en pierre de liais qui décorèrent un magnifique autel orné de quatre colonnes de marbre. Le Primatice fournit les dessins de deux vitraux (la Nativité, la Circoncision de Jésus); dans deux autres, on vit l'image du connétable figuré à genoux et de grandeur naturelle au milieu de ses enfants. Un groupe, aussi en vraie grandeur, en albâtre de Lagny, exécuté par Bullant, représentait l'Éducation de la Vierge. Un Christ mort, de Rosso, deux autres tableaux de maîtres avec des sujets de batailles et des faïences de Bernard Palissy, ainsi que des oeuvres de Jean Goujon et de Paul Ponce, complétaient ce riche ensemble.
Dans la petite galerie, sur des vitraux, peints en camaïeu d'après les dessins de Raphael, se déroulait l'histoire de Psyché. Le pavé de la cour fut fait d'une mosaïque représentant un labyrinthe; celui de la grande galerie était formé de faïences précieuses : tous deux ont disparu, mais on a conservé celui de la chapelle, qui offre des sujets tirés de la Bible. AEQVAM MEMENTO REBUS IN ARDUIS SERVARE MENTEM...L'usage était alors de prononcer le latin de telle sorte que aequam avait à peu près le même son que le mot Écouen; l'inscription offrait donc un jeu de mots de mauvais goût, il est vrai, mais autorisé par la mode de l'époque. Six ans plus tard, à l'avènement d'Henri II, le connétable, qui, depuis longtemps, était lié avec le nouveau monarque, remonta au faîte des grandeurs. Sous Charles IX, il forma avec le duc de Guise et le maréchal de Saint-André un triumvirat redoutable aux calvinistes. Château d'Ecouen : Objets exposés dans le musée de la Rennaissance. C'est au château d'Écouen que le roi Henri II signa l'édit fameux de 1559, qui prononçait la peine de mort contre les Protestants. En 1567, le connétable gagna la bataille de Saint-Denis, mais il y fut blessé à mort. Son petit-fils, le maréchal Henri, révolté contre Louis XIII, et vaincu à Castelnaudary par Schomberg, fut décapité à Toulouse (30 octobre 1632). Avant de mourir, Il eut le caprice assez bizarre de faire don à l'homme qui le tuait, au cardinal de Richelieu, des deux statues de Michel-Ange, placées au château d'Écouen. Comme il ne laissait pas d'enfants, ses biens échurent à Charlotte, sa soeur, épouse d'Henri II de Bourbon, prince de Condé. La maison de Condé les conserva jusqu'à la Révolution. A cette époque, le château d'Écouen était fort délabré; une partie des bâtiments menaçait ruine, et l'architecte des Condé avait fait abattre la grande galerie, n'ayant pu trouver dans la caisse du prince une somme suffisante pour des réparations indispensables. (La façade qui a disparu devait être charmante; elle se composait d'un avant-corps s'élevant à la hauteur de trois étages et surmonté d'un attique dans l'évidement duquel était la statue équestre d'Anne de Montmorency). Un jour que l'on avait voulu nettoyer les vitraux en camaïeu, l'opération fut conduite si brutalement qu'elle enleva les demi-teintes, de manière à laisser en beaucoup d'endroits le verre à nu. Vues du château : façade orientale et, ci-dessous, façade, côté cour, de l'aile méridionale. © Photos : Serge Jodra, 2011. Devenu propriété nationale à la Révolution, le château servit d'abord de lieu de réunion aux patriotes du voisinage; on lisait encore, à la fin du XIXe siècle, au-dessus de la porte d'une des salles : Section Marat, et, sur une autre : Section Couthon. L'autel et les vitraux furent enlevés et déposés au Musée des monuments français, avec le Christ de Rosso, maintenant au Louvre (École italienne). On eût démoli tout l'édifice sans l'intervention opportune de l'évêque Grégoire. II fut transformé alors en prison militaire, puis successivement en hôpital, en prison politique et en caserne. Au commencement de l'Empire, les vélites de la garde logèrent ainsi pendant quelque temps au château. En 1807, Napoléon Ier le choisit pour être l'un des pensionnats impériaux pour les filles, soeurs ou nièces de membres de la Légion d'honneur, avec Mme Campan pour surintendante. Dès qu'elle entra en charge, la surintendante obtint que le château fût restauré : on releva la galerie abattue, en appropriant cette construction aux besoins nouveaux du service; on refit en outre une porte extérieure, décorée de deux colonnes d'ordre dorique; on réclama au musée des Augustins l'autel et les vitraux (quelques-uns de ces vitraux sont de Jean Cousin) de la chapelle; on organisa des parloirs; quatre dortoirs furent disposés avec luxe, chaque salle portant le nom d'une princesse de la famille impériale (Julie, Zénaide, Charlotte et Catherine). Trois années après, Mme Campan, quoique protégée par le tsar Alexandre Ier, ne put trouver grâce devant Louis XVIII elle perdit ce poste qui lui avait valu, sous le gouvernement déchu, une faveur trop intime et trop marquée pour qu'on en voulût voir les causes dans ses seuls talents d'institutrice. Le pensionnat d'Écouen fut supprimé, et l'on en transféra les élèves à la maison de Saint-Denis (19 juillet 1814). Au mois de mars précédent, ces jeunes filles avaient couru quelques dangers. On lit, en effet, dans une des lettres de Mme Campan à la reine de Hollande : " Je viens d'écrire au grand chancelier que nos paysans sont inquiets de maraudeurs, de brigands épars, formés par de mauvais sujets qui s'arment en prenant les fusils de gens tués [...]. Je les crains presque à l'égal des Cosaques. "Une autre lettre dit : "Nous avons été bien près de recevoir les Cosaques, qui ont pillé Sarcelles; heureusement que j'avais envoyé une lettre au général Sacken par le capitaine inspecteur de nos bois. Il m'a ramené trois hommes de l'armée russe et une sauvegarde écrite en cette langue. Je l'ai fait copier et coller sur nos portes. Nous n'avons pas vu un seul Cosaque [...]. J'ai sauvé beaucoup de dames effrayées, qui ont été recueillies dans le château."Alexandre vint, peu après, visiter la maison d'Écouen, où la surintendante lui fit faire par les élèves une réception enthousiaste et que l'on jugea peu convenable : non seulement l'invasion des Alliés causait à la France autant d'humiliations que de pertes réelles, mais la guerre rendait orphelines plusieurs des jeunes filles d'Écouen. Après le second retour de Louis XVIII, le prince de Condé, revenant en France, fut réintégré dans les biens qu'il avait perdus par son émigration. A la mort du dernier des Condé (27 août 1830), l'héritage qu'il laissa passa en grande partie à son filleul le duc d'Aumale, quatrième fils de Louis-Philippe, avec une rente de 100,000 F, à la charge d'y faire élever cent fils de chevaliers de Saint-Louis ayant servi dans l'armée de Condé : d'après le testament du vieux prince, Écouen devait servir de maison d'éducation pour des enfants et petits-enfants de Vendéens royalistes, "ayant combattu pour le trône et l'autel" ; mais ce legs fut annulé peu après. La Légion d'honneur rentra en possession château d'Écouen en 1838; toutefois les pensionnaires n'y revinrent qu'au mois de mai 1851. Ce fut alors un pensionnat où étaient admises gratuitement des filles de soldats et d'officiers (jusqu'au grade de capitaine) faisant partie de l'ordre de la Légion d'honneur. Des places d'élèves aux frais des familles pouvaient être données aux filles, petites-filles, nièces ou cousines des légionnaires. Le pensionnat ferma en 1962 et, après de longs travaux de restauration, le château accueillit, à partir de 1977, le musée national de la Renaissance. Un certaine nombre de pièces provenant du musée de Cluny, à Paris, (notamment l'immense tapisserie de David et Bethsabée) y ont rejoint des objets appartenant déjà au château. L'église d'Ecouen. L'église, dédiée à saint Acheul, est aussi un remarquable édifice, reconstruit presque entièrement en 1545 aux frais d'Anne de Montmorency. Elle se compose d'un beau choeur du XVIe s. (style gothique), doublé d'un bas-côté, et d'une nef de 1737. Le clocher offre le style civil de la Renaissance. Dans les magnifiques vitraux, attribués à J. Cousin, qui ornent les longues fenêtres du choeur et celles de mon collatéral, se lit encore le mot grec aplanôs, devise du connétable. Jean Bullant y fut inhumé le 10 octobre 1578; malheureusement la pierre tombale qui recouvrait ses restes a disparu, et l'on ignore quel sort elle a subi. (Fernand Bournon / Adolphe Joanne).
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