| Bisitun, Bisutun ou Behistân (prononcé Behistoun). - Ce nom d'une petite localité d'Iran, à l'Ouest de Hamadan (l'ancienne Ecbatane), est célèbre par un rocher couvert d'inscriptions cunéiformes, pehlvies et grecques, qui y sont gravées. Le nom provient du perse Bagavtâna = demeure des dieux. Diodore (II, 43) en parle lors des expéditions de Sémiramis, à laquelle on attribua plus tard les inscriptions cunéiformes qui couvrent le rocher il le nomme Bagistanon oros = montagne de Bagistane, et dit qu'il était consacré à Zeus. Sémiramis y institua, selon l'auteur grec, un parc de douze stades de tour, fit raser le bas du roc, pour y graver en lettres syriennes une inscription mentionnant sa marche dans la montagne. Les Orientaux, frappés par l'aspect grandiose de cette montagne, attribuèrent également l'oeuvre monumentale qui y est perpétuée à Sémiramis, la reine Shamiram. Plus tard, les Iraniens, qui ne comprenaient plus la signification du nom, ont changé Behistân en Bi-soutoun (et variantes) = « sans colonnes », altération qui trouve bien des pendants dans les transformations populaires des noms incompris. Tous les voyageurs, qui, pendant des siècles, avaient passé par la route qui conduit de la Babylonie en Médie et en Perse, ont été frappés par l'aspect imposant de ce rocher de 500 m d'élévation, orné d'inscriptions et de sculptures. Il était réservé au major anglais, Henry Creswick Rawlinson, devenu plus tard sir Henry Rawlinson, d'éclairer le monde savant sur le véritable auteur et la vraie portée du monument célèbre. Dès 1837, il se mit à l'oeuvre pour copier les textes; cette entreprise fait le plus grand honneur à son dévouement courageux et à sa force de volonté, comme le premier déchiffrement et la première interprétation qu'il en a fourni témoignent de son génie fécond d'investigation. Autrefois, on pouvait approcher jusqu'au pied de l'inscription qui s'étend sur une centaine de pieds, par un escalier qui, dit-on, fut détruit par Tamerlan. Le major Rawlinson était obligé d'estamper et de copier le texte couvrant une étendue aussi énorme, assis sur un échafaudage tenu par des habitant du lieu, qui, placés en haut, disposaient de sa vie pendant toute la durée de son travail. Après, plusieurs années de labeur, il fut en état de publier, en 1846, le texte perse de ce document de Darius Ier, fils d'Hystaspe, dans les publications de la Royal Asiatic Society. - Le site de Bisitun. Les textes cunéiformes dont nous nous occupons d'abord, parce qu'ils ont toujours résumé l'intérêt principal de cette oeuvre unique, ont été gravés par le roi Darius ler, fils d'Hystaspe, pour transmettre à la postérité les événements qui marquèrent son avènement au trône des Achéménides (521 av. J.-C.) et les luttes qu'il eut à traverser avant d'être sûr de la possession de sa couronne. Les rois perses depuis Cyrus avaient l'habitude inappréciable pour nous d'écrire leurs textes monumentaux en trois langues qui formaient, pour ainsi dire, les trois idiomes principaux de la partie orientale de leur empire et plus répandus que quelques dizaines d'autres langues secondaires dont le souvenir s'est éteint pour la postérité jusqu'à leurs noms. Ces trois langues maîtresses étaient : le perse, la langue des Perses de la Médie (vieux-perse), apparenté au zend, au sanscrit et aux langues indo-européennes en général. La seconde est l'élamite, d'une langue aujourd'hui éteinte et que l'on rapproche du dravidien. La troisième enfin, la plus importante et la mieux connue de toutes, était la langue akkadienne, la langue sémitique de Babylone et de Ninive. C'est dans ces trois langues que Darius rédigea son récit. On aplanit et on rendit lisse cette énorme surface, on y grava des lettres cunéiformes qu'on enduisit d'une matière brillante. Au-dessus de la rangée inférieure et entre les colonnes d'écriture d'un second étage, si l'on peut s'exprimer ainsi, un immense bas-relief frappe la vue du spectateur (figure ci-dessous). A gauche Darius sur son trône, devant lui neuf figures de révoltés vaincus liés ensemble par une seule corde; ce sont le Pseudo-Smerdis, ou le mage Gomates (Gaumatès), le faux Nabuchodonosor Nidintabel, le Susien Athrina, le Mède Phraortes, le Sagartien, Tritantachmes des Grecs (en perse Tchitrantakhma), le Margien Frâda (Ferhâd), un second faux Smerdis Oeosdates, dont il dut poursuivre les adhérents jusqu'aux confins de l'Inde, un second faux Nabuchodonosor Arakha, et le Sace (Scythe) Skunkha. Le texte rend compte de ces insurrections en partie formidables: il expose la généalogie de Darius (Achéménides), mentionne l'expédition de Cambyse en Egypte et son suicide, la royauté du Pseudo-Smerdis Gomates qu'il tua. aidé des hommes dont il donne les noms à la fin de son exposé. Ces noms sont ceux que nous à transmis Hérodote à une seule exception près. Après avoir énuméré les dix-neuf batailles par lesquelles il dut fonder son pouvoir, il proteste de sa véracité, adjure ses successeurs de respecter son inscription, et menace de malédiction ceux qui voudraient y porter une main sacrilège et détruire les bas-reliefs et les inscriptions. - Un bas-relief de Bisitun. Le texte perse contient quatre cents lignes : il est gravé sur cinq colonnes en bas : à gauche de ce texte se trouvent les trois colonnes contenant la traduction élamitique. Au-dessus de cette dernière et à gauche de la partie sculpturale est inscrite la version babylonienne, sur plus de cent lignes énormes, occupant les deux côtés d'un angle du roc : le côté qui contenait le commencement des lignes est, malheureusement, détruit, de sorte qu'on ne possède aujourd'hui que la fin des lignes du texte babylonien (akkadien). Le texte vieux-perse, copié par Rawlinson, a d'abord été publié par lui; Bonfey, Spiegel et Oppert ont suivi l'archéologue anglais. Le texte médique a été publié pour la première fois par Edwin Norris (Asiatic society, 1853) et Oppert (le Peuple et la langue des Mèdes, 1879); le texte assyrien, publié par Rawlinson, a été analysé par Oppert dans son Expédition en Mésopotamie, t. Il. En dehors de ces textes de Darius ler, le fondateur de l'empire des Sassanides, Ardeschir Babegan et d'autres rois de cette dynastie ont fait graver au-dessous des textes pehlvis et grecs qui ont été analysés en premier lieu par Silvestre de Sacy. (J. O.).. | |