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Nous sommes le
2 janvier, le ciel est gris, le temps froid. Les troupes françaises
se mettent en marche dès la première heure. La division Derroja
du 22e corps (général Lecointe)
qui forme la droite arrive jusqu'à Bucquoy d'où les Prussiens
se sont retirés sur Puisieux et Miraumont, puis elle fait un à-gauche
et vient cantonner à Achiet-le-Petit, sans avoir tiré un
coup de fusil. Au centre, la division du Bessol du même corps, avec
laquelle marche le général Faidherbe,
se dirige sur Ablainzevelle qu'elle atteint vers midi. Au 23e
corps (général Paulze d'lvoy), la marche est loin d'être
aussi facile. La division Payen s'est avancée par Boisleux et Ervillers,
et au sortir de ce dernier village déploie la brigade Michelet pour
enlever Béhagnies; deux batteries sont mises en position à
droite et à gauche de la route. La brigade Delagrange reste en réserve
à Ervillers. La brigade Michelet s'avance avec confiance sur trois
colonnes, croyant le village occupé seulement par des avant-postes
peu nombreux. La colonne du centre n'atteint les premières maisons
quand un feu terrible l'accueille et la refoule en désordre. Elle
ne tarde pas pourtant à se reformer, s'élance de nouveau
et enlève Béhagnies, rejetant les Prussiens sur Sapignies.
Mais la colonne de droite a fait un trop long détour et n'est pas
en mesure de la soutenir, et la colonne de gauche, accueillie, elle-même
de près par des volées de mitraille et chargée par
la cavalerie, est rejetée sur Ervillers, laissant 250 prisonniers
aux mains des Prussiens, qui réoccupent immédiatement Béhagnies.
Il est environ deux heures. La division Robin (mobilisés) du 23e
corps n'a pas encore paru sur le champ de bataille, ce n'est que vers deux
heures et demie qu'elle est signalée près de Mory, ayant
perdu un temps précieux à passer par Croisilles et Saint-Léger,
au lieu de suivre la division Payen. On peut affirmer que, si elle eût
figuré dans l'affaire de la matinée, elle eût pu, par
sa seule présence. lui donner une tout autre issue. Cependant la
brigade Delagrange s'est portée en ligne à Ervillers pour
remplacer la brigade Michelet, et le reste de la journée se passe
sans que l'on sorte de part ni d'autre de ses positions.
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Faidherbe
à Bapaume, par Charles Armand-Dumaresq
Au centre, Faidherbe,
qui ne sait rien de ce qui vient de se passer au 23e
corps fait attaquer Achiet-le-Grand dont il chasse les Prussiens; et occupe
également Bihacourt. A cinq heures, il fait arrêter le 22e
corps en arrière de Biefvillers et de Grévillers et établit
son quartier général à Achiet-le-Grand. Vers sept
heures du soir, le général de Kummer, trouvant la brigade
Strubberg trop en l'air, la fait rentrer à Bapaume où se
trouve ainsi réunie toute la 15e
division, Il compte défendre la ville en s'appuyant sur la ligne
Grévillers, Biefvillers, Favreuil et Beugnâtre. Le général
de Goeben sera à Pys avec un bataillon, quatre escadrons et quatre
pièces. Le prince Albrecht qui est à Fins reçoit du
général de Goeben, resté à Combles, l'ordre
d'amener son détachement à Bertincourt. En outre, Goeben
demande aux troupes de Barnekow qui investissent Péronne trois bataillons
et quatre batteries qui devront arriver à neuf heures du matin à
Sailly-Saillisel.
Les ordres de Faidherbe
pour le 3 janvier sont que le 23e corps
reprendra sa marche par la route de Bapaume, la division Payen suivant
directement la route, la division Robin marchant de Mory pour tourner Favreuil.
La division du Bessol s'avancera de Bihucourt sur Biefvillers, et Derroja
qui est à Achiet-le-Petit se dirigera sur Grévillers. Le
3, le jour se lève très sombre, la terre est couverte de
neige, le froid intense. De grand matin, Faidherbe recommence l'attaque
au centre, du Bessol se lance sur Biefvillers et Derroja sur Grévillers.
A gauche, la division Payen entre à Béhagnies et Sapignies
évacués par l'ennemi ainsi qu'on l'a vu, et se rabat sur
Favreuil fortement occupé. Quant à la division Robin, dont
les troupes ne sont pas capables de rester en ligne sous la moindre fusillade,
elle se borne à couvrir notre gauche par sa présence. A droite,
Grévillers est vivement enlevé par les troupes du général
Derroja, et Biefvillers, vigoureusement défendu, l'est lui-même
bientôt, à la faveur d'un mouvement tournant par la gauche,
exécuté par les troupes de du Bessol. Puis, l'artillerie
française ayant éteint le feu des canons prussiens, les soldats
français s'élancent directement sur Bapaume, trouvant Biefvillers,
la route de Bapaume et les maisons d'Avesnes encombrés de blessés
prussiens; ils font là de nombreux prisonniers. La division du Bessol
pénètre même dans le faubourg d'Arras,
mais les Prussiens parviennent à l'arrêter, grâce aux
fossés et aux pans de murailles restant des anciennes fortifications,
qui facilitent singulièrement la défense.
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Les
positions le 3 janvier 1871.
A gauche, le 23e
corps se rend maître de Favreuil, aussitôt que son chef a fait
remplacer à la gauche de sa ligne d'attaque la division Robin
: deux bataillons de la brigade Delagrange. De ce côté, les
Prussiens se mettent en pleine retraite, et il se produit sur toute la
ligne une sorte d'accalmie. Dans l'après-midi, les Prussiens qui
ne veulent pas encore s'avouer battus cherchent à tourner la droite
des Français par Tilloy. Le général Lecointe dirige
sur ce village la brigade Pittié qui s'en empare, malgré
une vive résistance, et s'y maintient. Ensuite c'est Ligny qui est
vivement disputé, mais reste en définitive aux Prussiens.
A la nuit tombante. les Français n'en sont pas moins victorieux
sur toute la ligne, puisque les Allemands ont été chassés
de toutes les positions qu'il occupait le matin. Les troupes françaises
passent dans les villages conquis la nuit que les Prussiens emploient à
évacuer Bapaume et à se mettre en retraite. Les quelques
lignes suivantes, extraites de l'ouvrage du grand état-major prussien
sur la Guerre franco-allemande, se chargent de montrer l'état où
les troupes françaises avaient réduit leur adversaire :
«
[...] de leur côté, les Allemands non plus n'étaient
rien moins que désireux de reprendre la lutte immédiatement.
L'artillerie ne parvenait même pas à reconstituer un approvisionnement
suffisant [...]. Les soldats avaient un besoin urgent de repos. Afin de
le leur ménager, la retraite en arrière a été
décidée; et dans la matinée du 4, le mouvement était
déjà en voie d'exécution, quand les avant-postes annoncèrent
que l'ennemi s'était retiré des villages au Nord de Bapaume.
»
Faidherbe laissa
cependant passer l'occasion de donner à sa victoire un caractère
décisif, en ne faisant pas coûte que coûte recommencer
le lendemain la marche en avant, comme le voulaient plusieurs de ses généraux
cette fois plus confiants que lui. Il n'y a pas à douter que Péronne
aurait été délivré le lendemain même,
puisque le major Schell du grand état-major prussien nous apprend
dans son livre les Opérations de la première armée
que
«
le général Barnekow reçut à deux heures (le
3) l'ordre de se tenir prêt à lever le siège-».
Le général en chef de l'armée
du Nord, en présence du froid extrême, de la fatigue des troupes,
de la nécessité du ravitaillement, et comptant sur une défense
de Péronne assez longue pour lui permettre de renouveler sa tentative
à quelques jours de délai, donna l'ordre à ses troupes
de se retirer, le 4, à une dizaine de kilomètres au Nord
de Bapaume, dans leurs cantonnements de Boileux, pour se refaire avant
de reprendre la lutte. La bataille de Bapaume avait avait coûté
à la France 1319 hommes tués ou blessés et 800 disparus
dont le plus grand nombre se composait de mobilisés du général
Robin, rentrés sans plus de façon dans leurs foyers. Les
Allemands avouèrent le chiffre de 40 officiers et 740 hommes tués
ou blessés, mais des témoignages dignes de foi portent ce
nombre à 1100 hommes environ. Si l'on fait abstraction de la division
Robin qui fut pour les Français plutôt un élément
de faiblesse qu'une aide efficace, à cause de la confiance que sa
pusillanimité inspirait aux Prussiens, nous évaluerons les
forces françaises à environ 25 000 hommes dont un quart de
mobiles. Les Allemands disposaient de 15 000 hommes abrités derrière
les obstacles les plus faciles à défendre. (GE). |
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