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Bains

L'usage des bains, comme but de propreté, comme hygiène et source de plaisir, remonte aux temps les plus anciens.

Les bains dans l'Antiquité.
Chez les Grecs, dès l'époque archaïque, on prenait des bains de rivière et de mer, et des bains d'eau chaude naturelle ou artificielle. Homère nous montre Nausicaa, fille d'Alcinoüs, roi des Phéaciens, puis Ulysse, se baignant dans une rivière; il vante un des courants du Scamandre pour sa température élevée, et l'on voit souvent, dans ses poèmes, préparer des bains chauds pour les guerriers qui reviennent du combat. Télémaque est conduit au bain, en signe d'honneur, à Pylos et dans les États de Ménélas.

Il semblerait, d'après la description du bain donné à Ulysse dans le palais de Circé, que la baignoire ou le bassin ne contenait pas d'eau: dès que le baigneur s'y était placé, on lui versait sur la tête et les épaules l'eau préalablement chauffée. Le bain de propreté était un bain froid; après une grande fatigue et de violents exercices du corps, on prenait un bain chaud. Il était d'usage assez général de prendre successivement un bain froid et un bain chaud : quand le rhéteur Aristide mentionne la coutume de se plonger dans l'eau froide après le bain chaud, il parle d'un temps postérieur à la conquête romaine. Au sortir du bain qui précédait d'ordinaire le repas, on se frottait le corps de quelque matière onctueuse. 

Les Spartiates considérèrent le bain chaud comme énervant et indigne d'un homme. Ils eurent deux genres de bains : le bain froid, qu'ils prenaient chaque jour dans l'Eurotas, et le bain sudorifique, pris à sec dans une chambre chauffée au moyen d'une étuve. 

Les établissements publics de bains n'eurent jamais, chez les Grecs, la magnificence de ceux des Romains. Les Athéniens en avaient qui faisaient partie des gymnases, et qui étaient beaucoup plus fréquentés par le commun peuple que par les grands et les riches, dont les maisons contenaient des salles de bains. Pausanias (VI, 23) nous apprend qu'il y avait à Élis des bains publics séparés du gymnase.

Les bains chez les Romains.
Chez les Romains, il n'y eut, à l'origine, que des établi ssements appelés Laveries, où l'on se baignait tous les 9 jours (époque du marché), uniquement par propreté. Puis on fit de ces lotions une recherche de plaisir, et des Bains proprement dits furent construits dans les maisons de quelques riches. Après la conquête de la Grèce et de l'Asie, le luxe pénétra dans ces édifices : les bains se prirent à toutes les températures, depuis celle de l'eau froide jusqu'à celle de la vapeur presque brûlante; les constructions devinrent compliquées et somptueuses. 

Un bain (balneum, balinea) se composait d'une petite cour entourée de portiques sur trois de ses faces; sur la quatrième, un bassin (baptisteriurn, piscina, natatorium), quelquefois assez grand pour qu'on pût y nager, et couvert d'un toit supporté par des colonnes, servait à prendre le bain froid en commun. On trouvait un autre bain froid dans une pièce fermée, appelée Frigidarium, et dans laquelle une vaste cuve pouvait contenir plusieurs personnes à la fois. A proximité de ces bains était un vestiaire (Apodyterium, Spoliatorium) où des esclaves déshabillaient les baigneurs, et plaçaient leurs vêtements dans des cases ou armoires. Une salle tiède (Tepidarium), destinée à prévenir le danger du passage soudain de l'air froid à une température très élevée, conduisait à la salle du bain chaud (Caldarium), qui contenait d'ordinaire plusieurs baignoires : auprès de la principale, dans laquelle on descendait par des degrés en marbre, étaient deux rangs de gradins en hémicycle, ce qu'on nommait l'école (schola), parce que c'était la place des personnes qui venaient s'entretenir avec les baigneurs. 

La salle du bain de vapeur était voûtée (concamerata sudatio ou sudatorium), généralement circulaire, et entourée de trois rangs de gradins en marbre, sur lesquels se plaçait le baigneur; elle contenait, au milieu, un bassin d'eau bouillante, dont la vapeur pouvait s'échapper par une étroite ouverture ménagée au sommet de la voûte. On modifia ce système, en substituant au bassin d'eau un grand poêle, à la partie supérieure duquel était une soupape qu'on levait ou fermait au moyen d'une chaise, de manière à diminuer ou augmenter la température de la salle. Cette salle reçut encore le nom de Laconicum, en souvenir des Lacédémoniens, qui avaient inventé l'étuve sèche. L'Hypocauste (hypocaustum), pièce placée au-dessous des précédentes, renfermait des fourneaux et trois vastes cuves d'airain, alimentées par un réservoir placé au dehors (aquarium), et d'où l'eau froide, tiède ou bouillante, était conduite dans les salles à l'aide de tuyaux; de là partaient aussi des conduits de chaleur lui échauffaient le pavé des salles; les fourneaux étaient entretenus par des esclaves (fornacatores). 

Au sortir du bain, le baigneur se rendait dans la salle dite Eloeotherium ou Unctuarium; là, des esclaves appelés tractatores se servaient de strigiles pour lui gratter
légèrement la peau et en extraire la sueur; on l'essuyait avec des étoffes de lin ou de coton, et on le couvrait d'une gausape, manteau de laine fine à long poil. Venaient ensuite les épileurs (alipili), chargés aussi de couper les ongles, et les elaeothesii, unctores ou aliptae, qui ver saient goutte à goutte d'un petit vase (guttus) l'huile et les essences parfumées. 

 Originairement, les deux sexes se baignaient ensemble; plus tard, on établit, dans la portion des habitations affectées aux femmes, un second appartement de bains.

Les Romains prenaient généralement leur bain à la 8 heure du jour (environ 2 heures après midi), après quelque exercice corporel, et avant leur principal repas. A l'époque où l'on ne songeait qu'à la propreté et à l'hygiène, un seul bain chaque jour était regardé comme suffisant. Mais, sous l'Empire, on prit, par plaisir, jusqu'à 7 et 8 bains par jour. Commode faisait ses repas dans le bain, et Martial témoigne qu'un certain nombre de citoyens suivaient cet usage. Néron et beaucoup d'autres voluptueux se baignaient après le repas, afin de hâter la digestion, et de provoquer l'appétit pour de nouveaux festins.

En même temps que le luxe des bains prit naissance chez les particuliers, dans les premières années du VIIe siècle de Rome, on commença d'établir des bains publics pour l'usage du peuple. Agrippa, pendant son édilité (l'an 721 de Rome, 32 av. J.-C.). en fit bâtir 170; c'étaient sans doute des édifices modestes, où l'on ne trouvait que le nécessaire pour la propreté. Mais plus tard, Néron, Vespasien, Titus, et presque tous les empereurs qui voulaient capter la faveur populaire, ouvrirent des bains publics complets et d'une rare magnificence, où ils venaient parfois eux-mêmes se mêler aux autres citoyens. On fit des bassins et des baignoires en marbre, des pavés en mosaïque, des murs et des plafonds ornés de peinture; on multiplia les statues. Au temps de Valens et de Valentinien, Rome avait 12 thermes et 856 bains proprement dits. L'usage des bains devint si universel dans tout le monde romain, que, quand les Arabes s'emparèrent d'Alexandrie d'Égypte, en l'an 640 de J.-C., on y comptait encore, dit-on, 4000 bains.

Les bains publics s'ouvraient au lever du soleil, et se fermaient à son coucher. L'empereur Alexandre Sévère permit qu'ils fussent ouverts le nuit pendant les grandes chaleurs de l'été, et fournit même l'huile nécessaire à l'éclairage. Le prix d'entrée était d'un quadrans (1 centime 1/2); encore, s'il s'agissait de célébrer une fête publique ou de faire largesse au peuplé, l'entrée était gratuite. Les enfants au-dessous d'un certain âge et les étrangers ne, payaient aucune rétribution. Sous la République, les bains étaient fermés quand une calamité frappait Rome; Caligula décréta la mort contre quiconque prendrait un bain public pendant les jours de fête religieuse. La surveillance des bains publics appartenait aux édiles dans Rome, aux questeurs dans les provinces. On y observa l'abord la décence avec tant de rigueur, que les fils parvenus à l'âge viril ne se baignaient pas avec leurs pères, ni les gendres avec leurs beaux-pères : mais ensuite le mélange des sexes y fut toléré, et il fallut plusieurs décrets d'Hadrien, de Marc-Aurèle et d'Alexandre Sévère pour empêcher cette inconvenance.

Lucien, dans un traité qui a pour titre Hippias ou le Bain, nous a laissé une description détaillée de ces établissements. On peut aussi s'en faire une idée par les bains publics découverts à Pompéi en 1825, et qui semblent avoir été construits suivant les règles exposées par Vitruve. Au delà de la porte d'entrée, était un Atrium ou cour ouverte, dans laquelle se trouvait le percepteur du quadrans et où l'on mettait des affiches de théâtre et les autres annonces. Autour de cette cour, un portique couvert (vestibulum balneorum) était garni de sièges, où se tenaient les gens de l'établissement et les esclaves des baigneurs, quand leur service ne les appelait pas ailleurs. Plus loin, une sorte de parloir ou de salle d'attente (aecus, exedra) s'ouvrait pour les gens de distinction qui voulaient attendre quelque ami. Comme dans les bains privés, on trouvait aux bains publics : des Apodytères, où les vêtements des baigneurs étaient confiés à la garde d'esclaves (capsarii), dont les fréquents larcins firent assimiler à un crime capital tout vol commis dans les bains publics; des Frigidaires, souvent garnis de bancs pour les baigneurs qui attendaient leur tour, ou pour les oisifs, les bavards, les nouvellistes et les parasites; des Baptistères, des Sudatoires, des Hypocaustes et des Elaeothèses, dont la construction a varié dans les détails selon les localités.

Les bains au Moyen âge et dans les Temps modernes.
Après la chute de l'Empire romain, l'usage des bains disparut pour quelque temps au milieu des bouleversements politiques. Mais on le vit renaître dans les monastères, où la direction des bains fut confiée à l'un des religieux les plus âgés. Là on pouvait aller au bain depuis Primes jusqu'à Complies, c.-à-d. pendant presque toute la journée. C'était seulement une affaire de propreté, et on ne se baignait pas tous les jours. Le bain se prenait isolément, en silence, dans un cabinet fermé d'un rideau, et dans une cuve appelée tine. En 817, une assemblée des principaux abbés de France, réunis à Aix-la-Chapelle, s'occupa des bains, et décida que dans chaque couvent le prieur en réglerait l'usage. Au temps de la chevalerie, le bain eut un caractère symbolique l'écuyer qui aspirait à devenir chevalier se purifiait par un bain, signe de la candeur de l'âme. 

Dans les grandes villes, il y eut des établissements publics de bains chauds que l'on appelait étuves. La coutume assez générale était de se baigner à jeun et tous les jours. Dès le XIIIe siècle, Paris avait un grand nombre d'étuves, et, chaque matin, les étuvistes appelaient la pratique en allant crier par les rues que les bains étaient chauds. Cela dura jusqu'à la fin du XVIIe siècle, pendant lequel il s'ouvrit tant d'étuves dans Paris, qu'on ne pouvait faire un pas sans en rencontrer; mais alors cette fureur s'apaisa, et l'on se baigna moins; cependant il y eut toujours des étuves : au XVIIIe siècle, elles étaient tenues par une corporation dite des barbiers-étuvistes, parce qu'ils épilaient et rasaient en même temps qu'ils baignaient. Leurs étuves ne servaient guère qu'à la bourgeoisie et aux petites gens. 

Pour les gens de condition, il y avait des étuves tenues par un baigneur, homme habile dans tout ce qui concernait la toilette, la coiffure et les soins du corps. On trouvait chez le baigneur bains de vapeur, bains épilatoires, bains parfumés, etc. Sa maison était en même temps un vaste et riche hôtel garni, où la noblesse, les gens de cour venaient, à l'occasion, prendre un gîte momentané pour se dérober au monde; soit la veille d'un voyage, pour se préparer aux fatigues par les bains, qui donnaient plus de souplesse au corps; soit au retour, pour se remettre, avant de voir personne, des fatigues qu'on avait essuyées; soit encore par fantaisie ou caprice, ou pour y venir chercher le plaisir. On était servi par des domestiques expérimentés et discrets, qui, même sans qu'on le leur recommandât, savaient respecter tous les incognitos, tant à l'égard des visiteurs que pour les questionneurs du dehors. 

De petites sociétés de jeunes seigneurs venaient faire des orgies de plusieurs jours chez le baigneur, où, grâce à la commode distribution, à la vaste étendue de la maison, leurs plaisirs bruyants et dissolus restaient complètement ignorés des hôtes sages et tranquilles venus dans cet établissement pour y chercher le repos et la santé. Car, pour une foule de personnes de distinction, qui n'avaient pas à Paris de maison montée, ce n'était qu'un hôtel garni. L'usage d'aller loger chez le baigneur était encore en pleine vigueur au commencement du XVIIIe siècle. Ces maisons étaient rares; on n'en comptait guère que deux à Paris du temps de Louis XIV, et ceux qui les tenaient avaient un privilège du Roi, ou d'un des grands officiers de la maison du Roi, pour exercer la profession de baigneurs. 

Pendant les 8 ou 10 premières années du XIXe siècle, les bains ne furent, à Paris, ni nombreux, ni remarquables par leur élégance; alors on voyait sur le boulevard Italien les Bains Orientaux, appelés depuis Bains Chinois, qui, par leur propreté et leur confortable, attirèrent la société élégante, et les femmes opulentes prirent l'habitude d'y aller, au lieu de se baigner chez elles. Peu d'années après, on comptait dans Paris, deux tiers moins peuplé qu'il ne l'est aujourd'hui, plus de vingt établissements de bains, à la tête desquels furent alors les Bains Poithevin, et les Bains Vigier, sur la Seine, les premiers en amont du pont Marie, les seconds au-dessous du Pont-Neuf, puis les Bains des Tuileries, en amont du Pont-Royal. A partir de 1830, un quatrième bain du même genre, les Bains de la Samaritaine, a été établi sur la Seine, en parallèle des bains Vigier. 

Non seulement les bains se sont multipliés à mesure que la population de Paris s'est accrue, mais le prix en a été abaissé; on est venu jusqu'à les porter à domicile, innovation due à un certain Villette en 1819. Il y avait dans les dernières années du XIXe siècle, à Paris, environ 150 établissements de bains chauds, et plusieurs dits bains orientaux, bains russes, néothermes, bains de Tivoli, qui existaient déjà du temps du ler Empire, etc. On trouvait dans ces bains toutes les variétés des bains antiques, et jusqu'aux bains médicinaux. Il existait, en Angleterre, des bains publics gratuits pour la classe ouvrière, longtemps avant que la seconde Assemblée nationale de France en ordonnât l'établissement par une loi du 3 février 1851; cette loi ne fut été appliquée que dans un très petit nombre de villes.

Les bains dans le monde musulman.
Chez les Musulmans, le bain est prescrit par le Coran dans des cas assez nombreux. Aussi les Arabes, pendant leur domination en Espagne, élevèrent-ils beaucoup d'établissements de bains, dont on voit encore les restes, par exemple, à Barcelone, Girone, Valence, Grenade, etc. Les Turcs ont également conservé l'usage habituel des bains. Chez l'un et l'autre peuple s'est perpétuée la tradition des constructions romaines. En effet, les bains turcs et arabes présentent presque toujours : 1° une salle appelée Maslakh, analogue à l'Apodytère, où l'on se déshabille, et où l'on place les vêtements dans de petites niches à fleur du sol; 2° une pièce carrée, espèce de Tépidaire, dans laquelle, du milieu d'une grande cuve octogonale, jaillit une gerbe d'eau chaude; 3° une étuve ou Sudatoire, pièce très petite, échauffée par une gerbe d'eau bouillante qui jaillit du centre, et par des conduits de chaleur établis sous le pavé. Là aussi, des esclaves massaient les baigneurs, c.-à-d. lui tiraient les articulations, lui pétrissaient les muscles, le frictionnaient avec des brosses douces et des gants de flanelle, puis le parfumaient avec des huiles et des essences odoriférantes. 

Les plus beaux bains d'Istanbul sont ceux qui portent le nom de Mustapha-Pacha. (B. et C. D-x.).

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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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