| Amortissement. - Terme d'architecture s'appliquant, d'après son étymologie même, à tout membre d'architecture ou à tout ornement de sculpture qui, en s'élevant et diminuant à la fois, vient comme s'amortir contre un autre ou se terminer en un point. L'amortissement sert ainsi à atténuer, par sa forme ou par ses ornements, ce que des masses d'architecture, offrant des parties verticales en retraite les unes sur les autres, ou même simplement ce que des frontons rectilignes ou curvilignes présenteraient de trop heurté aux regards; mais il sert aussi, dans bien des circonstances, de couronnement on mieux d'ornement au couronnement d'un édifice. Dans le premier cas, l'amortissement est surtout du domaine de l'architecture et peut tenir une grande place dans la silhouette d'un monument, tandis que, dans le second, il relève plutôt de la sculpture et de l'ornementation et est bien souvent confondu, surtout dans l'architecture grecque, avec l'acrotère. Sommet de la Colonne Trajane. On remarque dans la colonne Trajane, à Rome, cette oeuvre de l'architecte Apollodore de Damas, deux exemples d'amortissement qui ont été souvent imités, notamment dans la colonne commémorative de la révolution de juillet 1830, érigée sur la place de la Bastille, à Paris, par Louis Duc. L'un consiste dans la calotte hémisphérique, recouverte d'ornements en forme d'écailles qui termine, au sommet de la colonne, l'acrotère ou piédestal circulaire servant autrefois de socle à la statue de Trajan (ci-dessus), l'autre est la gorge ou cavet renversé qui surmonte le piédestal même de la colonne et dans le creux de laquelle s'appuie, sur chacune des quatre faces, une guirlande de feuilles de chêne (ci-dessous). Des aigles, paraissant prêts à s'élancer des quatre angles de la plinthe qui pose sur ce cavet et sert de base à la colonne proprement dite, retiennent dans leurs serres les extrémités de ces guirlandes et complètent ainsi un riche motif décoratif atténuant à la fois le retrait de la colonne au-dessus de son piédestal et la rigidité des angles de la plinthe. - Base de la Colonne Trajane. Le portail de l'église Saint Gervais et Saint-Protais, à Paris, construit de 1616 à 1621 par l'architecte Salomon de Brosse, montre deux autres exemples tout différents d'amortissement (fig. 3). Le premier consiste dans les quatre groupes des évangélistes et de leurs animaux symboliques, dont deux (aujourd'hui disparus) s'appuyaient sur les rampants du fronton circulaire, tandis que les deux autres (toujours en place) prolongent, au-des sus des acrotères qui leur servent de socles, les motifs d'architecture formés à droite et à gauche de la façade par deux colonnes doriques surmontées de colonnes ioniques et terminées par ces acrotères. Dans ce même portail, l'autre exemple d'amortissement est fourni par les consoles en forme d'ailerons que l'architecte français a imitées, mais en les modifiant, de l'architecture jésuitique italienne; ces ailerons, reliant les acrotères des parties latérales de la façade avec la masse de la partie supérieure, de beaucoup moins large, atténuent ainsi et détruisent même la sécheresse qu'offrirait aux regards cette façade si elle était dépourvue de cette doublé ornementation architecturale et sculpturale. Portail de l'Eglise Saint-Gervais. Jules Hardouin Mansart a également relié, à l'aide de consoles semblables mais d'un galbe plus accentué, le tambour central du dôme de l'église des Invalides de Paris avec l'attique d'un moindre diamètre qui surmonte ce tambour et sur lequel repose le dôme. On peut citer des amortissements à toutes les époques de l'art, surtout des amortissements consistant en solides géométriques ou en ornements et en ouvrages de sculpture; c'est ainsi que, en dehors du pyramidion qui sert de terminaison aux obélisques de l'ancienne Egypte et sans parler des divers motifs sculptés qui surmontent le dernier des nombreux étages, toujours en retraite l'un sur l'autre des temples hindous, on doit, dans l'Antiquité, considérer comme des amortissements, le char attelé de quatre chevaux que sculpta Pythis pour placer sur le tombeau de Mausole à Halicarnasse; les fleurons, en forme de chapiteau ,corinthien, du monument choragique de Lysicrates et de la Tour des Vents à Athènes; les ornements en forme de fleurs (flos) que décrit Vitruve, dont cet auteur prescrit les dimensions et qu'il indique comme devant terminer la coupole des temples ronds; la pomme de pin colossale que l'on croit avoir couronné le tombeau d'Hadrien à Rome, et enfin le chapiteau, orné de figures humaines, surmonté d'une sphère avec peut-être au-dessus un aigle à tête d'homme, qui termine, aux confins de l'ancien monde romain, le monument funèbre d'Igel, près de Trèves. Pour le Moyen âge, ne sont-ce pas des amortissements, ces mille et un pinacles sculptés au sommet des contreforts et des clochers des églises, depuis les premiers édifices romans jusqu'aux dernières grandes cathédrales de l'art ogival et, au cours des siècles suivants, quel que soit le style dont l'architecte s'inspire pour dessiner une église ou un théâtre, un hôtel de ville ou un tombeau, le besoin d'atténuer la sécheresse des lignes architecturales qui se détacheront sur le ciel, ne le force-t-il pas encore à recourir à de petits motifs purement d'ornementation ou à des ouvrages de sculpture qui en relient les masses entre elles et en agrémentent les contours! (Charles Lucas). | |