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L'histoire de l'ameublement
L'art du meuble au XVIIIe siècle
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L'Époque de Louis XV

Les traditions du style de Louis XIV étaient déjà oubliées lors de la mort du monarque. Avant de disparaître il avait pu assister à l'éclosion d'une nouvelle manière, moins grandiose et plus raffinée, qui caractérise l'art français sous la régence du duc d'Orléans. Longtemps comprimée par le gouvernement despotique de Louis XIV, la cour avait soif de liberté et de plaisirs. Elle déserta les grands appartements d'apparat où l'on vivait sous les yeux des courtisans, pour se réfugier dans des pièces plus intimes et plus discrètes. A ce moment apparaissent les petits cabinets, pour la décoration desquels l'art français déploya des qualités d'élégance et de finesse d'exécution inconnues jusqu'alors.

L'art du règne de Louis XV compte trois phases successives dont le développement est nettement indiqué. La première embrasse toute la durée de la Régence et les premières années du XVIIIe siècle. C'est celle qui est contemporaine des peintres Gillot et Watteau et du grand dessinateur Robert de Cotte. On retrouve dans les compositions de cette première manière de noblesse du style Louis XIV, unie à la légèreté capricieuse du siècle suivant. La seconde phase est soumise à l'influence réunie du dessinateur Meissonnier et du peintre Boucher. Elle abandonne la pureté des lignes pour tomber dans le caprice absolu et dans les ornements à coquille. L'époque des ornements en rocaille ou du rococo correspond à la période où vivait la marquise de Pompadour. On remarque dans la troisième époque un retour à des traditions plus classiques. L'étude des monuments antiques revient en faveur et les Gabriel, les Delafosse, en même temps que la plupart des décorateurs, suivent une nouvelle manière plus mâle qui proteste contre la mièvrerie et le faux goût de leurs prédécesseurs.
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Commode Louis XV.
Commode Louis XV.

L'artiste qui caractérise le mieux l'ameublement français, à l'époque de la Régence, est Charles Cressent, ébéniste du régent, dont la vie se prolongea jusqu'en 1768. Cressent abandonna le meuble en ébène revêtu d'incrustations d'écaille et de cuivre, que Boulle avait porté jusqu'à la perfection, pour les placages en bois de rose et amarante sur lesquels se détachaient des ornements de bronze d'une élégance exquise. Les angles de ses bureaux et de ses commodes étaient occupés par des figures de femme dont la coquetterie rappelle la grâce facile des personnages de Watteau. Cressent composait lui-même les ornements de ses meubles, et il fut l'un des initiateurs de l'art de la ciselure sur bronze qui atteignit alors à un degré de finesse inimitable. Les deux sculpteurs Antoine Vassé et Louis-Claude Vassé ont laissé, dans le palais de Versailles, d'admirables pièces en ce genre; mais le ciseleur le plus renommé du règne de Louis XV est Jacques Caffieri, auquel succéda son fils Philippe. Ces deux artistes, qui ont travaillé longtemps ensemble, avaient exécuté des chefs-d'oeuvre d'ameublement dont quelques épaves seulement sont parvenues jusqu'à nous. Dessinateurs habiles, ils ont fréquemment suivi pour les commandes destinées aux châteaux royaux, les esquisses de Meissonnier, des frères Slodtz et des Gabriel, dessinateurs du cabinet du roi. Il leur fallut déployer une habileté prodigieuse pour corriger, par le fini de l'exécution, les bizarreries de lignes que présentaient leurs modèles.

On retrouve la même virtuosité parmi les artistes chargés de décorer les lambris des appartements royaux. Le sculpteur qui s'est le plus distingué dans ce genre est Jacques Verberckt, auquel on doit la majeure partie des boiseries des petits appartements du roi, dans le palais de Versailles. Un autre ornemaniste très habile était Maurissan, dont on commit d'importants travaux. Les consoles et les tables de bois sculpté du règne de Louis XV peuvent lutter sans désavantage avec celles du siècle précédent. Elles rachètent, par la grâce et par l'originalité, ce qu'elles ont d'inférieur sous le rapport de la largeur et de l'harmonie des profils. 

Une branche spéciale de l'art a pris naissance en France pendant le XVIIIe siècle et ne lui a pas survécu. C'est le vernis Martin, dont la découverte affranchit la France du tribut qu'il payait à l'Orient pour ses laques. Les frères Martin, qui se proposaient simplement d'imiter les ouvrages chinois, furent amenés à trouver une manière nouvelle, mieux appropriée aux goûts et aux usages européens. Ils détachaient leur ornements et leurs peintures représentant des pastorales, ou des allégories mythologiques, sur un champ semé de poudre d'or, dont la nuance d'aventurine, de bleu lapis ou de vert émeraude, adoucissait la crudité des tons. La vogue du vernis Martin fut inouïe, et elle s'appliqua à toutes les branches du mobilier. C'est surtout sur les panneaux des carrosses et des chaises à porteurs que cet art brille de tout son éclat. Le vernis français fut promptement imité à l'étranger. Mais aucun des ateliers qui y furent ouverts ne put lutter sérieusement avec la manufacture établie par les frères Martin. 

L'époque de Louis XV vit abandonner les tentures de tapisserie qui décoraient encore les vastes appartements du XVIIe siècle. On renonça en même temps aux cheminées monumentales enrichies de sculptures dont les gravures de Marot et de Lepautre retracent de nombreux spécimens.

Elles furent remplacées par des cheminées moins élevées et plus étroites, dont les tablettes étaient destinées à recevoir les statuettes, les vases et les pendules de porcelaine et de cuivre ciselé que recherchait la curiosité. Sur ces cheminées s'appuyaient des glaces qui étaient chargées d'ouvrir de nouvelles perspectives, en reflétant les ornements des panneaux opposés. Le XVIIIe siècle fut le créateur de la recherche du bibelot. Il n'était pas de maison élégante qui n'offrit des étagères chargées de bronzes ciselés, de laques et de porcelaines de la Chine et du Japon
La variété des meubles était inépuisable. On fabriquait des commodes dites à la Régence, à la Chartres, à la Bagnolet, à la Charolais, à la Navarre, à la Dauphine, etc. Les lits étaient à l'Impériale, à la Turque, à la Polonaise. Il serait difficile d'énumérer toutes les formes qu'affectaient les sièges, les canapés, les vis-à-vis, les dos-à-dos, les tables et toutes les pièces dont se composait l'ameublement du temps qui poursuivait principalement la grâce et l'originalité de la composition.

L'époque de Louis XVI

La réaction contre l'abus du style chantourné était déjà commencée avant la fin du règne de Louis XV. Les pavillons du Petit-Trianon et de Luciennes, construits par Gabriel et par Ledoux, sont des exemples de cette transformation qui se proposait d'allier les lignes des monuments antiques à la coquetterie de l'art français, telle que la comprenait le siècle de Boucher. Ce goût nouveau était la conséquence des découvertes faites récemment dans les ruines de Pompéi et des études des
édifices romains, qui avaient été entreprises par les architectes envoyés à l'école française de Rome. Il provenait également de la lassitude qu'avait produite une école ayant abusé des ornements chimériques. Après Ledoux qui avait dirigé la construction de Luciennes et les détails du somptueux ameublement de Mme du Barry, auquel travailla longtemps le ciseleur Gouthière, les promoteurs de cette évolution furent les architectes Bellangé et Gondoin, Dugoure, Cauvet, Delalonde, Salembier, Forty et Ranson, Leur influence s'étendit sur toutes les branches de la production artistique, et les sculpteurs Pigalle, Houdon, Falconet, Pajou, Clodion, auxquels l'industrie avait souvent recours, s'efforçaient d'allier la grâce à un choix plus sévère des formes, tandis que les peintres Vien, Greuze, Lagrenée et David, revenaient à un sentiment plus vrai de la nature. 

Console Louis XVI.
Console  en bois sculpté Louis XVI.
(Fontainebleau).

Le plus grand ébéniste de la fin du XVIIIe siècle, Jean-Henri Riesener, devrait figurer, d'après la date de ses débuts, parmi les artistes du temps de Louis XV, Il fut appelé en 1765 à diriger la maison de Jean-François Oëben, l'un des meilleurs ébénistes du roi Louis XV. Quelques années après il épousa la veuve de son ancien maître et prit la maison à son compte. Il trouvait en cours d'achèvement, dans la succession de son patron, un grand bureau-secrétaire destiné au roi et qu'il termina en 1769. Les cuivres ciselés qui accompagnaient le beau travail de marqueterie de Riesener ont été ciselés par Hervieux, par Duplessis et par Winant. Il a exécuté pour les maisons royales une série de pièces remarquables dont la majeure partie a été aliénée lors des ventes du mobilier faites à l'époque de la Révolution. Riesener, qui avait racheté quelques-unes de ces richesses, ne put les conserver longtemps; il mourut presque ruiné en 1806. Doué d'un véritable génie créateur, et familier avec les principes du dessin, Riesener est incontestablement le premier des ébénistes de son temps. II occupe dans l'histoire du XVIIIe siècle la même place qu'André-Charles Boulle remplit dans celle du siècle précédent. On ne saurait rencontrer aucune faute de goût dans les productions de Riesener; les lignes de ses meubles sont toujours pures et gracieusement pondérées. Il faut ajouter que les sujets de marqueterie qui en garnissent les panneaux sont du plus délicat travail et que les ornements de bronze qui y sont appliqués sont des chefs-d'oeuvre de ciselure.

Plusieurs ébénistes de la même époque ont presque égalé la perfection de Riesener. Les plus habiles sont Martin Carlin, Claude-Charles Saulnier et Jean-François Leleu. Ils ont parfois employé les mêmes appliques et les mêmes bas-reliefs de cuivre ciselé que Riesener, mais aucun d'eux n'a pu s'assimiler les tons harmonieux de ses sujets traités en marqueterie. Il y a dans tous les meubles de Riesener une pondération de lignes, que ses rivaux n'ont jamais connue. Un ébéniste d'origine allemande, G. Beneman, avait été chargé par le Garde-Meuble royal d'exécuter des pièces d'ameublement dont la plupart nous sont parvenues. Ces meubles présentent des formes surbaissées et peu heureuses, dont l'aspect massif n'est racheté que par la richesse des bronzes ciselés par Thomire. Un autre artiste étranger, David Roëntgen, à la fois ébéniste et mécanicien, obtint un grand succès à Paris, grâce à la protection que lui donnait la reine Marie-Antoinette. Etabli à Neuwied, près de Coblence, David avait des dépôts à Paris, à Berlin et à Saint-Pétersbourg, qui lui servaient à écouler ses nombreux produits. Les meubles de Roëntgen sont revêtus d'une marqueterie à fleurs incrustées, d'une facture très large, mais leurs formes et la composition de leurs bronzes sont d'un goût mesquin. 
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Lit de Marie-Antoinette.
Lit de Marie-Antoinette (Fontainebleau).

L'ameublement de l'époque Louis XVI visait surtout le fini de l'exécution et la rareté de la matière mise en oeuvre. Les amateurs et les curieux imposaient aux artistes des combinaisons sans cesse nouvelles et encourageaient leurs efforts avec une libéralité inépuisable que ne connaît plus notre génération pressée de jouir et faisant
passer le confortable en première ligne. Bientôt les vernis Martin furent trouvés trop grossiers et les ébénistes durent employer des panneaux en vieux laque du Japon. En même temps la mode adopta les meubles enrichis de plaques de porcelaine peintes dans les ateliers de la manufacture de Sèvres. Le prix élevé qu'atteignaient les produits de la porcelaine de France conduisit à la considérer comme la dernière expression du luxe somptuaire. On vit des cheminées, des carrosses, des tables, des cabinets et des commodes, entièrement revêtus de peintures sur porcelaine, serties dans des encadrements de cuivre ciselé. Bientôt on arriva aux pièces d'ameublement entièrement travaillées en bronze dans lesquelles on incrustait des plaques de matières précieuses ou des miniatures.

La sculpture sur bois n'avait rien perdu de son ancienne supériorité. Les nombreuses boiseries d'appartement qui remontent à cette époque offrent de charmants modèles de goût. Leur composition est le plus souvent empruntée aux sujets champêtres que la littérature du temps avait mis en faveur. Disons cependant que cette tendance de retour vers la nature semble avoir été moins favorable à l'originalité de l'art, que ne l'avaient été la recherche des lignes capricieuses à l'époque de Louis XV et le goût des compositions majestueuses sous Louis XIV. Une manière plus heureuse se retrouve dans les délicieuses arabesques inventées par Cauvet et par Delalonde, qui s'inspiraient à la fois des fresques antiques de Pompéi et des ornements de l'école italienne de la fin du XVIe siècle

Pendant que les ciseleurs empiétaient sur le domaine de l'ébénisterie, les sculpteurs sur bois produisaient à leur tour, des lits, des consoles et des sièges qui semblent, par leur délicatesse, avoir été travaillés dans le métal. Le XVIIIe siècle mérite d'être appelé l'époque du bronze par excellence, et les artistes du règne de Louis XVI ont exécuté avec une habileté inépuisable des candélabres et d'autres objets de cuivre ciselé, dont la perfection excite notre étonnement. Les noms de Gouthière, d'Hervieux, de Duplessis et de Thomire, que nous avons déjà rencontrés, peuvent être cités comme ceux des plus habiles représentants de cet art charmant, dont les oeuvres ont un succès croissant chaque jour. 

En même temps que cette magnificence, on remarque l'adoption d'une décoration plus simple et mieux appropriée aux moeurs de la bourgeoisie dont l'influence s'affirmait de plus en plus. Pendant que les fabriques de Lyon, affranchies de l'imitation étrangère, suivaient les modèles des dessinateurs français pour l'ameublement des palais, l'établissement des manufactures de toiles imprimées mettait à la portée des bourses plus modestes de charmants motifs de tenture. Une révolution plus complète ne tarda pas à se produire dans l'aspect intérieur des habitations, par l'usage des papiers de tenture, qui, venue de la Chine en Angleterre, prit bientôt un immense développement dans l'industrie parisienne. Cette décoration économique devait, par la suite, porter un coup funeste à la production somptuaire. L'un des agents les plus actifs du déclin qui frappa les ateliers artistiques français, dans les premières années du XIXe siècle, fut certainement l'emploi de cette déplorable imitation d'un luxe disparu. (A. de Champeaux).

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