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Les
plus vieux documents relatifs à la médecine
des anciens Perses se trouvent dans
la collection de livres auxquels se rattache le nom de Zoroastre
et qui a pour titre le Zend-Avesta ,
dont la date n'est pas bien fixée, mais qui remonte au moins jusqu'à
l'époque des rois parthes, et peut-être
jusqu'au IVe
siècle avant notre ère.
Il est certain que ces livres sont moins anciens que les Védas
de l'Inde .
Ce qui a rapport à l'art médical se trouve dans la partie
du Zend-Avesta intitulée Vendidad
et surtout dans les paragraphes (fargard) 20-22 du VIIe
chapitre; les précédents contiennent aussi des
notions sur l'hygiène.
Les mêmes renseignements sont reproduits, avec des développements,
dans un chapitre du Dinkart, livre pehlvi
qui résume le Zend-Avesta, et qui appartient à l'époque
des Sassanides.
La médecine
de cette époque, qu'on peut appeler la médecine mazdéenne ,
était à la fois conjuratoire et basée sur un certain
degré d'observation et une thérapeutique effective. Les chapitres
qui en traitent sont conçus dans l'esprit le plus strictement dualiste,
qui veut que tous les biens de ce monde viennent d'Ormuz
et tous les maux d'Ahriman. Celui-ci a déchaîné toutes
les maladies, mais, par riposte, Ormuz a donné aux humains tous
les remèdes nécessaires, par centaines et par milliers. Le
médecin par excellence, dit la légende, c'est Thrita, le
premier des hommes héroïques, qui reçut la révélation
de la science des remèdes et la puissance de détourner les
mauvais esprits; c'est presque le dieu de la médecine; c'est au
moins le grand patron des médecins.
Le médecin,
dont le nom en zend est baeshaza ( sanscrit
: Bishaj, Bheshaja), était un prêtre, car nous
sommes à une époque de complète domination sacerdotale.
Pour ce motif, et les maladies étant causées par l'intervention
des dêvas, ou démons,
la conjuration était regardée comme le plus puissant des
remèdes; elle s'exécutait suivant un cérémonial
réglé d'avance. Pourtant, à plusieurs reprises, le
Zend-Avesta exprime
l'idée que les plantes ont le pouvoir de guérir les maladies
et de prolonger la vie. On en utilisait un assez grand nombre, et on n'hésitait
pas, quand il le fallait, à avoir recours aux instruments tranchants.
Il semble même que ces pratiques étaient le propre de trois
espèces de médecins qu'on faisait intervenir l'un après
l'autre. Celui qui soignait par les formules conjuratoires, le manthro-baeshaza,
avait la primauté; on disait de lui que c'était « le
médecin des médecins ».
D'après les
rites, le médecin devait être un mazdéen,
un adorateur d'Ormuz. Mais cette règle
dut souffrir des exceptions, puisque nous savons que Cambyse
eut un médecin égyptien,
que Ctésias fut médecin d'Artaxerxès
Mnémon, et qu'il parle d'Apollonidès
comme exerçant à la cour, que Darius
était accompagné de médecins égyptiens et qu'Hippocrate
fut peut-être mandé par Artaxerxès
Ier.
Avant de soigner ses coréligionnaires, le médecin devait
d'abord essayer son habileté sur trois malades païens; si ceux-ci
mouraient, la profession médicale lui restait interdite à
jamais. Tout était réglé avec cette minutieuse précaution;
le 17e fargard contient un tableau détaillé
des honoraires, tant pour les hommes que pour les animaux, car, dans la
vieille Perse
comme en Egypte ,
le médecin était en même temps vétérinaire .
Les délais dans lesquels le médecin devait se rendre près
du malade sont fixés à une heure près, pour le jour
et pour la nuit.
Dans le Dinkart,
postérieur au Zend-Avesta ,
il est fait mention d'un certain nombre de maladies; mais l'identification
n'en est pas toujours facile. On y reconnaît tout d'abord les fièvres
endémiques, très fréquentes dans le pays, et dont
les noms indiquent la chaleur brûlante; puis un certain nombre de
maladies de la peau, entre autres la gale, et la lèpre pour laquelle
la séquestration du malade est prescrite. Il semble que déjà
les Mazdéens connaissaient les maladies
vénériennes, à moins qu'il ne s'agisse simplement
des inconvénients résultant des excès vénériens.
D'autre part, le 17e fargard du chapitre
VII du Vendidad
traite du mal causé par la femme de mauvaise vie, sans d'ailleurs
fournir aucun texte médical précis. Il est aussi parlé
de rachitisme, de carie, de consomption, etc.
Certains indices
feraient penser que dès cette époque reculée, au début
de l'ère des Sassanides qui commence
en 226 ap. J.-C.,
la médecine grecque, et peut-être
la médecine indienne, avaient
déjà pénetré en Iran .
La division de la thérapeutique en trois branches est identique
à celle des Grecs avant Hippocrate,
et qu'on retrouve plus tard, modifiée dans un de ses termes, chez
Celse;
il y a aussi une indication des quatre qualités élémentaires,
etc.
D'ailleurs, nous
allons approcher du moment ou en Syrie et en Mésopotamie plusieurs
des écoles nombreuses instituées par les Juifs ( la
Médecine
dans le Croissant fertile) et les Nestoriens ( la
Médecine
byzantine) se transportent en Perse ,
et où l'école de Djondisabour, après Edesse
et Nisibe ,
va devenir un célèbre centre de réunion des savants
grecs
et des savants de l'Inde .
C'est là que la science grecque, si pauvrement représentée
et si délaissée dans la métropole de l'empire d'Orient ,
va momentanément refleurir. Les faits qui se rapportent à
cette rénovation remarquable seront rappelés dans l'histoire
de la période grecque-byzantine, à laquelle ils appartiennent.
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Planche
anatomique persane (XVIIe
siècle).
Pour la période
arabe,
nous possédons d'intéressants renseignements fournis par
le très important ouvrage d'Abou Mansour Mouwaffak, connu depuis
longtemps sous le nom de Liber fundamentorum pharmacologiae. Ce
livre précieux, le premier sans doute qui ait été
écrit en persan, nous apprend d'abord
qu'à l'époque où il a été composé,
entre 968
et 977,
l'influence arabe sur la littérature était déjà
prépondérante; le texte est réparti en sections d'après
l'alphabet arabe, sans tenir compte des lettres
persanes complémentaires. L'auteur qui avait voyagé en Inde
pour son instruction y connut des médecins renommés; il en
rapporta de nombreux médicaments. Il avait pour protecteur un souverain
auquel il dédie son livre et qu'il nomme l'émir Al-Mansour-el-Moëjia;
d'après Meyer, cet émir résidait à Boukhara
et mourut en 975.
Dans son livre qui a surtout pour base les doctrines de Galien,
Abou-Mansour insiste souvent sur les différences qui les séparent
de celles de l'Inde, auxquelles il donne la préférence, tant
son voyage lui avait laissé de vives impressions. On sait qu'il
se tenait à Bagdad
et bien ailleurs, sans doute, des conférences contradictoires entre
les médecins indiens et
les grecs. Abou-Mansour indique plusieurs
médecins et ouvrages hindous dont l'identification n'est pas encore
faite. Quant aux Arabes qui furent
à peu près ses contemporains, il cite surtout Rhazès
(850-923)
qui vécut à Boukhara et à Bagdad. Rhazès lui-même
nomme les Hindous Charaka et Suçruta, Avicenne,
et un certain Abou-Mahir, peu connu, qui fut le maître d'Ali-Abbas
que l'auteur ne cite pas plus que Sérapion.
Les théories
galéniques, ou plutôt les doctrines gréco-indiennes
si fort en faveur en Perse
à l'époque d'Abou-Mansour, ont continué d'y régner;
elles ont pénétré dans les idées courantes;
chaque Iranien continuera jusqu'au début du XXe
siècle de s'informer de la
prédominance de son tempérament en chaud ou froid, sec ou
humide, et Galien ou Rhazès et Avicenne continuerontnt d'être
les autorités incontestées dont la parole dictera les prescriptions
des médecins. (Dr. M. Potel). |
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