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La
médecine traditionnelle en Chine
Si l'on en croit
les anciens textes chinois, il faut faire remonter les commencements de
la médecine en Chine à la plus haute antiquité. Déjà,
3000ans
avant notre ère, peut-on lire, il aurait existé des jardins
spéciaux pour la culture des plantes médicinales. L'empereur
Houang-ti est considéré par la tradition comme ayant composé,
environ 2 600 ans av. J.-C.,
un des traités de médecine qui existent encore aujourd'hui.
Ce livre a été bien des fois remanié; néanmoins,
il résulte des recherches des sinologues qu'il est en réalité
quelque peu antérieur à l'ère chrétienne. La
littérature médicale chinoise, qui n'a pas traversé,
sans subir des avaries, les bouleversements politiques et les révolutions,
est encore aujourd'hui considérable; mais les oeuvres nouvelles
ne sont guère que la reproduction amplifiée des anciennes.
Vers le IIe
siècle parut un livre très
renomme, le Nang-King (ou Nei Tsing = Règne de l'intérieur),
qui traite des difficultés de l'art médical; il a été
souvent refait et fut, encore au XIVe siècle,
commenté au moins dix fois. La période de plus grande activité
paraît s'étendre du XIVe
au XVIe
siècle, mais, ensuite, la science
médicale classique a connu un certain reflux; on multipliera, certes,
les éditions, mais pour le fond on s'en tiendra à la tradition.
Dans cette littérature, la matière médicale occupe
une place prépondérante; le vaste recueil composé
en 1550
et dû à la collaboration de 800 médecins, qui y introduisirent
1890 médicaments, dont 370 substances nouvelles, en est un des plus
importants monuments.
La médecine
chinoise a été en Europe très diversement appréciée;
en raison de la singularité de ses procédés et de
ses pratiques, on a souvent nourri l'illusion de croire qu'elle recelait
quantité de connaissances dont l'Occident pouvait tirer quelque
profit. Un point de vue qui n'est sans doute pas complètement faux,
surtout lorsqu'on pense à la riche pharmacopée botanique
chinoise, mais qui certainement a surévalué l'intérêt
que pouvait avoir le rapprochement de ces deux démarches largement
hétérogènes. Le père Duhalde avait vanté
l'habileté des médecins chinois; le père Grosier prétendait
qu'ils avaient inspiré les travaux de Bordeu
sur le pouls; l'acupuncture surtout passait pour un système thérapeutique
sérieux fondé à la fois sur l'observation et le raisonnement.
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L'acupuncture
L'acupuncture est
une opération qui consiste à enfoncer, dans une partie quelconque
du corps humain, une aiguille dans le but de guérir certaines maladies.
Connue très anciennement en Chine, où elle est encore employée
journellement, ainsi qu'au Japon, l'acupuncture fut importée en
Europe en 1679 par Ten-Rhyne, médecin de la compagnie des
Indes. En 1840, elle fut appliquée pour la première
fois à la médecine par un Français, le Dr Berlioz,
puis par Bretonneau; le professeur Jules Cloquet contribua beaucoup à
la vulgariser par ses expériences personnelles. Employée
avec succès au traitement des affections douloureuses, aux névralgies
de toutes sortes, elle provoqua un véritable engouement, fut appliquée
à la cure des maladies les plus diverses, sans aucune mesure et
de la manière la plus empirique. On lui a associé, pendant
un certain temps, les courants électriques, d'où est née
l'électro-puncture ou galvano-puncture qui lui a survécu;
elle n'est pas sans avoir contribué à la création
d'une autre méthode de traitement, les injections sous-cutanées
à l'aide d'une aiguille creuse.
Pour pratiquer l'acupuncture,
les Chinois et les Japonais se servent traditionnellement d'une aiguille
en or ou en argent, longue d'une douzaine de centimètres, ronde
et très fine; son manche est retors ou en forme de limaçon,
afin qu'elle se prête plus facilement aux mouvements de rotation
qu'on lui imprime pour l'introduire. Une autre espèce d'aiguille,
en argent, est plus mince, le manche est plus court, épais et tourné
en vis suivant la longueur. On y adapte quelquefois un tube en cuivre qui
sert à guider l'aiguille pour la faire plus sûrement pénétrer
dans l'endroit choisi. En France, on s'est servi d'aiguilles en acier de
trois à quatre pouces, à tête en cire, en plomb, ou
terminées par une boucle. Les premiers acupuncteurs européens
écriront que les aiguilles dites à reprises, passées
à la flamme d'une bougie, puis refroidies lentement, conviennent
très bien.
Les Chinois et les
Japonais pratiquent l'acupuncture en frappant sur la tête de l'aiguille
avec un maillet d'ivoire ou de bois dur criblé de petits trous comme
un dé à coudre pour que le choc soit plus assuré;
un seul coup suffit pour traverser la peau, puis on fait pénétrer
l'aiguille plus profondément en la poussant ou en la faisant tourner
entre le pouce et l'index. En France, on se contente de se servir des doigts,
après avoir tendu la peau. Le mannequin bien connu des Chinois,
sur lequel ils ont indiqué par des points noirs les endroits où
l'acupuncture devait être faite, n'a aucune importance puisqu'il
convient de la faire dans les points douloureux; leur topographie est même
assez bizarre, puisque, s'ils ont soin d'éviter les artères
et les nerfs principaux, ils ne craignent pas d'enfoncer leurs aiguilles
dans les grands viscères, foie, estomac, utérus, même
dans le foetus qu'il contient, lorsque celui-ci incommode la mère
par ses mouvements désordonnés.
Les accidents dus
à la pénétration des aiguilles à acupuncture
dans les tissus sont très rares; elle cause peu de douleur, et les
expériences ont démontré que les gros vaisseaux peuvent
être traversés impunément. On sait d'ailleurs que les
aiguilles avalées traversent une grande partie du corps avant d'arriver
à la peau, où elles sortent sans inconvénient. Il
paraît cependant que les syncopes sont fréquentes, et que,
du temps de J. Cloquet, elles se manifestaient, d'une manière générale,
chez un trentième des sujets sur lesquels on pratiquait l'acupuncture.
On ne sait guère
comment agissaient les aiguilles sur l'organisme pour apaiser les douleurs
si diverses contre lesquelles on les a dirigées. On a beaucoup discuté
à cette première époque où l'acupuncture a
été en faveur, de 1820 à 1840, mais
à cette époque les procédés scientifiques d'étude
étaient trop peu perfectionnés pour qu'on pût rechercher
d'une manière valable l'explication des symptômes observés.
L'aiguille provoquait-elle des phénomènes électriques,
comme on l'a dit? En tout cas, elle provoquait une légère
inflammation et parfois de petits abcès, et c'est probablement,
s'expliquait-on, comme révulsif qu'elle agissait.
L'énumération
des maladies traitées par l'acupuncture suffira à montrer
combien peu la raison guidait ses adeptes : cancer de l'utérus douloureux,
douleurs ostéocopes, rhumatisme et toutes ses variétés
fébriles ou non, angine de poitrine, lumbago, névralgies
sciatiques, faciales, dentaires, frontales, occipitales, névroses
viscérales, coqueluche, asthme, gastralgie, hoquet, pleurodynie,
tétanos, hystérie, paralysie, contusion, carie osseuse, tumeur
banche, ophtalmie, anasarque, pseudarthrose, etc. On l'a employée
aussi pour rappeler à la vie les asphyxiés, pour s'assurer
de la mort réelle.
Après cette
première vague de faveur qu'elle connut en Europe, et les excès
d'engoument auxquels elle donna lieu, l'acupuncture finit par tomber dans
l'oubli comme tous les remèdes dont on a voulu faire une panacée.
Cette pratique connaît depuis quelques décennies un renouveau
qui doit moins à l'évolution des techniques médicales
qu'à des causes sociologiques : renouveau de l'attrait les pour
les philosophies et les mystiques orientales depuis les années 1960,
notamment. Ce contexte peut justifier, - indépendamment, donc, des
toute considération d'ordre médical - aussi bien l'intérêt
dévôt que lui porte le public que le rejet dont cette pratique
peut faire l'objet.
L'attitude des médecins
contemporains face à l'acupuncture semble très diverse elle
aussi. Mais, autant que nous puissons en juger, elle est le plus souvent
la suivante:
1) ils rejettent
les bases quelque peu ésotériques et métaphysiques
sur lesquelles repose la justification traditionnelle de l'acupuncture
(yin et yang, méridiens et points d'énergie etc.); elles
ne répondent pas aux critères de scientificité requis
par la médecine telle qu'elle est conçue en Occident.
2) ils se montrent
circonspects face à l'efficacité "tout terrain" de cette
approche thérapeutique (on ne peut pas traiter tout et n'importe
quoi avec l'acupuncture...); son intérêt peut-être réel
dans bien des domaines, demanderait encore à être validé,
ce qui soulève apparemment des difficultés pratiques .
3) Il reconnaissent
cependant l'action réelle de de l'acupuncture quand elle est appliquée
au traitement des névralgies, affections souvent si rebelles à
tous les autres moyens. Elle est alors à ranger parmi les autres
techniques de neurostimulation, mais alors il n'y a aucune solution de
continuité avec la logique de l'acupunture traditionnelle.
(L.-H. Petit).
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L'ensemble de la
littérature chinoise,
au moins ce que nous en connaissons, ne présente pas assez de cohésion
pour permettre d'en dégager facilement une doctrine dont la systématisation
précise n'a peut-être jamais eu lieu. Néanmoins on
y trouve par lambeaux une théorie humorale analogue à celle
qui a eu son centre en Grèce et en Inde. Les Chinois connaissent
cinq éléments : le bois, le feu, la terre, le métal
et l'eau, agents des cinq grandes planètes; ces éléments
qui s'engendrent l'un par l'autre, comme dans certaines théories
cosmologiques grecques, doivent être considérés comme
les essences créatrices de toutes les substances matérielles:
on y reconnaît clairement une déformation de la série
élémentaire indienne que reprendront aussi les Pythagoriciens.
A ces éléments correspondent cinq sens, cinq viscères,
etc. Les qualités élémentaires consistent en deux
principes, le yang, qui représente le chaud et le sec, et le yin
qui représente l'humide et le froid : le premier plus léger
a la tendance de se porter toujours vers les parties supérieures;
c'est le contraire pour le second. C'est l'équilibre parfait, mais
instable, de ces deux principes, qui constitue la santé; le yin
est le modérateur du yang. Les deux principes circulent en permanence,
transportés dans les divers organes par les canaux, avec le sang
et l'air vital renouvelé par la respiration .
Mais cette circulation est facilement entravée par l'action de la
pesanteur, et aussi par les frottements normaux ou accidentels qui se produisent
dans les vaisseaux. Cette dernière doctrine rappelle vaguement les
principes des méthodistes. La thérapeutique doit remédier
à ces inconvénients; pour y arriver, il faut d'abord chercher
le point sur lequel s'est produit le trouble; on y arrive par l'examen
du pouls. Celui-ci étant considéré comme produit par
des ondulations localisées de l'air vital et du sang, il était
rationnel qu'on l'examinât partout. Il y a des pouls normaux, irrupteurs,
externes (du principe yang), internes (du principe yin); chacun d'eux peut
être superficiel, moyen, profond, fort, faible, etc., ce qui donne
en tout 200 variétés environ. De l'examen attentif et de
la combinaison de ces divers pouls, un médecin expert peut tirer
le diagnostic du lieu affecté et de la maladie.
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Le
réseau vital sur lequel repose la théorie de l'acupuncture
chinoise,
d'après
le Specimen medicinae sinicae (1652).
Pour répondre
aux indications fournies par les signes d'entraves dans le jeu hydraulique
de la circulation de l'air vital et du sang, on a recours à l'acupuncture
qui, entre les mains de certains médecins, a été une
sorte de panacée. On sait que ce procédé consiste
à introduire, dans les tissus et dans les cavités, des aiguilles
métalliques (or, argent, acier) qu'on laisse séjourner des
journées entières, et dont l'extraction est suivie de la
cautérisation superficielle du point piqué, à l'aide
d'un petit moxa fait d'une feuille d'armoise roulée en cône.
La présence de l'aiguille doit avoir pour effet d'augmenter l'activité
du pneuma, et par là de faciliter le rétablissement des mouvements
des humeurs et de leur équilibre. C'est dans ce but qu'il est recommandé
de faire vibrer les aiguilles en grattant les spirales métalliques
qui garnissent leur tête, pendant qu'elles sont en place. Il y a
388 points d'élection pour l'implantation des aiguilles; la difficulté
est de bien choisir Quelques maladies n'exigent qu'une aiguille, mais nous
avons compté 29 points d'élection pour les maux de reins.
Les médecins chinois ne se bornent pas à l'examen du pouls;
ils étudient volontiers l'état des organes, surtout ceux
des sens. Rémusat en 1813,
dans une dissertation latine, chercha à montrer qu'une analogie
évidente existe entre les signes fournis par la langue dans les
aphorismes
d'Hippocrate et dans les livres chinois. Cette
analogie peut exister, mais l'explication n'est pas celle à laquelle
Rémusat avait songé.
-
La moxibustion
La moxibustion est
un ancien mode de traitement des maladies utilisé aussi bien en
Occident qu'en Orient, mais qui a eu une importante privilégiée
dans la médecine chinoise aux côtés de l'acupuncture.
Cette technique repose sur l'utilisation d'un petit cylindre de matière
combustible - le moxa - qu'on fait brûler lentement sur la
peau de façon à y déterminer une escarre plus ou moins
profonde. L'action du moxa est d'abord de rougir les téguments;
puis; partout où ils sont en contact avec le corps en combustion,
ils se convertissent en une escarre noire et fendillée, autour de
laquelle la peau, brûlée moins profondément, est rouge
et souvent couverte de petites phlyctènes. La douleur ne devient
vive qu'au moment où la partie du moxa en contact avec la
peau est enflammée. Elle disparaît en général
très rapidement.
Cela était
considéré comme un des moyens révulsifs les plus énergiques.
Quoiqu'il soit abandonné aujourd'hui, et depuis plus d'un siècle,
à cause des vives douleurs qu'occasionne son application, il a longtemps
rendu des services dans le traitement des affections inflammatoires chroniques
des os, des articulations et des viscères. Les vieux livres de médecine
mentionnent des cas de pneumonie chronique et de pleurésie avec
épanchement qui n'ont cédé qu'à des moxas.
On a utilisé
pour faire des moxas les substances les plus diverses : la moelle
du grand tournesol imbibée de nitrate de potasse, l'agaric de chêne,
le papier trempé dans une solution de chlorate de potasse. En chine
et au Japon, on se servait d'un duvet retiré des sommités
de quelques espèces d'armoises. Mais la substance la plus communément
employée était le coton roulé en cylindre et fortement
serré. On l'appliquait sur la peau par une de ses bases; on pouvait,
dans ce but, se servir d'un porte-moxa, ou bien se contenter d'humecter
la partie en contact avec les téguments pour l'empêcher de
se déplacer, puis on allumait l'extrémité libre et
on activait au besoin la combustion à l'aide du souffle.
(Dr L. Laloy). |
L'anatomie est à
peu près nulle dans les anciens livres chinois; il ne se fait pas
de dissection et on se contente des descriptions imaginaires extraites
de livres qui remontent à 2000 ans. Les descriptions des maladies
sont superficielles et sommaires; néanmoins on s'étonne de
rencontrer dans le volumineux fatras de la littérature médicale
des preuves d'observations assez précises, quoique les maladies
soient divisées et subdivisées au point d'être réduites
souvent à un seul symptôme. Le choléra, par exemple,
est assez bien décrit, et son traitement par les toniques et le
thé chaud assez rationnel; il en est de même de la rougeole
et de la variole; contre cette dernière, on emploie l'inoculation
depuis là plus haute antiquité, prétendent les Chinois.
Dans la pneumonie, qu'ils nomment abcès du poumon, ce qui fait songer
à l'empyème d'Hippocrate, ils
signalent le point de côté et les crachats colorés.
La syphilis et ses diverses manifestations ont été observées
avec quelque précision; on la combat par le mercure; il serait curieux
de savoir à quelle, époque remonte cette médication.
Les attaques d'épilepsie sont dépeintes avec exactitude,
etc. La chirurgie est restée dans l'enfance; on applique, à
l'aventure, pour les fractures un bandage primitif, toujours le même.
Le moxa est le moyen par excellence. En dehors de lui, on se borne
aux pansements des plaies et des ulcères. La gynécologie
n'existe pour ainsi dire pas, les maladies des femmes étant soignées
par des matrones ignorantes. Le massage assez usité est pratiqué
dans la Chine impériale par les barbiers.
La matière
médicale, qui comprend une quarantaine d'ouvrages, et qui est la
partie importante de la médecine chinoise, offre des analogies marquantes
avec celle de l'Inde. Le Pen-tao, où sont énumérées
1100 substances, en est le trésor. Les médicaments sont empruntés
aux trois règnes; mais on fait surtout usage des plantes. Les médecins
chinois traditionnels connaissent assez exactement les propriétés
d'un certain nombre de remèdes, comme l'alun, l'arsenic,
le mercure, le borax,
le safran, l'aconit, l'opium, le musc. Les idées
dominantes en thérapeutique sont celles de spécificité;
on ajoute également grande foi aux signatures, comme cela a eu lieu
si longtemps en Occident. Les Chinois connaissent des incompatibilités
entre les médicaments, et par conséquent des antidotes. Un
certain nombre de plantes usitées par eux mériteraient d'être
étudiées au point de vue de leurs effets.
-
Planche
d'un ancien traité chinois d'ophtamologie.
Dans la Chine impériale,
la profession médicale était complètement libre, ainsi
que la vente des remèdes. Il y eut autrefois de nombreux établissements
d'enseignement, fondés surtout au XIIe
siècle; mais ils ont disparu au
cours des siècles suivants. Le seul qui existe encore à la
fin du XIXe
siècle est à Pékin,
mais il ne sert qu'à former les médecins de la cour. Il ne
reste rien non plus à la fin de l'époque impériale
de l'ancienne organisation de l'assistance publique qui fit autrefois grand
honneur au pays. A cette époque, les médecins ne sont pas
consultés pour les questions d'hygiène publique; quant à
la médecine légale, elle est minutieusement réglée
par le Si-yen-huh, sorte de code de jurisprudence médicale,
très ancien, toujours réédité, qui sert de
guide aux juges, et derrière lequel ils abritent leurs abus. Dans
la deuxième moitié du XIXe
siècle, les livres européens
on commencé à pénétrer en Chine; mais ils n'y
ont pas été acceptés sans résistance. La vaccine,
grâce aux efforts des Européens et surtout des Anglais, a
cependant commencé à se répandre.
Quelles furent les
origines de la vieille médecine chinoise, et jusqu'à quel
point est-ce un produit indigène? Si nous nous permettions de répondre
à cette question, nous supposerions volontiers que, en partie du
moins, le fond de la doctrine est venu de l'Inde avec le bouddhisme, et
que, par là, a été introduite, plus ou moins modifiée,
la doctrine humorale que les Hindous ont partagé avec les Grecs.
Il est telle théorie, par exemple celle des trois âmes résidant
dans le foie, la poitrine et le cerveau, théorie, qu'en Occident
on dira essentiellement platonicienne, dont l'exposé dans les livres
chinois ne peut être attribuée au hasard. Mais on connaît
assez les influences orientales dont dénote la pensée platonicienne
pour que l'on puisse imaginer tout aussi bien qu'ici aussi le mouvement
des idées se soit fait en sens inverse. De la Chine vers la Grèce ,
via L'Inde.
L'ancienne
médecine du Japon
La médecine
du Japon a été empruntée aux Chinois; celle-ci y fut
greffée sur une médecine populaire, toute de superstitions
et de croyances aux influences des mauvais esprits. D'après les
Chinois, c'est plus de 200 ans
avant notre ère que cette première implantation de médecine
étrangère eut lieu. En 414,
un médecin chinois, résidant en Corée, fut appelé
auprès de l'empereur malade. En 553,
vinrent du même pays des professeurs nombreux, et parmi eux des maîtres
en médecine et en pharmacie.
Au VIIe
siècle, en 668,
d'après les chroniques, un lettré coréen fut chargé
d'installer dans le pays des écoles dont la principale fut établie
dans la capitale de l'île Kiou-siou; déjà il y eut
là des cours spéciaux d'acupuncture, de massage et de maladies
des yeux. D'autres écoles d'enseignement chinois sont, dans le même
siècle, signalées comme des créations nouvelles. Ces
écoles, protégées par des gouverneurs, dont l'un au
moins avait longtemps séjourné en Chine, reçurent
les faveurs de l'empereur sous forme de dotations pour l'entretien des
élèves. La pratique du massage, de l'acupuncture et des moxas,
fort en honneur, faisait l'objet de cours destinés à former
des spécialistes. Chacune de ces écoles possédait
un professeur d'astrologie .
Ce fut l'époque brillante de la médecine chinoise au Japon,
époque bientôt suivie d'un état de langueur qui se
prolongea jusqu'au XVIIe
siècle, et à la faveur duquel
les vieilles croyances aux influences des esprits, qui n'avaient jamais
disparu, étaient revenues en grande faveur.
Il y avait une corporation
spéciale de religieux, sortes d'ermites, appartenant à la
religion de Shinto ,
qui s'attribuaient la spécialité d'apaiser les colères
du mauvais esprit Yekiré, promoteur des épidémies.
Ce furent des Portugais, au XVIe
siècle, puis des Hollandais au
XVIIe siècle,
qui tentèrent d'introduire au Japon la science médicale européenne;
ils furent reçus avec la plus grande méfiance et eurent à
lutter contre des obstacles continuels. En 1765,
malgré leurs efforts, on fondait encore une nouvelle école
de médecine chinoise, et, en 1848,
un décret interdisait sévèrement la pratique de la
médecine occidentale. Pourtant le dévouement des initiateurs
européens E. Kaempfer (1690-92),
Karl Thunberg (1775),
Ph.-F. von Siebold, qui séjourna au Japon
depuis 1823,
ne devaient pas être perdus; en 1857,
une école européenne fut de nouveau installée, et
on y pratiqua quelques dissections. Enfin, à partir de la révolution
de 1868,
les choses ont complètement changé de face; des écoles,
dont les maîtres sont alors fournis en grande partie par les universités
européennes, fonctionnent régulièrement et préparent
des praticiens qui sont bien accueillis dans les villes du Japon, où
ils représenteront avant la fin du siècle le quart de la
totalité des praticiens de l'empire.
A cette époque,
les médecins des grands dignitaires et des hauts fonctionnaires
sont choisis dans les classes élevées; les plus renommés
sont attachés au service du palais de l'empereur, et parmi eux,
jusqu'au début du XXe
siècle, est un représentant
de la vieille médecine chinoise. Les médecins du peuple appartiennent
aux classes populaires, parmi lesquelles la profession médicale
est, dans une certaine mesure, héréditaire.
-
Consultation
à la japonaise.
La pathologie de
la médecine japonaise traditionnelle est purement chinoise, comme
la thérapeutique et la matière médicale presque tout
entière. On ne doit donc pas s'étonner d'y trouver des traces
également communes aux théories de l'ancienne Grèce.
La matière médicale comprend un certain nombre de produits
indigènes, surtout végétaux. L'acupuncture, le moxa,
tiennent, dans la pratique, avec le massage, qui était traditionnellement
une spécialité réservée aux aveugles des deux
sexes, et l'usage des bains et des eaux thermales, une place considérable;
ils représentent tout ce qu'il y a de plus raisonnable dans l'ancienne
médecine. Les bains de mer ne sont jamais employés; mais
les bains chauds sont d'un usage journalier. L'acupuncture est dans les
localités importantes pratiquée par des spécialistes
appelés tensasi. Elle est classiquement employée surtout
contre les névralgies, parfois avec grand succès dit-on,
les rhumatismes, le météorisme, etc.
La syphilis, d'après
diverses études, était déjà connue au Japon
au IXe
siècle; elle restera très
répandue en raison de la tolérance vis-à-vis de la
prostitution. Au Japon, la coutume est que les accouchements soient confiés
à des sages-femmes, prises dans les rangs du peuple, le plus souvent.
Il y eut longtemps, pour elles, une sorte d'école spéciale,
où elles vivaient en commun, soigneusement séquestrées.
A partir du XVIIIe
siècle, plusieurs médecins
successivement, du nom de Kawaga, s'occupèrent de gynécologie
et composèrent des ouvrages renommés. Dès cette époque,
il y eut des spécialistes accoucheurs, dont quelques-uns étaient
membres de cette célèbre famille des Kawaga.
(Dr. Liétard). |