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Les
anciens écrits chinois font remonter l'art de soigner à la
plus haute antiquité. La médecine, qui dans sa forme classique
atteint son apogée entre les XIVe
et XVIe
siècles, n'est une science réellement
formée en Chine que depuis l'arrivée du bouddhisme,
qui dut se donner, dans ce pays, le même rôle qu'au Tibet
et ailleurs. Les bouddhistes trouvèrent, dans le pays, la croyance
aux pratiques de la magie contre lesquelles ils réagirent sans les
faire disparaître complètement.
La doctrine médicale nouvelle fut adoptée et modifiée; quant aux théories dérivant de l'observation du pouls - pour lequel ont reconnaissait au moins 24 façons de battre - , et aux pratiques de l'acupuncture, ce sont très probablement des produits de l'esprit ingénieux des fils du Céleste Empire. Du point de vue de sa philosophie, cette médecine s'est entièrement construite dans le cadre de la cosmologie traditionnelle. Les maladies sont classées en fonction des saisons de l'année : les maux de tête par exemple, relèvent de la classe du printemps, les maladies de peau de celle de l'été, les fièvres de celle de l'automne et les affections pulmonaires de celle de l'hiver. Pendant très longtemps, la médecine japonaise, implantée dans l'archipel depuis, peut-être le IIeou même le IIIe siècle avant notre ère ne s'est pratiquement pas distinguée de la médecine chinoise. Son émancipation attendra le XVIIe siècle; et c'est dans le premier tiers du XIXe siècle que F. von Siebold en amorça l'occidentalisation. |
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La
médecine traditionnelle en Chine
Si l'on en croit
les anciens textes chinois, il faut faire remonter les commencements de
la médecine en Chine à la plus haute antiquité. Déjà,
3000ans
avant notre ère, peut-on lire, il aurait existé des jardins
spéciaux pour la culture des plantes médicinales. L'empereur
Houang-ti est considéré par la tradition comme ayant composé,
environ 2 600 ans av. J.-C.,
un des traités de médecine qui existent encore aujourd'hui.
Ce livre a été bien des fois remanié; néanmoins,
il résulte des recherches des sinologues qu'il est en réalité
quelque peu antérieur à l'ère chrétienne. La
littérature médicale chinoise, qui n'a pas traversé,
sans subir des avaries, les bouleversements politiques et les révolutions,
est encore aujourd'hui considérable; mais les oeuvres nouvelles
ne sont guère que la reproduction amplifiée des anciennes.
Vers le IIe
siècle parut un livre très
renomme, le Nang-King (ou Nei Tsing = Règne de l'intérieur),
qui traite des difficultés de l'art médical; il a été
souvent refait et fut, encore au XIVe siècle,
commenté au moins dix fois. La période de plus grande activité
paraît s'étendre du XIVe
au XVIe
siècle, mais, ensuite, la science
médicale classique a connu un certain reflux; on multipliera, certes,
les éditions, mais pour le fond on s'en tiendra à la tradition.
Dans cette littérature, la matière médicale occupe
une place prépondérante; le vaste recueil composé
en 1550
et dû à la collaboration de 800 médecins, qui y introduisirent
1890 médicaments, dont 370 substances nouvelles, en est un des plus
importants monuments.
L'ensemble de la
littérature chinoise,
au moins ce que nous en connaissons, ne présente pas assez de cohésion
pour permettre d'en dégager facilement une doctrine dont la systématisation
précise n'a peut-être jamais eu lieu. Néanmoins on
y trouve par lambeaux une théorie humorale analogue à celle
qui a eu son centre en Grèce et en Inde. Les Chinois connaissent
cinq éléments : le bois, le feu, la terre, le métal
et l'eau, agents des cinq grandes planètes; ces éléments
qui s'engendrent l'un par l'autre, comme dans certaines théories
cosmologiques grecques, doivent être considérés comme
les essences créatrices de toutes les substances matérielles:
on y reconnaît clairement une déformation de la série
élémentaire indienne que reprendront aussi les Pythagoriciens.
A ces éléments correspondent cinq sens, cinq viscères,
etc. Les qualités élémentaires consistent en deux
principes, le yang, qui représente le chaud et le sec, et le yin
qui représente l'humide et le froid : le premier plus léger
a la tendance de se porter toujours vers les parties supérieures;
c'est le contraire pour le second. C'est l'équilibre parfait, mais
instable, de ces deux principes, qui constitue la santé; le yin
est le modérateur du yang. Les deux principes circulent en permanence,
transportés dans les divers organes par les canaux, avec le sang
et l'air vital renouvelé par la respiration.
Mais cette circulation est facilement entravée par l'action de la
pesanteur, et aussi par les frottements normaux ou accidentels qui se produisent
dans les vaisseaux. Cette dernière doctrine rappelle vaguement les
principes des méthodistes. La thérapeutique doit remédier
à ces inconvénients; pour y arriver, il faut d'abord chercher
le point sur lequel s'est produit le trouble; on y arrive par l'examen
du pouls. Celui-ci étant considéré comme produit par
des ondulations localisées de l'air vital et du sang, il était
rationnel qu'on l'examinât partout. Il y a des pouls normaux, irrupteurs,
externes (du principe yang), internes (du principe yin); chacun d'eux peut
être superficiel, moyen, profond, fort, faible, etc., ce qui donne
en tout 200 variétés environ. De l'examen attentif et de
la combinaison de ces divers pouls, un médecin expert peut tirer
le diagnostic du lieu affecté et de la maladie.
Le réseau vital sur lequel repose la théorie de l'acupuncture chinoise, d'après le Specimen medicinae sinicae (1652). Pour répondre
aux indications fournies par les signes d'entraves dans le jeu hydraulique
de la circulation de l'air vital et du sang, on a recours à l'acupuncture
qui, entre les mains de certains médecins, a été une
sorte de panacée. On sait que ce procédé consiste
à introduire, dans les tissus et dans les cavités, des aiguilles
métalliques (or, argent, acier) qu'on laisse séjourner des
journées entières, et dont l'extraction est suivie de la
cautérisation superficielle du point piqué, à l'aide
d'un petit moxa fait d'une feuille d'armoise roulée en cône.
La présence de l'aiguille doit avoir pour effet d'augmenter l'activité
du pneuma, et par là de faciliter le rétablissement des mouvements
des humeurs et de leur équilibre. C'est dans ce but qu'il est recommandé
de faire vibrer les aiguilles en grattant les spirales métalliques
qui garnissent leur tête, pendant qu'elles sont en place. Il y a
388 points d'élection pour l'implantation des aiguilles; la difficulté
est de bien choisir Quelques maladies n'exigent qu'une aiguille, mais nous
avons compté 29 points d'élection pour les maux de reins.
Les médecins chinois ne se bornent pas à l'examen du pouls;
ils étudient volontiers l'état des organes, surtout ceux
des sens. Rémusat en 1813,
dans une dissertation latine, chercha à montrer qu'une analogie
évidente existe entre les signes fournis par la langue dans les
aphorismes
d'Hippocrate et dans les livres chinois. Cette
analogie peut exister, mais l'explication n'est pas celle à laquelle
Rémusat avait songé.
L'anatomie est à peu près nulle dans les anciens livres chinois; il ne se fait pas de dissection et on se contente des descriptions imaginaires extraites de livres qui remontent à 2000 ans. Les descriptions des maladies sont superficielles et sommaires; néanmoins on s'étonne de rencontrer dans le volumineux fatras de la littérature médicale des preuves d'observations assez précises, quoique les maladies soient divisées et subdivisées au point d'être réduites souvent à un seul symptôme. Le choléra, par exemple, est assez bien décrit, et son traitement par les toniques et le thé chaud assez rationnel; il en est de même de la rougeole et de la variole; contre cette dernière, on emploie l'inoculation depuis là plus haute antiquité, prétendent les Chinois. Dans la pneumonie, qu'ils nomment abcès du poumon, ce qui fait songer à l'empyème d'Hippocrate, ils signalent le point de côté et les crachats colorés. La syphilis et ses diverses manifestations ont été observées avec quelque précision; on la combat par le mercure; il serait curieux de savoir à quelle, époque remonte cette médication. Les attaques d'épilepsie sont dépeintes avec exactitude, etc. La chirurgie est restée dans l'enfance; on applique, à l'aventure, pour les fractures un bandage primitif, toujours le même. Le moxa est le moyen par excellence. En dehors de lui, on se borne aux pansements des plaies et des ulcères. La gynécologie n'existe pour ainsi dire pas, les maladies des femmes étant soignées par des matrones ignorantes. Le massage assez usité est pratiqué dans la Chine impériale par les barbiers. La matière
médicale, qui comprend une quarantaine d'ouvrages, et qui est la
partie importante de la médecine chinoise, offre des analogies marquantes
avec celle de l'Inde. Le Pen-tao, où sont énumérées
1100 substances, en est le trésor. Les médicaments sont empruntés
aux trois règnes; mais on fait surtout usage des plantes. Les médecins
chinois traditionnels connaissent assez exactement les propriétés
d'un certain nombre de remèdes, comme l'alun, l'arsenic,
le mercure, le borax,
le safran, l'aconit, l'opium, le musc. Les idées
dominantes en thérapeutique sont celles de spécificité;
on ajoute également grande foi aux signatures, comme cela a eu lieu
si longtemps en Occident. Les Chinois connaissent des incompatibilités
entre les médicaments, et par conséquent des antidotes. Un
certain nombre de plantes usitées par eux mériteraient d'être
étudiées au point de vue de leurs effets.
Planche d'un ancien traité chinois d'ophtamologie. Dans la Chine impériale,
la profession médicale était complètement libre, ainsi
que la vente des remèdes. Il y eut autrefois de nombreux établissements
d'enseignement, fondés surtout au XIIe
siècle; mais ils ont disparu au
cours des siècles suivants. Le seul qui existe encore à la
fin du XIXe
siècle est à Pékin,
mais il ne sert qu'à former les médecins de la cour. Il ne
reste rien non plus à la fin de l'époque impériale
de l'ancienne organisation de l'assistance publique qui fit autrefois grand
honneur au pays. A cette époque, les médecins ne sont pas
consultés pour les questions d'hygiène publique; quant à
la médecine légale, elle est minutieusement réglée
par le Si-yen-huh, sorte de code de jurisprudence médicale,
très ancien, toujours réédité, qui sert de
guide aux juges, et derrière lequel ils abritent leurs abus. Dans
la deuxième moitié du XIXe
siècle, les livres européens
on commencé à pénétrer en Chine; mais ils n'y
ont pas été acceptés sans résistance. La vaccine,
grâce aux efforts des Européens et surtout des Anglais, a
cependant commencé à se répandre.
L'ancienne médecine du Japon La médecine du Japon a été empruntée aux Chinois; celle-ci y fut greffée sur une médecine populaire, toute de superstitions et de croyances aux influences des mauvais esprits. D'après les Chinois, c'est plus de 200 ans avant notre ère que cette première implantation de médecine étrangère eut lieu. En 414, un médecin chinois, résidant en Corée, fut appelé auprès de l'empereur malade. En 553, vinrent du même pays des professeurs nombreux, et parmi eux des maîtres en médecine et en pharmacie. Au VIIe siècle, en 668, d'après les chroniques, un lettré coréen fut chargé d'installer dans le pays des écoles dont la principale fut établie dans la capitale de l'île Kiou-siou; déjà il y eut là des cours spéciaux d'acupuncture, de massage et de maladies des yeux. D'autres écoles d'enseignement chinois sont, dans le même siècle, signalées comme des créations nouvelles. Ces écoles, protégées par des gouverneurs, dont l'un au moins avait longtemps séjourné en Chine, reçurent les faveurs de l'empereur sous forme de dotations pour l'entretien des élèves. La pratique du massage, de l'acupuncture et des moxas, fort en honneur, faisait l'objet de cours destinés à former des spécialistes. Chacune de ces écoles possédait un professeur d'astrologie. Ce fut l'époque brillante de la médecine chinoise au Japon, époque bientôt suivie d'un état de langueur qui se prolongea jusqu'au XVIIe siècle, et à la faveur duquel les vieilles croyances aux influences des esprits, qui n'avaient jamais disparu, étaient revenues en grande faveur. Il y avait une corporation spéciale de religieux, sortes d'ermites, appartenant à la religion de Shinto, qui s'attribuaient la spécialité d'apaiser les colères du mauvais esprit Yekiré, promoteur des épidémies. Ce furent des Portugais, au XVIe siècle, puis des Hollandais au XVIIe siècle, qui tentèrent d'introduire au Japon la science médicale européenne; ils furent reçus avec la plus grande méfiance et eurent à lutter contre des obstacles continuels. En 1765, malgré leurs efforts, on fondait encore une nouvelle école de médecine chinoise, et, en 1848, un décret interdisait sévèrement la pratique de la médecine occidentale. Pourtant le dévouement des initiateurs européens E. Kaempfer (1690-92), Karl Thunberg (1775), Ph.-F. von Siebold, qui séjourna au Japon depuis 1823, ne devaient pas être perdus; en 1857, une école européenne fut de nouveau installée, et on y pratiqua quelques dissections. Enfin, à partir de la révolution de 1868, les choses ont complètement changé de face; des écoles, dont les maîtres sont alors fournis en grande partie par les universités européennes, fonctionnent régulièrement et préparent des praticiens qui sont bien accueillis dans les villes du Japon, où ils représenteront avant la fin du siècle le quart de la totalité des praticiens de l'empire. A cette époque,
les médecins des grands dignitaires et des hauts fonctionnaires
sont choisis dans les classes élevées; les plus renommés
sont attachés au service du palais de l'empereur, et parmi eux,
jusqu'au début du XXe
siècle, est un représentant
de la vieille médecine chinoise. Les médecins du peuple appartiennent
aux classes populaires, parmi lesquelles la profession médicale
est, dans une certaine mesure, héréditaire.
Consultation à la japonaise. La pathologie de la médecine japonaise traditionnelle est purement chinoise, comme la thérapeutique et la matière médicale presque tout entière. On ne doit donc pas s'étonner d'y trouver des traces également communes aux théories de l'ancienne Grèce. La matière médicale comprend un certain nombre de produits indigènes, surtout végétaux. L'acupuncture, le moxa, tiennent, dans la pratique, avec le massage, qui était traditionnellement une spécialité réservée aux aveugles des deux sexes, et l'usage des bains et des eaux thermales, une place considérable; ils représentent tout ce qu'il y a de plus raisonnable dans l'ancienne médecine. Les bains de mer ne sont jamais employés; mais les bains chauds sont d'un usage journalier. L'acupuncture est dans les localités importantes pratiquée par des spécialistes appelés tensasi. Elle est classiquement employée surtout contre les névralgies, parfois avec grand succès dit-on, les rhumatismes, le météorisme, etc. La syphilis, d'après diverses études, était déjà connue au Japon au IXe siècle; elle restera très répandue en raison de la tolérance vis-à-vis de la prostitution. Au Japon, la coutume est que les accouchements soient confiés à des sages-femmes, prises dans les rangs du peuple, le plus souvent. Il y eut longtemps, pour elles, une sorte d'école spéciale, où elles vivaient en commun, soigneusement séquestrées. A partir du XVIIIe siècle, plusieurs médecins successivement, du nom de Kawaga, s'occupèrent de gynécologie et composèrent des ouvrages renommés. Dès cette époque, il y eut des spécialistes accoucheurs, dont quelques-uns étaient membres de cette célèbre famille des Kawaga. (Dr. Liétard). |
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