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La médecine chinoise
et japonaise
Les anciens écrits chinois font remonter l'art de soigner à la plus haute antiquité. La médecine, qui dans sa forme classique atteint son apogée entre les XIVe et XVIe siècles, n'est une science réellement formée en Chine que depuis l'arrivée du bouddhisme, qui dut se donner, dans ce pays, le même rôle qu'au Tibet et ailleurs. Les bouddhistes trouvèrent, dans le pays, la croyance aux pratiques de la magie contre lesquelles ils réagirent sans les faire disparaître complètement. 

La doctrine médicale nouvelle fut adoptée et modifiée; quant aux théories dérivant de l'observation du pouls - pour lequel ont reconnaissait au moins 24 façons de battre - , et aux pratiques de l'acupuncture, ce sont très probablement des produits de l'esprit  ingénieux des fils du Céleste Empire. Du point de vue de sa philosophie, cette médecine s'est entièrement construite dans le cadre de la cosmologie traditionnelle. Les maladies sont classées en fonction des saisons de l'année : les maux de tête par exemple, relèvent de la classe du printemps, les maladies de peau de celle de l'été, les fièvres de celle de l'automne et les affections pulmonaires de celle de l'hiver. 

Pendant très longtemps, la médecine japonaise, implantée dans l'archipel depuis, peut-être le IIeou même le IIIe siècle avant notre ère ne s'est pratiquement pas distinguée de la médecine chinoise. Son émancipation attendra le XVIIe siècle; et c'est dans le premier tiers du XIXe siècle que F. von Siebold en amorça l'occidentalisation.

La médecine traditionnelle en Chine

Si l'on en croit les anciens textes chinois, il faut faire remonter les commencements de la médecine en Chine à la plus haute antiquité. Déjà, 3000ans avant notre ère, peut-on lire, il aurait existé des jardins spéciaux pour la culture des plantes médicinales. L'empereur Houang-ti est considéré par la tradition comme ayant composé, environ 2 600 ans av. J.-C., un des traités de médecine qui existent encore aujourd'hui. Ce livre a été bien des fois remanié; néanmoins, il résulte des recherches des sinologues qu'il est en réalité quelque peu antérieur à l'ère chrétienne. La littérature médicale chinoise, qui n'a pas traversé, sans subir des avaries, les bouleversements politiques et les révolutions, est encore aujourd'hui considérable; mais les oeuvres nouvelles ne sont guère que la reproduction amplifiée des anciennes. Vers le IIe siècle parut un livre très renomme, le Nang-King (ou Nei Tsing = Règne de l'intérieur), qui traite des difficultés de l'art médical; il a été souvent refait et fut, encore au XIVe siècle, commenté au moins dix fois. La période de plus grande activité paraît s'étendre du XIVe au XVIe siècle, mais, ensuite, la science médicale classique a connu un certain reflux; on multipliera, certes, les éditions, mais pour le fond on s'en tiendra à la tradition. Dans cette littérature, la matière médicale occupe une place prépondérante; le vaste recueil composé en 1550 et dû à la collaboration de 800 médecins, qui y introduisirent 1890 médicaments, dont 370 substances nouvelles, en est un des plus importants monuments.

La médecine chinoise a été en Europe très diversement appréciée; en raison de la singularité de ses procédés et de ses pratiques, on a souvent nourri l'illusion de croire qu'elle recelait quantité de connaissances dont l'Occident pouvait tirer quelque profit. Un point de vue qui n'est sans doute pas complètement faux, surtout lorsqu'on pense à la riche pharmacopée botanique chinoise, mais qui certainement a surévalué l'intérêt que pouvait avoir le rapprochement de ces deux démarches largement hétérogènes. Le père Duhalde avait vanté l'habileté des médecins chinois; le père Grosier prétendait qu'ils avaient inspiré les travaux de Bordeu sur le pouls; l'acupuncture surtout passait pour un système thérapeutique sérieux fondé à la fois sur l'observation et le raisonnement. 
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L'acupuncture

L'acupuncture est une opération qui consiste à enfoncer, dans une partie quelconque du corps humain, une aiguille dans le but de guérir certaines maladies. Connue très anciennement en Chine, où elle est encore employée journellement, ainsi qu'au Japon, l'acupuncture fut importée en Europe en 1679 par Ten-Rhyne, médecin de la compagnie des Indes. En 1840, elle fut appliquée pour la première fois à la médecine par un Français, le Dr Berlioz, puis par Bretonneau; le professeur Jules Cloquet contribua beaucoup à la vulgariser par ses expériences personnelles. Employée avec succès au traitement des affections douloureuses, aux névralgies de toutes sortes, elle provoqua un véritable engouement, fut appliquée à la cure des maladies les plus diverses, sans aucune mesure et de la manière la plus empirique. On lui a associé, pendant un certain temps, les courants électriques, d'où est née l'électro-puncture ou galvano-puncture qui lui a survécu; elle n'est pas sans avoir contribué à la création d'une autre méthode de traitement, les injections sous-cutanées à l'aide d'une aiguille creuse. 

Pour pratiquer l'acupuncture, les Chinois et les Japonais se servent traditionnellement d'une aiguille en or ou en argent, longue d'une douzaine de centimètres, ronde et très fine; son manche est retors ou en forme de limaçon, afin qu'elle se prête plus facilement aux mouvements de rotation qu'on lui imprime pour l'introduire. Une autre espèce d'aiguille, en argent, est plus mince, le manche est plus court, épais et tourné en vis suivant la longueur. On y adapte quelquefois un tube en cuivre qui sert à guider l'aiguille pour la faire plus sûrement pénétrer dans l'endroit choisi. En France, on s'est servi d'aiguilles en acier de trois à quatre pouces, à tête en cire, en plomb, ou terminées par une boucle. Les premiers acupuncteurs européens écriront que les aiguilles dites à reprises, passées à la flamme d'une bougie, puis refroidies lentement, conviennent très bien. 

Les Chinois et les Japonais pratiquent l'acupuncture en frappant sur la tête de l'aiguille avec un maillet d'ivoire ou de bois dur criblé de petits trous comme un dé à coudre pour que le choc soit plus assuré; un seul coup suffit pour traverser la peau, puis on fait pénétrer l'aiguille plus profondément en la poussant ou en la faisant tourner entre le pouce et l'index. En France, on se contente de se servir des doigts, après avoir tendu la peau. Le mannequin bien connu des Chinois, sur lequel ils ont indiqué par des points noirs les endroits où l'acupuncture devait être faite, n'a aucune importance puisqu'il convient de la faire dans les points douloureux; leur topographie est même assez bizarre, puisque, s'ils ont soin d'éviter les artères et les nerfs principaux, ils ne craignent pas d'enfoncer leurs aiguilles dans les grands viscères, foie, estomac, utérus, même dans le foetus qu'il contient, lorsque celui-ci incommode la mère par ses mouvements désordonnés.

Les accidents dus à la pénétration des aiguilles à acupuncture dans les tissus sont très rares; elle cause peu de douleur, et les expériences ont démontré que les gros vaisseaux peuvent être traversés impunément. On sait d'ailleurs que les aiguilles avalées traversent une grande partie du corps avant d'arriver à la peau, où elles sortent sans inconvénient. Il paraît cependant que les syncopes sont fréquentes, et que, du temps de J. Cloquet, elles se manifestaient, d'une manière générale, chez un trentième des sujets sur lesquels on pratiquait l'acupuncture.

On ne sait guère comment agissaient les aiguilles sur l'organisme pour apaiser les douleurs si diverses contre lesquelles on les a dirigées. On a beaucoup discuté à cette première époque où l'acupuncture a été en faveur, de 1820 à 1840, mais à cette époque les procédés scientifiques d'étude étaient trop peu perfectionnés pour qu'on pût rechercher d'une manière valable l'explication des symptômes observés. L'aiguille provoquait-elle des phénomènes électriques, comme on l'a dit? En tout cas, elle provoquait une légère inflammation et parfois de petits abcès, et c'est probablement, s'expliquait-on, comme révulsif qu'elle agissait. 

L'énumération des maladies traitées par l'acupuncture suffira à montrer combien peu la raison guidait ses adeptes : cancer de l'utérus douloureux, douleurs ostéocopes, rhumatisme et toutes ses variétés fébriles ou non, angine de poitrine, lumbago, névralgies sciatiques, faciales, dentaires, frontales, occipitales, névroses viscérales, coqueluche, asthme, gastralgie, hoquet, pleurodynie, tétanos, hystérie, paralysie, contusion, carie osseuse, tumeur banche, ophtalmie, anasarque, pseudarthrose, etc. On l'a employée aussi pour rappeler à la vie les asphyxiés, pour s'assurer de la mort réelle.

Après cette première vague de faveur qu'elle connut en Europe, et les excès d'engoument auxquels elle donna lieu, l'acupuncture finit par tomber dans l'oubli comme tous les remèdes dont on a voulu faire une panacée. Cette pratique connaît depuis quelques décennies un renouveau qui doit moins à l'évolution des techniques médicales qu'à des causes sociologiques : renouveau de l'attrait les pour les philosophies et les mystiques orientales depuis les années 1960, notamment. Ce contexte peut justifier, - indépendamment, donc, des toute considération d'ordre médical - aussi bien l'intérêt dévôt que lui porte le public que le rejet dont cette pratique peut faire l'objet.

L'attitude des médecins contemporains face à l'acupuncture semble très diverse elle aussi. Mais, autant que nous puissons en juger, elle est le plus souvent la suivante:

1) ils rejettent les bases quelque peu ésotériques et métaphysiques sur lesquelles repose la justification traditionnelle de l'acupuncture (yin et yang, méridiens et points d'énergie etc.); elles ne répondent pas aux critères de scientificité requis par la médecine telle qu'elle est conçue en Occident. 

2) ils se montrent circonspects face à l'efficacité "tout terrain" de cette approche thérapeutique (on ne peut pas traiter tout et n'importe quoi avec l'acupuncture...); son intérêt peut-être réel dans bien des domaines, demanderait encore à être validé, ce qui soulève apparemment des difficultés pratiques .

3) Il reconnaissent cependant l'action réelle de de l'acupuncture quand elle est appliquée au traitement des névralgies, affections souvent si rebelles à tous les autres moyens. Elle est alors à ranger parmi les autres techniques de neurostimulation, mais alors il n'y a aucune solution de continuité avec la logique de l'acupunture traditionnelle. (L.-H. Petit).

L'ensemble de la littérature chinoise, au moins ce que nous en connaissons, ne présente pas assez de cohésion pour permettre d'en dégager facilement une doctrine dont la systématisation précise n'a peut-être jamais eu lieu. Néanmoins on y trouve par lambeaux une théorie humorale analogue à celle qui a eu son centre en  Grèce et en Inde. Les Chinois connaissent cinq éléments : le bois, le feu, la terre, le métal et l'eau, agents des cinq grandes planètes; ces éléments qui s'engendrent l'un par l'autre, comme dans certaines théories cosmologiques grecques, doivent être considérés comme les essences créatrices de toutes les substances matérielles: on y reconnaît clairement une déformation de la série élémentaire indienne que reprendront aussi les Pythagoriciens. A ces éléments correspondent cinq sens, cinq viscères, etc. Les qualités élémentaires consistent en deux principes, le yang, qui représente le chaud et le sec, et le yin qui représente l'humide et le froid : le premier plus léger a la tendance de se porter toujours vers les parties supérieures; c'est le contraire pour le second. C'est l'équilibre parfait, mais instable, de ces deux principes, qui constitue la santé; le yin est le modérateur du yang. Les deux principes circulent en permanence, transportés dans les divers organes par les canaux, avec le sang et l'air vital renouvelé par la respiration. Mais cette circulation est facilement entravée par l'action de la pesanteur, et aussi par les frottements normaux ou accidentels qui se produisent dans les vaisseaux. Cette dernière doctrine rappelle vaguement les principes des méthodistes. La thérapeutique doit remédier à ces inconvénients; pour y arriver, il faut d'abord chercher le point sur lequel s'est produit le trouble; on y arrive par l'examen du pouls. Celui-ci étant considéré comme produit par des ondulations localisées de l'air vital et du sang, il était rationnel qu'on l'examinât partout. Il y a des pouls normaux, irrupteurs, externes (du principe yang), internes (du principe yin); chacun d'eux peut être superficiel, moyen, profond, fort, faible, etc., ce qui donne en tout 200 variétés environ. De l'examen attentif et de la combinaison de ces divers pouls, un médecin expert peut tirer le diagnostic du lieu affecté et de la maladie.
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acupuncture
Le réseau vital sur lequel repose la théorie de l'acupuncture chinoise,
d'après le Specimen medicinae sinicae (1652).

Pour répondre aux indications fournies par les signes d'entraves dans le jeu hydraulique de la circulation de l'air vital et du sang, on a recours à l'acupuncture qui, entre les mains de certains médecins, a été une sorte de panacée. On sait que ce procédé consiste à introduire, dans les tissus et dans les cavités, des aiguilles métalliques (or, argent, acier) qu'on laisse séjourner des journées entières, et dont l'extraction est suivie de la cautérisation superficielle du point piqué, à l'aide d'un petit moxa fait d'une feuille d'armoise roulée en cône. La présence de l'aiguille doit avoir pour effet d'augmenter l'activité du pneuma, et par là de faciliter le rétablissement des mouvements des humeurs et de leur équilibre. C'est dans ce but qu'il est recommandé de faire vibrer les aiguilles en grattant les spirales métalliques qui garnissent leur tête, pendant qu'elles sont en place. Il y a 388 points d'élection pour l'implantation des aiguilles; la difficulté est de bien choisir Quelques maladies n'exigent qu'une aiguille, mais nous avons compté 29 points d'élection pour les maux de reins. Les médecins chinois ne se bornent pas à l'examen du pouls; ils étudient volontiers l'état des organes, surtout ceux des sens. Rémusat en 1813, dans une dissertation latine, chercha à montrer qu'une analogie évidente existe entre les signes fournis par la langue dans les aphorismes d'Hippocrate et dans les livres chinois. Cette analogie peut exister, mais l'explication n'est pas celle à laquelle Rémusat avait songé.
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La moxibustion

La moxibustion est un ancien mode de traitement des maladies utilisé aussi bien en Occident qu'en Orient, mais qui a eu une importante privilégiée dans la médecine chinoise aux côtés de l'acupuncture. Cette technique repose sur l'utilisation d'un petit cylindre de matière combustible - le moxa - qu'on fait brûler lentement sur la peau de façon à y déterminer une escarre plus ou moins profonde. L'action du moxa est d'abord de rougir les téguments; puis; partout où ils sont en contact avec le corps en combustion, ils se convertissent en une escarre noire et fendillée, autour de laquelle la peau, brûlée moins profondément, est rouge et souvent couverte de petites phlyctènes. La douleur ne devient vive qu'au moment où la partie du moxa en contact avec la peau est enflammée. Elle  disparaît en général très rapidement. 

Cela était considéré comme un des moyens révulsifs les plus énergiques. Quoiqu'il soit abandonné aujourd'hui, et depuis plus d'un siècle, à cause des vives douleurs qu'occasionne son application, il a longtemps rendu des services dans le traitement des affections inflammatoires chroniques des os, des articulations et des viscères. Les vieux livres de médecine mentionnent des cas de pneumonie chronique et de pleurésie avec épanchement qui n'ont cédé qu'à des moxas

On a utilisé pour faire des moxas les substances les plus diverses : la moelle du grand tournesol imbibée de nitrate de potasse, l'agaric de chêne, le papier trempé dans une solution de chlorate de potasse. En chine et au Japon, on se servait d'un duvet retiré des sommités de quelques espèces d'armoises. Mais la substance la plus communément employée était le coton roulé en cylindre et fortement serré. On l'appliquait sur la peau par une de ses bases; on pouvait, dans ce but, se servir d'un porte-moxa, ou bien se contenter d'humecter la partie en contact avec les téguments pour l'empêcher de se déplacer, puis on allumait l'extrémité libre et on activait au besoin la combustion à l'aide du souffle.  (Dr L. Laloy).

L'anatomie est à peu près nulle dans les anciens livres chinois; il ne se fait pas de dissection et on se contente des descriptions imaginaires extraites de livres qui remontent à 2000 ans. Les descriptions des maladies sont superficielles et sommaires; néanmoins on s'étonne de rencontrer dans le volumineux fatras de la littérature médicale des preuves d'observations assez précises, quoique les maladies soient divisées et subdivisées au point d'être réduites souvent à un seul symptôme. Le choléra, par exemple, est assez bien décrit, et son traitement par les toniques et le thé chaud assez rationnel; il en est de même de la rougeole et de la variole; contre cette dernière, on emploie l'inoculation depuis là plus haute antiquité, prétendent les Chinois. Dans la pneumonie, qu'ils nomment abcès du poumon, ce qui fait songer à l'empyème d'Hippocrate, ils signalent le point de côté et les crachats colorés. La syphilis et ses diverses manifestations ont été observées avec quelque précision; on la combat par le mercure; il serait curieux de savoir à quelle, époque remonte cette médication. Les attaques d'épilepsie sont dépeintes avec exactitude, etc. La chirurgie est restée dans l'enfance; on applique, à l'aventure, pour les fractures un bandage primitif, toujours le même. Le moxa est le moyen par excellence. En dehors de lui, on se borne aux pansements des plaies et des ulcères. La gynécologie n'existe pour ainsi dire pas, les maladies des femmes étant soignées par des matrones ignorantes. Le massage assez usité est pratiqué dans la Chine impériale par les barbiers.

La matière médicale, qui comprend une quarantaine d'ouvrages, et qui est la partie importante de la médecine chinoise, offre des analogies marquantes avec celle de l'Inde. Le Pen-tao, où sont énumérées 1100 substances, en est le trésor. Les médicaments sont empruntés aux trois règnes; mais on fait surtout usage des plantes. Les médecins chinois traditionnels connaissent assez exactement les propriétés d'un certain nombre de remèdes, comme l'alun, l'arsenic, le mercure, le borax, le safran, l'aconit, l'opium, le musc. Les idées dominantes en thérapeutique sont celles de spécificité; on ajoute également grande foi aux signatures, comme cela a eu lieu si longtemps en Occident. Les Chinois connaissent des incompatibilités entre les médicaments, et par conséquent des antidotes. Un certain nombre de plantes usitées par eux mériteraient d'être étudiées au point de vue de leurs effets.
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Planche d'un ancien traité chinois d'ophtamologie.

Dans la Chine impériale, la profession médicale était complètement libre, ainsi que la vente des remèdes. Il y eut autrefois de nombreux établissements d'enseignement, fondés surtout au XIIe siècle; mais ils ont disparu au cours des siècles suivants. Le seul qui existe encore à la fin du XIXe siècle est à Pékin, mais il ne sert qu'à former les médecins de la cour. Il ne reste rien non plus à la fin de l'époque impériale de l'ancienne organisation de l'assistance publique qui fit autrefois grand honneur au pays. A cette époque, les médecins ne sont pas consultés pour les questions d'hygiène publique; quant à la médecine légale, elle est minutieusement réglée par le Si-yen-huh, sorte de code de jurisprudence médicale, très ancien, toujours réédité, qui sert de guide aux juges, et derrière lequel ils abritent leurs abus. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les livres européens on commencé à pénétrer en Chine; mais ils n'y ont pas été acceptés sans résistance. La vaccine, grâce aux efforts des Européens et surtout des Anglais, a cependant commencé à se répandre.

Quelles furent les origines de la vieille médecine chinoise, et jusqu'à quel point est-ce un produit indigène? Si nous nous permettions de répondre à cette question, nous supposerions volontiers que, en partie du moins, le fond de la doctrine est venu de l'Inde avec le bouddhisme, et que, par là, a été introduite, plus ou moins modifiée, la doctrine humorale que les Hindous ont partagé avec les Grecs. Il est telle théorie, par exemple celle des trois âmes résidant dans le foie, la poitrine et le cerveau, théorie, qu'en Occident on dira essentiellement platonicienne, dont l'exposé dans les livres chinois ne peut être attribuée au hasard. Mais on connaît assez les influences orientales dont dénote la pensée platonicienne  pour que l'on puisse imaginer tout aussi bien qu'ici aussi le mouvement des idées se soit fait en sens inverse. De la Chine vers la Grèce, via L'Inde.

L'ancienne médecine du Japon

La médecine du Japon a été empruntée aux Chinois; celle-ci y fut greffée sur une médecine populaire, toute de superstitions et de croyances aux influences des mauvais esprits. D'après les Chinois, c'est plus de 200 ans avant notre ère que cette première implantation de médecine étrangère eut lieu. En 414, un médecin chinois, résidant en Corée, fut appelé auprès de l'empereur malade. En 553, vinrent du même pays des professeurs nombreux, et parmi eux des maîtres en médecine et en pharmacie. Au VIIe siècle, en 668, d'après les chroniques, un lettré coréen fut chargé d'installer dans le pays des écoles dont la principale fut établie dans la capitale de l'île Kiou-siou; déjà il y eut là des cours spéciaux d'acupuncture, de massage et de maladies des yeux. D'autres écoles d'enseignement chinois sont, dans le même siècle, signalées comme des créations nouvelles. Ces écoles, protégées par des gouverneurs, dont l'un au moins avait longtemps séjourné en Chine, reçurent les faveurs de l'empereur sous forme de dotations pour l'entretien des élèves. La pratique du massage, de l'acupuncture et des moxas, fort en honneur, faisait l'objet de cours destinés à former des spécialistes. Chacune de ces écoles possédait un professeur d'astrologie. Ce fut l'époque brillante de la médecine chinoise au Japon, époque bientôt suivie d'un état de langueur qui se prolongea jusqu'au XVIIe siècle, et à la faveur duquel les vieilles croyances aux influences des esprits, qui n'avaient jamais disparu, étaient revenues en grande faveur. 

Il y avait une corporation spéciale de religieux, sortes d'ermites, appartenant à la religion de Shinto, qui s'attribuaient la spécialité d'apaiser les colères du mauvais esprit Yekiré, promoteur des épidémies. Ce furent des Portugais, au XVIe siècle, puis des Hollandais au XVIIe siècle, qui tentèrent d'introduire au Japon la science médicale européenne; ils furent reçus avec la plus grande méfiance et eurent à lutter contre des obstacles continuels. En 1765, malgré leurs efforts, on fondait encore une nouvelle école de médecine chinoise, et, en 1848, un décret interdisait sévèrement la pratique de la médecine occidentale. Pourtant le dévouement des initiateurs européens E. Kaempfer (1690-92), Karl Thunberg (1775), Ph.-F. von Siebold, qui séjourna au Japon depuis 1823, ne devaient pas être perdus; en 1857, une école européenne fut de nouveau installée, et on y pratiqua quelques dissections. Enfin, à partir de la révolution de 1868, les choses ont complètement changé de face; des écoles, dont les maîtres sont alors fournis en grande partie par les universités européennes, fonctionnent régulièrement et préparent des praticiens qui sont bien accueillis dans les villes du Japon, où ils représenteront avant la fin du siècle le quart de la totalité des praticiens de l'empire.

A cette époque, les médecins des grands dignitaires et des hauts fonctionnaires sont choisis dans les classes élevées; les plus renommés sont attachés au service du palais de l'empereur, et parmi eux, jusqu'au début du XXe siècle, est un représentant de la vieille médecine chinoise. Les médecins du peuple appartiennent aux classes populaires, parmi lesquelles la profession médicale est, dans une certaine mesure, héréditaire.
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Consultation à la japonaise.

La pathologie de la médecine japonaise traditionnelle est purement chinoise, comme la thérapeutique et la matière médicale presque tout entière. On ne doit donc pas s'étonner d'y trouver des traces également communes aux théories de l'ancienne Grèce. La matière médicale comprend un certain nombre de produits indigènes, surtout végétaux. L'acupuncture, le moxa, tiennent, dans la pratique, avec le massage, qui était traditionnellement une spécialité réservée aux aveugles des deux sexes, et l'usage des bains et des eaux thermales, une place considérable; ils représentent tout ce qu'il y a de plus raisonnable dans l'ancienne médecine. Les bains de mer ne sont jamais employés; mais les bains chauds sont d'un usage journalier. L'acupuncture est dans les localités importantes pratiquée par des spécialistes appelés tensasi. Elle est classiquement employée surtout contre les névralgies, parfois avec grand succès dit-on, les rhumatismes, le météorisme, etc. 

La syphilis, d'après diverses études, était déjà connue au Japon au IXe siècle; elle restera très répandue en raison de la tolérance vis-à-vis de la prostitution. Au Japon, la coutume est que les accouchements soient confiés à des sages-femmes, prises dans les rangs du peuple, le plus souvent. Il y eut longtemps, pour elles, une sorte d'école spéciale, où elles vivaient en commun, soigneusement séquestrées. A partir du XVIIIe siècle, plusieurs médecins successivement, du nom de Kawaga, s'occupèrent de gynécologie et composèrent des ouvrages renommés. Dès cette époque, il y eut des spécialistes accoucheurs, dont quelques-uns étaient membres de cette célèbre famille des Kawaga.  (Dr. Liétard).

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