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L'histoire
de la médecine
La médecine du XIIIe siècle à la Renaissance |
Dès
le XIIe
siècle, les petites écoles
professionnelles, soutenues par les communes, avaient repris la prépondérance
sur les écoles abbatiales et ecclésiastiques. Quelques-unes
devinrent vite célèbres; telles les petites écoles
libres de Montpellier citées avec
éloges par Guillaume de Havelberg en 1141,
par Jean de Salisbury en 1160.
Cette prospérité coïncidait avec le déclin de
l'école de Salerne. Au XIIIe
siècle, sous l'influence prédominante
des papes et grâce à l'initiative de souverains tels que l'empereur
Frédéric Il, le roi
de France' Philippe-Auguste
et autres, les rois d'Angleterre,
etc., les principaux pays de l'Europe virent
naître des écoles de médecine et des universités.
Voici dans quel ordre apparurent les principales universités
:
Paris (1200), Oxford (1206), Valence (1209), Naples (1224), Padoue (1228), Toulouse (1229), Cambridge (1229), Salamanque (1239), Rome (1245), Coïmbre (1279), Montpellier (1289), Lisbonne (1290), Avignon (1303), Orléans (1305), Grenoble (1339), Pise (1343), Valladolid (1346), Prague (1348), Florence (1349), Pavie (1360), Angers (1364), Cracovie (1364), Orange (1365), Vienne (1365), Genève (1368), Heidelberg (1386), Cologne (1388), Erfurt (1392); Palerme (1394), etc.Dans un grand nombre de cas, la création de l'université ne faisait que régulariser une situation préexistante ou réunir des écoles autonomes jusqu'alors. Ainsi l'école ou les écoles de médecine de Montpellier existaient depuis fort longtemps quand fut créée la faculté de médecine qui alors constitua à elle seule l'université. Quant à l'université de Paris, on pourrait faire remonter ses débuts probablement jusqu'à Charlemagne. Dans les universités complètes on enseignait la théologie, le décret ou le droit canon, les arts et la médecine. La faculté des arts comprenait le trivium'(grammaire, rhétorique et philosophie) et le quatrivium (arithmétique, géométrie, musique, astronomie); à Paris, la médecine ne formait pas une faculté indépendante; elle était réunie à la faculté des arts, ce qui fut une des conditions de son infériorité à l'égard de la faculté de Montpellier. Paris et l'Italie (Bologne, Padoue, Pavie, Naples, etc.), dit Haeser, formaient des scolastiques; Montpellier formait des praticiens. Du reste, l'université parisienne était surtout importante par l'enseignement de la théologie et de la philosophie. La faculté de médecine n'y acquit une importance réelle qu'au début du XVIe siècle. On peut en dire autant des vieilles facultés espagnoles, portugaises et anglaises, de Valence, Salamanque, Lerida, Lisbonne, Coïmbre, Oxford, Cambridge, etc. En Allemagne, l'université de Prague, la plus ancienne, quoique relativement récente (1348), fut le centre scientifique le plus important; la médecine n'y occupait également qu'un rang très secondaire, et il en fut de même, à plus forte raison, des universités telles que Vienne, Heidelberg, et plus tard Tubingen (1477), Greifswald (1456), etc. Cet état de choses ne changea guère avant la Renaissance. D'ailleurs, toutes les universités étaient placées sous la juridiction de l'Eglise, et la plupart de leurs membres étaient clercs; l'enseignement ne se faisant que sur les textes prescrits et en latin, il perdit presque partout son caractère pratique pour devenir exclusivement traditionnel et dogmatique. Les écoles de Montpellier et de Paris furent malgré font les plus importantes de cette période; leur histoire mérite quelques détails de plus que les vagues généralités qui précèdent. L'école de Montpellier On ne sait au juste à quel moment précis et comment se sont formées les écoles de Montpellier et surtout à quelle époque les maîtres se sont réunis en corps enseignant. Mais il est certain que des médecins arabes ou juifs venus d'Espagne y ont joué un rôle, et du reste la faculté de Montpellier fut toujours beaucoup fréquentée par les juifs. A un moment donné des monopoles avaient dû se glisser dans l'enseignement, car en 1180 un privilège de Guillem VIII, comte de Montpellier, accorde à tout médecin indigène ou étranger le droit d'enseigner. En 1220, le cardinal Conrad donne des statuts aux écoles libres de Montpellier et les place sous la juridiction de l'évêque; ces statuts ne fondent pas une école unique, mais réunissent les écoles particulières en association, en université, avec un règlement commun à toutes. L'université de médecine délivrait trois diplômes : ceux de bachelier, de licencié et de maître. Il en fut ainsi jusqu'en 1289, époque à laquelle l'Eglise prit le monopole de l'enseignement et se réserva la collation des grades; la constitution universitaire de Nicolas IV (16 octobre 1289) n'attribua le droit de conférer des grades qu'aux maîtres d'une seule école, qui donna en même temps l'enseignement officiel : la faculté de médecine était fondée; les écoles particulières continuèrent à enseigner, mais ne conférèrent plus de grades. Le caractère
qui différencie le mieux l'école de Montpellier
de celle de Salerne (la Médecine
néo-latine), c'est son autonomie initiale; jamais Salerne n'eut
d'université;
celle de Montpellier fut complétée en 1421
par une bulle de Nicolas V. La faculté de Montpellier conserva son
indépendance dans l'université complétée et
n'y fut jamais unie aux autres facultés, comme par exemple la faculté
de médecine de Paris, dont l'enseignement
fut au début confondu avec celui des arts. Pendant longtemps l'école
de Montpellier fut la préférée des papes : Guillaume
de Brie, Jean d'Alais, Arnauld de Villeneuve,
Chalin de Vinario, leurs premiers médecins, venaient de Montpellier.
L'autorité du pape persista même pendant quelque temps après
que le roi de France eut mis la main
sur cette ville.
La bulle de Clément V fut le dernier acte d'ingérence. de l'Eglise dans les affaires de l'école de Montpellier. Depuis seize ans, le roi d'Aragon avait remis le fief de Montpellier à son suzerain le roi de France. Une parfaite cordialité s'établit et se maintint entre la faculté et le souverain; désormais elle lui fournit des médecins comme elle en avait fourni aux papes, et le roi soutint souvent les médecins de Montpellier dans leurs querelles avec ceux de Paris. Avant 1498, le personnel de l'école était constitué par tous les médecins de la ville, qui prenaient tous part à l'enseignement. L'édit de Louis XII, à cette date, fit disparaître cette organisation, en créant quatre places de professeurs, assistés il est vrai des docteurs; ces places étaient données au concours; à partir du milieu du XVIe siècle, les docteurs ne prirent plus aucune part à l'enseignement qui resta exclusivement confié aux professeurs royaux. La faculté de médecine de Paris au Moyen Âge La faculté de Paris n'acquit de la renommée que longtemps après celle de Montpellier. Paris possédait certainement des praticiens de valeur et surtout des médecins juifs, mais l'école ne donnait pas un enseignement régulier, et suivi, et l'on n'accourait pas de loin pour entendre des leçons sur l'art de guérir, comme on y venait pour écouter Abélard, Thomas d'Aquin, Albert le Grand et Albert de Champeaux. Lorsque les livres des anciens devinrent plus nombreux, des médecins sortis probablement des écoles abbatiales se mirent à les commenter. Quelques-uns furent attachés aux princes régnants et aux grands, et par là arrivèrent aux hautes dignités ecclésiastiques. Ainsi Derold, médecin de Louis d'Outre-Mer, quitta sa charge pour l'évêché d'Amiens; Gilbert Maminot, médecin de Guillaume le Conquérant, devint évêque de Lisieux; un médecin de Tours, où il y avait également une école, fut fait évêque après la conquête de l'Angleterre. Chartres surtout, qui à cette époque éclipsait certainement Paris au point de vue médical, fournit des médecins célèbres, entre autres : Richer, l'élève favori de Gerbert de Reims et grand historien, qui commenta avec Heribrand les aphorismes d'Hippocrate, Caelius Aurelianus et la concordance de Galien et de Soranus; le fameux Fulbert, qui ne cessa de pratiquer la médecine qu'après son élévation à l'épiscopat; le chanoine Hadebrand, du chapitre métropolitain, qui fut un grand praticien; plus tard Goisbert, praticien très recherché, et Jean le Sourd, qui fut médecin de Henri III. L'université de Paris fut fondée en 1200, mais ce n'est qu'en 1215 que fut établi un cours d'étude régulier pour la théologie et les arts; les médecins sans doute furent compris dans le règlement des arts; mais la médecine ne fut enseignée régulièrement qu'après la bulle de Grégoire IX, en 1231. Toute cette période de l'histoire de la faculté est du reste très obscure; il faut arriver à 1270 pour trouver le premier document relatif aux médecins de Paris; encore ne vise-t-il que les fraudes en usage pour obtenir la licence et la maîtrise; en 1271, ce sont des mesures répressives contre les médecins juifs, les chirurgiens qui sortent de leur spécialité, les étudiants qui exercent au cours de leur scolarité dont la durée était fixée à neuf ans. Dès cette époque, l'affluence des élèves rendait très difficile l'union entre la faculté de médecine et celle des arts. En 1274, la faculté de médecine commença à avoir ses statuts rédigés par Jean de Parme, Jean Petit, Jean Breton, Pierre de Neufchâtel, Pierre d'Allemagne et Bouret. Les leçons se faisaient dans un petit local de la rue du Fouarre, sans autre mobilier qu'un escabeau et des bottes de paille. En 1369, la faculté acheta un local au coin des rues de la Bûcherie et des Rats; c'était encore un triste séjour; les actes probatoires avaient lieu au domicile du doyen. En 1395, les épreuves du baccalauréat furent subies chez le doyen Pierre Desvallées. Ce n'est qu'à dater de cette époque que la faculté possède son histoire écrite jour par jour sous forme d'un journal des actes tenu par le doyen; c'est en effet du 6 novembre 1395 que part la Collection des Registres commentaires telle qu'elle existe aujourd'hui à la bibliothèque de la faculté de médecine de Paris; mais il est de tradition que cette collection était précédée de cinq autres volumes ou registres qui auraient disparu pendant la période de troubles civils et de guerres qui marquèrent les règnes de Charles V, de Charles VI et de Charles VII. On ne sait du reste à quelle époque précise remontent ces commentaires; Ellain parle d'un volume commençant en 1327; peut-être remontent-ils plus haut encore. Quoi qu'il en soit, dans toute cette période, le rôle scientifique de la faculté resta insignifiant. Pierre d'Abano, Pierre d'Espagne, Arnauld de Villeneuve, célèbres tous trois, ne furent que de passage à Paris, et la faculté ne peut les compter comme siens. Henri de Mondeville venait probablement de Montpellier; Desparts en venait certainement. Ce dernier s'attacha du reste à la faculté de Paris dont il fut le bienfaiteur et le premier écrivain médical. Il contribua de sa bourse à l'achat, en 1454, d'un immeuble voisin de celui de la rue de la Bûcherie, pour agrandir l'école; les constructions ne furent achevées qu'en 1477. A cette époque, l'influence des Arabes était prédominante dans l'enseignement de la faculté; les commentaires de leurs livres en faisaient tous les frais et il n'était question ni d'anatomie ni de clinique. Jusqu'alors, aussi, les docteurs régents étaient condamnés au célibat, quoique les hautes dignités ecclésiastiques leurs fussent devenues inaccessibles. C'est le cardinal d'Estouteville qui en 1452 fit disparaître cette anomalie et supprima le célibat. Les facultés profitèrent vite de cette disposition, et désormais l'enseignement de la médecine fut laïque et l'érudition classique brilla d'un grand éclat. C'était le commencement de la Renaissance. Scolastique La scolastique, dont l'influence a prédominé pendant toute la fin du Moyen âge, a été et est encore très diversement appréciée; on l'attaque volontiers et l'on ne veut pas reconnaître les services qu'elle a rendus. Le simple mot de scolastique éveille chez les uns l'idée de ténèbres, chez les autres celle de dialectique subtile et frivole. Sans doute, la philosophie scolastique contracta de prime abord une union étroite avec la théologie; mais toute science était cléricale à cette époque, et la philosophie qui se proposa surtout pour but d'allier la raison avec la foi dut, plus que toute autre, subir cette influence. Est-ce à dire que les grandes discussions qui passionnèrent le XIIe et le XIIIe siècles sur la substance, l'être, l'essence, la matière et la forme, l'espace, le temps, etc., étaient vaines et inutiles? Sous ces discussions, sous l'appareil dogmatique qui les enveloppe, particulièrement chez Thomas d'Aquin, se trouvaient les grandes idées mères, les problèmes fondamentaux qui ont dominé et peut-être domineront toujours la science et dont la solution seule peut fournir à nos connaissances une base inébranlable. Quoi qu'on en dise, la scolastique a été un réveil de l'intelligence humaine; elle a été pour elle une gymnastique salutaire; elle a rendu à l'humanité la faculté, qu'elle avait perdue pendant les tourmentes du Moyen âge, de penser et de raisonner; en abordant et en discutant les grands problèmes, elle a préparé les solutions de l'avenir; elle a rendu possible les Bacon, les Descartes, les Leibniz, etc. Sans doute, elle a été despotique et à un moment donné a entravé le progrès, mais il faut bien reconnaître que la société d'alors ne savait plus s'orienter et n'avait pas d'initiative; la durée de cet empire néfaste était comptée d'ailleurs; du jour où l'influence religieuse - la principale coupable - fut battue sérieusement en brèche, où le dogmatisme théologique dut reculer devant les progrès du libre examen, de ce jour l'esprit humain fut affranchi, tout en conservant les trésors accumulés par les théologiens-philosophes et en en oubliant l'origine. Le point de départ de ce réveil de la pensée fut l'introduction en Occident de la littérature arabe et des traductions arabes des auteurs grecs. La plus grande part en revient sans conteste à Aristote qui au début du XIIe siècle n'était encore connu que par la traduction qu'avait faite Boèce, au VIe siècle, de sa logique et de sa métaphysique, et auquel l'Eglise fut d'abord hostile; ses oeuvres d'histoire naturelle, modifiées et dénaturées par les Arabes, furent cependant une révélation pour ce siècle d'ignorance. Deux hommes surgirent, grands entre tous, la gloire du XIIIe siècle, Albert le Grand et Thomas d'Aquino. Ces grandes figures qui illustrèrent l'université de Paris méritent de nous arrêter un instant. Albert de Bollenstaedt (1193-1280), plus connu sous le nom d'Albert le Grand, et qui mourut archevêque de Cologne, fut grand philosophe, éminent naturaliste et professeur célèbre. Il vint enseigner à Paris en 1222 et eut un tel succès qu'il dut, vu l'affluence des auditeurs, donner ses conférences sur une place publique, la place Maubert (par corruption de place de Maître Albert). Ses ouvrages les plus importants traitent de la zoologie et de la botanique; il ne se borna pas à copier Aristote, Pline et Dioscoride ou à faire preuve d'une vaste érudition : il fut observateur et original, et chercha à créer une philosophie de la nature. Il a précédé et rendu possible saint Thomas qui fut son élève. Albert le Grand était beaucoup trop au-dessus de son siècle pour être compris de ses contemporains; c'est ce qui explique que ses ouvrages ne trouvèrent pas un accueil aussi favorable que les compilations d'un Barthélemy l'Anglais (De Proprietatibus rerum), d'un Thomas de Cantimpré (De Naturis rerum) et d'un Vincent de Beauvais, l'auteur d'une compilation colossale, véritable encyclopédie de toutes les sciences du Moyen âge (Speculum majus) et dans laquelle la médecine, toujours arabiste, occupe également sa place. Thomas d'Aquin (1225-1274) ne fut pas un simple métaphysicien; avant d'aborder les grands problèmes et d'étudier les lois de la nature, il scrute celles qui président à l'intelligence. Dès le début, il se livre à des études psychologiques approfondies, qui même aujourd'hui n'ont pas perdu toute valeur, puis trace les règles de la méthode, montre comment il faut combiner les méthodes expérimentale, rationnelle et historique, l'induction et la déduction, etc., cherche à concilier les doctrines divergentes en les faisant entrer dans une doctrine qui lui semble supérieure. Saint Thomas fut surtout un théoricien; il est vrai que, dans ses argumentations, il s'appuya quelquefois sur des faits empruntés aux sciences. Dans ses écrits il toucha, avec peu de succès d'ailleurs, aux questions de médecine, de physiologie, d'embryologie, etc.; mais, où il commit les plus graves erreurs, ce fut en astronomie, en physique, etc.; c'est, dit-on, à l'état de la science de son temps qu'il faut s'en prendre; sans doute, mais il aurait aussi dû comprendre que la science ne se construit pas uniquement sur des principes posés a priori. Quant aux ouvrages de médecine proprement dits de la période scolastique, c'est un mélange de définitions alambiquées, de discussions subtiles et de commentaires à perte de vue des doctrines hippocratiques, galéniques et arabes. Le bon grain qu'ils renferment est étouffé sous l'ivraie, et le seul intérêt qu'ils offrent pour nous est d'ordre bibliographique. Citons d'abord, dans l'école de Bologne, Thaddée de Florence (1215-1295), le principal fondateur de la médecine scolastique, et les Varignana, ses élèves; Dino del Garbo, le commentateur d'Avicenne, et son fils Thomas, l'auteur du Summula medicinalis, qui présente le tableau fidèle de l'état de la médecine au XVe siècle; Torrigiano, élève de Thaddée et auteur d'un bon commentaire de l'Ars parva de Galien. A l'université de Padoue, toute scolastique qu'elle est, souffle cependant un plus grand esprit de liberté. C'est qu'elle a à sa tête l'hérétique Pierre d'Abano (1250-1315), dont le Conciliator differentiarum est remarquable non seulement an point de vue de la médecine, dans laquelle il s'efforce d'introduire une unité de doctrine nécessaire, mais encore par les connaissances en physique, en astronomie et en chimie dont il y fait preuve et qui le placent bien au-dessus de son siècle. A la même école appartiennent Jacques et Jean de Dondis, le premier auteur d'un traité de thérapeutique excellent pour l'époque : Aggregator de simplicibus, encore connu sous le nom d'Aggregator Paduanus. Du XIIIe au XIVe siècle, nous voyons paraître la Practica de Guillaume de Brescia, le Laurea anglica de Gilbert, le Practica ou Lilium medicinae de Bernard de Gordon, le Rosa anglica de Jean de Gaddesden, puis au XVesiècle le Clarificatorium juvenum de Jean de Tornamira et le Philonium de Valescus de Tarente, dont les auteurs étaient tous deux professeurs à Montpellier, enfin les Sermones medicinales de Nicolas Falcutius, le Practica de Michel de Savonarole et le Practica d'Antoine Guaneri. Ce sont, comme leur nom l'indique souvent, des « Pratiques médicales », parfois des «-Traités d'hygiène », des Consilia ou « Observations médicales », etc., que nous ne pouvons que signaler dans cette revue rapide. Seul le Conciliator d'Abano mérite le nom de « Traité général ». D'ailleurs, le plus souvent ces ouvrages ne sont que la paraphrase des Arabes ou celle des Grecs à travers les Arabes; pour s'en convaincre on n'a qu'à lire, par exemple, la liste des ouvrages de Jacques Desparts (1380?-1458), que nous avons mentionné plus haut comme professeur à Paris - le seul auteur du reste que Paris ait à nous offrir dans cette période. Nous devons assigner une place à part aux « Lexiques », « Dictionnaires » et ouvrages encyclopédiques, dont le Speculum majus de Vincent de Beauvais, quoique plus général, nous offre le meilleur type. Citons entre autres le Synonyma medica ou Clavis sanationis de Simon de Gênes, qui parut vers la fin du XIVe siècle; c'est un dictionnaire de thérapeutique encore utile à consulter au point de vue de l'histoire de la botanique et qui renferme un grand nombre d'observations originales; enfin, le Pandecta medicinae de Matthaeus Sylvaticus de Palerme, mis au jour en 1330. Si Pierre d'Abano fut à quelques égards un précurseur, et dans tous les cas un indépendant, cela peut se dire à plus forte raison de Roger Bacon, dans le domaine des sciences naturelles, et d'Arnauld de Villeneuve dans celui de la médecine. Roger Bacon (1214-1292 ou 1298). le premier, lutta avec énergie contre la scolastique et pour ce fait fut condamné à la prison par les franciscains, à l'ordre desquels ils appartenait; il y passa, en deux fois, vingt-quatre années de sa vie; c'est dans sa prison qu'il composa ses principaux ouvrages, dont l'Opus majus de utilitate scientiarum, le Compendium philosophiae, etc., recommandent toujours de remonter en tout aux sources et en histoire naturelle de se borner à l'expérimentation; il a surtout initié ses contemporains à la méthode. Quant à Arnauld de Villeneuve (1235-1312), du moins le plus important de ceux qui ont porté ce nom, il fut élève d'Albert le Grand et enseigna à Paris, à Montpellier, à Barcelone, à Rome, etc., et subit également des persécutions pour son indépendance d'esprit; médecin, chimiste et astrologue, s'il divagua en astrologie, il sut en chimie faire des découvertes importantes (acides sulfurique, nitrique et chlorhydrique, essence de térébenthine); comme médecin, dans ses écrits, il combat l'empirisme grossier et la superstition arabiste et s'efforce de ramener la médecine à ses principes généraux tels qu'on les trouve dans les écrits d'Hippocrate et de Galien. Son Breviarium est particulièrement précieux pour une exacte appréciation de la médecine pratique au XIIIe siècle. A côté d'Arnauld de Villeneuve, nous devons encore nommer Thomas de Breslau, de l'ordre des prémontrés, évêque de Sarepte; Sigismond Albicus, archevêque de Prague, fervent adepte d'Arnauld de Villeneuve et auteur d'un petit livre célèbre, Vetularius, qui traite du régime des vieillards; enfin le fameux chimiste Raymond Lulle de Majorque (1285-1315) que nous citons ici parce qu'il fut élève d'Arnauld. Signalons seulement Mundino ou Mundini (1275-1326), qui en 1316 publia son Anathomia, le premier traité d'anatomie qui, depuis les travaux de l'école d'Alexandrie, repose sur la dissection de cadavres humains; ce sont les travaux de cet illustre anatomiste italien qui réveillèrent le goût pour l'anatomie en Italie, puis en France et enfin en Allemagne. Quant à la chirurgie, c'est en Italie qu'elle se réveilla d'abord avec Roger de Parme (1180), Hugo Borgognoni de Lucques (1200), Bruno de Longoburgo (1252), Théodoric Borgognoni (1205-1298), Guillaume de Salicet (1265), puis en France avec Jean Pitard (mort en 1315), Lanfranc, venu d'Italie (1295), Henri de Mondeville (mort après 1315), Jean Yperman. Le plus célèbre chirurgien du XIVe siècle fut Guy de Chauliac; enfin, au XVe siècle, mentionnons Pierre d'Argelata (mort en 1423); Marcello Cumano son élève, Leonardo Bertapaglia (mort en 1460), enfin l'Allemand Heinrich von Pfolspeundt. Exercice et organisation de la médecine; hôpitaux, ordres religieux Pendant fort longtemps l'enseignement de la médecine fut entre les mains de clercs, et cet état de choses persista en partie après la fondation des universités, dont les premiers professeurs sortirent probablement des écoles abbatiales. Beaucoup d'ecclésiastiques étudiaient d'ailleurs la médecine pour l'exercer dans les communautés religieuses. La pratique civile se partageait entre des clercs et des laïques; encore la distinction n'était-elle pas tranchée, car beaucoup de médecins laïques se faisaient donner les ordres mineurs pour jouir des privilèges de l'état ecclésiastique. Parfois même on accordait des bénéfices à des médecins laïques célibataires ou veufs. Un certain nombre de médecins arrivèrent ainsi aux plus hautes dignités de l'Eglise, comme nous l'avons vu plus haut. Il arriva cependant un moment où l'exercice de la médecine et de la chirurgie fut interdit aux ecclésiastiques et où il devint entièrement laïque. De tout temps aussi il y eut des médecins juifs qui exerçaient avec le titre de magistri, celui de docteur leur étant généralement refusé. Nous avons vu qu'ils ont joué un rôle dans les débuts des écoles de Montpellier; nous les avons vu expulser de Paris. L'Eglise interdit même de les consulter, ce qui n'empêcha pas les princes et même les papes et de « saints » hommes de les appeler à leur chevet. A la profession médicale
se rattachent les baigneurs qui avaient le droit d'exercer la petite chirurgie
« dans leur maison »; les barbiers, à l'origine surtout
attachés aux couvents d'hommes, puis remplissant dans les universités
les fonctions de prosecteurs, et autorisés à pratiquer la
saignée, à traiter les fractures, luxations et plaies, avec
l'obligation de rédiger des rapports, de surveiller les maisons
de femmes et le traitement chirurgical des pestiférés; les
chirurgiens, plus ou moins confondus avec les précédents,
exerçant des spécialités variées et voyageant
avec tambour, trompette et bouffons, comme charlatans de foire,
d'autres sédentaires sous le nom d'opérateurs; on consultait
même les bourreaux, ceux qui soignaient les suppliciés après
la torture, et qu'on supposait en possession de remèdes et de secrets
extraordinaires; enfin, les sages-femmes soignaient les maladies des femmes
et des enfants.
Chez les Grecs et les Romains, il n'existait pas, paraît-il, d'établissements analogues à nos hôpitaux modernes. C'est en Italie que furent fondés les premiers hôpitaux de l'Occident. Une femme pieuse, Fabiola, nièce des Fabii, fonda un hôpital à Rome en 400; c'était une veuve qui se dépouilla de toutes ses richesses pour édifier, sur les bords du Tibre, un vaste asile pour les malades et les convalescents qu'elle appela Villa languentium. En général, les plus anciens de ces établissements paraissent avoir été établis dans les monastères pour les pauvres, les infirmes et surtout pour les pèlerins et les voyageurs. Le premier hôpital
qui vit le jour en France
est celui de Lyon; il fut fondé en 542
par le fils de Clovis, Childebert,
et par sa femme, la reine Ultrogathe. Il porte aujourd'hui le nom d'Hôtel-Dieu
de Lyon. Vinrent ensuite les hôpitaux de Reims
et d'Autun.
A dater du XIe siècle, les hôpitaux se multiplièrent dans toute l'Europe; chaque abbaye, chaque cathédrale eut son hôpital dont les fonds furent fournis par les rois, les seigneurs et les évêques. Les bourgeois eux-mêmes contribuèrent à la fondation des hôpitaux, et il n'y avait guère d'homme riche qui, en mourant, ne fit un don à un hôpital. Dans les premiers siècles, ces établissements s'appelaient paupera gymnasia, parce que des hommes d'une haute distinction, comme Grégoire de Nazianze, ne craignaient pas de s'y renfermer pour prodiguer aux indigents les soins de la charité et plus encore de la piété. Après les premières Croisades s'élevèrent les léproseries, ladreries et maladreries. Les hôpitaux étaient alors sous la direction du clergé, et le service intérieur était fait par les différents, ordres religieux. En 1544, François ler les plaçera sous celle des parlements et plus tard encore ils seront sous celle du prévôt des marchands. Jérusalem possédait, depuis le Xe siècle, un établissement de ce genre, qui fut détruit par les Turcs au XIe siècle, rétabli ensuite par des marchands d'Amalfi et confié à des bénédictins; par l'adjonction de jeunes nobles de l'armée des croisés, en 1110, fut fondé l'ordre des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem ou johannites, qui ne tarda pas à dégénérer en un simple ordre de chevaliers analogue, mais moralement supérieur, à celui des Templiers, et dont Napoléon fit disparaître le dernier siège à Malte en 1798. Cet ordre sera restauré en Prusse, avec sa première destination qui est de soigner les blessés et les malades. L'ordre des Chevaliers teutoniques prit naissance vers la même époque que le précédent, en 1128, dans une simple hôtellerie allemande de Jérusalem; sous le nom de frères de Marie, il élargit son champ d'activité, mais en 1142 fut absorbé, du moins en Orient, par les johannites (Hospitaliers); l'hôpital allemand de Jérusalem disparut en 1219. L'ordre redevint indépendant après la prise d'Acre (1191), où fut fondé un hôpital, mais après la perte de la Palestine l'ordre se retira en Allemagneet s'établit sur les confins des pays prussiens et lituaniens avec mission de les convertir par les armes au christianisme. Après la perte de la Livonie, en 1561, l'ordre périclita et Napoléon en fit disparaître les derniers restes en Allemagne en 1809. L'ordre des hospitaliers de Saint-Lazare fut également fondé par les Croisés en Palestine, probablement dès le XIe siècle, et eut pour mission, comme les précédents, tout en combattant les infidèles, de soigner les malades, en particulier les lépreux; il eut même pour grands maîtres des lépreux. Cet ordre se dissémina après la perte de la Palestine. En 1572, sa branche italienne fut réunie par le duc de Savoie, Philibert-Emmanuel, à l'ordre de Saint-Maurice, et ses trésors furent employés à la fondation d'hôpitaux. La branche française fusionna en 1607, sous les auspices de Henri IV, avec l'ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel; il fallait quatre quartiers de noblesse pour y être admis. Il ne faut pas confondre les hospitaliers de Saint-Lazare avec les lazaristes, ordre purement religieux créé en 1624 par saint Vincent de Paul. Signalons encore l'ordre du Saint-Esprit, fondé vers la fin du XIIe siècle par Guy de Montpellier, et qui tire son nom de l'hôpital San Spirito de Rome qui lui fut confié; cet ordre se répandit presque sur toute l'Europe au XIIIe et au XIVe siècle, rendant de grands services, puis dégénéra et tomba sous le pouvoir de grands maîtres, d'officiers, etc., qui dissipèrent ses richesses. La branche française se détacha de Rome en 1625 et devint indépendante. Louis XIV chercha en vain à faire disparaître les abus qui s'étaient introduits dans l'ordre. Celui-ci cessa du reste d'exister au XVIIIe siècle. L'ordre de Sainte-Élisabeth, fondé par Elisabeth, femme du comte Louis de Thuringe, en 1225, s'étendit sur toute l'Europe, et en 1395 adopta les règles du tiers ordre de Saint-François. L'ordre des béguines, créé par Lambert de Bègue dans la première moitié du XIIIe siècle, a pris encore une plus grande extension en Europe que le précédent, mais a disparu à l'époque de la Réforme. Enfin, pour ne plus avoir à y revenir, mentionnons encore les ordres fondés depuis le XVIe siècle, tels que l'ordre des frères de Saint-Jean de Dieu ou des frères de la Miséricorde, fondé en 1534 par Juan de Dios; celui des soeurs de la Miséricorde, fondé à Paris en 1617, par saint Vincent de Paul et par Louise de Marillac; enfin la confrérie créée, pour soigner les vénériens, par Camille de Lellis (1550-1614), lui-même atteint de syphilis, et fondateur de plusieurs hôpitaux spéciaux. (Dr Liétard). |
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