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Au XVIIe
siècle, le théâtre se maintient, avec la poésie,
au moins à la hauteur de la prose, ce qui n'est peut-être
pas vrai, en France,
de tous les siècles littéraires. Corneille et Molière
valent Bossuet et Pascal,
et ils les ont précédés de quelques années.
En outre, Ie théâtre est le domaine le plus riche et le plus
original de la poésie française. Là surtout la littérature
s'est plue à en faire le rendez-vous d'une société
qui trouve son plaisir le plus vif à se connaître.
Les origines du
théâtre classique.
Le XVe
siècle avait légué au XVIe
des mystères, des moralités,
des soties, des farces. Les soties, qui étaient
le lot des Enfants Sans-Souci, étaient
un sujet banal, toujours le même, plutôt qu'un genre. Les clercs
de la Basoche, acteurs de circonstance, n'étaient pas une institution
dramatique suffisante pour faire vivre et prospérer la farce. Les
Confrères de la Passion, ouvriers et petits bourgeois, acteurs des
dimanches et des jours de fêtes, assuraient
un théâtre au moins hebdomadaire, et ils avaient, la seule
chose qui pût alors conférer l'avantage de la durée,
un privilège. Mais leur troupe était composée d'hommes
ignorants, sans études, sans loisirs, et leur public finit par ressembler
à leur troupe. A coté de ce théâtre, plutôt
populacier que populaire, qui tombait, un théâtre savant,
pédantesque même, commençait à s'élever,
grâce aux principaux de collège qui leur ouvraient leurs portes
: c'est le théâtre des disciples de Ronsard,
de Jodelle et de Garnier. Mais la tragédie
de Jodelle et de Garnier n'est qu'une pâle
et inintelligente copie des Grecs
et des Latins. Elle ne vaut un peu
que par le style, dans quelques vers lyriques du premier, et dans les tirades
à la Sénèque du second.
Elle ne vécut jamais, et elle s'évanouit tout à fait
quand les Confrères de la Passion louèrent leur salle et
la jouissance de leur privilège à des troupes d'acteurs
ambulants.
C'est alors, durant les dernières
années du XVIe siècle, qu'un
théâtre vraiment populaire se forma, ni grossier comme celui
des Confrères de la Passion, ni pédant comme celui de Jodelle,
mais capable de divertir des spectateurs de toutes les classes, rusticus
urbano confusus. Hardy, poète d'une
troupe de comédiens, fut considéré
comme le patriarche, au XVIIe siècle,
du vieux théâtre français.
Entre un public peu exigeant, pourvu qu'il fût amusé, et des
acteurs demandant beaucoup de pièces en échange de fort peu
d'argent Hardy ne connut et ne chercha d'autre mérite que la fécondité.
Il emprunta de toutes mains, des Italiens,
des Espagnols, des Latins,
mêla tragédies et comédies, pastorales et histoires
dramatiques, tragi-comédies et journées. L'année de
sa mort (1629) est une grande date littéraire: elle vit finir le
privilège des Confrères de la Passion, commencer deux théâtre
définitifs, celui de l'Hôtel de Bourgogne et celui du Marais,
ranger ce monde dramatique sous la haute direction du cardinal-ministre,
promulguer d'autorité les règles d'Aristote
par l'entremise de Chapelain, jouer la première
tragédie régulière de Mairet,
Sophonisbe, et admettre à la scène la première
comédie, Mélite,
d'un poète arrivé de Rouen, qui
s'appelait Pierre Corneille, et annonçait
déjà l'âge d'or de ce genre porté par Molière.
L'organisation des
théâtres pendant la période classique
Pendant le Moyen âge
le théâtre n'avait guère été qu'un divertissement
populaire et occasionnel, au XVIe siècle,
qu'un exercice d'érudits. C'est au XVIIe
siècle qu'il se constitue d'une manière régulière
et il n'est pas indifférent de connaître l'organisation matérielle
des spectacles pour comprendre cette forme d'art particulière qu'est
la tragédie classique.
A cette époque,
le théâtre français n'a rien connu de ce qui est vérité
pour les yeux. Décors, costumes, jeux, tout est conventionnel; l'action
scénique est absente et impossible, remplacée par des récits.
L'intérêt était ailleurs, dans le jeu actif et émouvant
des passions, dans les secrets révélés du coeur humain,
et, pour avoir été peut-être un peu trop abstrait,
au goût moderne, cet art n'en a été que plus profond.
Les différents
théâtres.
Depuis qu'un arrêt
du Parlement leur avait interdit de représenter
des mystères
(1548), les Confrères de la
Passion ne pouvaient presque plus jouer faute
de répertoire, à leur monopole empêchait la création
d'autres scènes à Paris. Le public devait se contenter de
représentations particulières, des farces que jouaient de
temps, en temps les Confrères, ou des parades du Pont-Neuf.
L'Hôtel
de Bourgogne (1599 environ-1680).
Le théâtre
reprit vie du jour où les Confrères se décidèrent
à louer leur salle de l'Hôtel
de Bourgogne, à l'angle de la rue Mauconseil
et de la rue Française, à une troupe d'acteurs nomades dirigés
par Valleran-Lecomte (1599). Cette troupe continua cependant assez longtemps
ses tournées, et ce n'est qu'en 1628 que l'Hôtel de Bourgogne
devient un théâtre régulier.
C'est la grande scène
dramatique du emps. Elle jouit de la protection de Louis
XIII qui a autorisé ses comédiens
à prendre le titre de Troupe Royale; elle a les meilleurs tragédiens
: Bellerose, Montfleury (1600-1667), connu
pour ses démêlés avec Cyrano de
Bergerac, la Champmeslé (1642-1698),
émouvante interprète de Racine,
Baron (1653-1729), formé par Molière et auteur dramatique
lui aussi (L'homme à bonnes fortunes, 1686). C'est à
l'Hôtel de Bourgogne que furent jouées la plupart des pièces
de Corneille et de Racine.
Le
Théâtre du Marais (1600-1673).
Dans l'impossibilité
d'exploiter eux-mêmes leur monopole, les Confrères de la Passion
voulaient toutefois en tirer parti. C'est pourquoi ils autorisèrent,
dès 1600, une troupe de comédiens à s'installer, moyennant
une redevance, à l'Hôtel d'Argent, près de la place
de Grève. Cette troupe devint pour l'Hôtel de Bourgogne
une rivale redoutée quand elle eut pris possession d'un jeu de paume,
rue Vieille-du-Temple, dans
le quartier du Marais, sous la direction de Mondory (1578-1651), qui apportait
de Rouen les premières comédies de Corneille et joua le Cid.
Richelieu la protégea pour faire pièce
à Louis XIII. Mais faute de pouvoir l'emporter sur l'Hôtel
de Bourgogne, le théâtre
du Marais se fit une spécialité des pièces à
« machines ».
En 1673 ses comédiens
se séparèrent et se firent recevoir les uns à l'Hôtel
de Bourgogne, les autres chez Molière.
Théâtre
de Molière (1658-1680).
Paris attendit plus
longtemps sa troupe de comédie. Mais il eut Molière.
Il débuta à Paris en 1658 en jouant au Louvre,
devant le Roi et Monsieur, Nicomède
de Corneille et une farce de lui, le Docteur amoureux. Son succès
lui valut à lui et à ses camarades le titre de Troupe de
Monsieur et la permission de jouer alternativement avec les Italiens dans
la Salle du Petit Bourbon entre l'ancien Louvre et Saint-Germain-l'Auxerrois.
En 1660, quand le Petit Bourbon fut démoli, Louis
XIV donna à la troupe de Molière le nom de Troupe Royale
et la salle du Palais-Royal. C'est la que Molière joua jusqu'à
sa mort, principalement ses propres oeuvres. Quand il disparut (1673);
il laissait sa troupe dans une situation précaire. Ses pièces,
sauf le Malade imaginaire,
étaient publiées, et par suite, d'après la législation
d'alors, étaient tombées dans le domaine public; Lulli
se fit attribuer la salle pour l'Opéra : ainsi la troupe de Molière
n'avait plus ni scène ni répertoire. Elle alla d'abord rue
Mazarine, puis rue Guénégaud,
et végéta jusqu'au moment où la Champmeslé
quitta l'Hôtel de Bourgogne et lui apporta le répertoire de
Racine (1679).
La
Comédie-Française (1680).
Ainsi, la mort de
Molière est suivie d'une désorganisation de tous les théâtres
: le Marais disparaît, l'hôtel de Bourgogne perd sa principale
actrice. Louis XIV régla la situation en ordonnant la fusion des
deux troupes restantes : ce fut la Comédie-Française (1680),
dotée d'une subvention de 12.000
livres, et qui joua à la fois la tragédie et la comédie.
Après être restée quelque temps rue Guénégaud,
elle occupa de 1687 à 1770 une salle rue des Fossés-Saint-Germain
(aujourd'hui rue de l'Ancienne-Comédie).
On lui construisit
ensuite une nouvelle salle qui est l'Odéon
actuel. Pendant la Révolution,
des divergences politiques amenèrent une scission entre les comédiens.
Une des deux troupes devint le Second théâtre français
ou Odéon, l'autre resta la Comédie-Française. Napoléon
lui donna, par le décret de Moscou (1812), un règlement qui
la régit encore en partie. Les principaux acteurs de la Comédie-Française
jusqu'au XIXe siècle furent : Adrienne
Lecouvreur (1692-1739), Le Kain (1728-1778), Mlle
Clairon (1723-1803), excellents interprètes de Voltaire;
Talma (1763-1826), le favori de Napoléon.
Il n'y eut donc pendant
plus d'un siècle qu'un seul grand théâtre à
Paris, où les acteurs se transmettaient la tradition avec un respect
dévot et pouvaient l'imposer aux auteurs. Le défaut d'une
autre scène est une des raisons qui expliquent l'absence de tentatives
nouvelles et la longue survivance de la tragédie classique.
La
Comédie italienne.
A côté
des troupes françaises, il y avait à Paris une troupe italienne
qu'avait fait venir. Marie de Médicis.
Après avoir partagé les différentes salles de la troupe
de Molière, elle eut en propre, en 1680, l'Hôtel de Bourgogne.
Les Italiens jouaient au début,dans leur propre langue, des pièces
improvisées sur un canevas dont les personnages étaient des,
types toujours les mêmes : Arlequin,
Pantalon, Scapin,
le Capitan,
Polichinelle, Pierrot,
le Docteur, etc. Plus tard ils jouèrent
par tolérance des pièces françaises. Les acteurs français
leur ont dû des progrès dans la décoration et la machinerie;
Molière, plusieurs scènes ou sujets (entre autres Don
Juan
et les Fourberies de Scapin);
le public, des genres nouveaux comme la parodie, le vaudeville, l'opéra-comique.
Expulsés en
1697 pour avoir joué Mme de Maintenon
dans la Fausse Prude, ils revinrent en 1716 et connurent encore
de beaux succès, notamment avec les pièces de Marivaux,
jusqu'au moment où ils fusionnèrent avec l'Opéra-Comique
(1712), et se firent construire un nouveau théâtre sur l'actuel
boulevard des Italiens (1783).
Autres
Théâtres.
Telles étaient
les principales scènes dramatiques. Il y avait encore à côté
d'elles, si l'on met à part une troupe espagnole que Marie-Thérèse
entretint pendant treize ans, l'Opéra fondé en 1669 par l'abbé
Perrin et qui passa en 1672 sous la direction de Lulli, les Théâtres
de la Foire Saint-Germain ou Saint-Laurent, dont l'importance grandit
au XVIIIe siècle et pour lesquels
Lesage et Sedaine écrivirent de petites pièces légères,
et enfin les troupes de campagne qui parcouraient la province et dont Scarron
a raconté les aventures dans le Roman comique.
Les représentations.
En dépit
du goût croissant du public pour le théâtre, et de l'aide
financière du pouvoir, les théâtres avaient une organisation
matérielle encore rudimentaire.
Jours
et heures.
Jusqu'en 1680, au
moment où la Comédie-Française est fondée et
où les représentations deviennent quotidiennes, parce quelle
est le seul théâtre, on ne jouait que trois fois par semaine,
le vendredi, le dimanche et le mardi. On faisait relâche les jours
de grandes fêtes religieuses
et pendant le carême. Les premières se donnaient d'habitude
le vendredi « pour préparer l'assemblée à se
rendre plus grande le dimanche suivant » (Chappuzeau : le Théâtre
Français).
On réservait
les tragédies pour l'hiver et les comédies pour l'été.
La représentation était annoncée par des affiches,
et par l'orateur, un des acteurs qui, la pièce finie, faisait
connaître le prochain spectacle. Molière remplit lui-même
assez longtemps cette fonction.
La représentation
commençait primitivement à deux heures. Elle fut progressivement
reculée jusqu'à cinq heures, après vêpres. Elle
se terminait vers sept heures.
La
salle.
La salle était
très médiocrement installée. C'était le plus
souvent un ancien jeu de paume aménagé, qu'éclairaient
péniblement des lustres de chandelles; autour une galerie de loges
occupées par les dames; en bas, au parterre, debout, un public grouillant
et tapageur venu là pour ses quinze sols; sur la scène, à
partir de 1650 environ, des spectateurs de chaque côté, public
privilégié qui affectait la plus grande désinvolture
à l'égard des acteurs et du parterre (Molière,
Fâcheux,
I, 1).
La
mise en scène.
La mise en scène
n'était pas faite pour créer ou favoriser l'illusion théâtrale.
a) Simplicité
des décors. - Au début du XVIIe
siècle on utilisa les décors simultanés avec lesquels
les Confrères de la Passion
jouaient les mystères. Quand l'unité
de lieu fut devenue une règle, il suffit d'un seul décor
très simple : paysage champêtre, place publique ou salon.
Voici des notes de
décorateurs sur la mise en scène de différentes pièces
(1673) :
Le Cid,
de Corneille. - Le théâtre est une chambre à quatre
portes. Il faut un fauteuil pour le roi.
Horace.
- Le théâtre est un palais à volonté; au cinquième
acte un fauteuil.
Polyeucte.
- Le théâtre est un palais à volonté.
Andromaque,
de Racine. - Le théâtre est un palais à colonnes, et
dans le fond, une mer avec des vaisseaux.
Bajazet.
- Le théâtre est un salon à la turque. Deux poignards.
Le Misanthrope,
de Molière. - Le théâtre est une chambre. Il faut six
chaises, trois lettres, des bottes.
Qu'on compare ces indications
aux détails minutieux que portent en tête de chaque acte les
drames de Victor Hugo, par exemple on s'étonnera
que les contemporains de Louis XIV se soient contentés de si peu.
Mais c'est que pour eux l'intérêt du drame se concentrait
tout entier dans le conflit moral des passions
et non dans le mouvement scénique.
b) Conséquences.
- Au surplus, sur une scène étroite, encombrée de
spectateurs, il eût été impossible de changer de décors
ou d'introduire une figuration. Et, avec le temps, l'habitude de se passer
de mise en scène devint si forte que, lorsqu'en 1759, M. de Lauraguais
obtint des comédiens, au prix d'une large indemnité, qu'ils
débarrasseraient la scène des banquettes, on eut peur de
compromettre la majesté de la tragédie par une décoration
conforme à la vérité.
La réalisation
d'une mise en scène pittoresque devait être l'oeuvre de la
révolution romantique.
Les acteurs.
Si le public ne
se montrait pas exigeant, les acteurs de leur côté cherchaient
à ne pas augmenter leurs frais.
Constitution
des troupes.
Chaque troupe formait
une sorte de société, comme encore aujourd'hui la Comédie-Française,
et après chaque représentation on se partageait la recette,
ainsi qu'on peut le voir à la fin de l'Illusion comique
de Corneille. Aussi le personnel était-il réduit au minimum.
Tous les acteurs jouaient indifféremment
la tragédie et Ia comédie; ils faisaient tenir les petits
rôles par leurs valets; pendant assez longtemps, et dans la troupe
de Molière encore, les rôles de nourrices dans la tragédie,
ou de vieilles femmes dans la comédie, étaient joués
par des hommes.
Les
costumes.
Les acteurs ne se
mettaient en dépense que pour les costumes. Mais c'était
seulement pour les avoir somptueusement brodés; ils n'étaient
pas plus exacts que les décors. Outre le costume de l'époque
qui servait dans les comédies les comédiens avaient un costume
à l'espagnole, avec une toque à plumes, un pourpoint, des
hauts de chausses à crevés, que portait, par exemple. le
Polyeucte
de Corneille, et un costume à la romaine, comportant un casque à
panache, une cuirasse collante, un tonnelet, des brodequins, qui servait
pour tous les personnages anciens, quelle que fut la date ou le pays. Les
rois portaient tous une couronne sur la perruque. C'est par exception que
pour Bajazet on prit des habits turcs dont le turban devait être
le signe le plus caractéristique. Au XVIIIe
siècle, toutefois, quand Voltaire mit sur le théâtre
des personnages de Chine ou d'Amérique, on sentit la nécessité
de varier les costumes. Mlle Clairon osa abandonner la robe à paniers
pour des draperies à l'antique. Mlle Duchesnois ne craignit pas,
dans Alzire,
de se montrer avec les bras, les jambes et les pieds nus. Le Kain, tout
en gardant le panache de plumes dans l'Orphelin de la Chine, renonça
à la cuirasse et s'accrocha dans le dos un carquois. C'était
un premier pas vers la vérité.
La
diction.
Tout ce souci de
la magnificence montre assez bien l'idée qu'on se faisait de la
tragédie. On la croyait nécessairement pompeuse et on en
psalmodiait les vers avec une emphase monotone. Molière n'y réussissait
pas, parce qu'il s'efforçait de s'y montrer naturel comme dans la
comédie (Impromptu de Versailles,
sc. I).
Les
comédiens et l'opinion.
Tels qu'ils étaient,
néanmoins, ces acteurs firent les délices de leur temps.
Mais leur profession était méprisée. On ne voulait
pas les distinguer des bateleurs d'autrefois;
on leur reprochait des moeurs dissolues, l'Eglise les excommuniait et Molière
n'obtint « un peu de terre » que « par prière
», grâce à l'indulgence de l'archevêque de Harlay.
Des pièces comme la Comédie des Comédiens,
de Gougenot (1633), la Comédie des
Comédiens,
de Scudéry (1634), l'Illusion comique,
V, 5, de Corneille, essayèrent bien de réagir contre les
préjugés. On obtint même des arrêtés en
1641 et 1668, déclarant que la profession de comédien ne
déroge pas. Mais les Imaginaires et les Visionnaires, de
Nicole, le Traité de la comédie et des spectacles selon
la tradition de l'Eglise, du prince de Conti (1669), les Maximes
et les réflexions sur la Comédie, de Bossuet
(1694), au XVIIIe siècle encore
la Lettre à d'Alembert, de J.-J. Rousseau
(1758), montrent assez que la cause n'était pas gagnée et
qu'on continua longtemps à accuser les acteurs et le théâtre
d'immoralité.
La
tragédie avant Corneille
Les progrès
de l'action dramatique.
La conception de la tragédie
que s'étaient faite les poètes
de la Pléiade, plus oratoire que dramatique. n'offrait pas assez
d'intérêt au public mêlé et peu instruit d'un
théâtre régulier. Du jour où la tragédie
est jouée sur la scène de l'Hôtel de Bourgogne par
la troupe Valleran-Lecomte, elle change de caractère.
La
tragédie de Hardy.
Alexandre Hardy
(1569?-1632), fournisseur attitré des comédiens, conserva
bien dans ses tragédies de Didon, Panthée, Coriolan, Marianne,
La Mort d'Alexandre, les songes, les monologues, les récits,
mais il se embarrassa très vite des choeurs, et surtout, guidé
par un réel instinct du théâtre, il devina que l'action
tragique devait consister dans la préparation progressive d'un événement
douloureux : Didon sera-t-elle ou non abandonnée
par Enée? Marianne sera-t-elle ou non victime
de la jalousie d'Hérode?
Ce qu'il y a de plus choquant chez Hardy,
c'est le style qui est gauche, incorrect, d'un archaïsme qui semble
remonter à deux siècles en arrière. Mais ce médiocre
artiste connaît son métier, sait intéresser par un
juste agencement des scènes et doit être regardé comme
le fondateur de la tragédie, puisque, le premier, il lui a donné
un public.
La
tragi-comédie.
Pourtant, à un public épris
de romanesque comme an l'était au début du règne de
Louis XIII, il fallait un drame fertile en péripéties. Le
théâtre ainsi que le roman se mit à l'école
de l'Espagne et la tragi-comédie
remplaça la tragédie. La tragi-comédie est une pièce
inspirée en général des modèles espagnols (Cervantès,
Montemayor), à dénouement heureux,
où l'intérêt consiste dans la multiplicité des
incidents imprévus.
L'action, qui dure souvent des années,
se déroule dans les régions les plus diverses; souvent même
elle est multiple. C'est ainsi, par exemple, que, dans Gésippe
ou les deux amis de Hardy, on voit l'athénien Gésippe
abandonner sa fiancée à son ami le romain Tite et s'exiler.
Puis, il arrive à Rome où il vit dans la misère, se
trouve accusé d'un crime, accusation dont Tite le sauve grâce
à son influence de sénateur. Les tragi-comédies qui
eurent le plus de succès furent L'Elmire, Frégonde, Phraarte,
de Hardy, Pyrame et Thisbé, de Théophile
de Viau (1617).
La
pastorale.
L'influence de l'Italie
et de l'Astrée
firent naître à côté de la tragi-comédie
le genre de la pastorale où se distinguèrent
l'infatigable Hardy avec Alcée, le Triomphe d'amour,
Racan avec ses Bergeries (1618), Gombaud
avec son Amarante (1625), Mairet avec sa
Sylvie (1626). La pastorale est une tragi-comédie par le
nombre des péripéties romanesques, mais la scène se
passe dans une Arcadie de convention; les
personnages sont des bergers et des bergères au beau langage, dont
les amours sont contrariées par des caprices de Cupidon,
l'insensibilité des belles, ou des circonstances extérieures.
L'établissement
de « règles ».
Dans toutes ces pièces où
l'invention des auteurs multiplie les coups de théâtre, ce
n'est plus l'action qui manque, c'est la logique et l'unité. Les
« règles » contribuèrent à nous y ramener.
Les
Trois Unités.
Elles consistaient surtout dans la règle
des Trois Unités : unité d'action, unité de
temps, unité de lieu. Il fallait que l'intérêt d'une
pièce fût groupé autour d'un sujet unique, que la durée
ne dépassât pas vingt-quatre heures, et que l'action pût
se dérouler dans le même lieu. On prétendait trouver
les règles dans la Poétique du philosophe grec Aristote.
Les Italiens les avaient adoptées, et déjà en France
Scaliger, dans son Art poétique
(1561) en latin, Jean de la Taille dans
son Traité de la tragédie en tête de son Saül
(1572) les avaient signalées.
L'opposition
aux règles.
Bien entendu ni Hardy ni les auteurs de
tragi-comédies et de pastorales ne s'en étaient souciés.
Ils avaient à leur disposition, à l'Hôtel de Bourgogne,
les décors simultanés, imités de ceux des Confrères
de la Passion, où les différents lieux de l'action étaient
représentés, et ils enprofitaient. Quand on vint à
parler des règles, ils répliquèrent que les règles
du grec Aristote n'étaient pas faites pour des spectateurs français
:
S'il (Aristote)
eût fait des lois pour une pièce qui eût dû être
représentée devant un peuple impatient et amateur de changement
et de nouveauté comme nous sommes, il se fût bien gardé
de nous ennuyer par ces narrés si fréquents et si importuns
des messagers, ni de faire réciter près de cent cinquante
vers tout d'une tire à un choeur comme fait Euripide
en son Iphigénie à Aulide. (Préface
de Tyr et Sidon, tragédie de Jean de Schelandre, par Fr.
Ogier, 1628).
L'apologie
des règles.
Les partisans des règles ripostaient
au nom de la vraisemblance. Comment croire que, sur cette scène
étroite de l'Hôtel de Bourgogne, en passant d'un côté
à l'autre, on franchissait des lieues, des mers, et qu'en deux heures
de spectacle s'écoulaient des années?
Il est croyable
avec toute sorte d'apparence qu'ils (les Anciens) ont établi cette
règle en faveur de l'imagination de l'auditeur qui goûte incomparablement
plus de plaisir (et l'expérience le fait voir) à la représentation
d'un sujet disposé de telle sorte que d'un autre qui ne l'est pas
: d'autant que sans aucune peine ou distraction il voit ici les choses
comme si elles arrivaient devant lui et que Ià, pour la longueur
du temps qui sera quelquefois de dix ou douze années, il faut de
nécessité que l'imagination soit divertie du plaisir de ce
spectacle qu'elle considérait comme présent et qu'elle travaille
à comprendre comme quoi le même acteur qui naguère
parlait à Rome à la dernière scène du premier
acte, à la première du deuxième se trouve dans la
ville d'Athènes ou dans le grand Caire, si vous voulez. (Mairet,
Préface de Silvanire, 1631).
Renaissance
de la tragédie et triomphe des règles.
Seule la tragédie pouvait s'accommoder
du cadre étroit quel ut offraient les règles. Elle reparut
donc, et Mairet donna la première tragédie régulière,
Sophonisbe (1634), où l'on voit dans les vingt-quatre
heures le roi de Numidie, Massinissa, s'emparer de Cirta, épouser
la reine Sophonisbe qui l'avait aimé autrefois et mourir avec elle.
Désormais, on discutera encore quelque temps sur les règles,
mais leur cause est gagnée. Elles ont pour elles, outre l'autorité
des Anciens, les comédiens du Marais qui accueillent les nouveautés
pour faire concurrence à l'Hôtel de Bourgogne, les érudits,
dont on est flatté de suivre l'opinion, bientôt Richelieu,
et les poètes Scudéry, Chapelain.
Surtout elles concordent avec le besoin de régularité, de
« raison », qui commence à se faire sentir dans le public
éclairé, le seul qui comptera maintenant. A partir de 1640
elles vont régir le théâtre jusqu'à l'époque
romantique.
La comédie
avant Molière
D'après une anecdote, sans doute controuvée,
Molière aurait déclaré que sans le Menteur
il n'aurait peut-être jamais fait le Misanthrope. La vérité
est que Molière a emprunté à d'autres de ses prédécesseurs
beaucoup plus qu'à Corneille. On trouve au début du XVIIe
siècle trois genres de pièces comiques : les farces, les
comédies d'intrigue, les comédiens.
Les farces.
La farce n'avait
pas cessé depuis le Moyen âge de divertir le peuple.
Goût
du public pour la farce.
Les tragédies à l'Hôtel
de Bourgogne étaient encadrées entre un Prologue burlesque,
où triomphait Bruscambille, et une farce grossière où
Gros-Guillaume. Gautier-Garguille,
Turlupin faisaient rire aux larmes. On se pressait
au Pont-Neuf pour écouter les farces de Tabarin,
où Molière a trouvé une scène des Fourberies
de Scapin, celle du sac (III, 2).
Les farces italiennes qui, à propos
d'une histoire de tuteur dupé ou de
jaloux berné, faisaient reparaître
les mêmes personnages : Polichinelle, Arlequin,
Pantalon, le Docteur, etc., n'étaient
pas moins goûtées.
Les
comédies farces.
Sur le modèle de ces farces où,
sur un canevas traditionnel, on brodait avec plus ou moins de fantaisie,
on fit des comédies les Galanteries du duc d'Ossone (1627?)
de Mairet; - Jodelet ou le maître valet (1645), où
le double déguisement du maître en valet et du valet en maître
produit une série de quiproquos; - Dom Japhet d'Arménie
(1652), ancien fou de Charles-Quint qui
devient fou réellement et se fait berner dans toutes sortes d'aventures
bouffonnes : deux pièces de Scarron qui
eurent, surtout Ia seconde, un succès durable; - Le Pédant
joué (1654) dont Molière a fait passer la meilleure scène
dans les Fourberies de Scapin (II, II, scène de la galère),
oeuvre de Cyrano de Bergerac (1619-1655), l'auteur fantaisiste de l'Histoire
comique des États et Empires de la Lune et du Soleil
(texte en ligne).
Les comédies
d'intrigue.
La farce amusait comme étant une
charge outrancière de la vie. Les comédies d'intrigue voulaient
divertir par l'imbroglio imprévu des situations, empruntées
d'ordinaire à des originaux espagnols ou italiens.
Dans ce genre, si l'on met à part
Mélite et Le Menteur de Corneille, le chef d'oeuvre
fut la Soeur de Rotrou (1645), intrigue
compliquée qui doit son nom à ce qu'un personnage épouse
une jeune fille, puis la fait passer pour sa soeur disparue. Cette oeuvre
ne sera pas inutile aux Fourberies de Scapin de Molière.
Les comédies
de moeurs.
En dépit de traits isolés,
farces et comédies d'intrigue étaient bien loin de la nature
et de la vérité. Quelques comédies néanmoins
montrent qu'on commence à savoir observer.
C'est particulièrement la Belle
Plaideuse (1654) de Bois-Robert, qui se
passe
en partie à la foire de Saint-Germain
et met en présence d'un père usurier un fais qui s'endette
pour permettre à la belle Plaideuse de soutenir ses procès
(Molière, L'Avare,
II, 2).
Ce sont aussi les comédies littéraires
comme la Comédie des Académistes (1643) de Saint-Evremond
et surtout les Visionnaires (1640) de Desmarets
de Saint-Sorlin, où défilent une collection d'extravagants
: le capitaine Artabaze, le poète Amidor qui «(ronsardise
», Mélisse qui a la tête troublée par les romans,
Lesbiane qui raisonne sur les règles du théâtre, Hespérie
qui croit que chacun l'aime, tout comme la Bélise des Femmes
savantes.
L'âge classique
La tragédie.
Corneille, Racine.
Tout le théâtre qu'on avu
jusqu'ici, comme le lui a reproché Racine
(réponse au Discours de Réception de Thomas
Corneille à l'Académie), manque de « régularité
», de « vraisemblance », d' « honnêteté
et de bienséance », Pourtant un travail utile s'est opéré-:
on a trouvé la forme de la tragédie. Il restait à
substituer à l'action trop souvent toute extérieure des tragi-comédies,
une action morale, conduite au dénouement par la logique des caractères
: ce sera l'oeuvre de Corneille.
Corneille.
Corneille est le père de la tragédie
française. Avant lui, Mairet, Tristan
l'Hermite, Rotrou connaissaient les règles
d'Aristote, mais ils n'étaient parvenus
qu'à polir et améliorer la forme du drame. C'est Corneille
qui lui donna l'âme et la vie; la vie par les, chefs-d'oeuvre immortels,
l'âme par les pensées supérieures, dont la tragédie
française a toujours conservé, à travers tant de vicissitudes,
quelque divine étincelle. Cette beauté originelle de notre
poésie dramatique est la beauté morale. D'autres théâtres
expriment mieux la réalité et plus complètement la
nature : celui-ci porte dès le principe la marque de l'idéal,
noble empreinte qu'il a gardée de la main du grand Corneille. Sa
carrière se divise en plusieurs périodes, et sa puissance
d'invention s'est renouvelée elle-même plusieurs fois. La
première, la plus belle manière de Corneille, va du Cid
à Pompée.
C'est celle qui se présente d'abord à l'esprit quand le nom
de Corneille est prononcé; c'est celle qui a fait dire à
La Bruyère que Corneille "a peint les
hommes comme ils devaient être" et à tous les critiques d'autrefois
que l'admiration est le principe de son théâtre.
A ce moment, et tant que la passion qui fait la vie du drame est combattue
à armes égales par le devoir, il parcourt les cimes les plus
hautes de la nature humaine; il va de l'héroïsme chevaleresque
qui s'appelle le Cid, à l'héroïsme
romain qui se nomme Horace,
à l'héroïsme royal qui est Auguste
, à l'héroïsme chrétien qui est Polyeucte.
Quand la passion cesse d'être en équilibre avec la grandeur
idéale, dans Pompée, il fait un temps d'arrêt;
il se repose dans une création nouvelle, le Menteur,
qui est, suivant le mot de Molière, la première comédie
des honnêtes gens. Puis il se remet en marche, et entre dans la seconde
partie de sa carrière. Celle-ci va de Rodogune
à Nicomède.
Après avoir cherché dans
ses sujets une certaine invraisemblance héroïque, sur laquelle
il s'explique lui-même en plusieurs passages, il cherche maintenant
une autre sorte d'invraisemblance, celle de l'imprévu et de la surprise
dans les événements. Ici la passion ne lutte plus avec le
devoir, mais avec des obstacles industrieusement multipliés. Plus
d'héroïsme, si ce n'est dans le détail et par épisodes,
mais des combats, des complications variées qui se nouent et se
dénouent ingénieusement. Ce genre de tragédie se rapproche
du roman, et lui emprunte ses moyens favoris,
le mystère, les lettres, les testaments, les anneaux, le poison.
C'est ce que Corneille appelle la tragédie implexe. II y
a plus d'esprit et d'invention que de beauté morale; la terreur
et la curiosité y ont pris la place de l'admiration. Rodogune
en est le modèle, Héraclius
en est l'abus. Nicomède est-il un drame tragique ou la plus
haute des comédies? Ce qui est certain, c'est qu'il est en même
temps une nouveauté et un retour vers le meilleur temps de Corneille;
souvenir d'héroïsme, non plus romain cette fois, et s'exprimant
dans le langage de l'ironie la plus éloquente. La note dominante
de cette seconde époque est la nouveauté, l'imprévu,
avec de magnifiques reprises de grandeur morale. La troisième, qui
va d'Oedipe
à Suréna,
c'est Corneille qui vieillit; mais c'est la vieillesse toute composée
de souvenirs, parmi lesquels éclatent les échos héroïques
de Cinna et de Pompée, particulièrement dans
Sertorius
et Othon.
La
tragédie au temps de Corneille.
• La tragédie romanesque.
- Le public qui attendait avec impatience les romans Mlle
de Scudéry ne renonçait pas, malgré l'exemple
des chefs-d'oeuvre de Corneille, à voir sur la scène des
aventures et des héros galants.
1° La tragi-comédie.
- Longtemps après le Cid on applaudit encore des tragi-comédies
imitées de l'Espagne comme celle de Rotrou (Laure persécutée,
1638). Le Timocrate (1656) de Thomas Corneille (1625-1709) eut quatre-vingts
représentations, le plus grand succès dramatique du siècle.
2° La tragédie "tendre". - Quinault
(1635-1688) avant de faire des opéras avec musique de Lulli (Alceste,
1674; Proserpine, 1680; Amadis, 1684; Roland, 1685; Armide,
1686), avait eu des succès dans la tragédie (La Mort de
Cyrus, 1656; Amalasonte, 1658; Astrale, 1663), parce
qu'il y faisait de l'amour doucereux le ressort principal.
• La tragédie proprement dite.
- Pourtant, grâce à Corneille, les spectateurs étaient
capables de s'intéresser aux beautés plus sévères
de la tragédie véritable.
1° Thomas
Corneille. - Thomas Corneille avec beaucoup de souplesse mit à
profit les modèles que lui offrait son frère. Sa Laodice
(1668) rappelle Rodogune, sa Mort d'Hannibal (1669) rappelle
Nicomède.
2° Rotrou.
-. Ses deux meilleures tragédies sont Saint-Genest et Venceslas
(1647).
a) Saint-Genest. - Le sujet
de Saint-Genest est emprunté à Lope
de Vega (La Feinte devient vérité). Mais il est
traité par Rotrou avec des souvenirs de Polyeucte.
b) Venceslas. - Dans Venceslas
l'imitation de Corneille est moins directe. C'est l'adaptation d'une pièce
de Francisco de Rojas : Quand on est roi, on ne peut être père.
Racine.
Bien qu'Alexandre, la première
oeuvre de Racine qui ait de belles scènes,
et Othon, la dernière de Corneille où l'on trouve
encore des lueurs de son talent, soient de la même année (1665)
il y a entre les deux poètes un intervalle de quinze ans à
peu près, puisque le dernier chef-d'oeuvre de Corneille, Nicomède,
est de 1652, en pleine Fronde, et le premier de Racine, Andromaque,
est de 1667, en plein règne et dans le vif éclat de Louis
XIV. L'intervalle fut rempli par un homme de talent, qui profite du
changement de la mode : c'est Quinault, poète sans génie,
mais qui sut plaire par une certaine étude spirituelle du cour et
par un style agréable. Ni la Thébaïde, où
l'on découvre seulement quelques beaux vers, ni Alexandre,
dont le succès étonna pourtant les admirateurs de Corneille,
ne sont des oeuvres caractéristiques. Andromaque fut pour
les connaisseurs, je ne dis pas pour le public, un événement
aussi considérable que le Cid.
Corneille
et Racine
« CORNEILLE
ne peut être égalé dans les endroits où il excelle;
il a pour lors un caractère original et inimitable; mais il est
inégal. Ses premières comédies sont sèches,
languissantes, et ne laissaient pas espérer qu'il dût ensuite
aller si loin; comme ses dernières font qu'on s'étonne qu'il
ait pu tomber de si haut. Dans quelques-unes de ses meilleures pièces,
il y a des fautes inexcusables contre les moeurs; un style de déclamateur
qui arrête l'action et la fait languir; des négligences dans
les vers et dans l'expression, qu'on ne peut comprendre en un si grand
homme. Ce qu'il y a eu en lui de plus éminent, c'est l'esprit qu'il
avait sublime, auquel il a été redevable de certains vers,
les plus heureux qu'on ait jamais lus ailleurs, de la conduite de son théâtre
qu'il a quelquefois hasardée contre les règles des anciens,
et enfin de ses dénouements; car il ne s'est pas toujours assujetti
au goût des Grecs et à leur grande simplicité : il
a aimé au contraire à charger la scène d'événements
dont il est presque toujours sorti avec succès; admirable surtout
par l'extrême variété et le peu de rapport qui se trouve
pour le dessein entre un si grand nombre de poèmes qu'il a composés.
Il semble qu'il y ait plus de ressemblance dans ceux de RACINE, et qu'ils
tendent un peu plus à une même chose ; mais il est égal,
soutenu, toujours le même partout, soit pour le dessein et la conduite
de ses pièces, qui sont justes, régulières, prises
dans le bon sens et dans la nature; soit pour la versification qui est
correcte, riche dans ses rimes, élégante, nombreuse, harmonieuse
: exact imitateur des anciens, dont il a suivi scrupuleusement la netteté
et la simplicité de l'action, à qui le grand et le merveilleux
n'ont pas même manqué, ainsi qu'à Corneille, ni le
touchant ni le pathétique. Quelle plus grande tendresse que celle
qui est répandue dans tout le Cid, dans Polyeucte et dans les Horaces?
Quelle grandeur ne se remarque point en Mithridate, en Porus et en Burrhus?
Ces passions encore favorites des anciens, que les tragiques aimaient à
exciter sur les théâtres, et qu'on nomme la terreur et la
pitié, ont été connues de ces deux poètes :
Oreste, dans l'Andromaque de Racine, et Phèdre, du même
auteur, comme l'Œdipe et les Horaces de Corneille, en sont la preuve. Si
cependant il est permis de faire entre eux quelque comparaison, et de les
marquer l'un et l'autre par ce qu'ils ont de plus propre, et par ce qui
éclate le plus ordinairement dans leurs ouvrages, peut-être
qu'on pourrait parler ainsi : Corneille nous assujettit à ses caractères
et à ses idées; Racine se conforme aux nôtres : celui-là
peint les hommes comme ils devraient être, celui-ci les peint tels
qu'ils sont. Il y a plus dans le premier de ce que l'on admire, et de ce
que l'on doit même imiter : il y a plus dans le second de ce que
l'on reconnaît dans les autres, de ce que l'on éprouve dans
soi-même. L'un élève, étonne, maîtrise,
instruit : l'autre plait, remue, touche, pénètre. Ce qu'il
y a de plus beau, de plus noble et de plus impérieux dans la raison,
est manié par le premier; et par l'autre, ce qu'il y a de plus flatteur
et de plus délicat dans la passion. Ce sont dans celui-là
des maximes, des règles, des préceptes, et dans celui-ci
du goût et des sentiments. L'on est plus occupé aux pièces
de Corneille l'on est plus ébranlé et plus attendri à
celles de Racine. Corneille est plus moral; Racine, plus naturel. Il semble
que l'un imite SOPHOCLE, et que l'autre doit plus à EURIPIDE. »
(La
Bruyère, Caractères).
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Sans doute, La
Bruyère a raison, et Racine, contrairement à Corneille,
"a peint les hommes comme ils sont." Mais il ne faut pas oublier qu'il
a trouvé le théâtre sensiblement déchu des grandeurs
héroïques du Cid et de Polyeucte; et il n'est
que juste de dire qu'il l'a relevé, et rappelé vers cette
beauté morale qui est la marque souveraine de la tragédie
française. Venu dans un temps moins chevaleresque et plus royal,
parlant à des hommes moins libres et moins hardis, il n'a pas visé
si haut que le grand Corneille, mais il s'est arrêté à
des hauteurs assez grandes et dans une lumière assez pure encore
pour que la passion humaine y soit transfigurée. Il a exprimé
la passion mieux encore que Corneille, mais n'a pas tenté de la
mettre sans cesse en opposition avec la grande loi du devoir : ce magnifique
idéal avait paru épuisé même à Corneille.
Il l'ennoblit d'une autre façon : il la purifie et la spiritualise
en la faisant jaillir des sources intimes du coeur, sans la compromettre
un instant aux souillures de la matière. II l'agrandit en lui donnant
une condition, un caractère, un langage royal. II l'idéalise
en la reculant dans le lointain des âges, ou en l'illuminant des
splendeurs de l'histoire.
L'idéal grec a d'abord sollicité
son génie nourri dans les écoles de Port-Royal,
et il a donné Andromaque, c.-à-d. la jalousie tragique
et l'amour maternel, mais agrandis l'un et l'autre par le sentiment moderne
et chrétien. Racine, qui travaillait moins vite que Corneille, se
reposa comme lui, et, comme lui, s'essaya dans les Plaideurs, libre
imitation d'Aristophane, comédie de
connaisseurs, plus agréable à la lecture qu'à la représentation.
Puis il tenta une nouvelle entreprise. Doué d'une puissance incomparable
pour interroger le coeur humain, il s'attacha aux ravages de l'ambition,
sans renoncer pourtant à l'amour dont il connaît toutes les
nuances, et qui est entre ses mains le gage le plus assuré du succès.
Au choc de ces passions il mêle la vertu et le crime, et de ce conflit
jaillit Britannicus, où les idées morales, ambition
et amour, crime et vertu, portent des noms célèbres. Voilà
comment il idéalise la passion par l'histoire, et il crée
la tragédie historique, celle qui a vécu le plus longtemps,
la seule possible aujourd'hui, si, la tragédie l'est encore. Dans
Bérénice, Racine obéissant non seulement à
l'invitation d'une princesse, mais à un penchant de son esprit,
se porte du côté de la tragédie romanesque. Bajazet,
malgré la belle conception du personnage d'Acomat, est aussi, et
plus encore, un roman tragique. Dans les sujets de ce genre Corneille accumulait
les intrigues et tenait les esprits en éveil à force d'industrie
et de complications : Racine substitua aux anneaux mystérieux, aux
lettres multipliées, aux reconnaissances imprévues, le détail
des sentiments et des passions. II enseigna, comme il le dit dans une préface,
à faire une tragédie avec rien, mais ce rien c'était
le coeur humain tout entier.
Après ces deux romans d'amour, Racine
revient aux beautés sévères de l'histoire dans Mithridate,
aux beautés pures de l'idéal grec dans Iphigénie
et dans Phèdre. Si l'on s'arrête sur Mithridate,
on ne sait ce qu'il faut le plus admirer, de l'interprétation historique
qui fait revivre tout entier ce héros ennemi des Romains,
ou des luttes de la passion entre ce vieillard jaloux et sa jeune épouse
Monime, si touchante et si dramatique. Si vous reportez toute votre attention
sur Iphigénie et sur Phèdre, il semble que
là surtout Racine est tout entier. Soit que vous prêtiez l'oreille
aux indignations de l'épouse et de la mère dans Clytemnestre,
soit que votre âme s'attendrisse aux plaintes virginales d'Iphigénie,
soit que vous demeuriez fasciné par la flamme adultère de
Phèdre "malgré soi perfide, incestueuse, " jamais vous n'avez
entendu tant de cris spontanés des passions qui vivent dans nos
coeurs à nous modernes, mais ennoblis, mais épurés,
mais poétisés par le beau antique. Une marche ascendante
vers le beau et le parfait, telle est la carrière de Racine. Un
idéal religieux pouvait seul en marquer le terme; c'est Esther
et Athalie, qui sont, la seconde surtout, la perfection même.
Ici, la Bible
a remplacé l'histoire, comme le théâtre grec et la
poésie a gagné tout ce qu'a perdu la passion.
Contemporains
et successeurs de Racine.
Il faut se rappeler les luttes de Racine
contre tant de rivaux qui essayaient de lui disputer la faveur du public,
et ne pas l'isoler dans son temps comme dans la littérature. N'oubliez
pas, d'abord, que Corneille, de 1664 à 1674, a produit de nombreuses
tragédies, non des meilleures sans doute, mais que son grand nom
protégeait. Suréna, la dernière, est de la
même année qu'Iphigénie.
Thomas Corneille obtenait de très
gros succès; il donnait en 1672 (l'année de Bajazet)
son Ariane, et en 1618 (un an après Phèdre)
son Comte d'Essex.
Quinault (1635-1688) fut un médiocre
poète tragique, et son Astrate (1663) mérite les railleries
de Boileau; mais il composa des livrets d'opéras (Proserpine,
Armide, etc.) dont Lulli écrivit la musique et qui sont remarquables
par l'harmonie et la douceur de la versification.
Pradon (1632-1698) n'a été
sauvé de l'oubli que par sa Phèdre. Mais il a écrit
un très grand nombre de tragédies, dont la moins mauvaise
est un Régulus (1688).
On peut signaler encore le Germanicus
de Boursault (1679), le Genséric de Mme Deshoulières
(1680), des tragédies de La Chapelle, de Mlle Bernard, etc., non
pas qu'on doive en retenir même les titres, mais pour que l'on sache
bien que la tragédie était toujours en grande faveur.
Racine eut deux imitateurs fort compromettants
en Campistron (1656-1723) et La Grange-Chancel (177-1758), qui appartient
déjà den partie au XVIIIe
siècle.
La comédie.
Molière.
Les pièces divertissantes n'ont
donc pas manqué avant Molière, qui plus d'une fois y a trouvé
son bien. Mais le véritable comique, celui qui naît de l'observation
spirituelle des défauts et des caractères et ne consiste
mas seulement en inventions bouffonnes ou en fantaisies grossières,
celui qui fait rire « les honnêtes gens » au lieu de
n'amuser que le peuple, voilà ce que les prédécesseurs
de Molière ne rencontraient que par exception ou comme en tâtonnant,
et ce que Molière seul devait découvrir.
Molière.
Louis XIV demandait
à Boileau quel était le plus grand
poète de son siècle : "Sire, répondit le critique,
c'est Molière. " La comédie
française est la soeur cadette de la tragédie;
mais c'est une cadette plus grande peut-être, et certainement plus
vivace que son aînée. Quand elle se naturalisa en France,
au XVIe siècle, elle venait d'Italie.
Florence et Sienne
nous envoyèrent d'abord la comédie toscane, plus moderne,
plus fidèle à la peinture des moeurs, née en ligne
directe de la nouvelle, comédie bourgeoise et partant la prose de
la place du Vieux-Marché, où Arioste
allait achever ses études. Ferrare
et les académies de la Lombardie
nous donnèrent l'exemple de la comédie imitée des
Anciens, avec ses parasites, ses soldats fanfarons, ses courtisanes et
ses marchands d'esclaves, auxquels elles n'avaient guère ajouté
que les pédants : comédie versifiée, savante, dont
le style était le principal mérite, en particulier sous la
brillante plume de l'auteur du Roland furieux.
Les pièces du vieux Larrivey, le seul comique de talent depuis l'auteur
de Maître Pathelin,
sont florentines comme son nom, comme sa famille. Florence donnait à
la France
à la fois le théâtre
et l'auteur. L'Espagne
avait aussi fourni quelque chose : Corneille,
noblement reconnu par Molière comme un
devancier, était allé chercher le Menteur
aux mêmes sources que le Cid.
Mais depuis le triomphe des règles d'Aristote,
c.-à-d. depuis que la tradition latine et le goût populaire
s'étaient rencontrés dans un même plaisir intellectuel,
la mode n'était plus ni à l'Espagne, ni au mélange
des tons divers, et l'esprit français tendait vers une comédie
nationale et humaine, sous la forme classique. L'idéal de cette
comédie n'est plus la grandeur morale; ce n'est pas cependant la
bassesse, comme l'entendent certains théâtres, et le français
quelquefois. Le fond ne saurait être autre chose que les passions
vues par leurs côtés ridicules : il faut que les bassesses
du coeur soient traduites au tribunal de l'esprit, non pas tant de l'auteur
que de tout le monde; les passions, parlant et agissant, voilà,
l'idéal de la comédie française. Où pouvait-il
mieux être réalisé que parmi le peuple et dans le siècle
le plus sociable qui furent jamais?
Ce peu de mots sur la comédie explique
d'avance Molière; par là, il a été, sans figure,
le plus fidèle peintre de la société de son temps,
et le plus puissant contemplateur de l'humanité. II atteignit pour
la première fois cet idéal en 1659, par les Précieuses.
Les premiers pas de Molière furent autant de prises de possession,
et les pièces de ces années-là autant de fils qui
rayonnaient en tous sens dans le vaste domaine conquis; une fois saisis,
il ne les abandonna plus, jusqu'au moment où la mort vint les briser
quand il les tenait le plus ferme et quand il semblait, hélas! s'y
attacher avec le plus de passion et s'y cramponner. De 1658 à 1661,
il donna l'Etourdi
et le Dépit amoureux
qui faisaient partie de son bagage de province, les Précieuses
ridicules,
Sganarelle,
Don Garcie de Navarre,
l'École des maris,
les Fâcheux.
Autant de pièces, autant d'essais, et déjà de modèles
dans tous les genres qu'il cultiva. L'Étourdi et le Dépit
amoureux ouvrent la série du Mariage forcé,
du Sicilien,
des Fourberies de Scapin,
joyeuses intrigues, fantaisies éblouissantes, quelquefois bouffonnes,
qui donnent la main d'une part à la comédie italienne et
espagnole, de l'autre au théâtre bruyant de Beaumarchais.
Les Précieuses ridicules
annonçaient non seulement les Femmes savantes
qui est la perfection du genre, mais l'École des maris,
l'École des femmes;
j'oserai dire qu'il faut rattacher au même groupe toutes les comédies
sur le mariage, telles que Sganarelle,
Amphitryon,
Georges Dandin.
Cette mine est inépuisable dans le pays des fabliaux,
des contes et des satires; elle prouve beaucoup
moins l'absence d'égards que la large place accordée aux
femmes dans notre société. Don Garcie est le premier
de ces gracieux romans qui ont pour titres les Amants magnifiques,
la Princesse d'Elide,
Psyché,
Mélicerte,
et la Pastorale comique,
cadres faciles, la plupart du temps allégoriques, où Molière
a donné les premiers échantillons de cette finesse agréablement
naïve qui est le genre de Marivaux. On peut, si l'on veut, dater des
Fâcheux
la comédie des ridicules de la société;
ces ridicules ne sont pas seulement ceux du temps, comme dans l'Amour
médecin,
le Médecin malgré lui,
et le Malade imaginaire,
vrai chef-d'oeuvre celui-là : la fausse médecine n'existe
plus, bien qu'elle paraisse à chaque instant sur le point de renaître.
J'ajoute à ces ridicules passagers ceux de Pourceaugnac
et de la Comtesse d'Escarbagnas,
que l'esprit provincial a emportés désormais loin de nous,
et qu'on aurait de la peine à retrouver dans le plus ignoré
des cantons. Mais les prétentions nobiliaires et la fausse gentilhommerie
ont survécu aux derniers soupirs des marquis tués par Molière
sous le feu de la rampe. Tout cela vit encore et peut se reconnaître
dans la Critique de l'École des femmes,
dans l'Impromptu de Versailles,
et surtout dans cette oeuvre excellente du Bourgeois gentilhomme.
Mais ces genres divers viennent aboutir
a une comédie plus haute et plus parfaite qui en est le couronnement,
et qui les renferme tous : c'est le Festin de Pierre,
Tartufe,
le Misanthrope,
et l'Avare,
quatre oeuvres incomparables. Nulle part la passion avec ses bassesses,
tranchons le mot, le vice, n'est plus vigoureusement saisi et produit en
pleine lumière par la main vengeresse du poète comique. Le
vice d'Harpagon est châtié, avec une verve non moins logique
que spirituelle, su sein de sa famille où son avarice a détruit
l'affection et le respect filial. Le vice de la débauche détruit
jusqu'à l'honneur dans don Juan. Le vice
de l'hypocrisie, seigneur et maître de tous les, vires qui sont ses
tributaires, fait de Tartufe le plus puissant ennemi que le poète
comique ait jamais traîné au tribunal de la scène.
C'est peut-être le plus merveilleux des ouvrages de Molière.
Le vice du mensonge court à revers les scènes du Misanthropes
comme les petites faussetés à travers les liaisons de la
société polie-: Acaste et Clitandre
sont des menteurs; menteurs également et Oronte et Arsinoé;
Philinte ne dit pas la vérité, et Célimène
est le chef-d'oeuvre du mensonge aimable et spirituel. Alceste seul flagelle
de ses colères éloquentes toutes ces élégantes
perfidies, qui sont, après tout, un résumé de ce qu'on
appelle le monde.
Les successeurs de
Molière
Molière avait traité la comédie
de caractère de manière à décourager ses successeurs.
Mais on pouvait tenter, après le Bourgeois gentilhomme, la
comédie de moeurs. L'immense succès des Caractères
de La Bruyère montra que le public était disposé maintenant
à s'intéresser plus particulièrement aux types contemporains.
Boursault (1638-1701), l'adversaire de Molière et de Boileau, eut
l'idée de montrer dans sa comédie du Mercure galant
(1679) la puissance conmmençante de la presse; l'acteur Baron (1653-1729)
dans l'Homme à bonnes fortunes (1686) présenta un
Don Juan de moindre allure, attentif à tirer parti de ses
succès, comme on commençait à en voir beaucoup en
cette fin du XVIIe siècle; Dancourt
(1661-1725), un autre comédien, reprit le personnage dans son Chevalier
à la mode (1687). Avec clairvoyance et avec un sens avisé
de l'actualité, il sut mettre à la scène les principaux
travers de cette société en train de se décomposer
: la fureur du jeu (La Désolation des Joueuses, 1687), le
désir de paraître (Les Bourgeoises de qualité,
1700) et la course à l'argent (La Loterie, 1697, Les Agioteurs,
1710). Pourtant le véritable héritier de Molière parut
être Regnard.
Regnard.
Regnard prit
la gaieté, don inestimable, puisqu'il fait la vie du théâtre
: dans une ou deux occasions, dans les Ménechmes et dans
le Légataire universel,
il parut avoir hérité de l'anneau du conquérant; une
verve de bon aloi dans le mouvement des scènes et la brillante facilité
du style purent un instant consoler le théâtre de la perte
du maître, auquel il rend un digne hommage dans le prologue des Ménechmes.
Une seule fois, dans le Joueur, il atteignit à la haute comédie
et à cette universalité d'application qui est la première
des gloires de Molière.
Dufresny.
Dufresny prit
la finesse, mais non sans tomber dans l'abus de l'esprit et dans l'épigramme
qui est l'écueil de la comédie, comme les beaux vers sentencieux
sont l'écueil de la tragédie.
Dancourt.
Dancourt se
rejeta sur les peintures subalternes de la vie bourgeoise et des paysanneries.
Tous trois, pour flatter le goût de leur temps, oublièrent
que Molière avait fait grand honneur à l'esprit français,
en parlant toujours le langage des honnêtes gens. (R
/ Abry). |
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