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Littérature française
Les écrivains religieux au XVIIe siècle
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Pascal et le Jansénisme

Le Jansénisme.
Dans le XVIIe siècle si préoccupé des questions morales et religieuses, la querelle théologique du Jansénisme a tenu une place considérable à cause de l'importance des problèmes soulevés et de la personnalité de Pascal qui s'y est trouvé mêlé.

Jansénius.
L'évêque d'Ypres, Janssen (en latin Jansenius), mourut en 1638 en laissant un livre intitulé Augustinus, qui fut publié en 1640. C'était un commentaire des doctrines de saint Augustin. Soumis à la Sorbonne, le livre fut déclaré hérétique, et cinq propositions, qui en furent extraites, furent déférées à la cour de Rome et condamnées (1650).

Les idées jansénistes. 
Jansénius, interprétant le dogme catholique dans sa plus grande rigueur, prétendait que l'humain, pour assurer son salut dans l'au-delà, devait avoir reçu la grâce de Dieu par prédestination, sans pouvoir espérer la mériter par sa conduite ici-bas. Ce n'est pas que sa conduite fût indifférente. Elle devait être digne de la morale chrétienne la plus austère, dominée parle souci constant du salut et la crainte d'un Dieu redoutable. La vie devait être une vie sévère et frémissante, analogue, pensait-il, à celle des chrétiens de l'Eglise primitive.

Port-Royal.
C'est par l'abbaye de Port-Royal que le jansénisme a pénétré en France.

L'abbaye
Port-Royal était une communauté de femmes, établie dès 1204 dans la vallée de Chevreuse. L'abbesse Angélique Arnauld en avait réformé la vie très mondaine en 1608, et avait fondé un nouveau couvent à Paris en 1625, sur l'actuel boulevard de Port-Royal. Sa sévérité était faite pour comprendre et aimer les principes jansénistes. Aussi fut-elle conquise quand son directeur, du Vergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, ami de Jansénius, les lui fit connaître, vers 1633.

Les solitaires. 
Port-Royal devint ainsi très vite un foyer de jansénisme. Un certain nombre de laïques, décidés eux aussi à vivre selon cette règle, reçurent l'autorisation de s'installer dans les bâtiments disponibles de Port-Royal des Champs. C'étaient, entre autres, Antoine Le Maître (1608-1658), ancien avocat; Arnauld (1612-1694), auteur d'un traité, la Fréquente Communion, censuré en 1656; Nicole (1628-1695), qui, sous le nom de Guillaume Wendrock, traduisit en latin les Provinciales; il était aussi l'auteur d'une Logique et d'Essais de morale qui enthousiasmaient Mme de Sévigné; Lancelot enfin dont le Jardin des racines grecques est resté longtemps en usage. Tous furent non seulement de pieux ascètes, mais des professeurs remarquables aux « Petites Écoles-», qu'on avait adjointes en 1643 à Port-Royal des Champs. On les désignait habituellement sous le nom de « les Messieurs » ou « les Solitaires » de Port-Royal.

La persécution.
Quand, en 1650, l'Augustinus fut condamné par le pape Innocent III, les jansénistes se soumirent, Mais continuèrent à nier que les cinq propositions fussent dans le livre.

Ce fut l'origine de la querelle, où les Jansénistes devaient succomber, parce qu'ils avaient contre eux, outre la sentence pontificale, la rivalité des Jésuites, et la méfiance du roi à l'égard de leur esprit d'indépendance. En 1656 Arnauld était exclu de la faculté de théologie, ce qui provoqua, la riposte des Provinciales. Le succès de ce pamphlet et le dit miracle de la Sainte-Epine, qui avait prétendûment guérit d'une fistule Mlle Périer, nièce de Pascal, rendirent confiance aux Jansénistes. Mais en 1660 on voulut leur faire signer un formulaire condamnant les cinq propositions. Ils refusèrent : les Petites Ecoles furent fermées et les religieuses dispersées dans d'autres communautés. Pourtant en 1668 ils consentirent à accepter un nouveau formulaire et connurent quelques années de tranquillité. Les persécutions recommencèrent à propos d'une bulle du pape Clément Xl, et en 1710 Port-Royal était détruit par ordre du roi.

Influence de Port-Royal au XVIIe Siècle.
Port-Royal, malgré les persécutions. qui l'accablèrent, eut, sur la société et sur les écrivains du XVIIe siècle une très sérieuse influence.

1° Il faut signaler le grand exemple de fermeté et de résistance donné par les Messieurs de Port-Royal, en un temps où l'esprit de docilité et d'abandon permettait au pouvoir absolu de s'établir pour près de deux siècles en France. S'ils nous étonnent par leur entêtement, toutefois ces Messieurs, quand ils s'appellent Saint-Cyran, Arnauld, Nicole, Pascal, et qu'ils payent de leur liberté, de l'exil, de la vie même, l'attachement à leurs opinions, sont grands et dignes d'admiration. Et l'on peut dire que quelque chose de leur solidité morale, de leur vertu stoïque, a passé dans les Bossuet, les La Rochefoucauld, les Boileau, les Saint-Simon.

2° Port-Royal eut, par, Saint-Cyran et M. Singlin, une influence sur Ia réforme de la prédication; il, n'est pas jusqu'à Bourdaloue, un jésuite, qui ne leur doive quelque chose. 

3° Les Messieurs de Port-Royal ont contribué à transformer les méthodes et les outils de l'enseignement; dans leurs Petites écoles ils enseignaient, avec le latin, le français et le grec, qui ne faisaient partie à cette époque ni des programmes de l'Université, ni de la Ratio Studiorum des Jésuites. Leur Logique, leur Grammaire, leur Jardin des racines grecques, devinrent au siècle suivant des livres scolaires officiels. N'oublions pas aussi qu'ils eurent, dans ces écoles, des élèves qui leur firent honneur, et que Racine doit peut-être à Lancelot et a Nicole, avec sa connaissance du grec, sa fine psychologie.

Aussi suffit-il d'ouvrir les Mémoires ou les Correspondances (La littérature mondaine au XVIIe siècle) du temps pour voir la place qu'y tient Port-Royal; et cette influence se continue pendant une partie du XVIIIe siècle, jusqu'au moment où, avec Voltaire et l'Encyclopédie, c'est le rationalisme et l'optimisme qui l'emportent.

Pascal.
Le savant (1623-1646). 
Blaise Pascal  (1623-1662), qui devait être la plus grande illustration de Port-Royal, était né à Clermont-Ferrand. Fils d'un père qui excellait à éveiller l'esprit de ses enfants, il étonna son entourage par ses précoces dispositions pour les sciences. Il apprit la géométrie seul et en cachette, puis, dès seize ans, rédigea un Essai sur les coniques dont on prétend que Descartes conçut de la jalousie. A dix-huit ans il imagina et fit construire une machine arithmétique , montrant déjà sa préoccupation des applications pratiques de la science, a laquelle il paraissait devoir consacrer sa vie.

Premier contact avec le jansénisme (1646-1654). 
Son père s'étant cassé la cuisse en 1646, à Rouen, fut soigné par deux gentilshommes, La Bouteillerie et Deslandes, fervents adeptes du Jansénisme, qui ne tardèrent pas à y convertir toute la famille. Pascal n'en continua pas moins ses travaux scientifiques, notamment sur le vide et la pression atmosphérique qu'il démontra par les expériences célèbres (le Puy-de-Dôme et de la tour Saint-Jacques de Paris. Il dut les interrompre pour raison de santé en 1652, et pendant deux ans se mêla au monde pour se distraire. C'est alors qu'il fit la connaissance d'un groupe de libertins, ou libres penseurs Miton, le duc de Roannez, le chevalier de Méré.

Le solitaire de Port-Royal (1654-1662).
A la suite d'un accident de voiture au pont de Neuilly, il traversa une crise de mysticisme, déterminée probablement par l'influence de sa soeur Jacqueline entrée à Port-Royal. Une nuit d'extase religieuse (23 novembre 1654), que lui rappela toujours par la suite une prière cousue dans ses habits, le décida à se retirer à Port-Royal. C'est là qu'il écrivit à la demande d'Arnauld les Provinciales (1656). Ses dernières années furent troublées par de cruelles souffrances. Il s'occupait encore parfois de problèmes scientifiques et de questions pratiques (c'est lui qui a eu l'idée des carrosses à cinq sols ou omnibus), mais travaillait surtout à un ouvrage sur la religion chrétienne que la mort ne lui laissa pas achever (1662) et dont les fragments sont le livre des Pensées.
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Vanité de l'Homme

« L'orgueil nous tient d'une possession si naturelle au milieu de nos misères et de nos erreurs, que nous perdons même la vie avec joie, pourvu qu'on en parle.

La vanité est si ancrée dans le coeur de l'homme, qu'un goujat, un cuisinier, un crocheteur se vante et veut avoir ses admirateurs; et les philosophes mêmes en veulent. Et ceux qui écrivent contre la gloire veulent avoir la gloire d'avoir bien écrit, et ceux qui le lisent veulent avoir la gloire de l'avoir lu; et moi qui écris ceci, j'ai peut-être cette envie, et peut-être que ceux qui le lisent l'auront aussi.

Nous sommes si présomptueux, que nous voudrions être connus de toute la terre, et même des gens qui viendront quand nous n'y serons plus; et nous sommes si vains, que l'estime de cinq ou six personnes qui nous environnent nous amuse et nous contente.

Les villes par où on passe, on ne se soucie pas d'y être estimé; mais quand on y doit demeurer un peu de temps, on s'en soucie. Combien de temps faut-il? un temps proportionné it notre durée vaine et chérie. ».
 

(B. Pascal, Pensées, article II).

Oeuvres.
Les oeuvres principales de Pascal sont :

1° Oeuvres scientifiques. -  Fragment d'un Traité sur le vide (1651?) - De l'esprit géométrique (1654).

2° Polémique. - Lettres provinciales ou Lettres de Louis de Montalte à un provincial de ses amis et aux Révérends Pères Jésuites sur la morale et la politique de ces Pères. - (Dix-huit lettres publiées de 1656 à 1657).

3° Religion et morale. - Prière pour le bon usage des maladies (1648). - Lettre sur la mort de M. Pascal père (1651). - Entretien avec M. de Saci d'après les mémoires de Fontaine, secrétaire de M. de Saci (1655).- Pensées (Édition de Port-Royal, 1670).

Voltaire écrivait dans le Siècle de Louis XIV
« Le premier livre de génie qu'on vit en prose fut le recueil des Lettres provinciales » (Ch. XXXII). 
Pascal en effet par son souci du naturel et de la vérité inaugure la période classique. Mais tout en portant la marque si particulière d'une époque et d'une secte, son oeuvre est de celles qui dominent le temps et les partis, parce que tous peuvent trouver en elle de quoi méditer, admirer ou s'émouvoir, puisqu'aussi bien elle est à la fois d'un savant, d'un poète et d'un croyant.

Théories littéraires.
C'est l'union de cette vigueur logique et de son ardente conviction qui donnait à l'éloquence de Pascal une force invincible. Il avait une éloquence qui lui donnait une facilité merveilleuse à dire ce qu'il voulait; mais il avait ajouté à cela des  règles dont on ne s'était pas encore avisé. (Vie de Pascal par Mme Périer).

1°) Critique des artifices littéraires. - Ces règles nous ont été conservées dans quelques-unes des Pensées dont l'ensemble forme ce qu'on appelle quelquefois la « rhétorique » de Pascal. Il y attaque tout ce qui dans l'art est procédé :
La vraie éloquence se moque de l'éloquence c'est-à-dire de la rhétorique. (H. VII, 34 ; B. 4.).
Ceux qui font les antithèses en forçant les mots font comme ceux qui font le fausses fenêtres pour la symétrie : leur règle n'est pas de parler juste, mais de faire des figures justes. (H. VII, 22 ; B.27).
2° Théorie du naturel. - A ses yeux il n'y a pas d'autre secret  que le naturel et la vérité :
Il faut se renfermer le plus qu'il est possible dans le simple naturel : ne pas faire grand ce qui est petit, ni petit ce qui est grand. Ce n'est pas assez qu'une chose soit belle. Il faut qu'elle soit propre au sujet, qu'il n'y ait rien de trop ni rien de manque. (H. XXV, 25; B. 15).

Il faut de l'agréable et du réel; mais il faut que cet agréable soit lui-même pris du vrai. (H, VII, 27; B, 25).

Quand on voit le style naturel, on est tout étonné et ravi, car on s'attendait de voir un auteur et on trouve un homme. (H. VII, 28; 13. 29).

 Et en effet nul n'a été moins « auteur » que Pascal.

Bossuet et l'équence de chaire au XVIIe siècle

Les prédécesseurs de Bossuet.
Importance de l'éloquence religieuse au XVIIe siècle. 
Le XVIIe siècle a été pour la chaire chrétienne la plus belle époque, parce qu'à aucun moment les orateurs sacrés n'ont eu un public mieux disposé à les écouter et plus capable d'admirer les beautés oratoires.
1° vivacité des sentiments religieux. - Il y eut dans le monde un petit nombre d'esprits libres ou « libertins », tels que Méré, Miton que connut Pascal Saint-Evremond, plus tard les Vendôme et la cour du Temple. Mais dans l'ensemble du public la foi est vive, les devoirs religieux s'accomplissent strictement, surtout quand, à la suite de Louis XIV, la cour se jeta dans la dévotion. L'intérêt que soulevèrent les controverses des Jésuites et des Jansénistes, de Bossuet et de Fénelon, prouve la place que tenait la religion dans les esprits. Aussi l'empressement qu'on mettait à se rendre aux sermons était-il prodigieux. Pour entendre les prédicateurs en vogue on était obligé de faire garder sa place d'avance par un domestique. (Lettre de Mme de Sévigné à Mlle de Grignan, 27 mars 1671).

2° Les préoccupations littéraires et la prédication. - Le désir d'écouter un beau discours contribuait au reste au zèle de ces dames en grande toilette et de ces gentilshommes élégants. On venait en chrétien pour s'instruire, mais aussi en connaisseur pour juger :

Celui qui écoute s'établit juge de celui qui prêche, pour condamner ou pour applaudir. (La Bruyère, Caractères : De la Chaire).
L'oraison funèbre surtout, avec son cérémonial somptueux, la magnificence des décorations, était un véritable discours d'apparat :
Ainsi en est-il du panégyrique qui est comme un tournoi et une montre [...]. Il est nécessaire que l'orateur emploie en cette occasion tout son art et toutes les fleurs de son éloquence. (Préface des Actions publiques de François Ogier, prêtre et prédicateur, 1652).
Les prédicateurs de leur côté n'étaient pas indifférents aux succès oratoires. Ils parlaient devant des auditeurs heureux d'avoir l'occasion d'entendre de beaux discours, ils voyaient les tachygraphes noter leurs paroles, et ils sentirent la nécessité de soutenir leur enseignement par l'art.
Les progrès de la prédication.
Toutefois ce n'est qu'après certainles hésitations qu'on réussit à découvrir la véritable rhétorique chrétienne.
1° L'abus des ornements profanes. - Quand les orateurs se furent dépouillés au début du siècle du langage souvent cru et brutal dont on s'était servi au XVIe siècle, ils tombèrent, sous l'influence de la préciosité, dans un excès de raffinement. Ils voulurent étaler leur érudition, montrer leur habileté dans l'arrangement des idées et des mots. Ces défauts disparurent ensuite :
Les citations profanes, les froides allusions, le mauvais pathétique,les antithèses, les figures outrées ont fini. (La Bruyère, Caraclères : De la Chaire).
Le véritable progrès à réaliser c'était de comprendre que la seule parure possible de l'Évangile, c'était la simplicité.

2° La réforme de la chaire. - Cette réforme s'accomplit grâce à la congrégation de l'Oratoire, fondée en 1612, à laquelle on dut des prédicateurs comme le P. Bourgoing (1585-1662), le P. Lejeune (1592-1662); grâce à l'influence du jésuite Claude de Lingendes (1591-1660) qui fut le maître de Bourdaloue; grâce surtout à l'exemple et à l'autorité de Saint Vincent de Paul (1576-1660), qui condamnait
absolument le beau langage :

Je vous ai dit autrefois que Notre Seigneur bénit le discours qu'on fait en parlant d'un ton commun et familier, parce qu'il a lui-même enseigné et prêché de la sorte. (Lettre a un missionnaire, 1638).
Bossuet suivait les conférences Saint Lazare que dirigeait Saint Vincent de Paul et en profita. Mais il vit bien que la simplicité qui convenait au peuple ne convenait pas à la cour et à la ville. Contemporain des grands classiques, il n'eut pas de peine à trouver le compromis entre la simplicité et l'art, c'est-à-dire la « nature ».
Les circonstances exceptionnelles auxquelles la chaire a dû son éclat au XVIIe siècle disparaissent au XVIIIe. L'esprit chrétien est fortement battu en brèche par l'esprit philosophique; les questions morales sont laissées de côté. La prédication reprend un caractère strictement confessionnel. Mais pendant près d'un siècle elle avait été, tant par la pureté de la forme que par l'intérêt des peintures morales, un genre littéraire auquel la littérature française a dû quelques-uns de ses chefs-d'oeuvre.

Bossuet (1627-1704).
Jacques-Bénigne Bossuet naquit à Dijon d'une assez ancienne famille parlementaire. Tonsuré dès huit ans, pourvu à treize d'un canonicat à Metz, où résidait une partie de sa famille, il vint achever à Paris, au collège de Navarre, ses études commencées chez les Jésuites de Dijon. Il étonna ses maîtres par son application an travail et son précoce talent oratoire. En 1652, reçu docteur en théologie et ordonné prêtre, il rejoignit son poste de Metz où le chapitre venait de lui donner le titre d'archidiacre de Sarrebourg. Et aussitôt, dans cette ville où vivaient beacoup de protestants et de juifs, il entreprit des conversions et des polémiques (entre autres contre le pasteur Paul Ferry).

Sur l'invitation de saint Vincent de Paul, il revint à Paris pour y prêcher. Cinq carêmes dont deux à la cour (1662-1666), quatre avents dont deux aussi à la cour (1665-1666), cinq oraisons funèbres notamment celle d'Anne d'Autriche (1666), de la reine d'Angleterre (1669), de la duchesse d'Orléans (1670), le désignèrent pour l'épiscopat à l'attention de Louis XIV. Il eut l'évêché de Condom (1669) et fut nommé l'année suivante précepteur du Dauphin.

Ses nouvelles fonctions absorbèrent toute son activité. Il se démit même de son évêché, faute de pouvoir y résider et le gouverner. Avec une conscience admirable, il compléta son instruction, pour faire celle de son élève et composa tous les livres nécessaires grammaires, extraits de morale, Discours sur l'histoire universelle, etc. 

Le Dauphin apprit quelque chose, mais s'appliqua plus tard à tout oublier. Membre de l'Académie française depuis 1671, maître du futur roi, Bossuet avait une situation privilégiée. Deux lettres à Louis XIV (1675), pour l'engager à réformer sa conduite, témoignent de son courage et de son autorité.

Bossuet fut nommé évêque de Meaux en 1681, et l'on put mesurer son prestige à l'assemblée générale, du clergé de France, où il fut chargé de rédiger la Déclaration du clergé de France en quatre articles sur les libertés de l'Église gallicane (1682). La dernière période de sa vie lest consacrée à la prédication, à l'administration de son diocèse, et surtout à la controverse contre les protestants (Histoire des Variations, 1688) et contre la doctrine du quiétisme représentée par Fénelon. Il mourut en 1704.

Oeuvres.
Beaucoup des oeuvres de Bossuet sont posthumes. Les principales sont : 

1° Oeuvres oratoires.
a) Sermons (publiés en 1772-1778) : Panégyrique de Saint Bernard (1653); Sur l'Éminente dignité des pauvres (1659); Panégyrique de Saint Paul (1659); Sur l'honneur du monde (1660); Sur la parole de Dieu (1661); Sur la Providence (1662); Sur l'ambition (1662); Sur les devoirs des Rois (1662); Sur la mort (1662); Sur la Profession de Mlle de la Vallière (1675); Sur l'Unité de l'Église (1681).

b) Oraisons funèbres : du P. Bourgoing (1662); de Nicolas Cornet (1663); d'Henriette de France (1669); d'Henriette d'Angleterre (1670); de Marie-Thérèse (1683); d'Anne de Gonzague (1685); de Michel le Tellier (1686); du Prince de Condé (1687).

2° Politique et Histoire. - Politique tirée de l'Écriture Sainte (publiée en 1709); Discours sur l'histoire universelle (1681); Histoire des variations des églises protestantes (1688).

3° Controverse et Religion. - Maximes et réflexions sur la comédie (1694); Relation sur le quiétisme (1698); Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même (publié 1741); Élévations sur les mystères (1727), Méditations sur l'Évangile (1731).

4° Correspondance.

Chacune des oeuvres de Bossuet est un acte. Il s'agit toujours de convaincre, d'instruire, de réfuter, d'édifier, en un mot, d'imposer à quelqu'un, adversaire ou disciple, une idée. Voilà pourquoi, sans même tenir compte des habitudes oratoires que pourrait avoir données à Bossuet la prédication, il est naturel que ces oeuvres si diverses aient un caractère commun : l'éloquence.

Au final, l'oeuvre de Bossuet est celle d'un prêtre qui défend, avec toute l'autorité du dogme, la tradition. C'est là, selon le point de vue, sa force ou sa faiblesse. En tout cas la sincérité de sa conviction, chaque fois qu'elle n'est pas l'autre nom du fanatisme, impose le respect et le l'art de l'écrivain commande l'admiration. On ne peut dire que, choisi par le roi pour précepteur de son fils après ses succès oratoires à la cour, membre de l'Académie française, il n'ait pas été estimé à sa juste valeur par ses contemporains. Bourdaloue fut dans la chaire son successeur et non son rival. Toujours est-il qu'il a doté notre langue de ses plus belles pages oratoires, précisément parce qu'il n'a jamais visé à l'effet littéraire. Selon un mot de Fénelon, définissant le véritable orateur (Lettre à l'Académie, IV) : « Il pense, il sent, et la parole suit ». Naturel jusque dans le sublime, il est bien de l'école des grands écrivains de son temps.
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Méditation sur la brièveté de la vie

« C'est bien peu de chose que l'homme, et tout ce qui a fin est bien peu de chose. Le temps viendra où cet homme qui nous semblait si grand ne sera plus, où il sera comme l'enfant qui est encore à naître, où il ne sera rien. Si longtemps qu'on soit au monde, y serait-on mille ans, il en faut venir là. Il n'y a que le temps de ma vie qui me fait différent de ce qui ne fut jamais : cette différence est bien petite, puisqu'à la fin je serai encore confondu avec ce qui n'est point; ce qui arrivera le jour où il ne paraîtra pas seulement que j'aie été, et où peu m'importera combien de temps j'aie été, puisque je ne serai plus. J'entre dans la vie avec la loi d'en sortir, je viens faire mon personnage, je viens me montrer comme les autres; après, il faudra disparaître. J'en vois passer devant moi, d'autres me verront passer, ceux-là même donneront à leurs successeurs le même spectacle, et tous enfin se viendront confondre dans le néant.

Ma vie est de quatre-vingts ans tout au plus, prenons-en cent; qu'il y a en de temps où je n'étais pas! qu'il y en a où je ne serai point! et que j'occupe peu de place dans ce grand abîme des ans! je ne suis rien; ce petit intervalle n'est pas capable de me distinguer du néant où il faut que j'aille. Je ne suis venu que pour faire nombre; encore n'avait-on que faire de moi, et la comédie ne serait pas moins bien jouée, quand je serais demeuré derrière le théâtre. Ma partie est bien petite en ce monde, et si peu
considérable, que, quand je regarde de près, il me semble que c'est un songe de me voir ici, et que tout ce que je vois ne sont que de vains simulacres : Praeterit figura hujus mundi.

Ma carrière est de quatre-vingts ans tout au plus; et pour aller là, par combien de périls faut-il passer? par combien de maladies? à quoi tient-il que le cours ne s'en arrête à chaque moment? ne l'ai-je pas reconnu quantité de fois? J'ai échappé la mort à telle et telle rencontre. C'est mal parler : « J'ai échappé la mort ».  J'ai évité ce péril, mais non pas la mort : la mort nous dresse diverses embûches; si nous échappons l'une, nous tombons en une autre; à la fin il faut venir entre ses mains. Il me semble que je vois un arbre battu des vents; il y a des feuilles qui tombent à chaque moment; les unes résistent plus, les autres moins : que s'il y en a qui échappent à l'orage, toujours l'hiver viendra, qui les flétrira et les fera tomber. Ou, comme dans une grande tempête, les uns sont soudainement suffoqués, les autres flottent sur un ais abandonné aux vagues : et lorsqu'ils croient avoir évité tous les périls, après avoir duré longtemps, un flot les pousse contre un écueil, et les brise. Il en est de même : le grand nombre d'hommes qui courent la même carrière fait que quelques-uns passent jusques au bout; mais après avoir évité les attaques diverses de la mort, arrivant au bout de la carrière où ils tendaient parmi tant de périls, ils la vont trouver eux-mêmes, et tombent à la fin de leur course : leur vie s'éteint d'elle-même, comme une chandelle qui a consumé sa matière.

Ma carrière est de quatre-vingts ans tout au plus, et de ces quatre-vingts ans, combien y en a-t-il que je compte pendant ma vie? le sommeil est plus semblable à la mort; l'enfance est la vie d'une bête. Combien de temps voudrais-je avoir effacé de mon adolescence? et quand je serai plus âgé, combien encore? Voyons à quoi tout cela se réduit : qu'est-ce que je compterai donc? car tout cela n'en est déjà pas. Le temps où j'ai eu quelque contentement, où j'ai acquis quelque honneur? mais combien ce temps est-il clairsemé dans ma vie! c'est comme des clous attachés à une longue muraille, dans quelque distance; vous diriez que cela occupe bien de la place; amassez-les, il n'y en a pas pour emplir la main. Si j'ôte le sommeil, les maladies, les inquiétudes de ma vie, que je prenne maintenant tout le temps où j'ai eu quelque contentement ou quelque honneur, à quoi cela va-t-il? Mais ces contentements, les ai-je eus tous ensemble? Les ai-je eus autrement que par parcelles? mais les ai-je eus sans inquiétude? et s'il y a de l'inquiétude, les donnerai-je au temps que j'estime ou à celui que je ne compte pas? et ne l'ayant pas eu à la fois, l'ai-je du moins eu tout de suite? l'inquiétude n'a-t-elle pas toujours divisé deux contentements? ne s'est-elle pas toujours jetée à la traverse pour les empêcher de se toucher? Mais que m'en reste-t-il? des plaisirs licites, un souvenir inutile; des illicites, un regret, une obligation à l'enfer ou à la pénitence. Ah! que nous avons bien raison de dire que nous passons notre temps! nous le passons véritablement et nous passons avec lui. Tout mon être tient à un moment; voilà ce qui me sépare du rien : celui-là s'écoule, j'en prends un autre : ils se passent les uns après les autres; les uns après les autres, je les joins, tâchant de m'assurer; et je ne m'aperçois pas qu'ils m'entraînent insensiblement avec eux, et que je manquerai au temps, non pas le temps à moi. Voilà ce que c'est que de ma vie et ce qui est épouvantable, c'est que cela passe à mon égard; devant Dieu, cela demeure, cela entre dans ses trésors. Ce que j'y aurai mis, je le trouverai. Je ne jouis des moments de ce plaisir que durant le passage; quand ils passent, il faut que j'en réponde comme s'ils demeuraient. Ce n'est pas assez dire, ils sont passés, je n'y songerai plus : ils sont passés oui, pour moi; mais à Dieu, non; il en demandera compte. »
 

(Bossuet, Sermons).

Théories littéraires.
La conception que s'est faite Bossuet de l'éloquence religieuse repose sur l'idée d'une juste mesure.

1° La simplicité. - Il était scandalisé de ces prédicateurs « qui ravilissent leur dignité jusqu'à faire servir au désir de plaire le ministère d'instruire ». (Oraison funèbre du P. Bourgoing.) Comme saint Vincent de Paul il réclamait la simplicité :
Priez seulement cet Esprit, qui souffle où il veut, qu'il veuille répandre sur mes lèvres ces deux beaux ornements de l'éloquence chrétienne : la simplicité et la vérité. (Sermon pour une vêture, 1657).
Mais selon lui cette simplicité n'excluait pas l'éloquence pourvu qu'elle fût naturelle :

Il faut qu'elle semble venir comme d'elle-même, attirée par la grandeur des choses, et pour servir d'interprète à la sagesse qui parle. (Sur la parole de Dieu, 1er point).

2° La science. - Toutefois si naturelle qu'elle puisse paraître, cette éloquence ne peut être que le résultat du travail, le fruit d'une multitude de connaissances :

Car il faut la plénitude pour faire la fécondité, et la fécondité pour la variété, sans laquelle nul agrément. (Sur le style et la lecture des écrivains et des Pères de l'Eglise pour former un orateur).
Bien entendu, parmi les lectures de l'orateur, la Bible et les Pères de l'Eglise doivent tenir la première place :
Il puise tout dans les Ecritures, il en emprunte même les termes sacrés, non seulement pour fortifier, mais pour embellir son discours. (Sur la parole de Dieu, ler point).
Bossuet ne cessait de lire et de méditer l'Evangile, saint Augustin, saint Chrysostome, Tertullien. Mais il déclare qu'il doit aussi beaucoup aux Grecs Platon, Isocrate, Démosthène; aux Latins : Cicéron et Virgile; ainsi qu'à Guez de Balzac et aux Provinciales de Pascal. Son éloquence s'est formée du meilleur de l'Antiquité sacrée et de l'Antiquité profane.

La composition oratoire. 
Dans la disposition de ses idées Bossuet n'obéit pas à un souci d'art. Il se débarrassa vite des habitudes scolastiques d'agencement minutieux dont ses sermons de Metz portent encore la trace. Simplicité et clarté, voilà pour l'orateur, les vraies qualités de la composition.

1° La dialectique. - Il les apporte dans les controverses théologiques les plus obscures, parce qu'il a soin d'aller droit aux points dominants. La lettre au P. Caffaro (9 mai 1694) indique bien le procédé :
Je ne perdrai point le temps à répondre aux autorités de saint Thomas et des autres saints qui, en général, semblent approuver ou tolérer les comédies. Puisque vous demeurez d'accord, et qu'en effet on ne peut nier, que celles qu'ils ont permises ne doivent exclure toutes celles qui sont opposées à l'honnêteté des moeurs, c'est à ce point qu'il faut s'attacher, et c'est par là que j'attaque votre lettre.
Dès lors une question et une seule : le théâtre est-il honnête? Réponse : non, et il ne peut l'être. Le raisonnement a quelque chose de direct qui s'impose. L'Histoire les Variations repose sur un syllogisme : les variations sont signe d'erreur, car la vérité est une. Or les protestants ont varié. Donc... Bossuet, en âpre rhéteur, aime aussi retourner contre ses adversaires leurs arguments : ainsi par exemple dans le Sermon sur la Providence (1662), celui de l'inégale répartition des biens et des maux. Non contents de leur faire voir que cette inégale dispensation (les biens et des maux du monde ne nuit en rien à la Providence, montrons au contraire qu'elle l'établit (Exorde).

2° Les contrastes. - Bossuet prend donc souvent ses dispositions d'après elles de ses adversaires. De lui-même il paraît avoir une préférence pour la composition par contraste, simple et frappante. Le Discours sur l'histoire universelle est construit sur l'opposition entre la solidité de l'Église et la fragilité des empires. La manière est la même dans plusieurs sermons, Sermon sur la mort : « Il (l'humain) st infiniment méprisable en tant qu'il passe, et infiniment estimable en tant qu'il aboutit à l'éternité »; Sermon sur l'ambition : 1er point, les faveurs de la fortune; 2e point, les revers de la fortune. On retrouve cette composition dans les oraisons funèbres. Celle d'Henriette de France est le récit de ses prospérités, puis de ses malheurs; celle de Condé est le tableau de ses qualités brillantes, puis de son austère piété, etc.

Le style oratoire.
Les mauvais rhéteurs ont des recettes de style comme de composition. Mais Bossuet n'était pas un mauvais rhéteur : il était un grand un orateur, et chez les vrais orateurs, le style ne fait que suivre les mouvements de la pensée et du coeur.
1° La simplicité. - Bossuet est simple quand le sujet le demande; il y a même de la bonhomie dans la façon dont il reproche à des religieuses d'être bavardes :
Si Notre Seigneur faisait la visite dans ce monastère pour voir si le silence est bien gardé... qu'est-ce qu'il y trouverait? Là, deux petites amies, et ici trois autres en peloton, occupées à causer et à s'entretenir ensemble à la dérobée, tandis peut-être que l'on devrait être au choeur ou à une autre observance. (Sur le silence. Instruction aux Ursulines de Meaux, 1686).
Présentant à Louis XIV un court tableau du misérable état de la France, il sait se contenter de l'expression sérieuse et nue :
Votre Majesté ne l'ignore pas, et pour lui dire sur ce fondement ce que je crois être de son obligation précise et indispensable, elle doit, avant toutes choses, s'appliquer à connaître à fond les misères des provinces et surtout ce qu'elles ont à souffrir sans que Votre Majesté en profite, tant par les désordres des gens de guerre, que par les frais qui se font à lever la taille, qui vont à des excès incroyables. (Lettre à Louis XIV, 1er juillet 1675).
2° L'imagination. - Les derniers sermons montrent bien que c'est à la simplicité qu'il tendait. Mais une imagination puissante le soulevait. Quelquefois elle évoquait avec poésie un lever de soleil :
Le soleil s'avançait et son approche se faisait connaître par une céleste blancheur qui se répandait de tous côtés; les étoiles étaient disparues, et la lune s'était levée avec son croissant d'un argent si beau et si vif que les yeux en étaient charmés. (De la Concupiscence, ch. 32).
Ailleurs. elle tirait d'un souvenir biblique « Je t'ai comparée à une belle cavale » un vivant tableau du cheval fougueux qu'on dompte peu à peu : «-Voyez ce cheval ardent et impétueux, etc. » (Méditations, La Cène, 2e partie).

Quand Bossuet débuta, cette imagination donnait à son style une couleur trop crue comme dans cette peinture du supplice de saint Gorgon :

Gorgon gisait sur un lit de charbons ardents, fondant de tous côtés par la force du feu, et nourrissant de ses entrailles une flamme pâle qui le dévorait... Il s'élevait à l'entour de lui une vapeur noire que le tyran humait pour contenter son avidité. (Panégyrique de Saint Gorgon, 1649).
Dans sa maturité elle lui fournit des images touchantes (Madame cependant a passé du matin au soir, ainsi que l'herbe des champs, etc. Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre); vigoureuses (Cette recrue continuelle du genre humain, etc. Sermon sur la mort, 1er point) ou d'un dramatique sombre (Venez considérer les saints anges dans la chambre d'un mauvais riche mourant, etc. Sermon sur l'impénitence finale, 3e point), etc. Ces images donnent à l'idée une incomparable puissance d'émotion.

3° Le mouvement. - Enfin, dans le style parlé, il faut, pour que l'accord entre le fond et la forme soit soit complet, que le rythme accompagne la marche de l'idée. On trouvera des apostrophes (O les dignes restes de ta grandeur, etc., sermon sur l'ambition, péroraison); des répétitions (vanité, néant, mots qui scandent le début de l'Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre); des périodes surtout dont la majesté égale celle du sujet. (On peut étudier comme types le début de l'Oraison funèbre d'Henriette de France : Celui qui règne dans les cieux, etc., ou le développement sur Alexandre dans le Discours sur l'histoire universelle, 3e partie : Ce prince fit son entrée dans Babylone, etc.).

Les successeurs de Bossuet

Bourdaloue (1632-1704).
Le Jésuite Bourdaloue fit ses débuts dans la chaire au moment où Bossuet en descendait. On avait commencé par le charger de l'enseignement; puis il eut de tels succès comme prédicateur, en province d'abord, puis à Paris et à la cour où il prêcha de nombreux avents et carêmes, qu'il fut et resta jusqu'à son dernier jour un sermonnaire. C'était un homme d'une grande droiture et d'une piété austère, comme on en peut juger par la lettre qu'il écrivit au général de son ordre pour lui demander d'être autorisé à prendre sa retraite :
J'ai achevé ma course; et plût à Dieu que je pusse ajouter, j'ai été fidèle!... Qu'il me soit permis, je vous en conjure, d'employer uniquement pour Dieu et pour moi-même ce qui me reste de vie, et de me disposer, par là, à mourir en religieux.... Là, oubliant les choses du monde, je repasserai devant Dieu toutes les années de ma vie dans l'amertume de mon âme. (Bretonneau, Vie de Bourdaloue).
On a pu dire que Bourdaloue était la meilleure réponse des Jésuites aux Provinciales.

Sa conception de l'éloquence.
Les Lettres de Mme de Sévigné sont pleines de témoignages enthousiastes de l'admiration universelle que provoqua Bourdaloue (Lettres des 11 et 13 mars 1671, 25 décembre 1671, 5 février 1674, etc.). Pourtant nul ne s'attacha moins à plaire, ni même à émouvoir.

1° Convaincre la raison. - Il ne s'adresse pas au coeur des fidèles, mais à leur raison :
On vous a cent fois touchés et attendris par le récit douloureux de la passion de Jésus Christ et je veux, moi, vous instruire; mon dessein est de convaincre votire raison. (Sermon sur la passion).
Mais dans ce siècle qui se voulait rationaliste une argumentation un peu serrée n'était pas pour effrayer.

2° Diviser pour prouver. - Sa méthode consistait surtout à diviser chaque idée en ses éléments, puis à démontrer chacune de ces parties. Dans le sermon sur la Providence, par exemple, il veut prouver que si l'on n'y croit pas on est : A) criminel, B) malheureux. Le premier point se subdivise en deux parties : 1° On ne croit pas par athéisme; 2° On ne croit pas par révolte de coeur. Puis le 1° se subdivise à son tour : a) l'athée est au-dessous des sectes sauvages, b) il est en contradiction avec sa propre raison, etc. De cette manière les preuves, numérotées pour ainsi dire, s'accumulent; le sermon a quelque chose de harcelant qui, selon le mot de Mme de Sévigné, « ôte la respiration ».

L'enseignement moral.
C'est bien là en effet le but que veut atteindre Bourdaloue. Il se croit, contrairement à Bossuet, plutôt chargé de réformer les moeurs que d'expliquer le dogme.
1°) L'actualité. - Ses Sermons ont toujours en vue une leçon précise dont le public mondain qui l'écoute devra faire immédiatement son profit.
a) Les sujets. Aux grands seigneurs, à l'affût des places et des dignités, il fait voir que les honneurs du monde sont « de vrais assujettissements à servir le prochain » (Sermon sur l'Ambition). Il leur apprend qu'il faut payer ses dettes et fuir le jeu (Sur la Pénitence). Aux pères de famille, il rappelle « qu'ils sont responsables à Dieu du choix que font leurs enfants et de l'état qu'ils embrassent » (Sur le devoir des pères). Aux riches, qu'il faut donner (Sur l'Aumône); aux mondains qui daubent dans les salons, que la médisance est criminelle (Sur la Médisance), etc.

b) Les portraits. Pour que l'avertissement porte davantage, Bourdaloue ne craint même pas les allusions transparentes. Dans le sermon sur la Sévérité évangélique, tout le monde vit qu'il s'agissait de l'orgueilleuse retraite de M. de Tréville; dans le sermon sur la Prière, de Fénelon; dans le sermon sur la Médisance, des Jansénistes et de Pascal; dans le sermon sur l'Hypocrisie, de Molière et du Tartuffe.

2° L'analyse psychologique. - Rien n'échappait à Bourdaloue des plus secrets mouvements du coeur. Il a, beaucoup plus que Bossuet, analysé la psychologie humaine. Il note, par exemple, comment nous nous ingénions à découvrir des défauts à un ennemi :
S'il est dévot, nous l'accusons d'hypocrisie; s'il ne l'est pas, nous l'accusons d'impiété; s'il est humble, nous regardons son humilité comme une faiblesse; s'il est généreux, nous appelons son courage orgueil. (Sur le jugement téméraire, 3e point.)
N'y a-t-il pas là comme une contre-partie du couplet célèbre de Molière sur l'amour qui pare d'une grâce jusqu'aux défauts? (Misanthrope II, 5). Et ce tableau de la médisance mondaine ne fait-il pas songer au salon de Célimène?
Cet air enjoué qu'elle se donne, ces bons mots qu'elle étudie, ces termes dont elle s'applaudit, ces louanges suivies de certaines restrictions et de certaines réserves, ces réflexions pleines d'une compassion cruelle, ces oeillades qui parlent sans parler et qui disent bien plus que les paroles mêmes! (Sur la médisance).
Là est, sans doute, une des raisons principales du triomphe éclatant de Bourdaloue auprès de ses contemporains. Son éloquence faite d'ordre et de l'apparence d'une logique vigoureuse, de peintures exactes, et surtout d'analyses pénétrantes du coeur de l'humain, correspondait juste aux goûts dominants de son siècle.
Les derniers prédicateurs.
La grande supériorité de Bossuet et de Bourdaloue tient à ce qu'ils dominaient leur public.

Mais, après eux, l'éloquence religieuse s'est trouvée devenir un genre littéraire. Trop souvent c'est le public qui domine le prédicateur. On ne dédaigne pas de plaire. Et Fénelon, en faisant exprimer à un auditeur son admiration, a eu soin de marquer combien l'art prenait trop de place dans le sermon :

Le reste du discours n'était ni moins poli, ni moins brillant; la diction était pure, les pensées nouvelles, les périodes nombreuses; chacune finissait par quelque trait surprenant. Il nous a fait des peintures morales où chacun se trouvait : il a fait une anatomie des passions du coeur humain qui égale les Maximes de M. de La Rochefoucauld. Enfin, selon moi, c'était un ouvrage achevé. (Fénelon, Dialogues sur l'éloquence, 1er dialogue).
Sans doute cette critique tombe surtout sur la masse des prédicateurs ordinaires. Mais les plus grands de cette dernière époque n'y échappent pas tout à fait.

Mascaron et Fléchier. 
Mascaron (1634-1703) et Fléchier (1632-1710) sont célèbres tous deux par une Oraison funèbre de Turenne (1675 et 1676). Ils avaient fréquenté l'un et l'autre les salons. Fléchier avait été l'un des derniers hôtes de l'Hôtel de Rambouillet. Il était très fier de son style dont il disait La nature y approche de l'art et l'art y ressemble à la nature. (Portrait de Fléchier par lui-même en tête des Grands Jours d'Auvergne).

Massillon
Massillon (1663-1742) se rapprocha davantage de la manière de Bossuet dans le début célèbre de l'Oraison funèbre de Louis XIV : Dieu seul est grand, mes frères, et dans ces derniers moments surtout où il préside à la mort des rois de la Terre, plus leur gloire et leur puissance ont éclaté, plus, en s'évanouissant alors, elles rendent hommage à sa grandeur suprême.
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La vie humaine

« Hélas! messieurs, que sont les hommes sur la terre? des personnages de théâtre. Tout y roule sur le faux; ce n'est partout que représentations; et tout ce qu'on y voit de plus pompeux et de mieux établi n'est l'affaire que d'une scène. Qui ne le dit tous les jours dans le siècle? Une fatale révolu. tion, une rapidité que rien n'arrête, entraîne tout dans les abîmes de l'éternité : les siècles, les générations, les empires, tout va se perdre dans ce gouffre : tout y entre, et rien n'en sort. Nos ancêtres en ont frayé le chemin, et nous allons le frayer dans un moment à ceux qui viendront après nous. Ainsi les âges se renouvellent; ainsi la figure du monde change sans cesse; ainsi les morts et les vivants se succèdent et se remplacent continuellement. Rien ne demeure; tout s'use, tout s'éteint. Dieu seul est toujours le même, et ses années ne finissent point. Le torrent des âges et des siècle coule devant ses yeux, et il voit, avec un air de vengeance et de fureur, de faibles mortels, dans le temps même qu'ils sont entraînés par le cours fatal, l'insulter en passant, profiter de ce seul moment pour déshonorer son nom, et tomber, au sortir de là, entre les mains éternelles de sa colère et de sa justice. »
 

(Massillon, Discours pour la bénédiction 
des drapeaux du régiment de Catinat).

Mais dans son Avent (1699), dans son Grand Carême (1701), dans son Petit Carême prêché devant Louis XV (1718), il se rattache plutôt à Bourdaloue. Il enseigne une morale sévère et s'applique à épouvanter les pécheurs, comme par exemple quand il évoque devant eux le Jugement dernier :

Si Jésus-Christ paraissait clans ce temple, au milieu de cette assemblée, la plus auguste de l'univers, pour nous juger, pour faire le terrible discernement des boucs et des brebis, croyez-vous que le plus grand nombre de tout ce que nous sommes ici fût placé à la droite? Croyez-vous qu'il s'y trouvât seulement dix justes, que le Seigneur ne put trouver autrefois en cinq villes tout entières? (Sur le petit nombre des élus).

Fénelon

François de Salignac de la Mothe-Fénelon (1651-1715) appartenait à une famille de haute noblesse du Périgord, mais nombreuse et pauvre. L'état ecclésiastique était indiqué pour lui. Une foi très vive le lui fit embrasser avec joie. A sa sortie du séminaire de Saint-Sulpice il fut nommé, peut-être grâce à l'influence de Bossuet dont il s'était fait le disciple, supérieur des Nouvelles Catholiques, sorte de couvent où l'on évangélisait surtout de jeunes protestantes nouvellement converties (1678). C'était pour Fénelon, à Paris même, une sorte de mission. Aussi, après la révocation de l'Édit de Nantes, fut-il chargé d'aller en Aunis et en Saintonge prêcher et convertir les protestants.

Le traité de l'Education des filles (1687), écrit pour le duc et la duchesse de Beauvilliers, révéla ses qualités de pédagogue. Il fut nommé précepteur des ducs de Bourgogne, d'Anjou et de Berry (1689). Mais le duc de Bourgogne, futur héritier du trône, fut surtout l'objet de ses soins. Fénelon trouva en lui un élève difficile, sur lequel il prit un très grand ascendant par son caractère à la fois ferme, habile et souple. Selon la méthode de Bossuet, il composa pour son élève différents ouvrages, entre autres les Dialogues des Morts et Télémaque. Il fut élu à l'Académie française (1693).

Deux ans après, il était archevêque de Cambrai et sacré par Bossuet. Il avait enfin une situation digne de sa naissance, il savait que le futur roi ne serait pas ingrat. Mais l'affaire du quiétisme (le quiétisme est la doctrine du pur amour de Dieu, propagée eu France par Mme Guyon et que Bossuet fit condamner), où il montra en même temps une adresse et une obstination incroyables, lui valut sa disgrâce à la cour, sa condamnation à Rome. La mort de son élève (1712) ruina ses dernières espérances. Sa vie s'écroula au moment où il croyait tenir sa revanche et le pouvoir. A part une polémique contre le jansénisme et la rédaction de sa Lettre à l'Académie, il ne s'applique plus qu'à bien mourir (1715). `

Oeuvres.
Un certain nombre des oeuvres de Fénelon sont posthumes; d'autres comme le Télémaque ont été publiées malgré lui. Elles comprennent principalement :

1° critique. - Dialogues sur l'éloquence (1718), Lettre à l'Académie française (1716).
Dans les Dialogues sur l'éloquence, Fénelon critique avec sévérité les orateurs de son temps. Il fut lui-même un prédicateur remarquable par sa facilité et son onction; mais nous ne possédons de lui que deux discours officiels.

• La Lettre à l'Académie fut écrite en 1713 à M. Dacier, et publiée en 1716. Fénelon s'y montre sur certains points (éloquence, histoire) un critique avisé. Il trahit sa préférence pour les Anciens.

2° Education. - Traité de l'Education des filles (1687-1789), Dialogues des morts (1700-1712-1718), le Télémaque (1699).
Dans le Traité de l'éducation des filles, Fénelon donne d'utiles et judicieux conseils aux mères de famille; il est modéré, sensé, et devance sur plusieurs points la pédagogie moderne.

Fénelon a composé pour le duc de Bourgogne des Fables, les Dialogues des morts, et le Télémaque (1699), où il résume presque toute la littérature grecque. Les contemporains trouvèrent dans cet ouvrage une satire de Louis XIV et de son gouvernement.

3° Religion. - Sermons (Sermon sur l'Epiphanie, 1685; pour le Sacre de l'Electeur de Cologne (1707). Les Maximes des Saints (1695). Traité de l'existence de Dieu (1712-1718).
• Le Traité de l'existence de Dieu est une oeuvre de jeunesse, dont la première partie est consacrée au développement de la preuve par les causes finales, et la seconde à une démonstration cartésienne de la Divinité.
4° Divers. - Examen de conscience sur les devoirs de la royauté. Mémoires concernant la guerre de la succession d'Espagne. Correspondance.
La séduction de Fénelon.
Il semble que le charme de Fénelon ait passé dans ses écrits, aussi facile du reste à sentir que difficile à définir.

Complexité de son art. 
Car l'art y est très complexe. Les Dialogues, comme le Télémaque, sont d'un genre artificiel et faux. Les païens y parlent en chrétiens, les anciens en modernes, et tous en pédagogues, si bien que le Télémaque est, suivant le point de vue, un roman, un poème épique, un pamphlet ou un traité. Mais cette complexité même n'est pas sans agrément, surtout pour le lecteur cultivé qui prend plaisir à retrouver toutes les allusions à l'Antiquité, qui forment comme la trame soutenant ces éléments divers. Pour prendre un exemple on peut, dans ce récit de la mort d'Hercule, démêler des souvenirs des Trachiniennes de Sophocle et des Métamorphoses d'Ovide qui en forment le principal, mais aussi une leçon destinée à Télémaque, et peut-être une critique à l'adresse de Louis XIV :

Je le voyais déraciner sans peine d'une main les hauts sapins et les vieux chênes qui, depuis plusieurs siècles, avaient méprisé les vents et les tempêtes. De l'autre main, il tâchait en vain d'arracher de dessus son dos la fatale tunique : elle était collée à sa peau, et comme incorporée à ses membres... Enfin sa vertu surmontant sa douleur, il s'écria : « Tu vois, ô mon cher Philoctète, les maux que les dieux me font souffrir, ils sont justes; c'est moi qui les ai offensés; j'ai violé l'amour conjugal. » (Télémaque, Livre XII).
Les images vagues. 
Fénelon surtout tâche d'évoquer des images agréables. Les descriptions sont faites à l'aide du vocabulaire poétique, et d'épithètes vagues, dont l'accumulation doit donner comme ici une idée d'abondance et de délices :
Télémaque s'avança vers ces rois qui étaient dans des bocages odoriférants, sur des gazons toujours renaissants et fleuris; mille petits ruisseaux d'une onde pure arrosaient ces beaux lieux et y faisaient sentir une délicieuse fraîcheur; un nombre infini d'oiseaux faisaient résonner ces bocages de leur doux chant, etc. (Télémaque, XIV).
C'est un procédé fréquent  du Télémaque. On le retrouve dans le Traité de l'Existence de Dieu. Il nous paraît fade aujourd'hui, mais était une nouveauté pour l'époque.
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Du vague dans la peinture et dans l'éloge

« On a tant de peur, dans notre nation, d'être bas, qu'on est
ordinairement sec et vague dans les expressions. Veut-on louer un saint, on cherche des phrases magnifiques; on dit qu'il est admirable, que ses vertus étaient célestes, que c'était un ange et non pas un homme. Ainsi tout se passe en exclamations sans preuve et sans peinture. Tout au contraire, les Grecs se servaient peu de tous ces termes généraux, qui ne prouvent rien; mais ils disaient beaucoup de faits. Par exemple, Xénophon, dans toute la Cyropédie, ne dit pas une fois que Cyrus était admirable; mais il le fait partout admirer. C'est ainsi qu'il faudrait louer les saints en montrant le détail de leurs sentiments et de leurs actions. Nous avons là-dessus une fausse politesse, semblable à celle de certains provinciaux qui se piquent de bel esprit. Ils n'osent rien dire qui ne leur paraisse exquis et relevé; ils sont toujours guindés et croiraient trop s'abaisser en nommant les choses par leurs noms. Tout entre dans les sujets que l'éloquence doit traiter. La poésie même, qui est le genre le plus sublime, ne réussit qu'en peignant les choses avec toutes leurs circonstances. Voyez Virgile représentant les navires troyens qui quittent le rivage d'Afrique, ou qui arrivent sur la côte d'Italie; tout le détail y est peint. Mais il faut avouer que les Grecs poussaient encore plus loin le détail, et suivaient plus sensiblement la nature. A cause de ce grand détail, bien des gens, s'ils l'osaient, trouveraient Homère trop simple. Par cette simplicité si originale, et dont nous avons tant perdu le goût, ce poète a beaucoup de rapport avec l'Écriture; mais l'Ecriture le surpasse autant qu'il a surpassé tout le reste de l'antiquité, pour peindre naïvement les choses. En faisant un détail il ne faut rien présenter à l'esprit de l'auditeur qui ne mérite son attention, et qui ne contribue à l'idée qu'on veut lui donner. Ainsi il faut être judicieux pour le choix des circonstances; mais il ne faut point craindre de dire tout ce qui sert; et c'est une politesse mal entendue que de supprimer certains endroits utiles parce qu'on ne les trouve pas susceptibles d'ornements, outre qu'Homère nous apprend assez par son exemple qu'on peut embellir en leur manière tous les sujets.D'ailleurs il faut reconnaître que tout discours doit avoir ses inégalités. Il faut être grand dans les grandes choses; il faut être simple, sans être bas, dans les petites : il faut tantôt de la naïveté et de l'exactitude, tantôt de la sublimité et de la véhémence. La plupart des gens qui veulent faire de beaux discours cherchent sans choix, également partout, la pompe des paroles : ils croient avoir tout fait pourvu qu'ils aient fait un amas de grands mots et de pensées vagues. Ils ne songent qu'à charger leurs discours d'ornements; semblables aux méchants cuisiniers qui ne savent rien assaisonner avec justesse, et qui croient donner un goût exquis aux viandes en y mettant beaucoup de sel et de poivre. La véritable éloquence n'a rien d'enflé ni d'ambitieux; elle se modère et se proportionne aux sujets qu'elle traite et aux gens qu'elle instruit; elle n'est grande et sublime que quand il faut l'être. »
 

(Fénelon, Dialogues sur l'éoquence, II, fin).

La facilité et l'harmonie. 
Quand il ne recherche pas ces effets, Fénelon a naturellement un style facile et élégant, qui plaît par une harmonie un peu fluide. Les hiatus y sont rares et les différents membres de la phrase s'y font équilibre dans un rythme régulier, tantôt plus lent, tantôt plus rapide et varié

Voilà ce grand royaume si florissant sous un Roi qu'on nous dépeint tous les jours comme les délices du peuple | et qui le serait en effet, si les conseils flatteurs ne l'avaient point empoisonné. (Lettre à Louis XIV).

Hélas! mon bon duc, | Dieu nous a ôté toute autre espérance | pour l'Eglise et pour l'Etat. | Il a formé ce jeune prince. | Il l'a orné; | il l'a préparé pour les plus grands biens; | il l'a montré au monde, et aussitôt, il l'a détruit. | (Sur la mort du duc de Bourgogne, au duc de Chevreuse, 27 février 1712.)

Conclusion.
Fénelon, écrivain aristocratique et attique, n'a pas les qualités puissantes de Bossuet, qui s'imposent. Mais c'est un charmeur. Il a séduit ses contemporains par sa personne et les grâces de ses ouvrages. Il a enthousiasmé le XVIIIe siècle par son amour de la paix, sa préoccupation constante du bonheur des peuples, sa sensibilité, son image de prélat tolérant et disgracié. Il irrite maintenant notre curiosité. Est-ce un autoritaire ou un tendre, un ambitieux ou un apôtre, un aristocrate ou un ami du peuple, un disciple de Ronsard ou un précurseur de Bernardin de Saint-Pierre et de Chateaubriand? Personnage merveilleusement ondoyant et divers, il est tout cela en même temps; il tient au passé et annonce l'avenir. (E. Abry / Ch.-M. Des Granges).
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