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La littérature catalane
La littérature catalane fleurit et se développa en même temps que la nationalité de l'Aragon; elle en suivit toutes les phases, et est toujours vivace. 

On peut distinguer dans la littérature catalane deux périodes principales : dans la première, l'esprit des Catalans est tourné vers l'imitation des troubadours français, et même la littérature catalane ne s'est jamais complétement dégagée de cette influence étrangère. En effet, on ne voit aucun genre traité en catalan qui ne l'ait été antérieurement en limousin ou en français. Durant cette période, la Catalogne ne compte donc en poésie que des troubadours, dont les principaux sont : Hugues de Mataplane, Guillaume de Berga, Serveri de Girone, Guillaume de Cabestaing. Leurs noms figurent dans le Cancioner provençal du Vatican, confondus avec les troubadours aquitains, limousins et provençaux. 

En prose, les productions de cette période sont plus remarquables, et, à certains égards, originales : ce sont des chroniques, parmi lesquelles on doit placer au premier rang celles de Jacques Ier, surnommé el Conquistador, et de Ramon Muntaner. L'ouvrage de ce dernier annonce un degré de réflexion et de maturité bien supérieur au récit de Joinville, dont il est à peu près contemporain. 

On distingue encore des traductions de l'Antiquité, des traités de théologie (au premier rang Crestia de Ximenès), des satires, des hymnes, écrits en catalan. Mais tous ces ouvrages avaient certainement leurs modèles en provençal; il n'y a encore là rien d'original.

L'originalité commence à s'introduire dans la poésie des Catalans, vers 1450, lors de l'apogée de la puissance catalane, quand les Deux-Siciles, la Sardaigne, la Corse, appartiennent à l'Aragon, et que la marine catalane est sans rivale dans la Méditerranée. Les poésies d'Ausias March en sont la preuve la plus remarquable, qu'il ne faudrait chercher ni dans la vision de Rocaberti, laquelle n'est qu'une imitation du Roman de la Rose, ni dans les chansons de San Jordy, trop plein du souvenir de Pétrarque

C'est aussi l'époque de la composition du roman chevaleresque de Tirant le Blanch, par Joannot Martorell. Bien que nourri des poésies des troubadours, qu'il admire et dont il reconnaît l'autorité, Ausias March a cependant réussi à marquer ses élégies d'une empreinte originale. Sa sensibilité est plus vraie, ses sentiments moins convenus, moins systématiques que ceux exprimés dans les Cansos des troubadours. 

On trouve aussi quelque originalité dans les satires de Jayme Roig et de ses amis Gaçull et Venollar. Les poésies d'Ausias March, la traduction de l'Enfer de Dante par Vebrer, les chroniques de Jacques ler et de Muntaner, celle de Miguel Carbonell, qui renferme les Mémoires de Pierre IV le Cérémonieux, enfin le roman de Tirant le Blanch, si cher à Cervantes, suffisent à marquer à la littérature catalane une place notable dans la littérature générale de l'Europe. On peut même affirmer que la Catalogne eût produit des oeuvres encore plus remarquables, sans l'union des deux couronnes de Castille et d'Aragon. 

Un édit de Louis XIV, en 1676, défendit de prêcher en catalan dans les églises de Perpignan; en 1700, un nouvel édit ordonna de ne plus employer, dans tout le Roussillon, d'autre langue que le français pour les actes publics. L'usage du catalan dans les actes administratifs ou judiciaires fut interdit par Philippe V à Valence en 1707 et en Catalogne en 1714. Cette langue n'en resta pas moins toujours nationale pour les Catalans, et les poètes populaires continuèrent de s'en servir. 

La Catalogne possède un grand nombre de chants populaires. Mais s'il est vrai que ces chants décèlent une imagination qui est propre à la Catalogne, nous croyons qu'ils ne peuvent soutenir un moment la comparaison avec le Romancero castillan. (E. B.).

Entre 1830 et 1880, la littérature catalane connaît un renouveau avec La Renaixença, un mouvement de renaissance culturelle et linguistique qui cherche à revitaliser le catalan après des siècles de déclin et de marginalisation. Jacint Verdaguer (1845-1902) est considéré comme l'un des pères de ce mouvement. Il est célèbre pour ses poèmes épiques tels que L'Atlàntida (1877) et Canigó (1886), qui célèbrent la mythologie et l'histoire catalanes. Àngel Guimerà (1845-1924), dramaturge et poète, est l'auteur de pièces de théâtre telles que Mar i cel (1888) et Terra baixa (1897), qui traitent des tensions sociales et des identités culturelles.

Emerge ensuite le Modernisme catalan (1880-1920), un mouvement artistique et littéraire influencé par les tendances européennes de l'époque, notamment le symbolisme, l'impressionnisme et le décadentisme. Il se caractérise par une recherche d'innovation et une volonté de rupture avec les conventions établies. Joan Maragall (1860-1911), poète et essayiste, est un représentant clé de ce courant. Ses oeuvres, comme Poesies (1895), mettent l'accent sur la beauté naturelle et l'émotion. Santiago Rusiñol (1861-1931), écrivain, peintre et dramaturge, propose des pièces de théâtre et des romans autour des thèmes de la modernité et de l'identité catalane.

Le Noucentisme (1906-1939) est un mouvement littéraire et artistique qui émerge en réaction au Modernisme. Il prône un retour à l'ordre, à la clarté et à la rationalité. Il est également marqué par un engagement politique en faveur du catalanisme. Josep Carner (1884-1970), poète et écrivain, est une figure centrale du noucentisme. Ses oeuvres, telles que Els fruits saborosos (1906), sont caractérisées par leur élégance formelle et leur souci de perfection esthétique. Eugeni d'Ors (1881-1954), philosophe et essayiste, est un théoricien important du noucentisme, avec des oeuvres comme La Ben Plantada (1911) tournées vers les idéaux du mouvement.

La guerre civile espagnole (1936-1939) et la dictature franquiste (1939-1975) ont eu un impact profond sur la littérature catalane, entraînant la répression de la langue et de la culture catalanes. Beaucoup d'écrivains ont été contraints à l'exil ou à la censure. Mercè Rodoreda (1908-1983) est considérée comme l'une des plus grandes romancières catalanes. Elle est connue pour des oeuvres comme La plaça del Diamant (1962), qui parle de la guerre, de l'exil et de la résilience. Pere Calders (1912-1994) se recommande  pour son style ironique et surréaliste, avec des Å“uvres comme Cròniques de la veritat oculta (1955).

Après la mort de Franco en 1975, la Catalogne a retrouvé une certaine autonomie et la langue catalane a été revitalisée. La littérature catalane contemporaine est marquée par une diversité de styles et de thèmes. Quim Monzó (né en 1952) est un auteur de nouvelles et de romans. Il est connu pour son humour noir et son style incisif, avec des oeuvres comme Olivetti, Moulinex, Chaffoteaux et Maury (1980). Jaume Cabré (né en 1947), romancier et essayiste, est l'auteur de Les voix du Pamano (2004) et de Confiteor (2011), des oeuvres complexes et érudites qui parcourent les thèmes de l'histoire, de la mémoire et de l'identité. Maria-Mercè Marçal (1952-1998), poétesse et romancière, est une voix importante du féminisme catalan, avec des oeuvres comme La passió segons Renée Vivien (1994).

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