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Les langues |
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Italo-dalmatien | Italien | Dialectes de l'italien : toscan ( = italien standard), abruzzais, pouillais, ombrien, etc. | |
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Corse (plusieurs variantes
dialectales, proche du toscan).
Sarde (plusieurs dialectes, avec des influences plus ou moins marquées du toscan, du ligure, du pisan et du corse-: campidanien, galluien, logoudorien, sassarésien). |
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Istrien; napolitain
et calabrais; sicilien (plusieurs dialectes,
parlés en Sicile, en Calabre méridionale et dans les Îles éoliennes);
judéo-italien ( = Italkien).
Langue morte : dalmatien ( = ragusien). |
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Groupe
du roumain |
Roumain | Dialectes du roumain : daco-roumain (= roumain standard), moldave, valaque ( = munteni), transylvanien ( = ardialien), banat, bayash ( = banat des Tsiganes). | |
Autres : méglénitique, istro-roumain, macédo-roumain ( = aromanien). | |||
Gallo-ibérien | Gallo-roman | Gallo-italien | Vénitien
(dialectes : istrien, triestain, vénitien propre, etc.).
Lombard (dialectes : milanais, bergamasque, novarais, etc.) Emilio-romagnais (plusieurs dialectes, dont le mantouan) Ligure (génois et autres dilactes) |
Gallo-rhétique |
Français (stricto sensu) : français standard, poitevin (saintongeois, angevin), berrichon, bourguignon (bressan, franc-comtois, champenois, etc.), lorrain, orléanais, normand, bourbonnais, courtisien. Cajun (dialectes : français des marais, français de la forêt, français de la prairie), québécois. Picard ( = chtimi) : dialectes de Ponthieu, de Vimeu, du Hainaut, Artois, Lillois, Boulonnais, Santerre, Calaisis, Cambrésis, Vermandois, Amienois; rouchi. Wallon (plusieurs dialectes parlés principalement en Belgique) Langue morte : zarphatique ( = judéo-français). |
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Savoyard, romand, dauphinois, lyonnais, neuchatelais. |
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Frioulan, ladin ( = dolomitique), tyrolien, romanche. |
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Ibéro-roman | Langues
d'oc
(Occitan lato sensu) |
Gascon : ariégeois, béarnais, gascon du Val d'Aran (aranais), toulousain (= agenais), landais. Auvergnat (variantes dialectales) Limousin (variantes dialectales) Languedocien (variantes dialectales, guyennais). |
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Marseillais, toulonais, varois, niçois, transalpin, dromois, gavot (alpin, gapien, forcalquierain, etc.), nimois. Langue morte : judéo-provençal (= shuadi). |
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Langues ibériennes |
Castillan : castillan standard, andalou, murcien, aragonais de la vallée de l'Ebre, navarrais, canarien, dialectes hispano-américains, etc. Espagnol loreto-ucayalien du Pérou. Judéo-espagnol ( = sépharade = ladin). Extremadurien (variantes dialectales). |
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Asturo-léonais : asturien, léonais, mirandais. | |||
Portugais
: portugais standard, portugais du Beira, portugais de Madère et des Açores,
brésilien, estremenho.
Galicien, fala (plusieurs dialectes parlés en Espagne). |
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Catalan | Dialectes : catalan standard, valencien, roussillonais, baléarique (plusieurs variantes dialectales), catalan du nord-ouest (variantes dialectales : pallarese, ribagorçan, lleidatà , aiguavivan). | ||
Aragonais | Haut-aragonais (plusieurs variétés dialectales parlées les Pyrénées espagnoles). | ||
Langue morte : mozarabe du Nord (langue parlée par les chrétiens sous la domination musulmane de l'Espagne) (Les Mozarabes). |
On appelle langues
romanes les langues issues du latin
ou plutôt les langues représentant l'état
auquel est parvenu actuellement par son évolution continue le latin parlé
par le peuple. Cette dénomination est usitée surtout depuis que Diez
s'en est servi dans sa Grammatik der romanischen Sprachen. Avant
Diez, Raynouard avait employé également ce
mot roman, mais dans un autre sens : il supposait dans son Choix
des poésies originales des Troubadours, 1816-1821, que le latin n'avait
pas donné directement naissance aux idiomes romans actuels, qu'il y avait
eu un intermédiaire entre le latin et les langues romanes actuelles, que
cet intermédiaire était la langue romane et que cette langue romane s'était
conservée avec le plus de pureté dans le midi de la France.
On trouve encore à côté de ce nom de langues romanes ceux de langues
latines, novo-latines, néo-latines. Cette dernière expression est
plutôt employée par les philologues italiens.
A l'époque des invasions et des établissements germaniques, le nom de Romani, que portaient les habitants de l'ancienne Rome, était peu à peu devenu celui des habitants, parlant latin, d'une partie quelconque de l'Empire romain, quelle que fût leur nationalité primitive, particulièrement par opposition aux étrangers et surtout aux Allemands. Sur ce nom des habitants de l'Empire, on en fit un pour l'Empire même, qui fut alors la Romania. La Romania, c'était le Romanumn imperium et même le monde romain, la civilisation romaine. Cette expression est restée en usage jusqu'aux Carolingiens. La lingua romana désigna le latin parlé par les Romani, et de romana ou romanica se dériva l'adjectif-romanicus qui donna à son tour l'adverbe-romanice signifiant : « dans la langue des Romani ». Romanice engendra, par l'évolution naturelle, le latin impérial romancium, propre, particulier aux Romani, etc.; enfin, de ce romancium se développa le mot français- romans, aujourd'hui roman (dont le féminin ancien romance a été remplacé par le féminin analogique romane), l'italien- romanzo, l'espagnol-romance, le ladin romansch ou rournanche, le roumain- roman. L'espace occupé aujourd'hui par les langues romanes est extrêmement étendu : tout l'Occident et une partie de l'Orient de l'Europe, une grande partie de l'Amérique. Les Romains, en fondant leurs colonies, y laissaient un nombre considérable de soldats qui parlaient latin; la langue latine pénétrait naturellement - et d'une façon presque générale - dans les divers pays colonisés par les Romains et y remplaçait la langue parlée avant la conquête. Cela ne veut pas dire que le latin ait supplanté très rapidement et partout la langue de tous les pays que Rome avait conquis. Dans l'Italie ancienne même le latin ne régnait pas en maître absolu. La latinisation fut très rapide au Portugal et en Espagne; Strabon nous dit que les habitants de la Bétique avaient oublié leur langue maternelle. En Gaule, le ligure, le grec, l'ibérien, le celte disparurent aussi d'une façon assez rapide. Le grec dans le Sud et le celte dans le Nord furent les deux idiomes qui offrirent le plus de résistance. Par suite de certaines circonstances historiques et commerciales, le grec fit longtemps une forte concurrence au latin. Un auteur latin nous dit que les Marseillais parlaient trois langues : graece, latine et gallice. La Suisse fut dans la partie la plus voisine de la Gaule et de l'Italie fortement latinisée. En Angleterre, on ne peut savoir au juste quels furent les effets de la conquête romaine : l'invasion saxonne du milieu du Ve siècle permet toutes les hypothèses, sans qu'on puisse en légitimer aucune. Le Nord de l'Afrique fut latinisé dès l'an 146 avant J.-C., et le latin y persista jusqu'en 647 environ, époque où l'invasion des musulmans mit fin à la puissance romaine. Enfin, en Orient, les idiomes vulgaires ont cédé au latin : le grec seul lui a résisté toujours victorieusement. D'ailleurs, partout ou le latin se heurta à des langues étrangères, il subit une décomposition qui altéra profondément son caractère et il ne commença à se développer indépendamment dans chaque région que lorsque les invasions des Barbares rompirent le lien commun qui avait uni toutes les parties de l'Empire. Populations et langues romanes Groupe oriental.
Groupe occidental.
Ladin
(romanche).
Italien.
Espagnol.
Portugais.
Français.
Le latin populaire des Gaules fit tout d'abord disparaître le celtique. Le breton parlé actuellement dans le Finistère, les Côtes-d'Armor et le Morbihan, a été importé au milieu du Ve siècle par des habitants de la Grande-Bretagne; il se perd de plus en plus. Une autre langue non romane qui disparaît aussi à grands pas, c'est le basque (Pyrénées-Atlantiques). La disparition du celtique a profondément surpris les historiens qui ne se sont pas rendu compte de l'état on se trouvait la Gaule en 53 av. J.-C., au moment de la conquête de la Gaule par César, et qui parlent d'une nationalité gauloise : cette nationalité n'existait pas. Il n'y avait en Gaule que des tribus toujours en guerre les unes contre les autres. Lorsque le soulèvement de 53 eut lieu, un tiers seulement de la population y prit part. Les Gaulois n'offraient aucune force de cohésion capable de résister à la politique romaine. Rome étendit ses privilèges et ses droits de cité à la Gaule, comme aux autres provinces qu'elle avait conquises, jusqu'au jour où Caracalla décréta Romains tous les sujets de l'Empire. Par les grandes voies qui relièrent la Manche à la Méditerranée, les Pyrénées an Rhin, les Alpes à l'Atlantique, par les cirques, les théâtres, les temples, les thermes, les monuments de toute sorte, la romanisation devint très rapide. Sous Auguste, 1200 hommes suffisaient à garder la Gaule. Le latin conquit d'abord les villes, puis les campagnes et ne s'arrêta que devant le grec qui subsista à Marseille jusqu'au Ier siècle, le bas-allemand dans les Flandres, le haut-allemand dans l'Alsace et la Lorraine, le gallois dans la Basse-Armorique. Les limites du gallo-roman sont les suivantes : la ligne part de Gravelines, longe le Nord, passe à Merville, Steenwerek, Nieppe, suit la Lys et entre en Belgique. Le flamand se parle dans l'arrondissement de Dunkerque, Bergues et les villages environnants, et à Hazebrouck. En Belgique, la ligne pénètre dans la Flandre occidentale et laisse au français Mouseron, Luighes, Hersant, Dottignies, Espierre, suit la limite frontière commune de la Flandre orientale et du Hainaut, passe sous Lessines, Enghien, pénètre dans le Brabant, coupe Saintes, Tubize, Braine-le-Château, Wauthier-Braise, Braine-l'Alleud, Waterloo, la Hulpe, Wawres, Archennes, Bossut, Beaurechain, l'Ecluse, Jodoigne, le Nord-Ouest de Liège (où elle laisse Houtain-l'Evêque au flamand), Tongres, Orange, Herstappe, Roclenge, Bapenge, Wonck, Ebers-Emael, Lanayé, la Meuse à Visé, Aubel, Eupen, l'Amblève, Malmédy, Sourbrordt, Faymontville, Oudenval, Ligneuville, Pont, Saint-Vith, Oberbeslingen, Martelange, Arlon, Longwy. Le français parlé dans cette vaste région est le wallon qui se distingue en wallon de Tournai, wallon de Mons, wallon de Liège, wallon de Namur. A Longwy, la ligne tourne à l'Est, suit la frontière du Luxembourg, coupe Fensch, Thionville, la Nied, Remilly, le Rottenbach, Morhange, Metz, Briey, Albedorf. Dieuze, Lorquin, Sarrebourg, le mont Donon, Winsch, Lützelhausen, Liepvre, suit la frontière, passe entre Pontroye et Schlierbach d'un côté, Kayserberg de l'autre, laisse Turckheim à l'allemand, passe à Munster et suit la frontière jusqu'à la Suisse, coupe Masseraux, la Chapelle, Dannemarie, Staueth, Pfeffershausen, Lützel, et pénètre en Suisse, coupe Laufeu, Soleure (canton), Berne (canton) jusqu'au lac de Brienne, longe le lac Morat, traverse Fribourg (canton), le mont de la Berra, le Sud de Berne (canton), le Wildstonbel, Sierre, le col du Valais, suit la frontière italienne jusqu'à la Savoie, longe le Piémont et arrive à Menton. La Méditerranée forme la limite du gallo-roman jusqu'aux Pyrénées. Là se trouve le catalan. La limite du catalan suit en France les cantons des Pyrénées-Orientales (département), pénètre à Quérigut, franchit les Pyrénées, occupe en Espagne : Girone, Barcelone, Tarragone, Lerida, Castillon de la Plana, Valence, Alicante et les Baléares. A Lescun la ligne du gallo-roman rencontre le basque qui est limité par les localités suivantes : Saint-Engrace, Haux, Tardets, Esquiule, Arrast, Arone, Etcharry, Domezain, Arberats, Camai-Mixe, Icharve, Bardos, Agherre, Briscous, Urcuit, Lahonce, Saint-Pierre-d'Imbe, Arbonne, Bidart. Le littoral de Saint-Pierre d'Imbe à Bidart est roman. Le dialecte gascon entoure le basque, et on parle français dans les villes. La limite longe ensuite l'Océan Atlantique et atteint la Bretagne. Entre le français et le bas-breton, elle part des bouches de la Vilaine, coupe Elven, Plaudren, Saint-Jean-Brévelay, Moréac, Naizin, Noyil-Pontivy, laisse à gauche Mûr, Saint-Mayeux, Coray, Saint-Fiacre, coupe Plouagat, Plélo, Plourhan, rejoint la Manche, enclôt les îles normandes (Jersey, Guernesey, Alderney (Aurigny), Sercq) et rejoint la frontière flamande à Gravelines. L'ensemble des dialectes gallo-romans se divise en deux parties : les dialectes de langue d'oc (occitan) et ceux de langue d'oïl (français). En effet, la distinction entre le mode d'affirmation des langues romanes avait porté Dante à faire une distinction entre les langues qui affirment en disant oc, celles qui affirment en disant oïl et celles qui affirment en disant si. Ce critérium est bien faible, mais l'autorité de Dante lui a donné un tel prestige que ce vocabulaire est resté. D'ailleurs, toute division de ce genre est artificielle : on ne peut se servir de ces distinctions que pour la commodité de l'exposition; si elles correspondent à des besoins géographiques ou à des raisons historiques, elles ne sont guère fondées au point de vue linguistique. Ce qui existe réellement ce sont des traitements différents du latin dans les diverses régions de chaque domaine du roman, et les distinctions qu'on peut faire au point de vue linguistique doivent reposer sur un fait, précis qui sert de base : par exemple on peut distinguer le traitement de a tonique libre latin dans les différentes parties du groupe gallo-roman, celui du c+a dans les mêmes conditions, etc. Le nom de français, désignant primitivement le parler de l'Ile-de-France, on a appliqué peu à peu le nom de français à tous les dialectes qui entouraient le français. Et comme celui-ci était le français de la cour royale, le dialecte parlé ainsi eut la prééminence sur tous les autres et finit par s'imposer à tout le Nord de la France, après avoir été graduellement imposé à l'aristocratie et à la littérature. Dans le Sud de la France, il n'en était pas de même : aucun des dialectes écrits n'avait plus de valeur et ne pouvait prendre plus de valeur officielle qu'un autre, et si nous désignons le gallo-roman du Sud par le mot occitan. Bien des divisions ont été proposées pour le groupe du français. Roger Bacon (Opus majus, III, 44) distingue quatre dialectes : le français, le picard, le normand et le bourguignon. C. Fallot distingue le normand, le picard et le bourguignon. Il est inutile de citer les autres essais de classification, et on doit se borner à énumérer les dialectes d'après leur position géographique. Les variétés du français du Nord examinées à ce point de vue sont les suivantes : le wallon dans les limites indiquées ci-dessus, le bourguignon, le lorrain, le picard, le normand, qui détacha en Angleterre au XIe siècle l'anglo-normand, le poitevin. Quant à l'occitan, il peut se distinguer en gascon (Pyrénées-Atlantiques, sauf région basque, Hautes-Pyrénées, Landes, sud de la Haute-Garonne, Gers, Gironde), en languedocien, limousin, provençal, dauphinois, savoyard, dialectes de la Suisse romande. Ascoli a cru découvrir un groupe dialectal important qu'il appelle le franco-provençal et qu'il décrit ainsi dans ses Schizzi franco-provenzali (Archivio glottologico italiano, III, 61-62) : « Cette série de patois s'étend en France dans la partie septentrionale du Dauphiné (département de l'Isère) ; de là elle passe le Rhône en suivant une double direction vers l'Ouest pour occuper une partie et peut-être la plus grande partie du Lyonnais, et vers le Nord pour embrasser la partie méridionale de la Bourgogne (département de l'Ain) ; puis elle semble, en suivant une ligne longitudinale, pénétrer, non sans souffrir bien des dommages, entre le français à l'Est et à l'Ouest, pour traverser la Franche-Comté tout entière et entrer dans le territoire lorrain (partie des départements du Jura, du Doubs, de la Haute-Saône et des Vosges). En France, la Savoie est aujourd'hui toute franco-provençale; et dans la Suisse, les dialectes propres des cantons de Genève, de Vaux, de Neufchâtel avec un petit espace de celui de Berne (entre le Jura et le lac de Vienne), de la plus grande partie du canton de Fribourg et de la partie occidentale du canton du Valais sont tous franco-provençaux. En deçà , des Alpes, enfin, les dialectes romans qui sont propres à la vallée d'Aoste et au val Loana appartiennent aussi à ce système ».Du latin vulgaire aux langues romanes L'existence d'une langue latine populaire à côté d'une langue savante, de la langue employée dans les livres par les écrivains classiques, n'a rien qui doive étonner. Cela ne veut pas dire que les deux langues ne se pénètrent pas mutuellement, qu'il y ait forcément deux langues dont l'une soit incompréhensible à l'autre. Evidemment il y avait facilité pour un Romain instruit à comprendre le latin d'un paysan ou d'un soldat : la réciproque ne serait peut-être pas si sûre. Le latin populaire a son existence prouvée indirectement par la communauté des faits phonétiques et morphologiques des diverses langues romanes et directement par les témoignages historiques. Cicéron écrit par exemple (Ad fam., IX, 21) Veruntamen quid tibi ego in epistulis videor? Nonne plebeio sermone agere tecum? Quid enim simile habet epistula aut judicio aut contioni?... epistulas vero cotidianis verbis taxere solemus. Bien des écrivains nous donnent les expressions : lingua laica, lingua rustica, lingua vulgaris, lingua plebeia, lingua militaris. Ces diverses expressions doivent être interprétées sans exagération et ne doivent jamais faire croire à l'existence de deux langues nettement séparées. D'ailleurs, par sa nature même le latin vulgaire nous est presque inconnu. Le Vokalismus de Schuchhardt (Vok. der Vulgärlateins, 1866-1869) n'est pas suffisant : il faudrait recueillir toutes les inscriptions, toutes les médailles éparses çà et là sur le territoire de la Romania et écrites en roman pour dresser un inventaire complet de tous les fragments du latin vulgaire du Ier au Ve siècle environ. On a signalé également les fautes qui se trouvent dans les manuscrits comme des traces de latin vulgaire : c'est une source bonne, mais à condition d'y recourir avec prudence. C'est ainsi qu'on ne peut tirer de la Bible une étude du latin vulgaire, mais qu'on en peut tirer une du bas-latin. Les formules sont à la limite du latin vulgaire et du bas-latin, parce qu'elles étaient écrites pour être comprises par des gens qui ne comprenaient que le langage parlé. Le bas-latin de l'époque mérovingienne est en effet presque entièrement calqué sur la langue parlée; mais les Pères de l'Eglise écrivent assurément un bas-latin littéraire. Il suffit de comparer n'importe quel passage d'un livre quelconque de l'Eglise à la première formule venue pour se rendre compte de la différence. Derrière ces formes barbares l'induction permet de découvrir des formes parlées dont il ne reste aucun monument. Il faut, en outre, rechercher dans les comédies de Plaute, de Térence, dans les satires de Pétrone, de Perse, et dans celles d'Horace, les locutions parlées dont beaucoup retrouvent leurs correspondantes dans les différentes langues romanes actuelles. Quand on s'occupe des auteurs bas-latins, il faut toujours, pour trouver le latin vulgaire dont ils se servent, partir de cette idée qu'ils n'ont jamais voulu écrire le latin parlé, qu'ils se sont toujours proposé comme modèle le latin écrit, sinon le latin classique, et qu'il est bien hasardeux de chercher le latin parlé sous ce latin écrit. Pour les formules, le travail est plus simple. Voici quelques exemples qui nous donnent de ce latin une idée très nette : Qualiscumque a quemcumque epistolas de nomine nostro manus nostras firmatas, ostensas fuerint [...] vacuas permaneant (Rosières, Formules, CXXIX) - Vendedi ad illo campello ferente modius tantus (Id., CCLLXXX). - De ces deux exemples de bas-latin nous pouvons tirer une foule d'observations qui doivent avoir également trait au latin vulgaire, parce qu'elles correspondent à des faits supposés par le développement de langues romanes. Le nominatif féminin pluriel a disparu pour faire place à l'accusatif : epistolas fermatas ostensas fuerint; l'ablatif féminin pluriel a également disparu devant l'accusatif : manibus nostras. Vendédi a remplacé vendidi; les prépositions remplacent les cas, parce que les désinences casuelles sont la plupart du temps atones : de nomine au lieu de nominis; ad illo au lieu de illi; l'm de la désinence -um, -em, avait disparu, et o se confondait avec u : illo, campello, ferente, modius, tantus au lieu de illum, campellum, ferentem, modios, tantos; le diminutif remplace le positif : campello au lieu de campum ou mieux agrum. Le bas-latin est surtout intéressant à étudier jusqu'au VIIIe siècle. De ce siècle nous avons un glossaire qui est à ce point de vue extrêmement important : c'est celui de Reichenau, ainsi appelé parce qu'il provient de l'abbaye de ce nom; il est conservé aujourd'hui à la bibliothèque de Karlsruhe (ms. 115). C'est dans sa première et plus grande partie un commentaire des mots de la Vulgate jugés trop latins, trop difficiles à comprendre pour les laïcs. L'étude des mots glosants permet de conclure que l'auteur du glossaire était du Nord de la France. Un autre glossaire un peu postérieur à celui de Reichenau, le glossaire de Kassel (bibl. de Kassel. théol. 24; fin du VIIIe ou commencement du IXe siècle), est latin allemand. Les mots romans latinisés subissent l'influence du scribe allemand qui confond les c et les g, les b et les p, les f et les v, etc. (cf. Foerster et Koschwitz, Altfranzosisches Uebungsbuch, I, col. I, 44). A l'époque carolingienne, sous Charlemagne, il se produit une renaissance des lettres latines, et la langue tend à se rapprocher du latin classique. Jusqu'au XVIe siècle on se servit du bas-latin, continuation du Moyen âge du latin classique et qui présente par rapport à celui-ci et dans le lexique et dans la syntaxe des différences notoires, bien qu'il ait des traditions grammaticales régulières. Il vécut jusqu'au XVIe siècle où le mouvement humaniste remit en honneur le latin cicéronien. Etant données les difficultés qu'il y
a de reconnaître ou de reconstituer le bas-latin, il est nécessaire de
s'attacher de plus en plus à le recherche de ses caractères et, avant
tout, à en dresser une chronologie : c'est ce que Mohl a essayé de faire
dans sa Chronologie du latin vulgaire (Paris 1899 ; cf. Mario Roque,
dans la Romania, t. XXIX, p. 266), et dans ses Etudes sur le
lexique du latin vulgaire (Prague, 1900,cf. Am. Salmon, dans le
Moyen-Age, nov.-déc. 1900).
L'élément germanique a laissé de nombreuses traces dans les diverses langues romanes : le gothique a laissé des noms propres italiens comme Hildebrando, Aliprando en occitan. et en français tregua et trève du gothique triggwa; amanavir, amanevir du gothique manwjan (précédé du latinad). Les Lombards, les Wisigoths, les Bourguignons, les Francs en France, les mêmes en Espagne ainsi que les Alains, les Vandales, les Wisigoths, les Longobards en Italie ont laissé dans les diverses langues des traces nombreuses de mots germaniques. Citons d'après Diez : bando, guerra, guancia, spella, bosco, guanto; français broigne, bac, renard, lippée, groseille, estout; espagnol haca, hornabeque, azcona, etc. Chose plus curieuse encore : la prononciation allemande transforma parfois la prononciation française: le mot haut, du latin altus, prit un h aspiré sous l'influence de l'allemand hoch; le mot harpe, qui a bien en grec une aspiration représentée par un h latin, n'a pas d'h aspiré dans d'autre langue romane que le français, et cela très vraisemblablement sous l'influence de l'allemand Harpe. D'après Diez, 930 mots d'origine germanique auraient pénétré dans les langues romanes, abstraction faite des dialectes, des dérivés et des noms propres: 450 en français, 140 en italien, 50 en espagnol et portugais, le reste en valaque; 300 mots germaniques seraient communs à toutes les langues romanes. Il est peu vraisemblable que ces 300 mots allemands communs à tout le roman aient été apportés par les légionnaires germains employés par les Romains, comme l'a prétendu Ascoli. On ne s'explique pas que divers soldats appartenant à diverses légions, envoyés à tous les coins de l'Europe, aient introduit les mêmes mots, d'autant plus que ces mots sont souvent très spéciaux et d'un usage assez rare. De même que le germanique pénétra dans
les langues romanes et en particulier dans le français, de même l'arabe
implanta beaucoup de termes en roman et surtout en espagnol.
Les échanges commerciaux, les croisades,
la longue domination des Maures en
Espagne, la conquête de la Sicile,
l'occupation d'un lambeau de la France mérionale par les sectateurs de
l'islam ; le rôle joué dans l'enseignement de
toute l'Europe par les universités arabes de Séville.
de Tolède, de Grenade,
de Cordoue, la diffusion soit directe, soit
par traductions latines, des livres arabes de mathématiques,
d'astronomie,
de médecine,
d'alchimie, sont des faits connus et qui font
comprendre l'extension de l'arabe dans le roman. Les mots arabes ont pénétré
en espagnol avec une régularité telle qu'on a pu essayer d'établir certaines
règles de phonétique pour la transformation des voyelles et des consonnes
(cf. Grundriss, t. I, pp. 402-403). Dans les autres langues romanes, les
emprunts sont beaucoup moins nombreux et fort irréguliers : ce sont des
à -peu-près, reproduits parfois d'une façon extrêmement bizarre par
des personnes entendant des sons étrangers auxquels l'oreille n'était
pas façonnée et qu'ils ne pouvaient correctement reprononcer : ainsi
artichaut de harchaf, et les noms propres cités par Devie
: Sensadonias
Noscardin, Hariadan, qui représentent Chems-eddin, Nasr-eddin,
Kheir-eddin. Les noms de plantes, les termes de médecine, d'alchimie,
d'astronomie, de géométrie, d'industrie,
de commerce, de musique sont les plus nombreux.
Le nombre des mots arabes, qui a été très grand en espagnol a diminué
au fur et à mesure des progrès du castillan, et maintenant il fait Ã
peine le dixième du vocabulaire espagnol. En français, il y a environ
un millier de mots d'origine arabe venus en France surtout par l'intermédiaire
des langues hispaniques, du catalan, de
l'occitan et de l'italien. L'arabe a eu également une grande influence
sur les vocabulaires du portugais, de la Sicile, de la Basse-Italie, de
la Sardaigne;
le maltais est un dialecte arabe avec des éléments italiens. Le roumain
est, au point de vue du lexique comme à tous les autres points de vue
d'ailleurs, dans une position tout à fait particulière. Le fond du vocabulaire
est assurément le latin vulgaire, mais
la pénétration des éléments du bulgare-touranien, de l'albanais,
du slave, du hongrois,
du néo-grec et du turc
en ont altéré profondément la physionomie. En outre il doit y avoir
bien des éléments différents, si l'on en juge par le nombre considérable
des mots roumains qui n'ont pas d'étymologie sûre ou possible. Le défaut
de textes anciens pour la langue en rendra toujours l'étude fort aride
et fort dangereuse.
Au point de vue de l'étymologie, on divise le lexique de chacune des langues romanes en deux parties : l'une qui comprend les mots populaires, l'autre qui comprend les mots savants. Les mots populaires sont ceux qui sont passés insensiblement de la bouche des Latins dans celle des Romans. Un mot comme panis, panem par exemple, a toujours été en usage : c'est le mot pain. Les mots savants sont ceux qui sont calqués sur le latin écrit et introduits dans la langue par des gens instruits : le mot philosophie par exemple venant de philosophia. Parmi les mots populaires qui ont existé de tout temps dans les langues romanes et qui remontent au latin populaire par une tradition ininterrompue, beaucoup ont pris, au cours du temps, toute sorte de significations diverses ; mais un nombre assez considérable a gardé le sens des mots latins qui sont leur origine. Citons au hasard : amorem, amour; animam, âme : annum, an; aquam, eau; asinum, âne, etc., qui ont également le même sens dans les autres langues romanes non citées ici faute d'espace (cf. Arsène Darmesteter, Vie des mots, 1887, Appendice I). La plupart des mots savants disparurent presque vers le IXe siècle dans les diverses provinces de la Romania; les idées philosophiques, littéraires, scientifiques, artistiques sombrèrent avec la civilisation qui les avait développées et, ne reparurent qu'après le IXe , siècle, époque à laquelle ils commencèrent à pénétrer à nouveau dans les diverses langues romanes. Nous avons donc des mots savants qui remontent extrêmement haut, au IXe siècle. Au XIVe siècle, les emprunts se multiplient, et au commencement du XVIe siècle quelques auteurs nous présentent un vocabulaire surchargé de mots tirés artificiellement du latin. Dans beaucoup de cas il y a des mots qui sont demi-savants, semi-populaires ; et dans beaucoup d'autres des mots latins ont formé deux mots français, dont l'un est savant et l'autre populaire c'est ce qu'on appelle les doublets; nous avons par exemple cause et chose venant du latin causa; hôpital et hôtel venant du latin hospitalem : prédicateur et prêcheur, du latin predicatorem; capital et cheptel, de capitalem; dignité et daintié, de dignitatem; ration et raison, de rationem, etc. Grammaire.
La phonétique ne veut que constater les développements des sons. Une règle générale domine tous les autres faits : l'accent du latin se conserve dans les mots romans à la place même où il se trouve sur les mots latins correspondants. L'accent de amare étant sur a, tous les dérivés romans de ce mot seront accentués sur a ou son représentant: ancien françaisamer; portugais, espagnol, italienamar. Cette règle ne s'applique, bien entendu, qu'aux mots populaires et non aux mots savants : l'accent de apprehendere, par exemple, est fidèlement conservé dans le mot populaire apprendre, mais il est déplacé dans le mot savant appréhender. Toutes les exceptions apparentes à cette règle s'expliquent par le latin vulgaire qui avait dû déplacer l'accent dans les mots qui n'ont pas dans les langues romanes l'accent à la place qu'il occupe dans les mots du latin classique correspondants. Cette règle indique qu'il faut soigneusement, en phonétique, déterminer la nature de la voyelle qui peut avoir divers traitements suivant sa longueur et sa position. Aussi distingue-t-on entre voyelles toniques et voyelles atones, celles-ci se subdivisant en antétoniques ou protoniques, contretoniques ou intertoniques, posttoniques. Ainsi dans bonitatem, bo est la protonique, ni est la contretonique, ta est la syllabe accentuée et tem est la posttonique. La voyelle est dite libre, non en position, ou en syllabe ouverte lorsqu'elle est finale, suivie d'une voyelle, d'une consonne simple ou des groupes pr, br, tr, dr, gr. Une voyelle est entravée, en position, ou en syllabe fermée lorsqu'elle est suivie de deux ou plusieurs consonnes (autres que les groupes ci-dessus). Dans amare, toutes les voyelles sont libres; dans arcus, a est entravé. La phonétique divise les voyelles en voyelles simples et en diphtongues. Il y a pour le français un groupe spécial de voyelles dites voyelles nasales. Chacune des langues romanes a une division spéciale pour ses consonnes. Expansion des langues romanes en dehors de l'Europe Le français a été transporté au XVIe siècle en Amérique du Nord où il est parlé en Louisiane, en Nouvelle-Ecosse, et au Canada. Dans les Antilles, il a formé avec des langues africaines un mélange appelé créole. En Afrique, la colonisation a répandu la langue française au Maghreb (ce qui a pu être vu, à l'époque coloniale, comme une restitution à la Romania des côtes de la Méditerranée), et dans une grande partie de l'Ouest du continent. L'italien et l'espagnol se parlent en Argentine. Le catalan se parle dans l'île de Cuba et en Argentine, concurremment à l'italien et à l'espagnol. L'espagnol est parlé dans l'Amérique du Sud et en Amérique centrale, au Mexique, dans une partie de la Californie et du Texas, aux îles Philippines, aux Canaries, dans les îles d'Annobon et de Fernando-Pô, aux îles Mariannes, Palau et Carolines. Le portugais a été transporté en Inde, en Afrique (Angola, Mozambique), dans la Guinée méridionale, dans les îles Açores, dans le groupe de Madère, dans les îles du Cap Vert, du Prince et de Saint-Thomas, au Brésil. La plupart des langues romanes parlées dans les anciennes colonies extra-européennes présentent avec les langues des métropoles des différences notables. Ces différences sont surtout remarquables pour le français du Canada qui s'est développé dans une autre direction que le français de France. (A. Salmon, L. Brandin) |
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