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Le nabathéen ou nabatéen était une langue sémitique appartenant au groupe des langues araméennes. Les Nabatéens, dont les livres bibliques ne font pas mention, et que Diodore de Sicile et Strabon placent dans l'Arabie Pétrée, paraissent être venus s'établir en ce pays vers le temps où Nabuchodonosor II détruisit le royaume de Juda. La langue parlée par les Nabatéens n'était autre chose qu'une variété dialectale de chaldéen ou araméen oriental. Il a eu sa littérature; mais les textes en sont perdus, à l'exception d'un traité connu dans l'Orient sous le nom d'Agriculture nabathéenne, et composé par un certain Kouthayi : encore ne le connaissons-nous que par la version arabe d'Abou-Bekr-Amin, surnommé Ibn-Wahschyah. Les caractères essentiels du nabatéen sont l'emploi constant des trois lettres quiescentes comme voyelles, même comme voyelles brèves, la confusion et l'élision fréquente des gutturales, les agglutinations des mots, une tendance à n'écrire que ce qui est prononcé. L'écriture nabatéenneL'épigraphie de l'ancien pays nabatéen ne date réellement que du voyage de Waddington et de Vogüé. Avant eux, Burckhardt et le consul de Prusse à Damas, Wetzstein, avaient exploré le Haurân et avaient pris des copies très imparfaites de quelques inscriptions. Waddington et de Vogüé ont considérablement enrichi le dossier des inscriptions nabatéennes; mais surtout ils ont rapporté soit des estampages, soit des copies fidèles, qui ont donné à l'épigraphie nabatéenne une base solide.Les inscriptions nabatéennes présentent deux aspects très différents. On trouve dans le massif du Haurân, aux environs des anciens centres nabatéens de Siah et de Soueideh, des inscriptions tracées en caractères qui ont déjà les traits distinctifs du nabatéen, mais dont la forme générale rappelle encore l'écriture araméenne proprement dite : « Monument de Hamrath, que lui a construit Odeinath son seigneur ». Au contraire, à mesure qu'on s'avance vers le Sud, à mesure aussi qu'on se rapproche de l'ère chrétienne, l'écriture prend des formes plus élancées et plus voisines du type arabe. Cette seconde catégorie d'inscriptions, qui constitue l'épigraphie nabatéenne à proprement parler, a été singulièrement élargie par une découverte inattendue. En 1876-1877, un intrépide voyageur anglais, Charles Doughty, découvrit au coeur de l'Arabie, dans la vallée d'El-Hedjr, l'un des centres des anciennes traditions religieuses des Arabes, toute une série de constructions creusées dans le roc, dont l'architecture et l'aspect général rappellent celles de Pétra : ce sont les « villes du prophète Saleh », Medaïn Saleh. Ces portiques monumentaux, qui se développent tout du long d'un amphithéâtre de collines, n'étaient pas destinés à abriter des vivants, ce sont des tombeau. De longues inscriptions nabatéennes gravées au-dessus des portes nous ont conservé les noms des familles auxquelles ces sépultures étaient réservées. Peu après Doughty, Charles Huber à son tour visita ces lieux à deux reprises, de 1880 à 1884. Grâce à eux, nous possédons l'ensemble des inscriptions d'El-Hedjr. Renan a mis en pleine lumière le caractère de cette épigraphie. Inscriptions et monuments sont contemporains de la dynastie des Arétas, qui régnait sur l'Hauranitide et le nord de l'Arabie à l'époque des Hérodes. Voici donc comme on écrivait au Sud-Est de la Palestine, du temps au début de notre ère :
Où étaient les maisons des Arabes assez riches pour se construire de pareilles nécropoles? On n'en trouve pas de trace. Ils étaient des nomades; or, pour les populations nomades, il n'y a qu'une demeure fixe, nous le voyons par l'histoire d'Abraham, c'est la « maison éternelle », le tombeau, et, quelquefois, le sanctuaire qui s'y rattache. Chose inappréciable, ces inscriptions sont toutes datées; elles s'étendent sur une période qui va de l'an 9 avant J.-C. à l'an 75 après. Ainsi, non seulement nous nous trouvons en présence d'une épigraphie parfaitement documentée, mais ses dates fournissent un point de repère précieux à l'historien et à l'archéologue, et éclairent les monuments de Pétra et de Jérusalem, comme aussi toute la civilisation araméenne à l'époque de Jésus. L'alphabet nabatéen et l'alphabet arabe. Le nabatéen franchit le dernier pas qui séparait l'ancien alphabet de l'écriture cursive, par la création des ligatures. L'écriture araméenne avait recourbé les lettres par en dessous, le nabatéen les soude l'une à l'autre, si bien que désormais la partie essentielle de l'écriture consistera dans la ligne continue qui les rattache par le bas. Ces ligatures ont pour effet de modifier profondément l'aspect des lettres, par la nécessité de chercher un point d'attache commode pour les relier les unes aux autres, si bien qu'un même caractère peut être alternativement très grand et très petit. En même temps, les lettres s'arrondissent par en haut et perdent leurs dernières arêtes; tantôt elles s'élèvent au-dessus de la ligne, tantôt elles descendent au-dessous, mais toujours elles restent unies par ce lien qui groupe les éléments d'un même mot. Le iod nous fournit un des exemples les plus curieux de ces métamorphoses. Dans les alphabets de cette époque, il était arrivé à n'être presque plus qu'un point au milieu de la ligne, un petit trait, portant, tantôt à sa partie supérieure, , tantôt en son milieu, , un crochet qui en rappelle la forme primitive. En nabatéen, ce petit trait s'arrondit dans le courant du mot et se recourbe pour chercher la lettre suivante : ; puis, au lieu de faire le iod en deux traits, on prend l'habitude de le tracer d'un seul coup : . Enfin, quand il est à la fin des mots, sa queue s'allonge de plus en plus pour se rattacher à la lettre précédente; on lance la lettre hardiment, comme un parafe, et la tête se recourbe en forme de panache : , on dirait la tête de quelque oiseau à long cou : Ces soudures ne se produisent pas seulement d'une lettre à l'autre, mais souvent dans l'intérieur même d'une lettre, surtout dans les lettres finales. La queue de l'm,, ne trouvant pas d'autres lettres où s'accrocher, se replie sur elle-même et se ferme par en bas . Le hé fait de même; dans les anciens centres nabatéens de Soueideh, de Siah, découverts par Waddington et de Vogüé, on remarque déjà la tendance des deux branches de la lettre à se rapprocher; à El-Hedjr (Hégra), la jonction est accomplie et le hé prend à la fin des mots la forme d'une pochette : Nulle part, le contraste de la lettre médiale avec la lettre finale n'est plus marqué que pour l'alef. A voir ses deux formes, , jamais on ne se croirait en présence d'une Enfin, tandis que dans le corps des mots l'alef se recoquille ainsi sur lui-même, à la fin des mots, au contraire, il brise son enveloppe et s'élance en formes capricieuses, qui expliquent l'alef de l'estranghélo, du syriaque et de l'arabe : En résumé, ligatures entre les lettres et, par suite, distinction des lettres médiales et des lettres finales, enfin soudure, non seulement dans l'intérieur du mot, mais entre les membres d'une même lettre, tels sont les traits caractéristiques de l'écriture nabatéenne; or ce sont en même temps ceux de l'arabe. Ces caractères ne sont pas également accusés dans toutes les inscriptions nabatéennes. On les voit naître sur les inscriptions du Haurân, qui marquent le passage de l'hébreu carré au nabatéen. On peut en poursuivre le développement jusqu'au IIe ou au IIIe siècle de notre ère, sur les noms propres et les formules de salut dont la piété des pèlerins a couvert les rochers du Sinaï. L'influence de l'élément nabatéen n'était pas limitée au monde asiatique. Deux inscriptions nabatéennes trouvées à Pouzzoles) nous attestent l'existence, jusqu'au centre de l'Empire romain, de ces colonies qui avaient une organisation religieuse fort analogue a celle des synagogues, nous le voyons par une inscription bilingue, phénicienne et grecque, récemment découverte au Pirée. Les Actes des apôtres nous apprennent qu'il y avait aussi à Pouzzoles une communauté juive, qui a servi de premier point d'appui au christianisme. La rencontre de tous ces Asiatiques, différents d'origine et, de religion, mais parlant tous la même langue, ainsi que la défense de leurs intérêts communs, devaient amener entre eux des échanges constants et une sorte de fraternité, dont leurs écritures, sous leurs différences apparentes, nous ont conservé l'image. (Ph. Berger). |
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