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La langue gasconne
La langue gasconne appartient au rameau occitan des langues d'Oc (Les langues italiques). Elle a pour domaine géographique le triangle formé par les Pyrénées, la Garonne et l'Océan. Luchaire en indique les limites avec plus de précision : 
« La limite du gascon, dit-il dans ses Etudes sur les idiomes pyrénéens, ne coïncide tout à fait ni avec la rive gauche de la Garonne, ni avec la frontière franco-espagnole. D'une part en effet, si elle suit à peu près le cours de la Garonne, depuis Boussens jusqu'à La Réole, elle déborde sur la rive droite: 1° dans le département de la Haute-Garonne et de l'Ariège, où elle comprend la partie méridionale et orientale de l'arrondissement de Saint-Gaudens et tout l'arrondissement de Saint-Girons; 2° dans le département de la Gironde, où elle s'avance jusqu'à la Dordogne. D'autre part, elle ne touche la frontière pyrénéenne que depuis le pic de Brougat (Ariège), où finissent les populations languedociennes du pays de Foix jusqu'au pic d'Anie (Basses-Pyrénées [Pyrénées-Atlantiques]), où commencent les populations de langue basque. »
Le gascon présente bien quelques différences, d'un point à l'autre de cette région ainsi limitée. On distingue ansi plusieurs variantes dialectales : ariégeois  béarnais, aranais (= gascon du Val d'Aran), toulousain (= agenais), landais. Mais ces différences sont, en somme, assez rares et peu importantes. Au contraire, qu'on l'étudie dans les Landes ou dans le Gers, dans les Hautes-Pyrénées ou dans les Pyrénées-Atlantiques, dans le Couserans ou au pays de Comminges, à Nérac ou à Bordeaux, partout le gascon s'offre à nous avec un ensemble de traits phonétiques si remarquables qu'on s'explique pourquoi l'auteur des Leys d'Amors le considère comme une langue étrangère au même titre que le français, et pourquoi, dès la fin du XIXe siècle, des philologues comme Chabaneau et Bourciez n'ont pas hésité à lui donner le nom de « langue » plutôt que celui de « dialecte ». L'autre point de vue consistant à dire que le gascon est un dialecte de la langue occitane (occitan), qui a aussi pour dialectes l'auvergnat, le limousin et le languedocien. Quoi qu'il en soit, on peut toujours dire qu'au sein des langues d'Oc, le gascon est, vis-à-vis du provençal, un peu comme le portugais vis-à-vis de l'espagnol. 

Phonétique.
Rien de bien important à noter pour les voyelles, si ce n'est que l'a final du latin devient souvent e comme en français et non a comme en provençal. En revanche, le consonantisme est en quelque sorte le tout du gascon. Nous ne retiendrons que les faits les plus saillants, au nombre de huit : 

1° r initial double sa sonorité et se fait précéder d'un a prosthétique : arrei, roi (latin regem), arriu, ruisseau (rivum), arradon ou arrazon, raison (rationem), artier, retenir, etc. 

2° f initial est remplacé par une aspiration devant une voyelle, parfois même devant une consonne et dans ce cas l'aspiration peut disparaître : hon, fontaine (fontem), hami, faim (faminem), hrai, frère (fratrem), riche, frêne (fraxinum), etc. Les anciens textes gascons notent ce son par f jusqu'au XVIe siècle, mais il y a des raisons de croire que l'aspiration est plus ancienne de beaucoup. 

3° v initial devient b; v médial, entre deux voyelles, devient u (prononcé comme le w anglais) et non v comme en provençal : bila, ville (villa), bezin, voisin (vicinum), mauer, mouvoir (movere), etc.

 4° n médial disparaît entre deux voyelles : tier, tenir (tenere), bier, venir (venere, pour venire), Salies, nom de lieu qui correspond au français salines (Salinas), gier, janvier (jenarium, pour januariurn), dier, denier (denariurn), etc. 

5° nd médial se simplifie en n : manar, mander (mandare), bener, vendre (vendere), etc. 

6° mb se simplifie en m : coma, combe (cumba), Colomiers (Haute-Garonne), nom de lieu correspondant au français et au provençal Colombiers (columbarios), amas, toutes deux (ambas), etc.

7° Il médial se change en r lingual : capèra, chapelle (cappella), bèra, belle (bella), Casterar, nom de lieu qui correspond au français Châtelar (Castellare), etc.-

8° Il final devient t, d, ou g selon la région : castet, casteg, casted, château (castellum), ed, il (lle), etc.

Morphologie.
La déclinaison n'apparaît que dans les très anciens textes ; dès la fin du XIIe siècle, elle tend à disparaître. La conjugaison offre quelques traits curieux qui distinguent le gascon (en au moins certaines de ses variétés) du provençal : l'imparfait de la conjugaison en or est en e et non en ia et, par suite, le conditionnel a la même terminaison : aue, aure, il avait, il aurait (provençal, avia, auria); l'imparfait de la conjugaison en ir est en iue ou ibe : compliue, complibe, il accomplissait (prov. complia); dans le Béarn, la Bigorre, le Comminges, le prétérit de la conjugaison en ar est en a (comme en français) et non en et comme en provençal; il y a un prétérit faible en ui, o (analogue en français ui, ut) : bolui, je voulus; bole, il voulut.

Dérivation. 
A signaler le suffixe der, dera, qui correspond au provençal dor, dora, et qui se retrouve en espagnol : sabeder, ce qui est à savoir, bateder, battoir, etc.

La littérature gasconne.
Le gascon apparaît dans les chartes, mélangé avec le latin, dès le XIe siècle ; la plus ancienne charte connue qui soit écrite complètement en gascon est une donation aux hospitaliers de Montsaunès (Haute-Garonne) de 1179. L'usage du gascon dans les actes publics, encore fréquent au commencement du XVIe siècle, disparaît vers le commencement du XVIIe, sauf dans le Béarn où l'on trouve jusqu'à la veille de la Révolution des délibérations communales écrites en béarnais. En revanche, le gascon n'a été employé que fort tard comme idiome littéraire, car le couplet gascon d'un descort du troubadour Raimbaut de Vaqueiras est une fantaisie individuelle sans conséquence. En effet, les troubadours de la Gascogne (Cercamon, Marcabru, etc.) ont employé le provençal et non le gascon. Les seules oeuvres littéraires qui aient été écrites en gascon au Moyen âge sont :

1° en vers, une paraphrase des Psaumes de la Pénitence publiée par Chabaneau (Paris, 1886), et les Heures de la croix, poème de 272 vers, publié par  Paul Meyer, dans l'introduction de Daurel et Beton (Paris, 1880);

2°en prose, une traduction de la Disciplina clericalis de Pierre Alfonse et une compilation d'histoire sainte, traduite du catalan et connue sous le nom de Libre de Genesi ou de Récits d'histoire sainte en béarnais. Les poètes gascons sont au contraire très nombreux au XVIe et au XVIIe siècle Pey de Carros (Psaumes de David, virats en rythme gascon; Tholose, 1565; Poesias gasconas; Tolosa, 1567); Arnaud de Salette traduit lui aussi les mêmes Psaumes (Los Psalmes de David meluts en rima bernesa; Ortes, 1583); G. du Bartas salue en vers gascons la reine de Navarre, à son entrée à Nérac (Poème dressé par G. de Saluste, seigneur du Bartas, pour l'accueil de la Reyne de Navarre, faisant son entrée à Nérac, auquel trois nymphes débattent qui aura l'honneur de saluer Sa Majesté; oeuvres de du Bartas, édit. 1611, p. 406); Larade chante La Margalide gascoue (Tolose, 1604) et La Muse Piranese (Tolose, 1606) ; G. Ader, Lou Catounet gascoun (Tolose, 1607), et Lou gentilome gascoun et lous Heits de gouerre deu gran e poderous Henric gascoun (Tolose, 1690); Bedout nous offre son Parterre gascoun (Tolose, 1610), et G. d'Astros, Lou Trimfe de la Lengouo gascouo (Toulouso, 1642). 

La poésie gasconne est presque aussi florissante au XVIIIe siècle avec Girardeau, l'auteur des Macariennes, Fondeville et Navarrot, tous deux du Béarn et tous deux auteurs de pastorales; Bernard de Saint-Salvy, de Beaumont-de-Lomagne, qui écrit les Berses Beoumounteses. 

Les ouvrages littéraires en prose sont peu nombreux, aussi bien au XVIIe siècle qu'au XVIIIe siècle, et il serait facile d'en donner les raisons. Signalons au moins le plaisant Sermon du curé de Bideren (une des meilleures éditions est celle qu'on en a donnée à Pau, en 1879), sermon qui rappelle par certains traits celui du curé de Pierrebuffière, dont parle H. Estienne. 

Nous terminerons cette rapide esquisse de la littérature gasconne en citant les noms de deux poètes également populaires, l'un à Bordeaux, Meste Verdié; l'autre, dans la Bigorre et dans le Béarn, où ses chansons ne sont ignorées de personne, Despourrins. On ne sera pas surpris de ne trouver dans cette liste de poètes gascons ni le Toulousain Goudouli, ni l'Agenais Jasmin. (A.).

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