| L'alsacien est une langue germanique qui se présente comme un mélange de la langue franque et de l'alémanique ou souabe. Elle n'est pas uniforme dans les diverses parties de l'Alsace, et porte le témoignage des différentes tribus dont s'est formée la population alsacienne. Ainsi, on ne peut confondre les descendants des anciens Rauraques, qui habitent le pays compris entre la Suisse et Schelestadt, avec ceux des Triboques, qui occupent le milieu de la province; les habitants du Bas-Rhin, ceux qui demeurent par delà la forêt de Hagueneau, et qui avaient pour ancêtres les Némètes, parlent l'idiome du Palatinat, qui se rapproche de la langue allemande littéraire. La langue de l'Harmonie des Evangiles, par Otfried, moine de Wissembourg, offre une grande parenté avec l'allemand, tandis que les chants des Minnesangers alsaciens et les oeuvres des écrivains strasbourgeois appartiennent à la langue alémanique. L'alsacien s'est bien conservé : depuis le traité de Westphalie, malgré la présence constante des Français, la formé n'en a pas été altérée; les mots français qui, s'y sont introduits se reconnaissent difficilement, par suite de la facilité avec laquelle les lettres liquides ont permuté entre elles, et de la prédilection des habitants du Bas-Rhin pour les muettes douces. Ainsi, de mériter on a fait mellédire; de serviette, salvet; de perruque, barrik; de Jean-Baptiste, Chammebedise, etc. Longtemps nombreuse en Alsace, la population juive a de même fourni beaucoup de mots qui ont été identifiés avec la langue alsacienne; par exemple, magaïe = frapper; massémadé = commerce; gschlammasels = malheur, etc. L'alsacien se distingue de l'allemand par le changement des diphtongues en voyelles simples, et par celui des consonnes simples en composées. Le langage de Strasbourg et du milieu de l'Alsace est vigoureux; à l'aide de certaines intonations, il devient doux et agréable; il élimine une grande quantité de lettres qui le rendraient traînant et difficile. Tandis que l'habitant de la haute Alsace recherche les sons gutturaux, celui du Bas-Rhin les évite : il supprime les consonnes ch et g à la fin des mots; il en est de même des lettres n, b, k, et de plusieurs autres; les lettres fortes deviennent douces : ainsi nonnit est pour noch nicht, verda pour werktag, kéni pour könig, bue pour bube, aïm pour einem, âa pour ab; - a se change en o : do pour da, emol pour einmal; au en u: hus pour haus, erus pour heraus; - u en ue: gued pour gut; - ei et eu en i., hit pour heute, min pour mein; - g en j : prejle pour prügeln; - b au milieu des mots en w , awer pour aber. Au commencement des mots on aime à placer la lettre g devant la consonne s : gschpass pour spasz; gsicht pour siehet. La voyelle e a tantôt un son ouvert, tantôt un son aigu: gevänn pour gewesen, dért pour dart, kén pour hein, kerwé pour kirchweihe, mêssdi pour messetag. L'e muet se rapproche de l'a bref; il sert à remplacer la terminaison en de l'infinitif allemand, ainsi que l'article indéfini, absolument comme en anglais: gêwe pour geben, kome pour kommen, e man pour ein mann., e mueder pour eine mutter. L'e muet devient à peine sensible lorsqu'il remplace les pronoms personnels; il se rapproche de la diphthongue eu, prononcée rapidement : euss pour uns (anglais us), deurr pour dir, meurr pour man.. (E. B.). | |