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Les Lamantins
Manatus et genres voisins
Les Lamantins constituent un genre de Mammifères de l'ordre des Siréniens, comprenant des animaux aquatiques et pisciformes, dont le canal intestinal et le système dentaire sont adaptés à un régime exclusivement végétal. Par la forme du corps ces Mammifères forment la transition des Pinnipèdes, aux Cétacés près desquels on les classait autrefois sous le nom de Cétacés herbivores. Comme les véritables Cétacés, ils ont les membres antérieurs en forme de nageoires et les membres postérieurs atrophiés, enveloppés dans la nageoire caudale; il n'existe jamais de nageoire dorsale ni d'évent. Les dents ressemblent à celles des herbivores terrestres, notamment à celles des Tapirs et des Kangourous. Le genre type (Manatus), qui représente à lui seul la famille des Manatidae, présente les caractères suivants. La formule dentaire complète est représentée par la formule :

i.2/2, c.0/0, m. 11/11 X 2 = 52 dents.

Mais ces dents ne sont jamais présentes simultanément dans les mâchoires. Les incisives sont rudimentaires, cachées sous une plaque cornée qui protège la partie antérieure des gencives, et s'atrophient chez l'adulte. On trouve rarement plus de six paires de molaires fonctionnant à la fois dans chaque mâchoire, les dents antérieures tombant avant que les postérieures soient assez développées pour être utilisées; elles sont toutes semblables, à couronne carrée, présentant des collines tuberculeuses transverses qui s'usent par le frottement. A la mâchoire supérieure ces dents ont trois collines et trois racines; à l'inférieure, elles présentent une petite colline additionnelle (talon), mais n'ont que deux racines. 

Il n'existe que six vertèbres cervicales (au lieu de sept, comme c'est la règle chez les Mammifères). Le crâne présente une forme tout à fait spéciale, surtout dans sa partie faciale, les deux mâchoires étant largement séparées à leur extrémité antérieure dépourvue de dents. Il n'existe que des rudiments de griffes aux pattes antérieures; la queue est ovale ou en forme de pelle. La tête est ronde, le museau large, tronqué, est muni de lèvres très extensibles; les yeux sont très petits et la conque de l'oreille fait défaut. Le corps est en forme de sac, sans cou distinct. Les mamelles sont pectorales, et c'est à cette particularité que l'on attribue l'origine de la fable des Sirènes dont parlent les écrivains de l'Antiquité. L'estomac est compliqué et il existe un caecum bifide. La peau qui semble, au premier abord, nue et plissée, est en réalité couverte de poils très fins, visibles surtout chez le jeune, et les lèvres supérieure et inférieure portent de courtes moustaches.
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Lamantins.
Un groupe de Lamantins.

Les Lamantins habitent l'embouchure des grands fleuves de l'Atlantique situés entre les tropiques : ils sont plutôt d'eau douce que marins, remontant ces fleuves presque jusqu'à leur source, et s'éloignant peu des côtes. Malgré leur respiration pulmonaire, ils ne viennent jamais volontairement à terre, mais se tiennent sur les hauts-fonds où croissent les algues et les herbes aquatiques dont ils se nourrissent, et qu'ils paissent toujours sous l'eau. Ce sont des animaux à mouvements assez lents, qui se plaisent surtout dans les eaux tranquilles des baies et des lagunes où ils se reposent en se tenant le corps arqué, appuyés sur l'extrémité de leur queue, se mouvant à l'aide de leurs membres antérieurs, et soulevant le sommet de leur tête au-dessus de la surface, toutes les deux ou trois minutes, pour respirer. 

Les membres antérieurs sont beaucoup plus mobiles qu'on n'est tenté de le supposer au premier abord ; ils s'en servent comme de mains pour porter leur nourriture à leur bouche, et les femelles s'en servent également pour serrer leur petit contre leurs mamelles. La lèvre supérieure, très extensible dans ses parties latérales, sert à saisir les feuilles dont ils se nourrissent, sans l'aide de la lèvre inférieure qui reste à peu près inactive, et l'on a comparé ces mouvements de la bouche à ceux du ver à soie ou de la plupart des chenilles. On ne leur a jamais entendu émettre aucun son.

Principales espèces.
L'espèce -type du genre, le Lamantin d'Amérique (Manatus americanus), s'étend depuis la Floride jusqu'au Brésil, le long de la côte orientale de l'Amérique chaude jusqu'à 20° de latitude Sud, et dans la mer des Caraïbes. C'est un animal de 2 m à 2,50 m de long et d'un gris jaunâtre uniforme. Au Brésil, il remonte les fleuves presque jusqu'à leur source. Les M. latirostris et M. australis n'en diffèrent pas beaucoup. Le Manatus inunguis est une espèce plus distincte qui semble spéciale à l'Amazone et à l'Orénoque. Les Indiens recherchent la chair et la graisse de ces animaux et leur font une chasse assidue. La peau et l'huile sont considérées comme un remède populaire contre le rhumatisme.

Le Lamantin du Sénégal (Manatus senegalensis) diffère du précédent surtout par la forme de son crâne, à partie faciale plus courte et à orbites plus petits, la région frontale étant plate et non bombée. La taille est supérieure à celle des espèces américaines. Cette espèce orientale habite les estuaires et les fleuves de l'Afrique intertropicale, de 16° de latitude Nord à 10° de latitude Sud, remontant, paraît-il, dans l'intérieur jusqu'au lac Tchad (?), et même, d'après Schweinfurth, jusqu'à la rivière Keebaly, par 27° de longitude Est.
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Lamantin.

Genres voisins.

Les Dugongs.
Les Dugongs (Halicore), dont on fait une famille à part (Halicoridae), sont des Lamantins dont la mâchoire supérieure porte une paire d'incisives grandes et fortes, en forme de défenses, et partiellement recouvertes d'émail, atteignant près de 20 centimètres de long, mais dont la pointe seule dépasse la gencive, chez le mâle. Chez la femelle ces incisives restent toujours cachées et s'atrophient bientôt. Le jeune porte en outre une seconde paire d'incisives caduques. La mandibule inférieure est recouverte, en avant, d'une plaque cornée sous laquelle on trouve quatre paires de petites dents coniques, insérées dans de larges alvéoles, et qui s'atrophient chez l'adulte. Les molaires, au nombre de cinq ou six paires à chaque mâchoire, ne servent que successivement, les antérieures étant usées avant que les postérieures soient poussées: elles sont uniradiculées et de forme cylindrique, sauf la dernière qui est comprimée et bilobée, à pulpe persistante, et dépourvues d'émail, les tubercules de leur couronne s'usant rapidement par le frottement. Le crâne est remarquable par le grand développement des intermaxillaires qui sont presque à angle droit avec les maxillaires et la ligne du front. Le museau est large, tronqué, avec une bouche située en dessous et des lèvres munies de soies courtes et fortes. La queue est échancrée entre deux lobes triangulaires. Il n'existe pas d'ongles aux pattes antérieures. Le caecum est simple. Ces animaux, qui représentent les Lamantins dans l'Océan Indien, ont des habitudes plus franchement marines et se nourrissent des algues qui poussent sur les récifs. On les trouve depuis la mer Rouge et la côte orientale d'Afrique jusqu'au Sri Lanka, les îles de la baie du Bengale, l'archipel Indonésien, les Philippines et la côte Nord de l'Australie (îles du détroit de Torres), de Moreton Bay à l'Ouest à Barrow Reefs à l'Est. On en a distingué trois espèces. H. tabernaculi de la mer Rouge (à laquelle on peut rapporter les Sirènes des anciens), H. dugong de la mer du Bengale et H. australis d'Australie. La taille de ces animaux pourrait atteindre 6 m de long chez l'adulte, mais on en voit rarement ayant plus de 3 m. La variété des côtes d'Australie a été l'objet d'une pêche régulière en raison de son huile qui est remarquablement claire et limpide, et que l'on prétend jouir des mêmes propriétés médicinales que l'huile de foie de morue.
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Dugong
Dugong.

Les Rhytines.
Les Rhytines qui constituent une troisième famille (Rhytinidae) sont éteints depuis plus de deux siècles. La seule espèce connue, le Rhytine de Steller (Rhytina Stelleri), vivait dans le Nord du Pacifique, particulièrement dans la mer de Béring, et atteignait une taille supérieure à celle des autres Siréniens (7 à 8 m). Les formes étaient plus élancées, la tête surtout relativement plus petite que dans les deux autres genres ; la queue était où forme de croissant et les nageoires petites et tronquées. Les dents, complètement atrophiées, étaient remplacées par des plaques cornées. La peau nue était recouverte d'un épiderme rude et rugueux comme une écorce. L'estomac était dépourvu d'appendices pyloriques et le caecum simple. A l'époque du voyage de Béring et de Steller (1741), ces grands Siréniens étaient très abondants sur les côtes des îles de Béring où ils se nourrissaient des frondes des laminaires; mais ils furent bientôt exterminés par les chasseurs russes qui recherchaient leur chair et leur graisse. Moins de trente ans après (1768), l'espèce était devenue rare. On ne la connaît plus que par ses ossements qui se trouvent encore assez communément sur les côtes de ces îles et par la description et les figures qu'en a donnée Steller d'après l'animal vivant.

Paléontologie

A l'époque tertiaire (Cénozoïque), il existait des Siréniens dans les mers de ce qui est actuellement l'Europe. On trouve des ossements de ces animaux dans le Miocène et le Pliocène de la France, de la Belgique, etc. Le genre Halitherium (type de la famille des Halitheridaa) était, par sa dentition, intermédiaire aux Lamantins et aux Dugongs, tout en présentant des caractères particuliers ainsi les membres postérieurs étaient moins atrophiés que chez les Siréniens actuels, et les os nasaux étaient plus développés. On a trouvé de ces animaux jusque dans le red crag d'Angleterre (Néogène). Les genres Prohalicore (Pliocène de France), Desmostylus et Dioplotherium (du Tertiaire de l'Amérique du Nord), Crassitherium, Rytiodus (d'Europe), etc., ont été rapportés au même groupe. Les genres Prorastomus (du Tertiaire de la Jamaïque), Eotherium (du Paléogène d'Egypte) peuvent également être mentionnés. (E. Trouessart).

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