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Un jeu entier est composé
de 52 cartes; un jeu de piquet en compte 32 (on n'y trouve pas les 2, 3,
4, 5 et 6). Paris et Nancy sont les villes de France où l'on a fabriqué
le plus de cartes à jouer.
On attribue l'invention des cartes à
jouer aux Chinois et à d'autres Orientaux. Quelques-uns la font
remonter aux Lydiens, qui se seraient distraits d'une disette par ce jeu.
Court de Gébelin en fait honneur aux Tsiganes. Il n'y a aucune mention
des cartes dans les livres de l'Antiquité, ni aucune figure, soit
sur les vases peints, soit sur les mosaïques. Le jeu de cartes se
nommait, au XIIIe siècle, le jeu
du roi et de la reine; le synode de Worcester, en 1240, l'interdit aux
clercs, et, au siècle suivant, la prohibition s'étendit à
divers États. Les cartes, appelées alors tarots, avaient
de l'analogie avec les échecs; il y avait un fou, une tour, des
chevaliers, etc. Elles figurèrent ensuite la danse macabre, peintes
et dorées, elles représentaient le pape, l'empereur, l'ermite,
le fou, le pendu , l'écuyer, la lune, le soleil, la Parque, la Justice,
la Fortune, la Tempérance, la Force, la Mort, la maison de Dieu,
etc. Celles dont s'amusait Charles VI dans sa folie ressemblaient aux naibi
des Italiens, images peintes à la main, destinées à
l'amusement et à l'instruction des enfants, et où étaient
figurées les vertus, les Muses, les sciences, les planètes,
etc.; on en comptait 50, divisées en 5 séries ou couleurs.
On en conservé 17 au Cabinet des estampes de Paris, et elles sont
attribuées à l'imagier Jacquemin Gringonneur.
Les cartes à jouer conduisirent
à l'invention de l'imprimerie et de la gravure sur bois. Elles se
faisaient primitivement avec des formes qui représentaient les figures
convenues, et s'imprimaient en noir sur du papier. Ceux qui faisaient ce
métier s'appelaient tailleurs de formes; après eux les peintres
de cartes étaient chargés d'enluminer les empreintes noires.
Les plus anciennes fabriques de cartes que l'on connaisse étaient
établies dans les pays vénitiens. Le luxe trouva à
se dé ployer dans ces objets d'amusement : en 1430, Philippe-Marie
Visconti paya 1500 pièces d'or un jeu de cartes peint par Marzian
de Tortone. Breitkopf dit avoir eu entre les mains un jeu de piquet de
feuilles d'argent, dont les figures étaient gravées et dorées.
Garcilaso de la Vega dit que les Espagnols de l'expédition de Floride
en 1534 jouaient avec des cartes de cuir.
Les figures des anciennes cartes n'avaient
pas les mêmes noms qu'aujourd'hui : le roi de carreau s'appelait
Coursube, du nom que les romanciers donnaient à un roi sarrasin;
celui de pique était Apollin, divinité attribuée aux
peuples du Levant; le valet de trèfle était Roland, neveu
de Charlemagne, etc. C'est au règne de Charles VII que se rapporte
l'invention des cartes modernes. Il y eut 4 couleurs : le trèfle,
figu-
rant la garde d'une épée;
le carreau, le fer carré d'une flèche; le pique, la lance
d'une pertuisane; et le coeur, la pointe d'un trait d'arbalète.
Les 4 rois, David, Alexandre, César et Charles, représentèrent
les quatre monarchies juive, grecque, romaine et française; 4 dames,
Judith, Pallas, Rachel, Argine, remplacèrent les 4 Vertus des anciens
tarots; les valets, Hector, Ogier, Lancelot et Lahire, furent l'image des
4 âges de noblesse ou de chevalerie; une compagnie de soldats, numérotés
de 2 à 10, fut, rangée sous chaque couleur; l'as; symbole
de l'argent pour la paye des troupes, servit d'enseigne et marcha le premier.
Quelques-uns ont voulu voir Charles VII
dans David, la reine Marie d'Anjou dans
Argine, Jeanne d'Arc dans Pallas, Agnès Sorel dans Rachel, la reine
Isabeau dans Judith, le coeur serait la bravoure, le
pique et le carreau les armes, le trèfle
les vivres, et l'as l'argent, nerf de la guerre. On a même prétendu
que le coeur représentait le clergé qui siège au choeur,
le pique la noblesse, qui commande les armées, le carreau la bourgeoisie,
à cause du pavé des villes, et le trèfle les habitants
des campagnes.
Hors de France on a adopté ces cartes,
parfois avec de légères modifications. Au lieu de pique,
trèfle, carreau et cour, les Allemands ont gland (agriculture),
grelot (folie), coeur (amour), et trèfle (science); les Italiens
et les Espagnols ont calice (prêtre), épée (noble),
denier (marchand), et bâton (cultivateur). Au XVIe
siècle, les Allemands avaient remplacé le carreau par le
lapin, le coeur par le perroquet ou papegai, le pique, par l'oeillet.
Sous Charles IX, les rois s'appelèrent
Auguste, Constantin, Salomon et Clovis; les dames, Clotilde, Elisabeth,
Penthésilée et Didon; on eut des valets de chasse, de noblesse,
de cour et de pied. Au temps de Louis XIV, on choisit pour rois César,
Ninus, Alexandre et Cyrus: pour dames, Pompéia, Sémiramis,
Roxane et Hélène; Roger, Renaud et Roland tinrent lieu de
trois valets, et le quatrième porta le nom du cartier.
Après la Révolution de 1789,
on fit des cartes nouvelles : les valets furent remplacés par quatre
personnages représentant l'égalité de rang, l'égalité
de couleur, l'égalité de droits, et l'égalité
de devoirs; les dames cédèrent la place à la liberté
des cultes, des professions, du mariage, et de la presse; les rois furent
détrônés par les génies de la guerre, du commerce,
de la paix, et des arts, ou par quatre philosophes, Voltaire, Rousseau,
La Fontaine et Molière. Ces dessins avaient été fournis
par le peintre David.
Pendant le gouvernement de la Restauration,
on imagina un jeu dont les couleurs furent Rose, Coeur, Lis, Pensée
: les rois, François ler, Henri IV, Louis XII et Louis XVI; les
reines, Marguerite de Valois, Jeanne d'Albret, la France, et Marie-Antoinette;
les chevaliers, Bayard, Sully, Richelieu, le duc de Berry; les as, Amour,
Vivent les Bourbons, Fidélité, et Union.
Les cartes à deux têtes, introduites
en France vers 1826, ont été inventées en Angleterre.
La collection de cartes à jouer la plus complète qui existe
fut formée par Leber, et appartient à la bibliothèque
de Rouen. (B.). |
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