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Image, en
latin-imago
(dérivé d'imitari = imiter), imitation d'un objet
naturel qui vient à frapper nos yeux; quand, par exemple, cet objet
se réfléchit sur une surface polie, sur un miroir, ou à
la surface de l'eau. Par extension, le mot image est devenu synonyme de
portrait ou figure.
Chez les anciens Grecs, le mot éikon (= image) servait à désigner les productions des beaux-arts, nous n'appliquons plus la qualification d'images qu'à des oeuvres grossières (télévision, publicité, illustrations d'ouvrages, etc.) (L'imagerie). Image se dit encore de l'effigie en relief qui se voit sur les monnaies et les médailles. (C. P). Les images dans
l'histoire du christianisme..
« Tu ne te feras point d'image taillée, ni aucune ressemblance des choses qui sont là-haut dans les cieux, ni ici-bas sur la terre, ni dans les eaux sous la terre; tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point. » (Exode, XX, 4-5).Dès l'époque des Maccabées, les Juifs interprétèrent et observèrent ce commandement comme interdisant, non seulement le culte, mais la fabrication d'aucune ressemblance d'êtres vivants. Ceux qui devinrent chrétiens persistèrent dans ce sentiment; et les païens convertis devaient eux-mêmes se trouver disposés à l'exagérer, plutôt qu'à l'atténuer, parce qu'une des principales causes de leur conversion était précisément leur dégoût pour l'idolâtrie. D'ailleurs, le culte des premières communautés chrétiennes, provenant immédiatement de celui de la synagogue, était naturellement dépourvu d'images. Les apologistes des quatre premiers siècles raillaient les hommages rendus par les païens aux représentations de leurs dieux; et lorsque les païens, comme font aujourd'hui les catholiques, prétextaient une distinction entre l'image elle-même et ce qu'elle représente, les apologistes, ainsi que font encore les protestants, montraient que cette distinction était démentie par la pratique. Comme les Juifs, Tertullien et Clément d'Alexandrie réprouvaient non seulement la vénération mais encore la production de toute image. Origène écrivait que l'image détourne de Dieu les yeux de l'homme, pour les ramener sur la terre (C. cels., IV, 31) et que la véritable statue de Dieu n'est pas faite par la main des hommes, mais qu'elle est l'oeuvre de la parole divine, et qu'elle résulte des vertus qui imitent le premier-né de toutes les créatures (VIII, 17). Minutius Félix, Arnobe et Lactance blâment toute représentation de la divinité. Minutius Félix atteste même que les chrétiens de son temps s'abstenaient de représenter la croix. Lactance écrit que toute image de Dieu, dont l'esprit et la puissance sont partout répandus, est nécessairement superstitieuse (Instit. div., II, 2). Répondant à Constantia Augusta, fille de Constantin, qui désirait une image du Christ, Eusèbe de Césarée lui demande si elle a jamais vu pareille image dans sa propre église ou dans aucune autre, et il lui rappelle la prohibition formelle du Décalogue. Epiphane, évêque de Constantin, le célèbre adversaire des hérésies, recommandait de n'introduire aucune image dans les églises ou dans les cimetières. Le canon XXXVI du concile d'Elvire prohibe toute image dans les églises, parce qu'on ne doit pas représenter sur les murs ce qui doit être adoré. Placuit, picturas in ecclesiis esse non debere, ne quod colitur aut adoratur, in parietibus depingatur. Saint Augustin enseigne que ceux qui honorent les images et prient en les regardant sont naturellement amenés à s'imaginer qu'ils sont entendus par elles et qu'ils obtiendront d'elles ce qu'ils désirent; il attribue à la nécessité d'éviter ce danger les défenses contenues dans l'Ecriture sainte (Enar, in ps. CXIII; Serim., II, 5). Les premières images admises par les chrétiens furent les unes empruntées aux paraboles de l'Evangile, comme celle du bon berger portant sur ses épaules la brebis retrouvée; les autres purement symboliques, telles que l'agneau représentant Jésus, les apôtres figurés par douze colombes entourant une croix. Constantin fit mettre dans une salle de son palais une croix composée de diverses pierres précieuses (Eusèbe, De vita Constantini, III, 49); on la grava sur les armes de ses soldats. L'empereur Julien reprochait aux chrétiens de placer la croix à l'entrée de leurs maisons. Saint Chrysostome dit que de son temps, elle se trouvait sur la table sacrée, lors de l'ordination des prêtres et pour le souper mystique, mais aussi sur les places publiques et dans les déserts, sur les routes et sur les montagnes, sur les vaisseaux et dans les îles, sur les armes et sur les vêtements. Vinrent ensuite des images purement historiques, par exemple, le sacrifice d'Isaac, symbolisant la mort de Jésus, qu'on n'osait pas encore représenter directement; d'autres sujets tirés de l'Ancien Testament, puis du Nouveau Testament, pour l'instruction des ignorants, disait-on, et pour l'édification de tous. Vers le même temps, la commémoration des martyrs et des confesseurs, qui tendait à devenir un culte, incitait à représenter leur mort et à dessiner leurs portraits. On y joignit ceux des patriarches, des apôtres, de Marie et de Jésus lui-même. Il ne s'agissait pas encore du culte formel des images elles-mêmes, de consécrations, d'encens, de prosternations et de baisers; mais seulement, disait-on, de ce que les images représentaient, de souvenir, d'instruction et d'édification. Néanmoins, des docteurs vénérés signalaient déjà les dangers recouverts et amenés par ces prétextes. Saint Chrysostome disait : « Nous jouissons des saints au moyen de leurs écrits, qui contiennent les images de leur âme, non de leur corps : car les choses qu'ils ont écrites sont les véritables images de leur âme. »Ces avertissements devaient rester sans effet. Après la suppression officielle du paganisme, lorsqu'il fut devenu inutile de recruter des chrétiens à l'aide de l'excitation au mépris des idoles, et lorsque le peuple païen fut entré en masse dans l'Eglise, le besoin d'idolâtrie, qui semble inextinguible chez la plupart des humains, chercha et prit satisfaction dans les images chrétiennes. Non seulement elles se multiplièrent, mais elles se firent miraculeuses : les unes par leur origine, comme le portrait de Marie peint par saint Luc, celui de Jésus imprimé sur le linge de sainte Véronique, ou celui que Jésus lui-même envoya au roi Abgare; les autres par des guérisons, des délivrances et des prodiges de tout genre. Dès lors, les images devinrent l'objet d'un véritable culte, qui permit aux juifs et aux musulmans d'appliquer aux chrétiens les railleries que ceux-ci avaient autrefois adressées aux païens. Au mot Iconoclastes, on trouvera l'indication des moyens employés pour réprimer ces pratiques. Nous croyons devoir mentionner ici les documents théologiques les plus importants de cette histoire. En 754, un concile général assemblé à Constantinople, auquel assistèrent 358 évêques, mais auquel les grands patriarches s'abstinrent de paraître, adopta des décisions qui peuvent être ainsi résumées : le Diable a inventé le culte des créatures pour détourner les hommes du culte du vrai Dieu; afin d'abolir l'idolâtrie, Dieu envoya sur la terre son Fils, fait chair. Alors le Diable chercha, au moyen des images, à combiner le christianisme avec l'idolâtrie. Toutes les images sont illicites et subversives de la foi : deux natures étant unies dans le Christ, aucune peinture, aucune statue ne peut le représenter tel qu'il est; sa seule image véritable est celle qu'il a instituée dans l'Eucharistie. Celui qui vénère une image du Christ est ou bien un nestorien, s'il ne révère que sa nature humaine séparée de sa nature divine, ou bien un monophysite, s'il confond l'une et l'autre. Les prières pour consacrer les images, les représentations des saints, ne doivent pas être tolérées, plus que celles du Christ, car toutes sont pareillement réprouvées par l'Ecriture sainte. Après avoir littéralement cité les écrits des Pères qui ont enseigné la doctrine qu'il veut faire prévaloir, le concile, à l'unanimité, statue que toute image, toute ressemblance, de quelque matière qu'elle soit faite, doit être exclue des églises chrétiennes, et il édicte des peines sévères contre quiconque rendra un culte aux images, soit dans les églises, soit dans les maisons, ou bien recèlera une image. Ces décisions furent abrogées (787) par le IIe concile général de Nicée. 375 évêques y assistaient, le pape et les patriarches d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem y étaient représentés par des légats. Dans la deuxième session, on lut une lettre adressée à l'impératrice Irène et à son fils Constantin VI, dans laquelle le pape Adrien soutenait, comme l'avait fait son prédécesseur Grégoire II, qu'un certain culte est dû aux images, non d'adoration, mais de vénération. Finalement le concile attribua à l'influence des musulmans les mesures prises contre les images; il déclara que les hommages rendus aux représentations des saints personnages et des choses saintes consacrent le souvenir perpétuel de leurs prototypes, et qu'ils invitent le peuple à participer à leur sainteté. En conséquence, il décida que les images de Jésus, de sa mère et des saints, en peinture, mosaïque ou de toute autre matière, peuvent, comme la croix elle-même, être placées sur les murs des églises, sur les vases et les vêtements servant à l'office divin, dans les maisons et sur les bords des routes; qu'il est convenable de faire brûler devant elles de l'encens, des lampes ou des cierges, de les saluer ou de les baiser, c.-à-d. de leur accorder un culte honorifique,mais non la véritable adoration,; et il décréta la peine de déposition contre les évêques et les clercs, d'excommunication contre les laïques qui soutiendraient le contraire. Cette doctrine et ces mesures ne prévalurent qu'après des alternatives fort agitées de soumission et de résistance. Enfin, après la mort de l'empereur Théophile, qui avait sévèrement réprimé l'iconolâtrie, l'impératrice Théodora, d'accord avec le patriarche Methodius, et violant le serment qu'elle avait fait à son mari mourant, fit rétablir, avec des cérémonies pompeuses, les images dans les églises (12 février 842). Cette restauration fut sanctionnée par un concile tenu à Constantinople; elle est commémorée comme le triomphe de l'orthodoxie, dans une fête que l'Eglise grecque célèbre le premier dimanche de carême, appelé depuis lors le dimanche de l'orthodoxie. Il convient de constater ici que les femmes se montrèrent constamment les zélatrices passionnées du culte des images, et que, sur ce point, comme sur plusieurs autres, l'évolution du catholicisme fut déterminée par leurs inclinations. En 767, Pépin assembla à Gentilly un concile sur lequel il ne reste aucun document authentique. On dit que des légats du pape y assistèrent, et qu'on y décida, conformément à la doctrine de saint Grégoire le Grand, que les images des saints, composées en mosaïque (fictas) ou peintes pour l'ornement des églises peuvent être tolérées; mais qu'en faire des objets de culte, de vénération ou d'adoration, serait une idolâtrie. L'Eglise franque était accoutumée depuis longtemps à la vue des images, mais elle n'était point encore préparée à accepter la doctrine qui en institue le culte. Le pape Adrien ayant communiqué à Charlemagne les décrets du concile de Nicée, ce roi fit rédiger (790) un long manifeste qui les réprouvait en termes fort vifs. Il y est écrit : « Nous n'excluons pas des basiliques les effigies destinées à les orner ou à commémorer les événements, mais nous repoussons la très étrange ou plutôt très superstitieuse adoration qui leur est adressée; car nous ne trouvons nulle part qu'elle ait été instituée par les apôtres et les hommes apostoliques. »Un grand concile, tenu à Francfort (794), réprouva, à l'unanimité, les décrets de Nicée, et anathématisa quiconque rendrait aux images adorationem and servitium, adoration ou service. Tant que Charlemagne vécut, l'opposition à tout culte des images se maintint dans l'empire franc et dans l'île de Bretagne, sans que la cour de Rome osât protester, autrement que par des remontrances assez molles. En 825, à l'occasion d'un message de l'empereur Michel le Bègue, un concile fut convoqué à Paris, par Louis le Pieux. On y lut la lettre adressée autrefois par le pape Adrien à l'impératrice Irène; le concile déclara que c'était avec raison que le pape avait condamné ceux qui brisent les images, mais qu'il avait agi inconsidérément, en recommandant de leur rendre un culte superstitieux. Claude de Turin, nommé évêque de Turin en 820, par Louis le Pieux, trouvant dans les basiliques de son diocèse des images superstitieusement révérées, les fit enlever toutes; il ordonna même de supprimer les figures peintes de la croix; et il justifiait cette mesure en ternes qui semblent peu respectueux : « Si on rend un culte à la croix, parce que le Christ y a été placé, pourquoi pas à une barque, parce qu'il y a prêché; à une mangeoire, à une crèche, parce qu'il y a été déposé [...], à un gneau, parce qu'il est l'agneau de Dieu? Ces dogmaticiens pervers mangent les agneaux qui ont eu vie, et ils adorent ceux qui sont peints sur les murs! »Dans son Liber de picturis et imaginibus, écrit vers 840, Agobard, archevêque de Lyon, enseigne qu'aucun des anciens catholiques n'a cru que les images dussent être révérées ou adorées [...], que la pratique qui s'établit plus tard ressemble à l'idolâtrie ou à l'anthropomorphisme. Il approuve le concile d'Elvire d'avoir interdit les images, afin de prévenir la superstition. Dans un traité sur la Manière de vénérer les images de Jésus-Christ et des Saints, composé à la demande de son clergé, Hincmar, archevêque de Reims, stigmatisait la pratique des Grecs et des Romains, du nom de culte des poupées, puparum cultus; et il récusait formellement le IIe concile de Nicée. Malgré ces résistances, les mêmes causes devaient produire en Occident et y produisirent les mêmes effets qu'en Orient. Le culte des images, sollicité par l'inclination naturelle de toutes les femmes et de la plupart des hommes de ces temps-là, hautement approuvé par les papes, avantageux d'ailleurs aux clercs et aux moines, finit par être non seulement pratiqué, mais officiellement enseigné et institué dans toutes les parties de l'Eglise catholique. Dans l'Eglise latine, on admit même les statues qui restèrent prohibées dans l'Eglise grecque, puis les médailles et les scapulaires portés sur ou sous les vêtements. Le concile de Nicée fut mis au rang des conciles oecuméniques, et ses décisions devinrent des articles auxquels chacun dut croire et obéir. Elles furent renouvelées par le concile de Trente (Ses. XXV, De Invocatione, veneratione et reliquiis sanctorum, et de sacris imaginibus), dans des formules habilement combinées pour mettre, autant que faire se pouvait, la doctrine à l'abri des attaques des réformateurs protestants, et pour éluder la responsabilité des pratiques dont la réprobation leur attirait alors tant de disciples. La Confession d'Augsbourg n'abolit point expressément le culte des saints, mais elle le réduisit à leur mémoire, afin de fortifier la foi par la considération des grâces qu'ils ont reçues et des délivrances accordées à leur foi et afin d'exciter à l'imitation de leurs bonnes oeuvres. En enseignant que le Christ est le seul médiateur entre Dieu et les hommes, elle supprimait implicitement toute invocation et toute demande de secours adressées aux saints (art. XXI). Cela suffisait pour supprimer toutes les dévotions adressées à leurs images, ces dévotions ne pouvant plus espérer aucun profit. Les luthériens purent ainsi s'abstenir de toute mesure destructive ou prohibitive des images, et les tolérer sans péril de superstition. Cette indulgence ne convenait pas au tempérament de Calvin; sa réforme fut radicalement iconoclaste, quant à la doctrine et quant à la pratique. Dans le Bouclier de la foy ou Défense de la confession de foy des Eglises réformées du royaume de France (Charenton, 1618, in-8), P. Du Moulin a exposé avec verve les vues du calvinisme sur le culte des images. Voici quelques-unes de ses remarques : « Toute image et représentation doit avoir quelque ressemblance avec ce qu'elle représente. Or quelle peut être la ressemblance d'un esprit infini avec une pièce de bois? d'une substance invisible avec une peinture visible et matérielle? d'un esprit immatériel avec une statue matérielle? [...] Les temples de l'Eglise romaine sont pleins d'images et statues diversement équipées, l'une avec une épée, l'autre avec des clefs, l'autre avec un pourceau, comme saint Antoine; l'autre avec un chien, comme saint Roch. Et ces animaux ont aussi part à l'encens, et sont, autant que l'image du saint, éclairés de chandelles. Se voient force images de saintes malhonnêtement vêtues; d'un même saint se voient plusieurs images : l'une vêtue de soie et ornée de clinquant et qui change souvent d'habit : l'autre poudreuse et à qui on n'allume guère de chandelles. Près d'une image vêtue de damas blanc on verra un pauvre tout nu, lequel est l'image de Dieu. On les appelle livres des ignorants, mais qui ne remédient point à l'ignorance. Et de fait, on voit, par les histoires, qu'à mesure que l'ignorance est accrue, les images aussi se sont multipliées [...]. Nos adversaires disent que l'honneur qu'on fait aux images tourne à l'honneur de la chose représentée; c'est le langage de tous les idolâtres. Que si vous considérez quels honneurs on rend aux images des saints, vous trouverez que l'honneur se fait proprement à l'image et que le saint n'en est pas plus honoré ; car quand on habille une statue, le saint n'en est pas mieux orné; si on fait des offrandes à l'image, le saint n'y a nulle part; si on éclaire l'image de chandelles, le saint n'en est pas plus éclairé [...). L'inclination naturelle des hommes a enfanté cet abus; car naturellement l'homme aime les images. Les petits enfants même aiment les poupées, surtout si elles sont bien vêtues. Cette humeur enfantine est passée en la religion; et, de fait, comme les poupées sont les idoles des enfants, aussi les images et statues sont les poupées des hommes, lesquelles sont plus honorées quand elles ont un bel habit [...]. L'abus est évident en ce que nos adversaires, pour se développer eux-mêmes, entortillent des paroles non intelligibles, nous baillent une adoration de latrie, une de dulie, une de hyperdulie, et chacune de celles-là, ou absolue ou relative; tellement que ce sont six sortes d'adoration religieuse que le peuple n'entend ni ne pratique, lequel se prosternant devant une image, y porte toute sa dévotion, et ne coupe point son intention en tant de pièces. » (E.-H. Vollet).
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