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La
Crau (du celtique craigh = amas de pierres; en latin Lapidei
Campi), est une vaste plaine située
dans le département des Bouches-du-Rhône.
Elle a la forme d'un triangle dont la base est représentée
par les terrains marécageux et les étangs qui terminent la
Camargue sur la rive gauche du Rhône,
d'Arles à Fos. Cette base suit sur 40
km de longueur le canal d'Arles à Fos et Bouc. Le sommet de la Crau
est situé vers Salon-de-Provence,
à 25 km de l'étang de Landres. Cette plaine n'est pas horizontale.
Son altitude est de 40 m à Salon; sa base vers l'étang de
Landres est à un m. La pente générale est donc de
39 m sur 25 km, soit 0,00156 m par mètre. La Crau est couverte de
galets, de dimensions parfois très considérables, dont les
interstices sont comblés par des terres rougeâtres.
Ces myriades de pierres enfermées
dans une gangue de boue durcie, avaient étonné les anciens
colons grecs : ils racontaient
que ces fragments de roches avaient été lancés du
ciel afin qu'Héraclès pût
en écraser les Ligures. Les Romains
de la même façon attribuaient l'origine
de la Crau à une grêle de pierres que Jupiter
lança un jour sur un antagoniste d'Hercule
que ce héros ne pouvait vaincre.
La superficie de la Crau est de 35,000
hectares environ. Ses limites sont : Le canal des Vidanges, près
d'Arles, puis les communes d'Eyguières, de Salon, d'Istres et de
Fos. Elle était jadis complètement inculte et servait uniquement
à la nourriture des bêtes à laine pendant l'hiver;
mais de sensibles progrès ont été réalisés
et la Crau a été en partie fertilisée (environ 15,000
hectares). Les rideaux de cyprès, les cultures variées, les
maisons qui bordent les canaux d'irrigation introduisent déjà
quelque variété dans cette solitude, si morne jadis. Il reste
cependant encore plus de 20,000 hectares complètement
incultes comme autrefois.
On divise la plaine de la Crau en Crau
de Vergère, Crau de la Lieutenante, Les Coustières, Saint-Martin-de-Crau,
Côte-Haute et Crau-sur-Durance. Un certain nombre de canaux arrosent
une partie de sa surface : ce sont les canaux de Craponne (V. ci-dessous),
des Alpilles, d'lstres et de Langlade. Dans les environs de Salon, sont
de petites collines variant de 50 à 100 m. Le chemin de fer de Lyon
à Marseille traverse le Crau dans
toute sa longueur. (GE).
Le
canal de Craponne.
L'idée de
profiter des eaux de la Durance pour arroser la région comprise
entre elle, le Rhône et la mer remonte au XIIe
siècle. En 1167, Alphonse d'Aragon concéda à Raymond
de Bolène, archevêque d'Arles, un privilège pour conduire
jusqu'à Salon-de-Provence l'eau de la Durance. Mais ce projet ne
fut jamais mis à exécution. Il fut repris au XVIe
siècle par Adam de Crapponne. Une autorisation
lui fut accordée le 27 août 1554 pour prendre des eaux à
la Durance au terroir de Jansen, et le canal fut terminé de la Durance
à Salon en 1559.
Il fut complété
en 1564 par une branche arrosant le faubourg de Salon, le territoire de
Grans, et se jetant dans la Touloubre près de Berre; en 1567, par
une branche arrosant les territoires de Pélissanne, de Lançon,
de Confoux, et aboutissant à la Touloubre, en amont de la précédente;
et par une branche arrosant Lamanon, Eyguières et le nord de la
Crau qui fut continuée en 1569 jusqu'à l'étang de
Berre près de Saint-Chamas; en 1568, une branche fut projetée
pour l'alimentation de Martigues, mais ne fut pas exécutée.
Le 20 octobre 1571,
après de longs procès qui ruinèrent Adam de Crapponne,
fut fondé sous le nom d'OEuvre de Crapponne un syndicat pour l'entretien
du canal auquel l'auteur céda, sauf quelques réserves, tous
ses droits. De 1581 à 1585, les frères Ravel ou Ravau, de
Salon-de-Provence, continuèrent le canal de Craponne à travers
la Crau, de Lama-non à Arles. La construction de l'aqueduc de Crau,
destiné à faire traverser au canal les marais d'Arles, et
pour lequel on utilisa un ancien aqueduc
romain, dura trois ans (1582-1585).
Dès le 1er
septembre 1581 avait été constituée l'OEuvre
d'Arles. En 1583, il y eut une sorte de fusion entre les deux oeuvres,
et, en 1584, une ordonnance de Henri III assura sa protection à
l'OEuvre. L'histoire du canal n'est au XVIIe
et au XVIIIe siècle qu'une longue
série de procès avec les propriétaires. Les actes
du 20 octobre 1574 et du 1er septembre
1581 furent jusqu'à l'Empire la charte constitutionnelle de la compagnie
du canal de Craponne. Elles sont restées le fond de ses règlements,
même après les arrêtés de 1804 et 1807.
Le canal a sa prise
dans la Durance à 150 m au-dessus du niveau de la mer au roc de
Pic (ou Pie) Béraud, entre Saint-Etienne-le-Janson et la Roque d'Anthéron.
La branche de Pic-Béraud-Lamanon-Arles est devenue la plus importante.
Le canal reçoit 24 mètres cubes d'eau à la seconde,
8 sont réservés à l'oeuvre d'Arles, 8 à la
branche de Salon, 8 partagés entre les autres. 14 seulement sont
utilisés, les 10 autres portés à la mer par la Rhône
ou l'étang de Berre.
Le canal de Craponne
qui, dans la pensée de son fondateur, était destiné
à fournir la force motrice des moulins de Salon-de-Provence, plus
encore qu'à la culture, a été par la suite utilisé
comme canal d'irrigation des parties jadis incultes de la Crau, et comme
canal de dessèchement des marécages autrefois situés
au Nord de l'étang de Berre, et à l'Est du Rhône. Le
canal de Craponne a aussi montré son utilité pour le colmatage
de la Crau. (G. Pélissier). |
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