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Cachemire,
la Caspirie des
Anciens![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Le relief du Cachemire est dominé par les hautes montagnes. Les sommets dépassent les 7000 mètres, notamment le Nanga Parbat (8126 m), un géant de l'Himalaya occidental. Le paysage alterne entre vallées profondes, glaciers étendus, plateaux d'altitude et forêts denses. La vallée du Cachemire proprement dite, encastrée entre les chaînes du Pir Panjal au sud et de l'Himalaya propre au nord, est une plaine fertile formée par le fleuve Jhelum. Elle culmine à environ 1600 mètres d'altitude, entourée de sommets enneigés et parsemée de lacs, dont le Dal et le Wular. Cette vallée, coeur historique et culturel du Cachemire, bénéficie d'un climat tempéré, avec des hivers neigeux et des étés doux. Au sud, la région
du Jammu présente une géographie plus variée, allant des collines du
Siwalik aux plaines fertiles proches du Pendjab. Elle est plus densément
peuplée, avec une majorité hindoue, contrairement à la vallée du Cachemire
majoritairement musulmane. À l'est, le Ladakh constitue un désert
d'altitude situé au-dessus de 3000 mètres. C'est une région aride,
coupée de la mousson, peu peuplée, avec une
culture tibétaine dominante et une forte présence bouddhiste. Des chaînes
comme le Zanskar et le Karakoram Le Cachemire est traversé par plusieurs cours d'eau majeurs. Le Jhelum prend sa source au sud-est de Srinagar et serpente vers le Pakistan, irriguant la vallée. Le Chenab, l'Indus et le Ravi naissent dans ce territoire ou le traversent, formant un réseau hydrologique vital pour les plaines du Pakistan. Les ressources en eau de cette région sont un enjeu stratégique majeur, régulé en partie par le traité des eaux de l'Indus signé en 1960. Le climat varie fortement selon les zones. La vallée du Cachemire connaît quatre saisons bien marquées, avec une végétation luxuriante au printemps et de fortes neiges en hiver. Le Ladakh, au contraire, présente un climat sec et rigoureux, où les températures peuvent descendre en dessous de -30°C l'hiver. Les précipitations y sont rares, mais les rivières issues de la fonte glaciaire permettent une agriculture de subsistance dans les vallées. Cette diversité géographique confère au Cachemire une grande richesse écologique. On y trouve une variété d'écosystèmes : forêts de conifères, prairies alpines, zones humides, et déserts de haute altitude. La faune comprend l'ours brun de l'Himalaya, le léopard des neiges, le markhor et de nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs. Populations du
Cachemire.
Au sud de la vallée, dans la région de Jammu, la population est plus hétérogène. On y trouve une majorité hindoue, notamment des Dogras, peuple indo-aryen parlant le dogri, mais aussi des musulmans et des sikhs. Cette région présente un tissu social plus proche de celui du nord de l'Inde, avec des pratiques religieuses, des costumes et des cuisines distincts de ceux de la vallée. Jammu a historiquement constitué une zone tampon entre les hautes terres cachemiries et les plaines du Pendjab. Dans les hautes terres
orientales du Ladakh, la population se compose majoritairement de bouddhistes
tibétains, notamment les Ladakhis, dont la langue et la culture sont proches
du Tibet À l'ouest, dans les territoires administrés par le Pakistan, notamment le Gilgit-Baltistan et l'Azad Jammu and Kashmir, la population est également diverse. On y parle plusieurs langues, dont le shina, le balti, le burushaski et le punjabi. Les groupes ethniques y comprennent les Shins, les Balti, les Dards, les Cachemiris sunnites et chiites, ainsi que des minorités ismaéliennes, notamment dans la vallée de Hunza. Ces communautés vivent dans des environnements montagnards extrêmes, souvent isolées, et conservent des traditions locales ancestrales. Les Pandits cachemiris, population hindoue brahmanique autochtone de la vallée, jouent un rôle historique central. Très présents dans l'administration, l'enseignement et la culture, ils sont contraints à l'exil massif à partir de 1989 lors du soulèvement insurgé dans la vallée. Leur diaspora reste active, revendiquant le droit au retour et la reconnaissance de son patrimoine culturel. Les réfugiés et déplacés forment un autre pan important de la population. Les conflits successifs entre Inde et Pakistan, ainsi que les tensions internes, provoquent de nombreux déplacements. Des communautés de réfugiés cachemiris vivent en Inde, au Pakistan et parfois plus loin, entretenant une mémoire vivante et souvent douloureuse du territoire d'origine. Le Cachemire est
donc traversé par des lignes de fracture multiples — religieuses, linguistiques,
ethniques — mais aussi par des ponts culturels, avec des pratiques partagées,
une hospitalité commune et un attachement profond à la terre. La coexistence,
bien que souvent mise à l'épreuve par les tensions politiques, est
une réalité historique durable du tissu humain cachemiri.
![]() Régions du Cachemire sous le contrôle de l'Inde, du Pakistan et de l'Inde (2002). Cliquer sur l'image pour afficher une carte plus détaillée. Histoire du Cachemire.
Au XIVe siècle, le Cachemire entre dans une nouvelle ère avec l'arrivée de l'islam. Shams-ud-Din Shah Mir fonde la dynastie Shah Mir en 1339, devenant le premier souverain musulman de la région. Cette transition religieuse s'accompagne de tensions mais aussi d'un certain syncrétisme : la culture soufie pénètre la vallée et façonne un islam local et mystique. Les souverains musulmans locaux, dont Zain-ul-Abidin, dit « le Grand », règnent avec une tolérance remarquable, encourageant la coexistence entre hindous, bouddhistes et musulmans. Au XVIe siècle, l'Empire moghol annexe le Cachemire sous Akbar. Ce dernier visite personnellement la région et initie des réformes administratives et fiscales. Le Cachemire, désormais province impériale, devient célèbre pour sa production textile, notamment le pashmina. Après le déclin des Moghols, les Afghans du Durrani prennent le contrôle du territoire en 1752. Leur domination brutale suscite un mécontentement profond. En 1819, les Sikhs dirigés par Ranjit Singh s'emparent de la région après des combats féroces. La période sikh est marquée par une centralisation rigide, des impôts lourds, et une marginalisation accrue de la majorité musulmane. En 1846, après la première guerre anglo-sikh, le traité d'Amritsar remet le Cachemire au dogra Gulab Singh en échange d'une somme versée aux Britanniques. Le Cachemire devient alors un État princier autonome sous suzeraineté britannique. Gulab Singh fonde une dynastie hindoue sur une population majoritairement musulmane. Le régime dogra impose des lois discriminatoires, exploite les paysans et marginalise les élites musulmanes. La vallée entre dans une longue période de répression sociale et religieuse. Au début du XXe siècle, les frustrations explosent. Des mouvements réformateurs musulmans émergent. En 1931, des manifestations éclatent contre les abus dogras; l'armée ouvre le feu sur des protestataires à Srinagar, provoquant une mobilisation à l'échelle de la vallée. En réponse, le Parti de la Conférence musulmane voit le jour, dirigé par Sheikh Abdullah. Son discours de justice sociale transcende les lignes religieuses, et il fonde la Conférence nationale en 1939 pour intégrer hindous et musulmans dans un même projet politique. À mesure que l'Inde britannique se rapproche de l'indépendance, les tensions s'intensifient. Le maharaja Hari Singh, dernier souverain dogra, tente de maintenir son indépendance malgré les pressions du Congrès et de la Ligue musulmane. En 1947, l'Empire britannique se retire, laissant les États princiers libres de rejoindre l'Inde ou le Pakistan. Le Cachemire, à majorité musulmane mais dirigé par un hindou, devient l'enjeu d'une lutte cruciale. Le maharaja Hari Singh choisit d'abord la neutralité. Mais en octobre, une invasion de tribus armées venues du Pakistan pousse Hari Singh à demander l'aide militaire de l'Inde. En échange, il signe l'instrument d'accession, intégrant officiellement le Cachemire à l'Union indienne. L'Inde déploie ses troupes ; le Pakistan nie la validité de l'acte et intervient militairement. La première guerre indo-pakistanaise éclate. Elle dure jusqu'en 1949, lorsqu'un cessez-le-feu est négocié sous l'égide des Nations Unies. La ligne de cessez-le-feu, désormais appelée Ligne de Contrôle (LoC), divise le Cachemire en deux : le Jammu-et-Cachemire, contrôlé par l'Inde, et l'Azad Jammu and Kashmir (AJK) administré par le Pakistan. L'Inde accorde au Jammu-et-Cachemire un statut spécial par l'article 370 de sa Constitution, garantissant une large autonomie. Un Parlement local est instauré, et Sheikh Abdullah devient Premier ministre. Mais en 1953, Delhi destitue Abdullah, l'accusant de vouloir l'indépendance. Commence alors une longue série de manipulations électorales, de gouvernements fantoches, et d'une centralisation croissante. Le mécontentement s'enracine dans la population cachemirie, nourri par l'isolement politique, la pauvreté et la répression. Pendant ce temps, le Pakistan considère le Cachemire comme son territoire légitime. En 1965, une deuxième guerre indo-pakistanaise éclate autour de la vallée. Elle s'achève par un retour au statu quo. En 1971, une troisième guerre entre les deux pays, causée par la crise du Bangladesh, conduit à la signature de l'Accord de Simla en 1972. L'Inde et le Pakistan s'y engagent à résoudre la question du Cachemire par des moyens bilatéraux. Dans les années 1980, le climat politique se détériore fortement. En 1987, des élections régionales truquées en faveur du Congrès indien attisent la colère. La jeunesse cachemirie perd foi en le processus démocratique. Des groupes armés islamistes émergent, certains soutenus par le Pakistan, d'autres réclamant l'indépendance. En 1989, l'insurrection armée commence. L'Inde déploie massivement son armée, instaure des lois d'exception comme l'AFSPA (Armed Forces Special Powers Act), et transforme la vallée en une zone militarisée. Les violences s'intensifient, marquées par des exactions, des disparitions forcées, des exodes de populations hindoues (notamment les Pandits), et des attentats ciblés. Durant les années 1990, la guerre de basse intensité entre insurgés et forces indiennes fait des dizaines de milliers de morts. Des organisations comme le Hizb-ul-Mujahideen ou Lashkar-e-Taiba prennent de l'ampleur. L'Inde accuse le Pakistan de fournir un soutien logistique et financier aux milices. En 1999, un nouveau conflit éclate à Kargil, lorsque des combattants pakistanais franchissent la ligne de contrôle. L'armée indienne les repousse après des semaines de combats meurtriers. À partir des années 2000, l'insurrection armée faiblit mais laisse place à une révolte populaire civile, notamment en 2008, 2010, puis 2016 après la mort du militant Burhan Wani. Des mouvements de protestation massifs secouent la vallée, réprimés par des balles en caoutchouc et des tirs réels. Le sentiment d'aliénation grandit, surtout chez les jeunes. Les appels à l'autodétermination, à l'indépendance ou au rattachement au Pakistan se font entendre dans les rues, malgré la fatigue de la guerre. En août 2019, le gouvernement indien dirigé par Narendra Modi révoque unilatéralement l'article 370, supprimant l'autonomie constitutionnelle du Jammu-et-Cachemire. L'État est démantelé, divisé en deux territoires administrés directement par Delhi. Un couvre-feu numérique est imposé, les leaders politiques locaux sont emprisonnés, les communications sont coupées. L'Inde affirme vouloir intégrer pleinement le Cachemire, y développer l'économie et réduire la violence. Les Cachemiris y voient une annexion brutale, contraire aux promesses historiques. La région est ensuite demeurée sous tension permanente, sous étroite surveillance, et marquée par une atmosphère d'incertitude et de résistance silencieuse. Un mai 2025, une crise très aiguë a de nouveau éclaté entre l'Inde et le Pakistan au sujet du Cachemire. Patrimoine culturel
et architectural du Cachemire.
Avec l'arrivée de l'islam au XIVe siècle, le style architectural évolue profondément. L'influence persane se combine aux techniques locales en bois, donnant naissance à une architecture de mosquées et de madrasas distincte. La mosquée de Shah Hamdan à Srinagar, construite en bois de cèdre sculpté, illustre parfaitement cette fusion. Elle repose sur des piliers finement décorés et possède un toit en pagode à plusieurs étages, témoignage du style indo-tibétain encore présent. La Jama Masjid de Srinagar, édifiée au XVe siècle, utilise des éléments moghols et centre-asiatiques, mais dans une structure entièrement en bois, rythmée par des cours intérieures et des portiques. Le Cachemire développe également une tradition architecturale résidentielle raffinée. Les havelis et maisons traditionnelles de Srinagar, souvent bordant les canaux du Jhelum, sont faites de briques et de bois sculpté, avec des fenêtres à moucharabiehs finement travaillées. Les toits en pente sont adaptés au climat neigeux, et les balcons offrent des vues sur les montagnes et les jardins. Les jardins moghols constituent une autre facette du patrimoine cachemiri. Construits par les empereurs moghols aux XVIe et XVIIe siècles, ils reprennent le modèle persan du charbagh, jardin quadripartite avec canaux, bassins et pavillons. Les jardins de Shalimar, Nishat et Chashme Shahi à Srinagar témoignent de cette tradition. Intégrés dans le paysage naturel, ces jardins symbolisent le paradis sur Terre selon la vision islamique, et reflètent l'harmonie entre nature, eau et architecture. Sur le plan artisanal, le Cachemire est célèbre pour ses broderies délicates (notamment le sozni), ses tapis noués à la main, ses châles en pashmina, et ses objets en papier mâché décorés de motifs floraux minutieux. Ces savoir-faire sont transmis de génération en génération et constituent un pilier de l'identité culturelle de la région. L'architecture religieuse est également enrichie par les sanctuaires soufis, où l'art mystique et populaire se manifeste dans la musique, les danses et les formes ornementales. La culture cachemirie se manifeste aussi à travers la poésie, principalement en koshur, la langue cachemirie. Des poètes comme Lal Ded, mystique du XIVe siècle, expriment des messages de tolérance et de transcendance dans un style empreint de spiritualité soufie et shaïvite. Cette tradition poétique traverse les siècles et contribue à la singularité du Cachemire, où la beauté du verbe se mêle à celle des paysages et des oeuvres humaines. |
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