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Les nombreux monuments
mégalithiques que l'on rencontre à
Belle-Île
(tumuli à galeries de Bangor, pierre
branlante de Gouc'h, etc.), témoignent de l'ancienneté de
l'occupation. Elle est mentionnée dans l'Itinéraire d'Antonin
(IVe siècle) sous le nom de Vindilis;
d'où vient le nom de Guedel par lequel elle est désignée
dans les documents du XIe siècle.
A cette époque les abbayes de Sainte-Croix de Quimperlé
et de Saint-Sauveur de Redon s'en disputèrent la propriété
: l'une alléguait une donation d'un comte de Cornouailles, l'autre
une donation d'un duc de Bretagne.
L'abbaye de Quimperlé finit par avoir
le dessus et conserva Belle-Ile jusqu'à la fin du XVIe
siècle. D'un fort qu'elle éleva pour protéger l'île
contre les surprises et les excursions des pirates, il subsiste une voûte
et une partie de la façade à Roserières (commune du
Palais) où habitait le prévôt de l'abbaye. Plus d'une
fois cependant des pirates anglais, normands ou saintongeais pillèrent
Belle-lle. Pour la protéger plus efficacement le roi
d'Angleterre,
Henri II, en développa les fortifications
et chargea André de Sourdeval du soin de la détendre. Pendant
le reste du Moyen âge,
Belle-Ile suivit les vicissitudes de la Bretagne.
En 1548, une flotte anglaise de trente-six
navires arriva jusque dans le port du Palais, mais le canon de la citadelle
l'obligea à s'éloigner. En 1572, le maréchal de Retz
acquit la propriété de l'île des moines de Quimperlé
auxquels il donna en échange des terres sur le continent Charles
IX consentit à la cession et érigea Belle-Ile en marquisat,
mais sous la réserve pour le roi
de France de pouvoir toujours prononcer la réunion de l'île
à la couronne et à la condition que le maréchal en
compléterait les défenses et y construirait une nouvelle
forteresse où il entretiendrait une garnison. L'année suivante,
le comte de Montgommery, commandant une flotte anglaise, s'empara de l'île
et la livra au pillage, puis l'abandonna au bout de trois semaines, à
la nouvelle de l'arrivée d'un flotte française commandée
par le duc de Montpensier.
Henri IV érigea
Belle-Ile en pairie. En 1658, le surintendant Fouquet
l'acheta aux Gondi, en augmenta les fortifications
et y fit élever le Château-Fouquet; on sait qu'il fut accusé
d'avoir voulu s'y ménager une retraite en cas de malheur. Lors de
sa disgrâce (1661), Louis XIV, tout en
laissant la propriété et la seigneurie de l'île à
sa famille, s'empara de la place et y établit une garnison. En 1670,
les Hollandais, commandés par l'amiral
Tromp et le comte de Horn, opérèrent une descente dans l'anse
des Grands-Sables, mais malgré l'appui de la flotte ils ne purent
aborder le château et durent se rembarquer
précipitamment après avoir éprouvé des pertes
sensibles. En 1687, Vauban compléta la
citadelle et creusa l'Aiguade-Vauban ou Belle-Fontaine, énorme bassin
de granit où les navires venaient chercher leur provision d'eau.
L'île resta entre les mains des descendants
de Fouquet jusqu'en 1718; à cette époque le Régent
la fit céder à la couronne par le maréchal de Belle-Isle,
mais dès 1720, il l'inféoda à la compagnie des Indes
orientales au prix d'une redevance annuelle de 50,000 livres. En 1722 elle
lui fut retirée mais pour être cédée aux fermiers
généraux. En 1746. l'amiral anglais Lestock, après
avoir levé le siège de Lorient.
sa présenta devant Belle-Ile et somma la citadelle de se rendre,
mais le gouverneur Saint-Hilaire ayant répondu par un refus, il
s'éloigna de la côte. En 1759 l'île fut cédée
à la province de Bretagne à
titre de domaine engagé.
Cette année même, la maréchal
de Conflans, sorti de Brest avec les escadres
de Lorient et de Rochefort,
rencontra dans les eaux de Belle-Ile la flotte anglaise commandée
par Hawk; quoique supérieur en forces, il prit le parti de fuir
devant elle, fut atteint, combattit en désordre et eut trois vaisseaux
coulés, deux brûlés, un pris et un à la côte.
Le nom de « bataille de M. de Conflans » resta attaché
à ce désastre. Le 7 avril 1761, cent soixante-douze bâtiments
de transport chargés de 21,000 hommes
de troupes anglaises, escortés par une escadre de huit vaisseaux,
parurent devant Belle-Ile; les Français furent bientôt obligés
d'évacuer les différents postes de la côte et de se
réfugier dans la citadelle dont le siège commença
le 29 avril et dura trente-huit jours. Dans la nuit du 14 au 15 mai le
général Hogdson, ayant réussi à s'emparer de
tous les abords de la place, put commencer le bombardement qui dura trois
semaines. Au bout de ce temps, la brèche étant ouverte et
la citadelle intenable, le chevalier de Sainte-Croix dut se résigner
à capituler; il obtint les honneurs de la guerre et sortit avec
armes et bagages en emmenant ses canons.
Les Anglais occupèrent Belle-Ile
jusqu'au traité de Paris (10 février
1763) qui leur céda en échange la Nouvelle-Ecosse. De nombreuses
familles acadiennes vinrent alors s'y établir, mais les deux tiers
de ces nouveaux colons émigrèrent bientôt sur, le continent
et furent en partie dirigés sur la Corse.
Lors de l'expédition de Quiberon
en 1795, l'amiral Villaret-Joyeuse fut défait dans les eaux de Belle-Ile
par lord Bredport; le commodore Elisson se présenta alors devant
la citadelle et la somma de se rendre, mais la fière attitude du
général Boucret qui la commandait le détourna de toute
tentative et il se retira sans attaquer.
Par la suite Belle-Île a servi assez
fréquemment de prison d'Etat : après les journées
de juin 1848 et le coup d'Etat de 1852,
un grand nombre de prisonniers politiques y furent internés pendant
de longues années. (GE). |
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