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jusqu'en 1900 |
Avant
la conquête romaine, le territoire
qui forme aujourd'hui le département du Vaucluse était
occupé par les Cavares, les Voconces,
les Meminiens. Les Cavares habitaient la rive gauche du Rhône.
Leurs principales villes étaient : Orange
(Arausio), Avignon (Avenio) et Cavaillon,
un des premiers comptoirs établis dans la contrée par les
habitants de Marseille.
Les Voconces possédaient le territoire de l'antique Vasio (Vaison). Les Meminiens, qui suivirent Hannibal en Italie, étaient fixés au sud du mont Ventoux, dans les environs de Carpentras (Alpentoracte), ville importante déjà avant l'arrivée des Romains, et qui était considérée comme une des métropoles de la religion celtique. La partie du département resserrée entre la Durance et les monts de Vaucluse était habitée par la tribu des Vulgientes; la ville d'Apt, leur capitale, détruite pendant la guerre des Gaules, fut relevée par Jules César, qui lui donna le nom de Apta Julia Vulgentium. Les Cavares, qui habitaient les belles plaines arrosées par le Rhône et la Durance, eurent de fréquentes relations commerciales avec Phocéens établis à Marseille. Alliés de cette ville, ils furent naturellement amenés à prendre parti pour Rome dans sa lutte contre Carthage; aussi, tentèrent-ils, mais en vain, de s'opposer au passage du Rhône par Hannibal. Plus tard, lorsque ces diverses tribus reconnurent que les Romains ne s'étaient introduits dans la Gaule que pour la soumettre, ils prirent les armes. Mais, après la défaite éprouvée par les Arvernes au confluent de la Sorgue, où ils furent taillés en pièces par Domitius AEnobarbus, les Cavares, les Meminiens, les Voconces se soumirent. Leurs territoires furent d'abord englobés dans la Narbonnaise, et, quand la Gaule fut divisée en 17 provinces, ils furent compris dans la Viennoise. Pendant les siècles qui suivirent, jusqu'à l'arrivée des Germains, ce pays, où l'influence de Rome devait particulièrement se faire sentir, devint riche et florissant. La plupart de ses villes n'eurent bientôt rien à envier aux puissantes et luxueuses cités de la Province Romaine. De beaux monuments : théâtres, arcs de triomphe, hippodromes, bains, etc., furent élevés à Orange, Avignon, Vaison, Carpentras, Cavaillon. Les ruines imposantes du théâtre d'Orange et les élégantes sculptures, de l'arc triomphal de cette ville nous montrent ce que devait être cette civilisation disparue. Le Christianisme fut prêché dès les premiers siècles de l'ère nouvelle dans la plupart des villes de cette région. Si nous en croyons la tradition, ce fut un disciple direct de Jésus, saint Eutrope, qui évangélisa Orange et qui en fut le premier évêque. A Vaison, habité par les plus illustres familles de Rome, saint Ruf, sous l'empereur Gallien, vint prêcher l'Évangile. Dans cette ville fut tenu le premier des conciles (337) qui se réunirent dans la Gaule. Un siècle plus tard environ, un nouveau concile se réunit à Vaison (442), et un troisième en 539. Carpentras a eu aussi son concile en 527, et Orange, plus favorisé que ces deux villes, a vu quatre conciles s'assembler dans ses murs : le premier en 441 et les autres en 501, 529 et 1239. Les premières bandes germaines qui envahirent cette contrée y pénétrèrent sous la conduite de Chrocus, qui saccagea Orange, mutila ses monuments, et, après s'être emparé de Carpentras et de Vaison, massacra les évêques de ces deux villes, saint Valentin et saint Albin. Au cours des siècles suivants, les envahisseurs se succèdent : les uns ne font que passer, laissant après eux des monceaux de ruines, les autres s'arrêtent et tentent de s'établir. Les Alains descendent la vallée du Rhône, les Vandales les suivent et bientôt les Bourguignons, auxquels Aétius a cédé le territoire d'Avignon, incorporent ces territoires dans le royaume qu'ils viennent de fonder. Clovis, poursuivant Gondicaire réfugié à Avignon, qui était alors une place très forte, vint mettre le siège devant cette ville, mais il ne parvint pas à s'en emparer. Elle resta ensuite au pouvoir de Théodoric, roi des Ostrogoths, allié de Clovis, lorsque ces deux princes partagèrent entre eux les provinces pour la conquête desquelles ils s'étaient un instant alliés. En 585, le patrice Mummol, qui venait de refouler une invasion des Lombards, fut assiégé dans Avignon, où il défendait les intérêts du roi d'Austrasie, par Gontran, roi de Bourgogne, auquel il résista victorieusement. L'invasion arabe vint ajouter de nouvelles ruines à celles que les invasions précédentes avaient accumulées dans ces malheureuses provinces. Charles Martel emporta d'assaut Avignon, tombé au pouvoir de l'Arabe Joussouf (737), et chassa les Sarrasins de Carpentras et des autres villes où ils s'étaient établis. Quelques années plus tard, le célèbre Guillaume-au-Cornet enlevait Orange aux Sarrasins, et Charlemagne, en récompense de ses exploits, lui laissait le gouvernement de cette ville. Après le démembrement de l'Empire carolingien, l'Avignonnais et le Comtat Venaissin firent partie du royaume d'Arles fondé par Bozon, puis du comté de Provence, et passèrent enfin aux mains des comtes de Toulouse. A cette époque, la première maison d'Orange, dont le comte Rambaud s'était croisé en 1096, s'éteignit avec la princesse Tiburge, qui avait apporté en dot la principauté à Bertrand des Baux. Ce prince devint la souche de la deuxième maison d'Orange, et l'empereur Frédéric Barberousse, en 1178, lui accorda des droits régaliens. Tandis qu'une principauté se fondait à Orange, les Avignonnais, ayant obtenu du comte de Forcalquier la cession de tous les droits qu'il avait sur eux, parvenaient à fonder dans leur ville un gouvernement démocratique, sous la suzeraineté des comtes de Toulouse. Quatre consuls, dont deux nobles et deux bourgeois, élus chaque année, exerçaient la première magistrature; ces consuls étaient assistés de juges et d'un conseil de prud'hommes. Quelques orages troublèrent les premières années de l'existence de la commune Avignonnaise; mais, grâce à l'intervention de l'évêque Godefroy qui obtint de l'empereur Frédéric Barberousse la confirmation des franchises de cette ville, ces premiers troubles furent apaisés. A cette époque (1177), selon la tradition, fut élevé le pont Saint-Bénezet. Les comtes de Toulouse disputaient aux évêques de Carpentras et de Vaison la possession de ces deux villes. Raymond VI, après avoir chassé l'évêque de Carpentras, parvint à se rendre maître de Béranger de Reilhane, évêque de Vaison, et fit construire le château fort dont les ruines imposantes dominent encore la partie de la ville bâtie en amphithéâtre sur la rive gauche de l'Ouvèze. Cette victoire coûta cher à Raymond Vl : le pape et l'empereur ayant pris la défense de Béranger, le comte de Toulouse, vaincu, dut faire amende honorable dans l'église de Saint-Gilles (Gard), où le légat du pape le frappa avec un faisceau de verges avant de lui donner l'absolution. La république Avignonnaise, pour mettre fin à des agitations sans cesse renaissantes, occasionnées par les rivalités des nobles et des bourgeois, imita les républiques italiennes, et se donna un podestat. Le comte de Toulouse, pour s'attacher cette cité puissante, lui céda ses droits sur Sorgues, Caumont, le Thor, Jonquières, etc. Aussi Avignon n'hésita-t-il pas à prendre sa défense lorsque les soudards de Simon de Montfort envahirent le Languedoc pour noyer dans le sang les Albigeois. Guillaume des Baux, prince d'Orange, ayant tenté de s'opposer au mouvement qui entraînait les villes du midi, fut massacré par les Avignonnais. Louis VIII, à la tête de 50,000 hommes, vint aussitôt faire le siège d'Avignon. Pendant trois mois cette ville se défendit avec héroïsme; la majeure partie de l'armée assiégeante fut massacrée ou noyée; néanmoins les Avignonnais, à bout de vivres, durent se rendre (1226). Le légat du pape les contraignit à raser leurs murailles et 300 maisons; à livrer 300 otages et à payer une somme de 6000 marcs. A partir de cette époque, la république ne fit plus que languir, et son podestat devint le subordonné de l'évêque. Diverses tentatives d'insurrection aggravèrent sa situation au lieu de l'améliorer. Quelques années plus tard, la capitale du Comtat Venaissin, Carpentras, passait sous la domination des papes; Philippe le Bel cédait la moitié d'Avignon à Charles II, roi de Naples, qui possédait déjà l'autre moitié. Les comtes de Provence restèrent ainsi les seuls souverains de cette ville jusqu'au jour où Jeanne de Naples la vendit au pape Clément VI (1348). Clément V (1309) fut le premier des papes qui ont habité Avignon. N'ayant pu s'établir dans la ville de Rome, constamment en proie à la guerre civile, et subissant l'influence de Philippe le Bel, qui obtenait de sa faiblesse la condamnation de l'ordre des Templiers, ce pape fixa sa résidence à Avignon, d'où il dut fuir en 1314 pour échapper aux obsessions du roi. Mais, arrivé à Roquemaure, il mourut subitement. Le conclave s'assembla à Carpentras pour désigner son successeur. Un neveu de Clément V, Bertrand de Goth, sous le prétexte de soutenir dans le sein du conclave le parti français contre le parti italien, entra dans Carpentras après avoir pillé le trésor du pape à Monteux. A la tête des mercenaires qu'il commandait, il se rua sur les étrangers qui remplissaient la ville. Presque tous furent massacrés. De nombreux incendies éclatèrent sur divers points; le palais épiscopal prit feu, et les membres du conclave s'enfuirent par une brèche ouverte dans le mur du palais. Le conclave se réunit alors à Lyon, où Jean XXII fut élu (1316). Ce pape acquit du Dauphin de Vienne la ville de Valréas, qui devint la capitale du Haut-Comtat. Il arrêta les Pastoureaux, qui s'étaient approchés d'Avignon, et, en 1325, il réunit un concile dans cette ville, qui, depuis près de trois siècles, en avait vu six s'assembler dans ses murs. Huit autres devaient s'y tenir de 1327 à 1725. Jean XXII étant mort en 1334, le conclave put se réunir à Avignon. Benoît XII fut élu. Le nouveau pape jeta les fondements du palais grandiose que les siècles ont respecté. Il fut remplacé à sa mort, en 1342, par Clément VI, qui se montra aussi magnifique que soit prédécesseur s'était montré simple et austère. Rienzi et l'illustre poète Pétrarque, à la tête d'une députation romaine, vinrent le supplier de retourner à Rome. Il ne voulut pas y consentir. Le poète resta à Avignon, le tribun retourna à Rome; mais, après s'y être élevé au faîte du pouvoir, il fut renversé et envoyé à Avignon, où il mourut dans les fers. Clément VI ayant acheté Avignon à Jeanne de Naples, cette ville reprit sa suprématie sans cependant enlever à Carpentras son titre et sa prérogative de capitale; car c'est dans cette ville, administrée par un recteur, que continuèrent à se réunir les États de la province. A la mort de Clément VI (1352), Innocent VI fut élu. Sous son règne, le Comtat fut ravagé par Arnaud de Servole et ses Compagnies blanches (La Criminalité au Moyen âge). Le pape parvint à l'éloigner à prix d'argent. Sous son règne, en 1361, une peste terrible désola la contrée-: 17,000 personnes périrent dans Avignon, parmi lesquelles 100 évêques et 9 cardinaux. Ce pape fit élever les fortifications qui entourent encore Avignon et qui arrêtèrent les Grandes Compagnies, à la tête desquelles était Du Guesclin, quand, sous son successeur Urbain V, ces bandes vinrent demander au pape sa bénédiction et 200,000 livres. Urbain V alla à Rome en 1367, et, trois ans plus tard, vint mourir à Avignon. Grégoire XI lui succéda. Ce pape fut le dernier pontife français; il quitta Avignon en 1376 et mourut à Rome deux ans après. A sa mort, deux papes furent élus : Clément VII à Avignon et Urbain Vl à Rome. Le premier fut reconnu par la France, l'Espagne, l'Écosse, la Sicile et Chypre; le second le fut par l'Italie, l'Autriche, l'Angleterre, etc. Par suite de ce schisme, des discordes et des guerres désolèrent la contrée, que la peste vint dépeupler plusieurs fois encore. Benoît XIII (Pierre de Luna) fut élu à la mort de Clément VII; mais ce pontife, que le roi de France lui-même ne reconnut pas, s'acharna à garder la tiare. Il résista au maréchal Boucicaut, que Charles V envoya contre lui. Rodrigue de Luna, son frère, auquel il avait confié la défense de la forteresse des Doms, tint longtemps en échec les troupes du maréchal et les Avignonnais qui s'étaient déclarés contre l'anti-pape. A bout de ressources, il eû! été bientôt forcé de se rendre s'il n'était pas parvenu à s'échapper. A partir de cette époque, Avignon fut gouverné par des légats qui l'administrèrent au nom des papes. La principauté d'Orange, pendant que le Comtat Venaissin était le théâtre de désordres et de luttes constantes, n'eut pas une existence moins troublée. Le dernier prince de la maison des Baux fut Raymond V, dont le frère Robert fut élu pape sous le nom de Clément VII. Ce prince ne laissa qu'une fille, Marie des Baux, qui épousa Jean de Châlons, devenu la souche de la troisième maison d'Orange. Louis Ier, fils du précédent, fut nommé gouverneur du Languedoc par Isabeau de Bavière, à la fortune de laquelle il s'était attaché (1418). Il défendit Orange contre le dauphin Charles, et envahit le Dauphiné en 1430; mais le gouverneur de cette province, Goncourt, le battit et s'empara d'Orange, dont il fut bientôt chassé par les habitants. Le successeur de Louis Ier, Guillaume VIII, fonda le parlement d'Orange, ville qui possédait déjà une université, créée par Raymond IV en 1365. D'abord allié de Charles le Téméraire et de Louis XI, il fut bientôt en lutte avec eux. Fait prisonnier en 1473, il dut rendre hommage au roi de France. Jean II, son fils, fut mêlé aux intrigues qui troublèrent la minorité de Charles VIII et fait prisonnier à Saint-Aubin. Philibert, fils du précédent, passe pour un des hommes les plus remarquables de son siècle. Il s'allia à Charles-Quint contre François Ier, qui ordonna la confiscation de ses domaines. Fait prisonnier et enfermé à Bourges, le traité de Madrid lui rendit la liberté. Il fut tué au siège de Florence en 1530. Il eut pour héritier le fils de sa soeur Claude de Châlons, René de Nassau, qui devint la tige de la quatrième et de la plus illustre maison d'Orange. Parmi les derniers princes d'Orange, nous ne citerons que Guillaume IX, le fondateur des Provinces-Unies, et Guillaume-Henri, gendre du roi d'Angleterre, Jacques Ier qu'il remplaça sur le trône en 1688. Ce prince étant mort sans enfants, Louis XIV s'empara de la principauté, dont la réunion à la France fut confirmée par le traité d'Utrecht en 1713. Arnaud de Bourbon-Conti reçut de Louis XIV la principauté d'Orange et la garda jusqu'à sa mort; mais, en 1731, elle fut englobée dans la province du Dauphiné et, par suite, définitivement réunie à la France. Lorsque les papes eurent quitté Avignon, au moment ou les rivalités qui existaient entre les pouvoirs ecclésiastiques ou civils qui se partageaient la contrée paraissaient s'apaiser, les guerres religieuses y provoquèrent de nouveaux massacres et y multiplièrent les ruines. Le moine Luther, en se rendant à Rome en 1510, traversa le Comtat, et s'arrêta au couvent des Augustins de Pernes. Il ne s'était pas encore séparé de l'Église, mais il avait eu des précurseurs dans les Vaudois qui peuplaient les villages disséminés sur les versants nord et sud du Luberon, et dans la belle, vallée de la Durance. François ler ayant ordonné au parlement d'Aix-en-Provence de faire le procès des habitants de Cabrières-d'Aigues et de Mérindol, les populations de ces villages furent condamnées. C'est en vain que le pieux cardinal Sadolet tenta de les sauver; l'arrêt fut exécuté avec la dernière rigueur : Cabrières, Mérindol et 23 autres villages furent pillée et livrés aux flammes; à Cabrières seulement, trois mille protestants furent massacrés par ordre du vice-légat du pape d'Avignon. Ces sanglantes exécutions furent le prélude de la guerre civile. En 1560, les soixante églises réformées de Provence se réunirent à Mérindol pour voter leur contingent, et nommèrent Paul de Mouvans chef de l'union protestante. Les protestants étaient commandés par le baron des Adrets, le redoutable Montbrun, Meynard, Pape et d'autres hardis capitaines; les catholiques avaient à leur tête Serbelloni, le comte de Suze, etc. Après le massacre de la Saint-Barthélemy, auquel Guillaume de Simiane, à Gorde, fut le seul à refuser de prendre part, la guerre prit un caractère atroce : on vit Montbrun massacrer tous les habitants de Sault; le baron des Adrets à Mornas faire sauter ses prisonniers du haut du rocher sur les piques de ses soldats, et les chefs des troupes catholiques rivaliser de cruauté avec leurs adversaires. La plupart des villages ou châteaux forts furent pris et repris par les partis opposés. Orange, que Maurice de Nassau devait fortifier plus tard (1621) d'une manière formidable, fut saccagée par Serbelloni; le baron des Adrets ravagea le Comtat et mit en vain le siège devant Avignon et Carpentras. La guerre civile se prolongea avec des alternatives de succès et de revers pour chacun des belligérants, jusqu'à l'avènement d'Henri IV. Lors de la Révocation de l'édit de Nantes, les protestants, pourchassés dans les Cévennes, cherchèrent un refuge dans la principauté d'Orange, où ils se croyaient à l'abri des dragons du grand roi; mais, à la mort de Guillaume de Nassau, roi d'Angleterre, Louis XIV s'étant emparé d'Orange, dont il rasa les fortifications, les habitants de cette ville subirent le même sort que leurs coreligionnaires des Cévennes et du Dauphiné. A peu près à la même époque, Louis XIV faisait à plusieurs reprises occuper Avignon et le Comtat, tantôt pour venger les insultes faites par la garde corse du pape à la suite du duc de Créqui son ambassadeur, tantôt à propos de la régale et des droits de franchise. En 1768, le pape ayant excommunié le duc de Parme, allié de la France par le Pacte de Famille, Louis XV saisit Avignon et le Comtat; mais ces territoires ne furent définitivement réunis à la France qu'après la Révolution. Lorsque les États généraux se réunirent en France, en 1789, les populations de ces contrées, bien qu'elles ne fussent pas encore françaises pour la plupart, partagèrent l'enthousiasme général. Le Comtat demanda des réformes; le pape résista d'abord, nuis, par bref du 24 février 1790, consentit enfin à l'élection des États généraux de la province. Cette assemblée représentative adopta tous les décrets de l'Assemblée nationale de la France : égalité d'impôts, abolitions d'immunités ecclésiastiques, des titres nobiliaires, etc. Tandis que le Comtat faisait ainsi acte d'indépendance, et que son assemblée partageait le territoire en quatre départements : de l'Aygues, de l'Auzon, de l'Ouvèze et de Vaucluse, Avignon votait sa réunion à la France et chassait le vice-légat du pape, que l'assemblée du Comtat accueillait à bras ouverts. Le conflit entre le parti français et le parti italien aboutit bientôt à une lutte ouverte. Le meurtre de Lavilasse, maire de Vaison, donne le signal de la lutte. Avignon arme 12,000 hommes, qui campent à la Tour de Sabran. Jourdan les commande. Valréas, Sainte-Cécile, envoient une petite armée au secours de Carpentras; elle est battue à Sarrians par le général avignonnais. Cependant les Comtadins remportent un avantage signalé sur leurs adversaires, qui se vengent en assiégeant Cavaillon qu'ils prennent d'assaut. Ce succès décide toutes les villes du Comtat à arborer le drapeau français. Carpentras seul résistait encore. Deux tentatives que les Avignonais firent contre cette ville échouèrent. Mais l'Assemblée nationale ayant envoyé trois commissaires pour s'interposer entre les belligérants, ces commissaires furent reçus avec enthousiasme, et, le 14 septembre 1791, un décret réunit à la France Avignon et le Comtat Venaissin. Malheureusement, cet événement fut suivi d'effroyables massacres et de troubles sans fin. Jourdan, surnommé coupe-tête, pourvenger un certain Lescuyer assassiné dans une réunion de séparatistes, fit arrêter les auteurs ou complices de ce crime, les enferma au nombre de 62 dans le palais des Papes, où ils furent assommés et précipités ensuite dans la Glacière. A Orange, où le tribunal révolutionnaire siégeait dans l'ancien temple des Pères-de-Saint-Jean, la guillotine était dressée en permanence, au sud de la promenade qui s'étend à l'ouest de la ville. De nombreuses victimes furent sacrifiées aux passions révolutionnaires. A Bédouin, un arbre de la Liberté ayant été abattu, le chef de bataillon Suchet fut chargé d'incendier ce village et d'en massacrer les habitants. Cet ordre reçût son exécution. Plus tard la Convention vota 300,000 livres pour relever les maisons de ce malheureux village. En 1793, les bataillons fédéralistes Marseillais ayant envahi Avignon, Bonaparte, alors officier d'artillerie, qui était de passage dans cette ville, parvint avec deux canons placés sur le Rocher de Justice qui se dresse sur la rive droite du Rhône, à démonter l'artillerie des Marseillais commandés par le général Villeneuve, qui ordonna de battre en retraite. En 1815, le duc d'Angoulême, qui avait été chargé d'arrêter Bonaparte à son retour de l'île d'Elbe, reculant devant lui, arriva à la Palud où il signa sa capitulation. Après la chute définitive de l'Empereur, de graves désordres, représailles sanglantes de la Terreur, troublèrent de nouveau le département. Le maréchal Brune fut assassiné à Avignon par Trestaillon et ses sicaires, puis jeté dans le Rhône. Un département
où, pendant le Moyen-âge,
tant de villes avaient lutté pour leur indépendance et possédé
même des gouvernements démocratiques, devait, lors du coup
d'État du 2 décembre 1851, s'insurger pour soutenir la
constitution. Aucun excès ne fut commis par les parties de la population
qui se soulevèrent, mais la répression fut aussi prompte
que violente, et un grand nombre de citoyens furent exilés en Afrique
et à Cayenne, d'où malheureusement
plusieurs d'entre eux ne devaient plus revenir. (A. Joanne).
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