|
. |
|
|
Belfort
a dû son origine à un château que l'avantage
de sa situation ou la beauté de sa construction avait fait appeler «
beau fort. » Cette forteresse fut probablement élevée, au XIIIe
siècle, par un seigneur de Montbéliard,
dans le but de s'opposer aux incursions de ses belliqueux voisins de Ferrette,
de Besançon et de Porrentruy. Le territoire
de Belfort relevait, en effet, au commencement du XIIIe
siècle, du comté de Montbéliard, comme le prouve un accord survenu,
en 1236, entre le comte de Montbétiard et celui de Ferrette. Ce dernier
faisait abandon à son rival de toute prétention à la possession du château
de Belfort et donnait sa fille Alix en mariage à Thierry, fils aîné
du comte de Montbéliard. Ce mariage n'eut lieu que deux ans plus tard
(1228). Thierry, devenu comte de Montbéliard, sous le nom de Thierry III,
rendit hommage pour son château de Belfort, menacé par le duc de Bourgogne,
à Mathieu, duc de Lorraine, son aïeul
maternel.
En 1280, Wilhelmine, comtesse de Montbéliard, épousa Renaud de Bourgogne, à qui Belfort a dû sa première charte d'affranchissement. L'empereur Rodolphe étant venu ravager la Franche-Comté sous prétexte que Besançon favorisait les ennemis de l'Autriche, fut battu sous les murs de cette ville par Robert, duc de Bourgogne, et son allié, le comte de Ferrette. Dans sa retraite, il contraignit Renaud de Bourgogne à lui payer 8000 marcs d'argent, que le comte de Montbétiard se procura en vendant aux Belfortains leur indépendance (1307). Les habitants élisaient un magistrat, ou conseil municipal de neuf membres, chargé de l'administration civile et judiciaire de la ville, tandis que le comte se réservait la nomination du prévôt, qui connaissait des causes criminelles. De plus, a la condition qu'ils entretiendraient les fortifications de Belfort, le comte Renaud concédait a ses vassaux la forêt du Salbert, dont le revenu assez important est encore aujourd'hui la principale ressource de la commune de Betfort. Othenin, fils du comte Renaud, étant mort sans postérité en 1331, la seigneurie de Belfort fut attribuée à une de ses soeurs, Jeanne, qui se maria trois fois, la première à Ulric II, comte de Ferrette, un des plus puissants feudataires de l'Alsace. La fille d'Ulric, appelée Jeanne comme sa mère, porta la seigneurie de Belfort dans la maison d'Autriche, en épousant (1319) le duc Albert, landgrave de la Haute-Alsace. C'est elle qui fonda à Belfort un hôpital (1349) et la collégiale Saint-Christophe (1342). En 1348, le pays fut décimé par la peste; les populations ignorantes, attribuant aux Juifs la cause du fléau, firent périr par le feu plusieurs de ces infortunés. En 1375, l'Alsace fut ravagée par des bandes d'Anglais et de malandrins, qui toutefois ne purent prendre Belfort. Mais, quelques années après, la ville fut entièrement détruite par un incendie. En 1468, l'archiduc Sigismond ne pouvant châtier les Suisses qui étaient venus ravager l'Alsace, engagea le comté de Ferrette, le Sundgau et le Brisgau à Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, pour la somme de 70,000 florin d'or. Ce prince envoya en Alsace un gouverneur nommé Hagenbach, qui opprima le pays et que ses crimes conduisirent à l'échafaud (1474). Après sa mort, son frère Étienne se jeta sur le pays, où il incendia de nombreux villages. La seigneurie de
Belfort resta dans la maison d'Autriche depuis l'année 1319 jusqu'à la
conquête de l'Alsace par Louis XIV. Mais pendant
quelques années (1555-1565),
Pendant la guerre de Trente-Ans, le comté de Ferrette eut à subir toutes les horreurs de l'invasion. Les troupes suédoises, sous le commandement du rhingrave Othon, s'emparèrent sans résistance de la ville et du château de Belfort (1632). Dépossédés de leur conquête, l'année suivante, par les troupes catholiques du duc de Feria, les Suédois reprirent la ville en 1634, après la défaite des Impériaux à Wattwiller. En 16356, le comte de la Suze, gouverneur de Montbéliard pour le roi de France, prit Belfort, dont Louis XIII le nomma gouverneur, mais qui toutefois ne fut définitivement cédé à la France qu'en 1648, par le traité de Westphalie. Pendant la Fronde, le comte, ayant embrassé le parti des princes, fut assiégé dans son château par le maréchal de la Ferté et dut capituler. En 1659, Louis XIV donna la seigneurie de Belfort au cardinal Mazarin, dont les héritiers, les Valentinois, la possédèrent jusqu'à la Révolution. Mais le roi en eut toujours la souveraineté et fit fortifier la ville par Vauban. En 1674, Belfort fut menacé d'un siège et canonné par les Impériaux; mais une habile manoeuvre de Turenne le sauva. En 1814, les Alliés
s'en emparèrent. En 1815, Belfort fut défendu par le général Lecourbe,
qui livra plusieurs combats meurtriers aux troupes autrichiennes de l'archiduc
Ferdinand et sut se maintenir sous les murs de la place jusqu'Ã la seconde
Restauration.
Belfort a offert le fait le plus mémorable de son histoire lors de la guerre franco-allemande de 1870. En 1870, après la reddition de Strasbourg et la capitulation de Metz, les armées du général de Werder et du prince Frédéric-Charles; ayant recouvré leur liberté d'ac -tion, se dirigèrent la première vers la Bourgogne, la deuxième vers Paris. Pendant que le général de Werder atteignait la Saône et poussait même ses troupes jusqu'à Dijon, le général de Treskow, placé sous ses ordres, et commandant la première division de la réserve, se dirigeait sur Belfort et l'investissait le 5 novembre 1870. Quelques jours plus tard, le général de Schmeling, après s'être emparé des places de Schlestadt (Sélestat) et de Neuf-Brisach, venait fortifier l'armée assiégeante en laissant à Treskow une partie de la quatrième division de réserve. Pas plus que Metz, Belfort n'avait été mise à même d'opposer à l'ennemi une résistance sérieuse; mais, depuis deux mois, on avait mis la main à l'oeuvre, et, grâce à quelques officiers dévoués qui avaient poussé les travaux avec la plus grande activité, Belfort était, au moment de son investissement, en état de soutenir un long siège, même contre des forces considérables : les ouvrages extérieurs qui complétaient ses fortifications étaient presque terminés et ses approvisionnements en vivres et en munitions laissaient peu à désirer. Le lieutenant-colonel Denfert-Rochereau, qui avait été nommé gouverneur de Belfort à la place du colonel Crouzat appelé à un commandement dans l'armée de l'Est, était un officier du génie instruit et énergique, qui devait ne rien négliger pour parer à toute éventualité. Nul mieux que lui n'eût su tirer parti de toutes les ressources dont la nature ou l'art avait doté ce point stratégique, cette vallée de la Savoureuse, véritable porte ouverte sur l'intérieur de la France. Pour défendre Belfort et les nombreuses positions qui l'entourent, le colonel Denfert avait 300 canons, mais il ne disposait que d'une force de 16,000 hommes composée d'éléments assez disparates et de mobiles inexpérimentés; heureusement il avait pour le seconder quelques, officiers de mérite : les capitaines du génie Brunetot, Degombert, Thiers, le capitaine d'artillerie de La Laurencie, et quelques autres sur lesquels il pouvait entièrement se reposer. Le général de Treskow était à la tête d'une artillerie puissante et de troupes nombreuses, mais ou était à Belfort en mesure de repousser victorieusement ses attaques. L'investissement de la place, très incomplet d'abord, se resserrait bientôt davantage, et les opérations du siège commençaient d'une manière sérieuse. Tous les efforts du général allemand tendaient à le rapprocher par degrés de la ville et à rejeter la défense dans ses retranchements. Le colonel Denfert multipliait les sorties afin de conserver intactes les positions qu'il avait cru devoir occuper. Le 15 novembre, il se portait en force dans la direction de Bessoncourt et faisait éprouver aux assiégeants des pertes sérieuses. Cependant ses efforts n'arrêtaient pas la marche en avant de l'ennemi, qui avançait d'une manière peu sensible mais toujours sûre. Les assiégés perdaient bientôt l'une après l'autre les positions avancées sur lesquelles ils s'étaient établis : Bessoncourt, à l'est, puis Cravanche, an pied du Grand-Salbert, le Mont, au nord. Essert, à l'ouest, Bavilliers, au sud-ouest, étaient successivement enlevés par les troupes allemandes; enfin, le 8 janvier, trois semaines environ après le jour où le bombardement avait commencé, les soldats de Treskow s'emparaient, après d'énergiques efforts et au prix des plus grands sacrifices, des ouvrages de Danjoutin et faisaient 700 prisonniers. Ces succès redoublent l'audace des assiégeants. Les attaques se multiplient et deviennent de plus en plus violentes. La Suisse, s'apitoyant sur le sort de la malheureuse population de Belfort, envoie une députation à Treskow afin d'obtenir l'autorisation de conduire à Porrentruy les femmes, les enfants et les vieillards de la ville assiégée. Moins humain que le général de Werder, qui avait accordé cette faveur à Strasbourg, Treskow refuse. Le 9 janvier, les habitants de Belfort apprennent la marche de Bourbaki vers l'Est. Les courages abattus se raniment. La victoire de Villersexel est pour eux le signal de la délivrance, et lorsque, le 15, ils entendent tonner le canon d'Héricourt, ils croient enfin être arrivés au terme de leurs souffrances. Des déceptions cruelles les attendaient. L'armée de Bourbaki, après avoir lutté héroïquement pendant trois jours contre les armées réunies de Werder et de Manteuffel, vaincue par l'hiver plus encore que par l'ennemi, est obligée de battre en retraite sur Besançon. En s'éloignant, l'armée française emporta avec elle la dernière espérance des habitants de Belfort, qui, depuis trois mois, supportaient, sans faiblir un bombardement, dont la garnison avait peut-être moins à souffrir que la population civile. Le 28 janvier, l'armistice qui suspendait les opérations militaires ayant été signé, la lutte s'arrêta dans le Nord et sur la Loire. Mais l'armée de Bourbaki était harcelée dans sa retraite avec plus d'acharnement que jamais. Les canons des batteries de Treskow continuaient à faire tomber sur Belfort une pluie de fer et de feu. Le colonel Denfert résistait fièrement, et nul n'eut parlé de se rendre, lorsqu'un ordre formel du gouvernement contraignit les défenseurs de Belfort d'ouvrir aux Allemands les portes de leur forteresse, dont ils ne sortirent qu'avec les honneurs de la guerre. Cette héroïque résistance a eu pour résultat de conserver à la France une portion de l'ancien département du Haut-Rhin, une citadelle dont l'importance stratégique était considérable. (A. Joanne). |
. |
|
|
|||||||||||||||||||||||||||||||
|