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La
Girafe constitue un genre de Mammifères
ruminants très remarquable par l'allongement du cou, la hauteur
des jambes et la brièveté du tronc. Ce genre, nommé
Camelopardalis en latin et dans les catalogues systématiques, est
le type d'une famille bien distincte, intermédiaire à celle
des Cerfs ou Ruminants à bois caducs et celle des Boeufs ou Ruminants
à cornes persistantes. Chez la Girafe les cornes sont des prolongements
des os du crâne, courts, droits et non caducs placés à
la jonction du frontal avec les pariétaux. Ces prolongements, formés
par un centre d'ossification distinct chez le jeune, se soudent ensuite
au crâne et sont recouverts par une peau poilue en continuité
avec la peau du front : elles sont cylindriques, et le plateau tronqué
qui les termine porte des poils plus longs que le reste. Ces cornes existent
dans les deux sexes et se montrent déjà à l'état
rudimentaire chez le nouveau-né. En avant de cette paire de cornes,
sur l'os frontal, se voit une protubérance médiane formée
par un épaississement de cet os, bien marqué surtout chez
les individus âgés, et que l'on a considérée
comme une troisième corne. Le crâne porte un trou lacrymal.
Il n'y a pas de canines supérieures et la formule dentaire est la
suivante :
I.0/3 + C.0/1 + PM.3/3 X2 = 32
dents
Les molaires
sont du type brachyodonte, c.-à-d. à couronne peu élevée,
avec l'émail rugueux; les supérieures n'ont pas de colonne
accessoire interne. Aux quatre pattes les doigts latéraux sont complètement
atrophiés et cachés sous la peau. L'humérus porte
une double poulie bicipitale. Les organes génitaux et le placenta
sont conformés sur le même type que chez les Boeufs. Les formes
extérieures sont bien connues et notre figure en donne une idée
exacte. Le genre Antilocapre se rapproche des Girafes par ses cornes qui
tombent beaucoup plus rarement que celles des Cerfs et ressemblent au premier
abord à celles des Antilopes : aussi certains naturalistes ont-ils
proposé de placer ce genre dans la famille des Girafes. Il est plus
naturel d'en faire une famille à part.
Un seul genre en
une seule espèce (Camelopardalis Giraffa) représente les
Girafes à l'époque actuelle, et la région éthiopienne
(Afrique, au Sud du Sahara) est la région où l'in rencontre
cette remarquable espèce. Le mâle peut atteindre une hauteur
de 4 à 5 m : c'est, par conséquent, le plus élevé
de tous les animaux. La longueur du cou est due simplement à l'allongement
des vertèbres cervicales qui sont au nombre de sept comme chez les
autres Ongulés quant à la déclivité du dos,
elle dépend surtout de la brièveté relative du tronc,
les pattes postérieures étant aussi longues que les antérieures.
Cette déclivité du dos se retrouve d'ailleurs, bien qu'à
un moindre degré, chez certaines Antilopes, par exemple dans le
genre Caama (Alcelaphus), et chez l'Élan (Alces). Le pelage est
ras et d'une coloration très élégante, formée
de taches polygonales larges et d'un châtain plus ou moins foncé
sur un fond d'un fauve très pâle presque blanc : cette dernière
couleur est celle du ventre et des pattes.
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Une
girafe dans le weld du Botswana.
On rencontre ce bel
animal dans les plaines qui s'étendent du sud du Sahara à
l'Afrique du Sud, dans l'Est, et le centre de l'Afrique : on ne le trouve
ni au Mozambique, ni dans l'Ouest africain au Nord de l'Equateur, c.-à-d.
au Nord de l'Angola et du Congo. La Girafe vit en troupes plus ou moins
nombreuses dans cette vaste région qui a l'aspect d'un parc, c.-à-d.
d'une plaine semée de fourrés et de bouquets d'arbres (savane).
Baker, en Abyssinie, a vu des bandes d'une centaine d'individus, mais le
plus ordinairement on ne rencontre que de petites familles de six à
huit Girafes. L'allure ordinaire est l'amble, mais le galop est assez rapide
et assez soutenu pour lasser les meilleurs chevaux : aussi le chasseur
qui poursuit ces animaux doit-il se préparer à l'avance des
relais et recourir à l'aide de rabatteurs. La Girafe est un animal
timide et sans défense malgré sa grande taille, et qui ne
peut chercher son salut que dans la fuite. En courant elle se dandine en
balançant son cou, ce qui ajoute à la difficulté de
la tirer pour le chasseur à cheval.
La Girafe se nourrit
à peu près exclusivement de feuilles d'arbres, surtout de
celles du Mimosa épineux appelé pour cette raison «
arbre à Girafe » (Acacia Girafae) et dont la présence
est pour le chasseur l'indice presque certain du voisinage de ce rare gibier.
Sa longue langue et ses lèvres extensibles lui servent à
cueillir les jeunes branches de cet arbre élevé.
La Girafe prise jeune
s'habitue facilement à la captivité : son caractère
est doux et docile. Brehm a vu à Karkodj, sur le Nil Bleu, une Girafe
apprivoisée errer librement le long du fleuve. Ces animaux supportent
assez bien le climat de l'Europe, et l'on en voit aujourd'hui dans la plupart
des grands jardins zoologiques. On a même pu les faire se reproduire
en captivité : le nouveau-né a déjà près
de 2 m de haut, et comme chez les autres Ruminants est en état de
se tenir debout quelques heures après sa naissance. La femelle porte
quatre cent trente et un jours.
Paléontologie.
Les Ruminants de
la famille des Girafes paraissent avoir été beaucoup plus
nombreux et variés à l'époque tertiaire que de nos
jours : on a trouvé de ces animaux dans le S. de l'Europe et en
Asie. De véritables Girafes (Camelopardalis attica Gaudry, C. speciosa
ou Orasius eximius et C. vetusia Wagner) ont laissé leurs débris
dans le miocène supérieur de Pikermi (Grèce) et dans
le pliocène de l'Inde et de la Chine (Cam. Sivalensis des monts
Siwaliks et C. microdon de Chine). Dans les mêmes gisements on trouve
des grands Ruminants de cette famille qui avaient des formes moins disproportionnées
: les uns étaient dépourvus de cornes, les autres en portaient
de beaucoup plus développées que la Girafe. Le type qui se
rapproche le plus de celle-ci est le Samotherium Boisseri (F. Major), de
l'île de Samos (archipel grec), qui portait chez le mâle une
paire de cornes immédiatement au-dessus dés yeux, c.-à-d.
beaucoup plus en avant que chez la Girafe; la femelle était sans
cornes. Le cou et les membres étaient moins allongés que
dans la Girafe. Le Samotherium, dont le genre Alcicephalus de Rodler et
Weithofer paraît synonyme, se retrouve dans le miocène supérieur
de Maragha, en Perse. Le Palaeotragus Rouenii (Gaudry) était plus
petit, mais avait les cornes semblablement placées au-dessus des
orbites et arquées en arrière, ce qui l'a fait classer d'abord
parmi les Antilopes. Le Sivatherium giganteum (Falconer et Caut.), du tertiaire
des monts Siwaliks, avait des formes plus lourdes que les Girafes et le
cou n'était pas très allongé : le mâle portait
deux paires de cornes bien distinctes : celles de la paire antérieure
étaient semblables à celles de la Girafe, mais les postérieures
étaient branchues et beaucoup plus grandes, rappelant celles de
l'Elan. Le crâne ne porte pas de trou lacrymal; la femelle n'avait
pas de-cornes. Le Sivatherium atteignait une taille gigantesque, supérieure
à celle de tous les autres Ruminants connus. L'Hydaspitherium megacephalum
(Lydekker) et le Brahmatherium perimense (Falc.), qui habitaient le Sud
de l'Asie à la même époque, se rapprochent du Sivatherium,
mais les deux paires de cornes avaient une base commune, et l'Hydaspitherium
présente un trou lacrymal qui manque aux deux autres genres. Le
Vishnutherium iravadicuni (Lyd.) de l'Inde et l'Urmiatherium Polaki (Rodler)
de Maragha en Iran forment la transition vers le type girafe; l'Urmiatherium
n'avait qu'une seule paire de cornes courtes et placées comme dans
ce dernier genre. Enfin l'Helladotherium Duvernoyi (Gaudry) de Pikermi,
qui dans le miocène supérieur représentait cette famille
jusque dans le centre de l'Europe (Hongrie, Sud de la France), paraît
avoir été dépourvu de cornes dans les deux sexes.
La forme du crâne indique un animal assez semblable à la femelle
du Sivatherium, mais à tête plus allongée, la taille
étant à peu près la même. C'était un
animal plus grand que le Cha meau, mais à formes plus normales et
moins disproportionnées que celles de la Girafe.
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Girafes
dans le parc national d'Arusha (Tanzanie). Images
: The World Factbook.
L'étude des
représentants éteints de la famille qui nous occupe ici permet
d'admettre que le développement véritablement excessif en
hauteur de ce type, tel que nous le voyons réalisé dans la
Girafe actuelle, s'est accompli par des étapes successives en partant
de l'Helladotherium miocène et sans cornes, passant par les types
fortement cornus comme le Sivatherium, puis par des types analogues au
Palaeotragus, au Samotherium et au Vishnulherium qui se rapprochent déjà
beaucoup plus de la Girafe : c'est dans le pliocène d'Asie que ces
animaux paraissent avoir été surtout abondants et variés.
Mais il ne faut pas oublier que de véritables Girafes existaient
déjà à Pikermi, dans le miocène supérieur,
à côté de l'Helladotheriun, ce qui semble indiquer
que l'évolution aurait été plus rapide et plus précoce
pour certains représentants de cette famille, dont les derniers
survivants sauraient émigré vers le Sud de l'Afrique à
la fin de la période tertiaire. (E. Trouessart). |
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