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Foie

Chez tous les métazoaires, on trouve annexé au tube digestif et dans des rapports plus ou moins directs un organe que l'on désigne sous le nom de foie. Chez les coelentérés, les vers, les insectes, le foie se présente sous la forme d'un épithélium en connexion avec la cavité digestive, puis tend à devenir indépendant; il existe alors sous forme de glandes tubuleuses enchevêtrées, s'ouvrant soit individuellement, soit par un canal collecteur dans l'intestin. La forme tubuleuse disparaît enfin chez les animaux plus évolués, à tel point qu'il est difficile de reconnaître la structure glandulaire. Nous ne parlerons ici que du foie des mammifères.

Le foie est une glande constituée par une série d'organites que l'on désigne sous le nom de lobules. Chacun des lobules présente une disposition identique et qui est caractéristique de la texture du foie. Examiné à un faible grossissement sur une coupe, on aperçoit au centre du lobule, qui affecte lui-même une section polyédrique, la lumière d'un vaisseau : c'est la veine-sus-hépatique ou veine intra-lobulaire de Kiernan; de la veine sus-hépatique partent des capillaires radiées. Entre ces capillaires et en contact direct, on trouve les cellules propres du foie, les cellules hépatiques, mais celles-ci ne forment pas une masse contiguë : elles présentent entre elles des espaces lacunaires qui constituent le réseau d'origine des voies biliaires. Ces réseaux, au lieu de présenter une direction convergente vers le centre du globule, comme c'est le cas dans les glandes en général, se dirigent vers la périphérie. Chaque lobule est limité par des branches de la veine porte, entourées d'une gaine conjonctive. C'est à cette branche qu'aboutissent les capillaires émergeant de la veine sus-hépatique, et c'est dans sa gaine conjonctive que se forment les tissus biliaires.

La structure du foie, telle que nous venons de la décrire d'après les auteurs classiques, indique une différence notable avec les autres glandes. Au lieu d'un canal excréteur central, c'est une veine qui constitue le centre du système lobulaire. Aussi a-t-on pu dire que le lobule hépatique n'est pas une unité glandulaire, mais plutôt une unité vasculaire. Ce qui frappe encore dans cette histologie du foie, c'est l'absence de membrane basale entre les cellules hépatiques et les vaisseaux; l'existence d'un endothélium à l'origine du réseau biliaire jadis affirmée est aujourd'hui totalement abandonnée. Robin, qui avait été frappé de l'analogie de la structure du foie avec les glandes vasculaires sanguines, s'appuyant sur les indications de la physiologie, faisait entre le foie et la rate un parallèle original. 

« Dans l'hypochondre gauche, dit-il, le pancréas et la rate forment, le premier une glande en grappe, la seconde une glande vasculaire sanguine qui reste distincte du pancréas et ne s'enchevêtre pas avec lui, bien qu'elle lui soit reliée par du tissu conjonctif, des vaisseaux et des nerfs. Que voyons-nous du côté droit? le foie biliaire, glande en grappe, et le foie glycogénique, glande vasculaire sanguine ne se séparant pas; au lieu de former deux organes distincts, ils restent confondus et nous n'avons à droite qu'un seul viscère, représentant les deux viscères séparés du côté gauche. C'est à ce titre qu'il est permis de dire que le foie est une glande mixte ou double. »
Les vues exposées si nettement par Robin sont des plus séduisantes; le foie est un organe à fonctions multiples, et sa structure même reflète ces diverses fonctions. Le foie est en effet une glande vasculaire sanguine, c.-à-d. une glande dans laquelle le sang subit certaines modifications, qui font que le sang à sa sortie de l'organe présente une composition différente de celle qu'il avait à son entrée; mais, outre cette fonction, qui ne comporte aucun canal excréteur, le foie est chargé de sécréter la bile. Il rentre donc de ce côté dans les glandes ordinaires du canal excréteur, dont il diffère cependant en ce que les cordons des cellules de son parenchyme sont orientées par rapport aux vaisseaux, qu'ils sont anastomosés entre eux et n'ont pas de membranes propres.
Foie humain.
Le foie (face inférieure, d'après L. Testut, Anatomie humaine). Le bord antérieur a été relevé par le haut. - 1, lobe droit. - 2, lobe antérieur. 3. lobe gauche. - 4, lobe postérieur. Canaux; biliaires : 11, vésicule biliaire. - 12, canal cystique. - 13, canal hépatique. - 13' canal cholédoque. Vaisseaux sanguins. - 14, artère hépatique. - 16, veine cave inférieure. -- 17, veines hépatiques droites. 18, veine hépatique gauche. - 25, veine porte.
L'anatomie comparée et l'embryogénie, confirmées d'ailleurs par l'anatomie pathologique, montrent que le foie est formé de glandes en tubes (cirrhose biliaire, adénome hépatique, foie de la couleuvre). Par suite de l'organisation de ces cordons hépatiques, on ne peut le comparer aux glandes ordinaires, mais à une glande toute spéciale, le poumon. Pilliet a résumé très clairement la conception ingénieuse de Sabourin.

Le lobule a pour centre un espace porte. Il est délimité à sa périphérie par une surface brisée passant par les veines sus-hépatiques qui l'entourent immédiatement. Il est donc composé de quatre segments égaux pris chacun sur un des quatre lobules hépatiques qui entourent l'espace porto-biliaire. Chacun de ces segments forme une nouvelle division du lobule, c'est l'acinus biliaire, qu'on peut regarder comme formé d'un seul tube pelotonné et anastomosé, s'abouchant par un canal biliaire au canal qui occupe l'espace porte et recevant deux branches vasculaires, l'une de la veine porte, et l'autre de l'artère hépatique. Le foie se trouve ainsi logiquement assimilé, non pas aux autres glandes, comme le voulaient les anciens anatomistes, mais à une autre glande en particulier, le poumon. Le canal excréteur correspond à la bronche infralobulaire, la veine porte et l'artère hépatique à l'artère pulmonaire et à l'artère bronchique; enfin la circulation veineuse périphérique se trouve représentée dans le foie par les veines sus-hépatiques et dans le poumon par les veines pulmonaires. L'acinus biliaire correspond rigoureusement à l'acinus pulmonaire. Le problème qui préoccupait tant les Anciens est ici résolu, grâce au choix heureux de l'organe qui sert de terme de comparaison. Pourtant il faut noter que le poumon est disposé en vue de modifications à faire subir au sang et non en vue de sécrétions excrémentitielles; c'est en grande partie une glande vasculaire sanguine, et sa circulation n'est pas rigoureusement comparable à celle des glandes salivaires.

Lobule hépatique.
Lobule hépatique (schéma). - ah, artère hépatique. - vp, veine porte. - vh, veine hépatique. - ci, cnalicules intralobulaires. cp, canalicules perilohulaires. - ch, cellules hépatiques.
Le foie exerce des fonctions multiples entre lesquelles existent des connexions intimes : sécrétion de la bile, formation du sucre, formation de la graisse, formation d'urée, fonction hématopoiétique, action antitoxique. On voulait autrefois considérer dans le foie deux organes distincts, ayant des éléments histologiques propres. A la cellule hépatique était dévolue la fonction glycogénique; c'était leur aglomération qui constituait le foie glycogénique; aux cellules tapissant les canalicules biliaires était réservée la sécrétion biliaire, l'ensemble de ces canalicules constituant le foie biliaire ; mais les recherches, comme nous l'avons vu, ont montré que les prétendues cellules des canalicules biliaires n'existaient pas, que ces derniers étaient fermés par l'écartement des cellules hépatiques, la face formant les parois des canalicules étant simplement épaissie pour former une cuticule. Les cellules hépatiques exercent donc directement leur fonction connexe : glycogénique et biligénique. On peut, dans certains cas, déceler la matière colorante biliaire dans les cellules hépatiques. Beaunis admettait que la sécrétion de la bile exige, outre les cellules hépatiques, l'intervention des glandes en grappe que l'on observe sur les canaux biliaires. Les substances spéciales à la bile, matières colorantes, cholestérine, acides biliaires, seraient, estimait-il, élaborés par la cellule hépatique, tandis que l'eau et les sels proviendraient des glandes en grappe. Dans cette perpective, les glandes en grappe ne seraient donc que des appareils de filtration analogues au rein par exemple, alors que les cellules hépatiques élaboreraient du sang les principes spécifiques de la bile.
Production de la graisse. - Les observations cliniques démontrent la fréquence de la dégénérescence graisseuse du foie. Normalement, le foie formerait en même temps que du glucose aux dépens du glycogène une graisse très oxydable (graisse de l'huile de foie de morue), utile par suite à la thermogenèse, surtout quand l'oxygénation est faible. L'anatomie comparée montre en effet que les animaux à respiration faible ont un foie volumineux, tandis que ceux à respiration active (oiseaux) ont cet organe très réduit. Pendant la grossesse et la période de lactation le foie est toujours très riche en graisse.

Fonction hématopoiétique. - L'existence dans la bile de dérivés de l'hémoglobine (bilirubine) indique qu'il doit se produire une certaine destruction des globules sanguins. On considère donc le foie comme un centre de destruction des globules. Le fer perdu par l'hémoglobine transformé en bilirubine ne passe pas dans la bile en quantité appréciable et doit donc être fixé de nouveau.

Formation d'urée. - Meissner a considéré le foie comme l'organe principal de la formation de l'urée; toutefois, ce n'est pas aux dépens du tissu hépatique lui-même, mais du sang qui l'irrigue que se formerait ce produit de déchet. Dans l'atrophie aiguë du foie, on voit l'urée disparaître totalement de l'urine. C'est la seule observation en faveur de cette opinion; en effet, chez les grenouilles privées de foie, on trouve de l'urée; le sang des veines sus-hépatiques n'est pas plus riche en urée que le sang veineux général. Que le foie produise cette substance, le fait est probable; mais, à poids égal, il n'est certainement pas plus actif que les muscles en travail.

Action antitoxique. - Le foie joue contre les intoxications, que les agents toxiques soient introduits dans l'organisme ou qu'ils y prennent naissance, un rôle des plus importants : en accumulant certaines substances toxiques, pour les déverser peu à peu dans le torrent circulatoire, où leur petite quantité les rend inoffensifs, ou encore en les éliminant par la sécrétion biliaire; tels le cuivre, le plomb, l'arsenic, la nicotine, la quinine, la strychnine, la cocaïne, les peptones, les poisons putrides. Mais ces produits ne sont pas tous simplement retenus par le foie; ils y subissent des modifications chimiques, modifications qui se produiraient, d'après Roger, par l'action du glycogène. Quand cet organe en effet est privé de glycogène, son action antitoxique est supprimée. On sait du reste que le glucose modifie in vitro les alcaloïdes (Tanret), en diminuant l'intensité des fermentations intestinales, grâce à l'action antiseptique de la bile. (Dr P. Langlois, ca. 1900).

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