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Les écriture nationales |
On désigne sous le nom d'écritures nationales diverses écritures minuscules ou cursives employées en France, en Italie, en Espagne, en Angleterre et en Irlande du VIIe au XIIe siècle, auxquelles on a donné ce nom parce qu'on les a considérées longtemps comme des produits nationaux des différents peuples germaniques qui se sont établis dans l'occident de l'Europe. On sait aujourd'hui qu'il n'en est rien; toutefois, on peut continuer à se servir de cette dénomination puisque, sans contredit, ces diverses écritures se sont établies sur une base commune chez les différents peuples dont elles portent les noms. Cette base, c'est l'ancienne cursive romaine combinée avec des éléments empruntés à l'onciale. Lorsque après la constitution des divers royaumes barbares ont lieu une sorte de première renaissance scientifique, on renonça à l'emploi peu commode de la capitale ou de la grande cursive pour simplifier et perfectionner cette dernière. 27. - Ecriture lombarde. - Lectionnaire. Manuscrit écrit au Mont-Cassin entre 1058 et 1087. Ecriture lombarde. Ecriture lombarde. "(Incip)iunt quaestiones" et minuscules lombardes. Manuscrit de Saint Auhgustin sur le Pentateuque. Une variété de l'écriture lombarde a été usitée dans les bulles pontificales, et y est devenue l'écriture particulière de la chancellerie romaine où elle est restée en usage jusqu'au commencement du XIIe siècle, époque où elle fut remplacée par une minuscule romane élégante et claire d'origine française. Dans le Sud de l'Italie, l'écriture lombarde demeura plus longtemps en usage et s'y altéra au point de devenir à peu près illisible. En 1234, Frédéric lI en avait décidé le remplacement par la minuscule française, dans le royaume de Naples; néanmoins, on en trouve encore des vestiges dans les chartes et surtout dans les manuscrits jusqu'à l'extrême fin du XIIIe siècle. Ecriture wisigothique. 28. - Ecriture wisigothique. - Cartulaire de Sahagun, écrit en 1110. En outre, du VIIIe au XIe siècle s'est développée une écriture, pointue, difficilement lisible, employée surtout dans les chartes, à laquelle on peut donner le nom de cursive wisigothique. A en croire Rodrigue de Tolède, un concile tenu à Léon vers 1080 et présidé par un légat du pape, aurait ordonné à tous les scribes d'abandonner l'écriture wisigothique pour y substituer l'écriture française. Néanmoins, l'ancienne écriture ne disparut pas immédiatement; abandonnée en Catalogne dès le Xe siècle, elle se maintint dans les autres parties de l'Espagne pendant tout le XIIe siècle et on en trouve encore des traces en Galice à la fin du XIIIe. Ecriture wisigothique (XIe siècle). Ecriture mérovingienne. 29. - Cursive mérovingienne. - Manuscrit de Grégoire de Tours, dit de Corbie. (VIIe siècle).. Ecriture irlandaise. 1° une écriture onciale; Ecriture irlandaise. Début de l'Evangile de Matthieu (évangéliaire de Maeiel Brith Mac Durnan). L'Irlande fut le pays privilégié de la calligraphie. Pour les souscriptions, les titres et le début des chapitres dans les manuscrits, les copistes ont employé des majuscules particulières, caractérisées par des pointes qui remplacent partout les formes arrondies; ils ont affectionné les initiales et les ornementations peintes caractérisées par des entrelacs et des spirales formés d'étroites bandelettes de couleur. Les moines irlandais, on le sait, se sont répandus dans toute la chrétienté, y ont apporté leurs livres et en ont écrit de nouveaux. En France Luxeuil, en Italie Bobbio, en Allemagne Würzbourg ont été des foyers de propagation de l'écriture irlandaise. 30. - Onciale irlandaise. Evangéliaire de Kells. (VIIe siècle). Ecriture anglo-saxonne. Exemple d'écriture anglo-saxonne (VIIe s.). L'écriture anglo-saxonne ne survécut pas à la conquête normande; mais les moines anglo-saxons appelés sur le continent par Charlemagne avaient contribué à une profonde réforme de l'écriture franque et créé la minuscule caroline qui devait, sous le nom d'écriture française, se propager dans toute la chrétienté et y remplacer toutes les anciennes écritures. 31. - Semi-onciale anglo-saxonne. Evangéliaire de Lindisfarne avec gloses anglo-saxonnes (v. l'an 700). L'écriture carolingienne. A peine monté sur le trône, le puissant réformateur établit, dans son palais d'Aix-la-Chapelle, une école de calligraphie, dont il confia la direction à Alcuin, son maître et précepteur. Sous un homme aussi intelligent et habile, l'institution prospéra rapidement et produisit des chefs-d'oeuvre, dont quelques-uns, conservés jusqu'à nos jours, excitent au plus haut point l'admiration des connaisseurs. Bientôt après, des ateliers de transcription furent organisés, sur le modèle de celui d'Aix-la-Chapelle, dans toutes les abbayes importantes du royaume franc. Le plus célèbre de ces ateliers monastiques est, sans contredit, celui de Saint-Martin de Tours, fondé et développé par Alcuin, pendant qu'il gouverna cette abbaye de 796 à 804. Nous mentionnerons aussi les ateliers de Metz, de Reims, de Saint-Denis près de Paris, de Corbie, et celui de Théodulphe, évêque d'Orléans. Aux VIIIe et IXe siècles, on copia dans ces ateliers, et surtout dans celui du palais d'Aix-la-Chapelle, des manuscrits renfermant le texte des Évangiles et décorés avec le plus grand luxe. Ceux qui ont échappé à la destruction nous permettent d'apprécier le mérite de ce genre de travaux. Ils sont généralement illustrés de grandes initiales et de nombreuses miniatures à pleine page. Quelques-uns sont écrits en lettres d'or ou d'argent sur du parchemin teint en pourpre. Tels sont les deux évangéliaires exécutés pour Charlemagne : le premier, en 781 ou 782, par Godescalc, dans l'atelier palatin d'Aix-la Chapelle, sous la direction d'Alcuin, est conservé à la Bibliothèque nationale de Paris; le second, transcrit et décoré probablement vers la même époque, peut-être dans le même atelier, est à Vienne (Autriche). Ce dernier constitue une oeuvre d'art extrêmement remarquable, dont les miniatures sont évidemment inspirées par des modèles de l'Antiquité classique; le premier, au contraire, a subi, dans son ornementation, l'influence de l'école irlandaise, et les figures qu'on y rencontre n'ont qu'une valeur artistique médiocres. La plupart de ces manuscrits richement décorés, surtout les plus anciens, sont en écriture onciale régulière et très soignée. Quelques-uns renferment, concurremment avec les parties en onciale, des parties en capitale élégante et en minuscule; la capitale est employée pour les titres, la minuscule pour les notes marginales. Des feuillets ou des cahiers entièrement en capitale, soit élégante soit rustique, ne s'y rencontrent que fort rarement. On a parfois attribué aux écoles irlandaise et anglo-saxonne une part prépondérante dans la formation de l'écriture carolingienne Cette assertion doit être tempérée, car ces écoles n'ont eu une part d'action que dans la décoration picturale de certains manuscrits du VIIIe et du IXe siècle, pour laquelle les scribes du continent se sont inspirés des initiales et des encadrements à entrelacs et à têtes d'animaux ingénieusement combinés, dont les livres irlandais et anglo-saxons leur offrent de si beaux modèles. La calligraphie carolingienne s'est formée et développée principalement sous l'influence des manuscrits et de l'épigraphie de l'Antiquité classique. Elle emploie quatre espèces d'écritures : 1 ° la capitale, tant élégante que rustique,Les trois premières reproduisent, en les perfectionnant, les modèles anciens. On ne parlera donc ici que de la minuscule. - Minuscule caroline de la Bible d'Alcuin (vers 800). Minuscule caroline des livres. Dès le début de son règne, Charlemagne s'efforça de dissiper l'ignorance qui régnait dans toutes les classes de la société mérovingienne. Chez le clergé, l'insuffisance de l'instruction était cause que les livres liturgiques fourmillaient de fautes. Un capitulaire du 23 mars 789 ordonna de les corriger avec soin et de les faire transcrire par des copistes tout à fait formés, capables et exercés. Cette prescription, qui entraînait le renouvellement de presque tous les livres liturgiques, eut pour résultat de fournir un surcroît extraordinaire de travail aux ateliers de transcription établis auprès des chapitres et dans les monastères, d'activer le développement de ces établissements éminemment utiles et de contribuer singulièrement à la formation de scribes habiles et instruits. Sous la puissante influence d'Alcuin, qui dirigeait tout ce mouvement de rénovation littéraire, la minuscule caroline servit à la plupart de ces copies, et supplanta tous les autres genres d'écritures. Toutefois, dans les livres écrits en minuscule, on continua à faire usage de la capitale et de l'onciale pour la première ou les premières lignes d'un traité ou d'un chapitre. Cette pratique persista au moins jusqu'au Xe siècle. La réforme de l'écriture opérée par Charlemagne s'accomplit très rapidement. Les manuscrits de la fin du VIIIe siècle présentent déjà presque tous les caractères de la minuscule proprement dite. Seuls, les plus anciens d'entre eux conservent encore çà et là l'une ou l'autre forme de lettre propre à l'écriture mérovingienne. A cette époque aussi, les scribes commencèrent à se préoccuper de la séparation des mots : quelques-uns l'observent déjà scrupuleusement, tandis que d'autres n'en font pas encore grand cas et la négligent partiellement. Ce n'est qu'au début du IXe siècle que la pratique de séparer les mots fut communément admise; on continua toutefois, jusqu'au XIIIe siècle, à unir certaines prépositions à leur complément et des conjonctions au mot qui les suit. Un exemple très intéressant de la minuscule caroline de la fin du VIIIe siècle nous est fourni par une copie du Liber pontificalis, exécutée aux environs de l'année 796. Notre reproduction ci-dessous en donne quelques lignes. La minuscule caroline y est définitivement constituée; elle est complètement affranchie des traditions mérovingiennes. Les mots sont séparés, et les ligatures, à l'exception de et, ont disparu; toutefois l'orthographe laisse encore à désirer. Minuscule caroline. - Liber pontificalis, de l'année 796 environ. Il serait trop long d'énumérer ici tous les caractères que présente la minuscule caroline du IXe siècle; car, bien qu'un certain nombre de ces caractères soient généraux, c'est-à-dire qu'on les observe partout, il en est cependant beaucoup d'autres qu'on ne rencontre que dans une seule contrée, dans une seule école calligraphique, ou même dans un seul atelier. On se contentera des remarques suivantes : . 1. De même que dans l'écriture mérovingienne, les hastes des lettres b, d, h et l, sont renflées ou épaissies à leur sommet.Comme nous l'avons déjà fait remarquer, les scribes carolingiens commencèrent de bonne heure à séparer les mots. Quant aux lettres composant les mots, ils les juxtaposent intimement et les unissent au moyen d'un simple trait, et n'admettent plus qu'exceptionnellement les ligatures entraînant la déformation des lettres. Enfin, l'usage des signes de ponctuation devient général. L'écriture du Xe siècle est ordinairement moins soignée et moins régulière que celle du IXe. Les hastes des lettres b, d, h et l, ne présentent plus de renflement au sommet; elles ont partout la même épaisseur et sont coupées obliquement ou se terminent en haut par une petite ligne inclinée à gauche, qui donne à l'extrémité de la haste l'aspect d'un petit crochet aigu. L'a ouvert disparaît pour ainsi dire complètement de l'écriture des livres, et l'oeil du g se ferme entièrement. Observons que d'ordinaire plusieurs copistes travaillaient simultanément à la transcription d'un ouvrage. On ne doit donc pas s'étonner de trouver, dans un même manuscrit, des écritures de différentes mains et paraissant les unes plus anciennes que les autres, d'après l'âge plus ou moins avancé du scribe qui les a tracées. Enfin, notons encore qu'aux IXe et XIIe siècles les copistes ont parfois commis des erreurs ou laissé des lacunes dans leurs transcriptions, parce qu'ils n'étaient pas suffisamment familiarisés avec l'écriture de leur modèle. C'est ce qui est arrivé notamment lorsque des scribes de la France ont transcrit des manuscrits venant de l'Irlande ou de l'Angleterre et renfermant des signes abréviatifs tout à fait propres à l'écriture nationale de ces pays, ainsi que des lettres prêtant à la confusion avec des lettres de forme semblable, mais de valeur différente, usitées sur le continent. Minuscule caroline diplomatique. Voici, d'après le Handbook de Thompson, un fragment d'un diplôme de Charlemagne, donné à Aix-la-Chapelle le 31 mars 797. Il permettra de se former une idée de l'écriture de la chancellerie impériale à la fin du VIIIe siècle. Diplôme de Charlemagne, du 31 mars 797. Sous Louis le Débonnaire (814-840), la minuscule caroline gagna tous les jours du terrain dans la chancellerie impériale, et finit, en peu de temps, par se substituer à l'écriture dérivée de la mérovingienne, qui y était restée en usage sous Charlemagne. Depuis ce moment, il n'y eut plus de différence essentielle entre l'écriture diplomatique et celle des manuscrits. La première est toutefois plus soignée, plus ornée et par là même plus gracieuse. Les lignes y sont fortement espacées; et, comme précédemment, les lettres b, d, h, l, et quelquefois i, montent jusqu'à la ligne précédente, en recourbant légèrement vers la droite l'extrémité de leur haste, tandis que les queues des lettres f, p, q, r et s, se prolongent au-dessous de la ligne, en formant une petite courbe vers la gauche. La lettre c, de même que les ligatures ct et st, sont surmontées de boucles s'élevant aussi notablement au-dessus de la ligne. Les abréviations sont marquées, non par une barre, mais par un trait bouclé ou noué. L'a conserve la forme ouverte jusqu'à la fin du XIe siècle, bien que cette forme disparut des manuscrits dès la fin du IXe. Dans quelques diplômes la panse du p s'ouvre et se dresse en se relevant. La première ligne du diplôme et les souscriptions de l'empereur et du chancelier sont régulièrement tracées en écriture allongée. Ecriture diplomatique à la fin du XIVe s; (charte de Richard II). La minuscule ornée fut employée par la chancellerie impériale, avec plus ou moins de modifications, du IXe au Xlle siècle. C'est seulement au cours du XIIIe que la différence entre l'écriture diplomatique et celle des livres y disparaît pour ainsi dire complètement. (A. Giry et E.-D. Grand / C. Reussens). |
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