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Histoire du droit français
Le droit pendant la période franque
La période franque s'étend de la chute de l'Empire d'Occident (an 476 après J.-C.; jusqu'à l'établissement en France du régime féodal au Xe siècle, c'est-à-dire jusqu'à l'avènement de Hugues Capet (987). 

Histoire du droit public

L'histoire du droit public fera l'objet de six chapitres. Nous étudierons successivement : l'organisation politique; l'organisation administrative; l'organisation judiciaire; l'organisation militaire; l'organisation financière, et, en dernier lieu, l'organisation de l'Eglise.

Organisation politique

Les organes du gouvernement pendant la période franque comprennent : le roi, les auxiliaires du roi et les assemblées.

Le roi

Caractères du pouvoir royal chez les Francs.
Le pouvoir suprême présente un caractère différent chez les Francs de ce qu'il était sous l'Empire romain.

A Rome, l'empereur était considéré, non comme propriétaire, mais seulement comme dépositaire de la souveraineté qu'il exerçait au nom de l'Etat, dont il était la personnification vivante.

Le monarque franc, au contraire, considérait le pouvoir royal comme sa propriété privée au même titre et dans les mêmes conditions que les autres éléments de son patrimoine, sa terre, ses armes ou ses troupeaux.

De cette conception rudimentaire de la souveraineté, il résulte des conséquences importantes :

1° La royauté est héréditaire; elle se transmet avec les autres éléments du patrimoine du roi défunt. Cette règle est à peu près certaine sous les rois mérovingiens. Du moins, c'est ce qui semble bien résulter de ce fait historique que la Couronne est restée dans la même famille pendant la dynastie des Mérovingiens. Ce fait paraît contredit par Grégoire de Tours qui montre l'intervention des grands du Royaume pour la désignation du Roi qu'ils élèvent sur le pavois. On a essayé de concilier ce fait et ce texte en disant que le roi mérovingien montait sur le trône en vertu d'un droit héréditaire ou par le choix du peuple, choix restreint aux membres de la famille en possession de la Couronne (P. Viollet, Inst. polit., p. 201). C'est pour respecter ce principe d'hérédité de la couronne que Pépin le Bref, après son élection, dut se faire sacrer par le pape. Sous les Carolingiens, au contraire, la couronne paraît être élective. Pépin le Bref demanda aux Francs de ne pas choisir d'autre roi que ses fils; et, au Xe siècle, on voit élire des héritiers non directs à la place des descendants du roi défunt;

2° Les femmes sont exclues du trône comme elles le sont de la terra aviatica, d'après la loi salique;

3° Le royaume se divise entre les descendants mâles du roi comme ses autres biens. Ce fut une première cause d'affaiblissement de la monarchie franque;

4° De son vivant le roi peut opérer le partage de ses Etats entre ses fils. C'est ce que firent : Charlemagne, d'abord, puis son fils, Louis le Débonnaire.

5° Enfin, le roi se reconnut le droit de disposer des attributs de la souveraineté, comme des autres droits lui appartenant en propre. De là des chartes d'immunités, des concessions de droits régaliens et des attributions de fonctions publiques, faites à titre viager et même héréditaire, qui ont prépare l'avènement de la féodalité.

Pouvoirs du roi franc. 
A partir de Clovis, les pouvoirs du roi sont à peu près absolus. Il en était autrement de ceux du roi dans la civitas germanique (Le droit germanique). Les pouvoirs du roi franc se sont développés à la faveur de ceux du duc, ou chef militaire qui exerçait le pouvoir suprême en temps de guerre. Par suite des guerres continuelles qui remplirent le Ve siècle, les ducs devinrent rois avec un pouvoir permanent, absolu et même héréditaire.

La principale fonction du roi consiste à rendre la justice, et, à cet égard, il a droit de vie et de mort sur ses sujets; il a l'imperium militaire et fait la paix et la guerre; il peut enfin émettre des ordres permanents dont l'exécution est assurée par un forte amende; c'est le bannus ou ban du roi.

Auxiliaires du roi

Les auxiliaires du roi étaient les officiers du palais et les missi dominici.

Officiers du palais.
Les officiers qui entouraient le roi et qui concouraient avec lui à l'administration du royaume étaient les uns d'origine romaine, les autres d'origine germanique.

Origine romaine. 
Les officiers d'origine romaine avaient pour principale fonction de rédiger les diplômes contenant l'expression de la volonté royale. Le plus important s'appelle le referendarius à l'époque mérovingienne; il prend le titre de grand chancelier, summus cancellarius, et acquiert une autorité considérable sous Charlemagne.

Origine germanique. 
Quant aux officiers d'origine germanique, ils présentent ce caractère particulier qu'ils sont à la fois chargés de fonctions purement domestiques et d'attributions d'ordre politique. Cela tient à la confusion, dont nous avons parlé plus haut, entre l'Etat et le patrimoine du prince; en sorte que les ministres de la maison du roi étaient en même temps les ministres de I'Etat.

Sous les rois mérovingiens, le plus important de ces officiers est le maire du palais (major domus ou major palatii), dont l'autorité finit, avec Pépin le Bref, par supplanter celle du roi. Aussi, cette dignité est-elle supprimée sous les Carolingiens. Citons encore : le comes palatii qui présidait le tribunal du roi et qui était le chef de l'administration; le sénéchal ou intendant, le maréchal ou connétable (comes stabuli), préposé aux écuries qui commandait l'armée en l'absence du roi, l'échanson, le trésorier, l'apochrysarius ou grand aumônier, chargé des affaires ecclésiastiques; enfin, le camerarius, chargé de la garde du trésor royal.

Missi dominici. 
Les missi dominici sont des agents qui font l'office d'inspecteurs généraux chargés de surveiller les autorités locales. Cette institution existe en germe sous les Mérovingiens; mais elle n'est définitivement organisée que sous les Carolingiens; et c'est sous Charlemagne un rouage normal et important de l'administration.

Le royaume était divisé en grandes circonscriptions ou missiatica; à chacune d'elles étaient assignés deux missi, un laïque et un ecclésiastique, ordinairement un comte et un évêque.

Ils recevaient les plaintes contre les fonctionnaires et pouvaient suspendre ceux qui avaient manqué à leurs devoirs, à l'exception du comte. De plus, ils rendaient la justice comme le roi en personne dont ils étaient censés tenir la place.

D'abord nommés pour un an, ils devinrent permanents, puis tombèrent on désuétude.

 Assemblées

Champs de mars et de mai.
Chez les Germains, au rapport de Tacite, les affaires les plus importantes sont traitées dans des assemblées composées des hommes libres du royaume, en âge de porter les armes. Ces assemblées, ou concilia, étaient investies du pouvoir souverain dans les civitates germaniques.

Cet usage prit fin après l'établissement des Francs en Gaule. Il y eut bien toujours des réunions, sous le nom de Champs de mars ou de mai; seulement ces réunions ne comprenaient que l'armée et n'étaient plus que de simples revues militaires.

Placita Mérovingiens et Carolingiens.
Cependant, en dehors de ces Champs de mars ou de mai, de véritables assemblées délibérantes (ou placita), sont organisées sous les Mérovingiens et se réunissent d'une façon régulière sous les Carolingiens. Ce ne sont plus des assemblées d'hommes libres, mais de véritables réunions de fonctionnaires, composées d'ecclésiastiques d'une part (évêques et abbés) et, d'autre part, de laïques (les comtes).

Sous Charlemagne, il y eut deux placita par an : l'un en octobre, l'autre en mai. Le placitum d'octobre était moins nombreux il ne comprenait que les évêques, les abbés et les fonctionnaires supérieurs ou seniores (comtes). Le placitum de mai était plus nombreux; il comprenait en outre les fonctionnaires inférieurs ou juniores ayant voix consultative seulement.

Les laïques et les ecclésiastiques délibéraient tantôt ensemble, tantôt séparément.

Au placitum d'octobre on prenait des décisions préparatoires. Au placitum de mai les décisions définitives étaient arrêtées. Le roi ne prenait part à la délibération que si on l'y appelait. L'avis de l'assemblée lui était remis. Il prenait alors une décision qu'on était obligé de respecter.Tous ces renseignements nous sont fournis : 1° par un écrit d'Hincmar de Reims, de ordine palatii, composé en 833; 2° par un petit traité d'Adalhard, évêque de Corbie.

Après Charlemagne le pouvoir de ces assemblées augmente en même temps que diminue l'autorité royale, notamment sous Louis le Débonnaire et Charles le Chauve. Mais elles cessent d'être périodiques.

Organisation administrative

Divisions administratives. 
Pagus. 
La civitas gallo-romaine disparut pour faire place au pagus.

A la tête de chaque pagus est un comes, comte ou grafio nommé par le roi parmi tous les hommes libres du royaume, francs ou gallo-romains. Le comte pouvait se faire remplacer par un vice comes ou vicomte; il arriva même que certains pagi furent administrés par un vice-comes.

Sur les frontières, le pagus s'appelait marca, et le comte, marquis.

Les attributions du comte étaient très nombreuses : dans l'ordre administratif, militaire, financier et judiciaire. Il était principament chargé d'administrer le pagus au nom du roi et de promulguer les capitulaires.

Duchés.
La réunion de plusieurs pagi formait souvent un duché administré par le duc. Mais le duché est une circonscription qui n'est ni fixe ni permanente; elle était créée quand les circonstances le rendant nécessaire et pour un certain temps. Le duc a surtout des attributions militaires. Souvent ce titre était donné aux rois vaincus qui avaient conservé l'administration de leur royaume.

Subdivision du pagus : la centena. 
Chaque pagus était divisé en un certain nombre de centenae ayant à leur tête un centenarius ou thunginus, élu par le peuple parmi les hommes libres. La centena était plutôt une circonscription judiciaire; on y trouvait le mallum dont nous aurons à parler plus loin : des fonctionnaires royaux, nommés sace baronnes ou sagi-barons, y exerçaient des attributions sur la nature desquelles on n'est pas fixé peut-être étaient-ils chargés de percevoir les amendes prononcées par les tribunaux. Enfin, un autre fonctionnaire royal, le vicarius était préposé au recouvrement de l'impôt; il finit par se substituer au thunginus.

Régime municipal. 
Le régime municipal de la période gallo-romaine disparut au nord; il persista dans les contrées du centre et du sud jusqu'au IXe siècle. A cette dernière époque, on n'en trouve plus trace nulle part.

Organisation judiciaire

L'organisation judiciaire comprenait deux ordres de tribunaux; des tribunaux laïques et des tribunaux ecclésiastiques.

Tribunaux laïques

Les tribunaux laïques étaient : le tribunal du roi, placitum palatii, le mallum de la centena et d'autres juridictions moins importantes.

Tribunal du roi. Placitum palatii. 
Composition. 
Le tribunal du roi, placitum palatii, avait la même composition que son conseil; on y rencontre des évêques, des grands officiers; le nombre en est assez élevé (30 et même 50); il était présidé par le roi (un capitulaire de 829 de Louis le Débonnaire porte que le roi consacrera un jour par semaine à son tribunal) ou, à son défaut, par le comes palatii, le majordomus ou l'apocrysarius, suivant les époques.

Compétence.
Le tribunal siégeait à jour fixe dans une villa royale. La compétence de ce tribunal était mal délimitée. Il connaissait de certaines affaires à cause de leur gravité (crimes de trahison) ou en raison de la qualité des parties (comes, domestici).

De plus, il pouvait statuer sur les affaires rentrant dans la compétence d'un tribunal ordinaire, dans deux cas :

1° Lorsqu'il y avait eu déni de justice;

2° Lorsque la sentence rendue était manifestement inique. Il y avait là plutôt prise à partie du juge qu'un appel véritable, comme en droit romain.

Enfin, il peut évoquer les affaires de la compétence des tribunaux ordinaires; à cet effet, un ordre écrit est délivré par la chancellerie royale, indiculus regalis, pour que l'affaire soit retenue par le tribunal du roi.

Du mallum de la centena.
Dans chaque centena il y avait un mallum qui formait le tribunal de droit commun. Le lieu où il se tenait portait le nom de mallobergium ; à l'entrée était une lance portant un bouclier.

La composition du mallum a varié :

+ Sous les Mérovingiens, ce sont des hommes libres, boni homines ou rachimbourgs, choisis parmi les assistants, sortes de jurés; ils devaient être au nombre de sept.

+ Sous les Carolingiens, les rachimbourgs sont remplacés par des juges fonctionnaires, scabini (ce sont plus tard les échevins); choisis par le comte avec l'assentiment du peuple.

La présidence appartenait au centenarius ou thungintus. Mais lorsque le comte se présentait, il avait le droit de présider le mallum, et le thunginus devait se retirer. Plus tard, le vicarius, fonctionnaire de l'ordre administratif, remplaça le thunginus à la
présidence du mallum.

Le tribunal est complété par la présence des hommes libres qui étaient tenus, sous peine d'amende, de se rendre au mallum et manifestaient leur sentiment par des clameurs.

Charlemagne réduisit à trois par an le nombre de placita auxquels les hommes libres étaient toujours tenus de se rendre; on les appelait placita majora. Dans les autres, placita minora, les scabini siègent seuls.

Autres juridictions laïques.
C'étaient : 

1° les assises tenues par les missi dominici dans leurs tournées d'inspection; 

2° la juridiction concédée aux immunistes. Les immunistes étaient des personnes auxquelles le roi conférait le privilège d'émpêcher les fonctionnaires royaux de pénétrer sur leurs terres pour y exercer des actes de souveraineté. Sur ces domaines, l'immuniste organisait des tribunaux spéciaux pour rendre la justice; c'est l'origine des justices seigneuriales.

Tribunaux ecclésiastiques

Origine du « privilegium fori ». 
A l'époque Gallo-Romaine, l'Eglise avait une compétence purement facultative pour les parties; dans notre période, au contraire, elle acquiert un pouvoir de juridiction exclusive au moins vis-à-vis d'une catégorie de personnes, à l'égard des clercs.

Cette règle nouvelle est posée par le célèbre édit de Clotaire II, rendu en 614, qui établit ce qu'on appellera plus tard le privilegium fori ou privilège de clergie. Elle reçoit sa confirmation dans de nombreux capitulaires des rois carolingiens.

En matière civile, le tribunal ecclésiastique est seul compétent lorsque le procès s'élève entre deux clercs.

Si l'une des deux parties est laïque et l'autre clerc, la compétence appartient à un tribunal mixte, si le laïque ne consent pas à être jugé par le tribunal ecclésiastique.
A l'égard des laïques, la compétence du tribunal ecclésiastique demeure purement arbitrale et facultative, comme antérieurement. Cependant, même à leur égard, les évêques exercent un pouvoir disciplinaire important dans les synodes qu'ils tiennent périodiquement dans les diverses parties de leur diocèse. Dans ces assises composées d'ecclésiastiques et de fidèles, les personnes accusées de péchés publics devaient se disculper à l'aide de cojurantes ou par les ordalies; sinon elles encouraient les peines prévues par les canons. C'est ce qu'on appelait les causes synodales.

En matière criminelle il faut distinguer : pour un simple clerc, l'instruction est faite par le comte; pour un diacre ou un prêtre, elle est faite par l'évêque ; dans les deux cas l'évêque juge. S'il s'agit d'un évêque l'instruction est confiée au roi, et un synode d'évêques statue.

Eu résumé, la compétence des juges ecclésiastiques n'existe encore que ratione personae; la compétence ratione materiae ne se développera que plus tard. Mais elle existe déjà en germe dès cette époque, notamment en matière de mariage. Les capitulaires invitent, en effet, les évêques à assurer l'observation des règles matrimoniales qu'ils ont édictées, conformément aux canons de l'Église, particulièrement en ce qui concerne l'interdiction du mariage entre parents et alliés, la juridiction civile ne devant intervenir qu'au cas d'impuissance de la juridiction ecclésiastique.

Organisation des tribunaux ecclésiastiques.
Le juge ordinaire est l'évêque, qui jugeait, soit seul, soit assisté des membres de son clergé. De bonne heure, il prit l'habitude de se faire suppléer par un archidiacre. Or, il arriva que les archidiacres, au lieu d'exercer la juridiction au nom de l'évêque, l'exercèrent en leur propre nom, transformant ainsi leur suppléance en un véritable pouvoir propre de juridiction.

C'est pour éviter ce résultat que, plus tard, dans le dernier tiers du XIIe siècle, les évêques choisiront un délégué spécial toujours révocable, nommé officialis, d'où le nom d'officialités donné aux juridictions ecclésiastiques.

Notons enfin, que, par application des principes du droit romain, l'appel était organisé devant les tribunaux ecclésiastiques : de l'archidiacre à l'évêque, et de l'évêque au métropolitain. Pouvait-on en appeler de la sentence du métropolitain et devant qui? Question discutée : d'après les uns, devant le Primat; d'après d'autres, devant le Pape; enfin, d'après d'autres, devant le placitum palatii.

Droit criminel.
Dans les anciennes coutumes germaniques la répression des crimes donnait lieu à la guerre privée de famille à famille, ou faida; elle se terminait par un traité fixant le montant de l'indemnité qui devait être payée à la victime; cette indemnité s'appelait composition, c'était le prix du rachat de la vengeance privée. La composition prenait le nom de wergeld, lorsqu'il s'agissait d'un meurtre. Les lois Barbares interdirent l'exercice de la vengeance privée et rendirent la composition obligatoire,

Procédure. 
Le système de procédure était le même qu'à Rome, le système accusatoire; la poursuite était laissée aux soins du particulier lésé mais, à la différence du droit romain, le fardeau de la preuve incombait à l'accusé; c'était à lui à démontrer son innocence.

Modes de preuves.
Les modes de preuves étaient les suivants :

1° D'abord, le serment de l'accusé qui devait être soutenu par celui d'un certain nombre de personnes indiqué par la coutume, et qu'on appelait co-jurantes ou co-purgatores;

2° Les ordalies, épreuves par l'eau bouillante ou par l'eau froide;

L'épreuve par l'eau bouillante consistait en ceci : l'accusé saisissait un fer rouge ou trempait sa main dans l'eau bouillante; puis la main brûlée était mise sous scellés; si, au bout de trois jours, la plaie était en voie de guérison, l'accusé était considéré comme innocent; dans le cas contraire, on le tenait pour coupable.

L'épreuve de l'eau froide, introduite par le Pape Eugène II, entre 824 et 826, comme moins cruelle, avait lieu de la façon suivante : on plongeait l'accusé, pieds et poings liés, dans une cuve d'eau froide : s'il surnageait, l'eau le rejetait, il était traité comme coupable; s'il allait au fond, il était considéré comme innocent. L'épreuve de la croix consistait à placer les deux adversaires debout au pied d'une croix. Celui que la fatigue gagnait le premier était déclaré vaincu. 

3° Le duel judiciaire consistait dans un combat du demandeur et du défendeur. Celui qui l'emportait gagnait le procès.

4° Enfin, le témoignage, qui n'est présenté comme mode de preuve du droit commun que dans la loi salique. Cette décadence de la preuve testimoniale, même chez les Romains à l'époque germanique, se comprend facilement dans un état social où les individus formaient des groupes compacts pour leur défense mutuelle; par esprit de solidarité, le membre d'un groupe n'aurait pas témoigné contre un autre membre du même groupe; et il n'aurait pas témoigné contre un membre d'un autre groupe, par crainte de vengeance.

Organisation militaire

Différence entre le système gallo-romain et le système germanique.
Au point de vue de l'organisation militaire il convient de signaler deux différences entre le système gallo-romain et le système germanique :
1° Sous le Bas-Empire l'armée formait une classe à part dans la société; au contraire, à l'époque franque, l'armée est étroitement mêlée à la nation;

2° Le mode de recrutement diffère également. Sous le Bas-Empire, le service militaire constitue une charge de la terre; en droit germanique, c'est une obligation personnelle pour tout homme libre de servir.

On s'est demandé quel mode de recrutement avait prévalu après l'établissement des Francs en Gaule. Les romanistes prétendent que les Gallo-Romains furent admis dans l'armée à côté des Francs; les germanistes soutiennent, au contraire, que les Romains furent écartés de l'armée.

L'opinion qui prévaut aujourd'hui, c'est que les deux procédés coexistèrent au début, puis le système gallo-romain finit par disparaître.

Organisation de l'armée sous les Mérovingiens.
L'armée ne comprend que l'infanterie; elle est commandée par le roi, ou à son défaut, par le major domus. Les chefs militaires se réunissaient au mois de mars (champ de mars), et là arrêtaient les expéditions à faire en été. Lorsque, en exécution des résolutions prises, le roi proclamait l'hériban, tous les hommes valides, dans les pagi désignés pour prendre part à la guerre, devaient se rendre à l'appel du roi sous les ordres du comte. Les hommes devaient s'équiper eux-mêmes et se nourrir à leurs frais.

Organisation de l'armée sous les Carolingiens. 
Réformes réalisées.
Trois modifications furent apportées à l'organisation de l'armée sous les Carolingiens :

1° L'infanterie fut transformée en cavalerie. Il en résulta le déplacement des assemblées militaires, qui furent transférées en mai, à cause de la récolte du fourrage. Les champs de mars devinrent des champs de mai;

2° Le service militaire cessa d'être une obligation imposée à chaque homme libre pour devenir une charge de la propriété foncière;

3° A côté des hommes libres, l'armée renferma les hommes recommandés, ou vassi qui sont conduits par leurs patrons ou seniores.

Service militaire imposé aux propriétaires fonciers.
Un capitulaire de 803 expose ainsi le système du recrutement militaire imposé aux propriétaires fonciers :
a) Tout propriétaire de quatre mansi doit le service en personne; il doit s'équiper et fournir son cheval.

b) Le propriétaire de trois mansi doit le service personnel, mais l'équipement et le cheval lui sont fournis en partie par le propriétaire d'un mansus.

c) Enfin, les propriétaires de deux mansi étaient associés deux par deux; l'un partait au service, l'autre fournissait le cheval et l'équipement.

Le mansus était une certaine étendue de terrain dont la superficie n'est pas connue.

De la commendatio franque. 
La recommandation était un contrat, de forme plus ou moins solennelle, par lequel un homme libre se mettait sous la protection d'un homme plus puissant que lui, en s'engageant, en retour, à lui rendre des services personnels.

Cette pratique fut très suivie par les rois francs; ils s'entouraient d'une clientèle nombreuse de chefs militaires, qui prirent le nom de leudes, antrustions ou fidèles sous les Mérovingiens, de vassi doininici ou de vassi regales sous les Carolingiens.
A leur tour les grands chefs militaires usèrent du même procédé et, sous le nom de seniores, groupèrent autour d'eux des clients, vassi.

Les rois francs s'opposèrent tout d'abord à la constitution de ces derniers groupements qui ne pouvaient qu'affaiblir le pouvoir royal. Mais, plus tard, ils y virent un moyen d'assurer l'obligation du service militaire et ils le favorisèrent.

Un capitulaire de Charles le Chauve ordonna aux seniores de conduire tous leurs vassi à l'armée en fournissant l'équipement et le cheval à ceux qui n'auraient pas les moyens de se les procurer.

Organisation financière

Dépenses. 
Les dépenses étaient bien moindres sous la monarchie franque que sous le Bas-Empire. 

Les fonctionnaires n'étaient pas rétribués; ils vivaient du produit des terres qui leur étaient concédées. L'armée ne coûtait rien, étant équipée aux frais de ceux qui la composaient. L'administration de la justice rapportait plus au trésor royal qu'elle ne le grevait. Les dépenses de la cour étaient pour ainsi dire nulles, le roi ayant l'habitude de vivre sur ses domaines, ou bien il se transportait de villae en villae, et les localités traversées devaient l'héberger et le nourrir, lui et sa suite.

Les plus grandes sources de dépenses pour les rois francs consistaient dans les libéralités en terres ou en argent faites aux leudes et aux fidèles du roi.

Revenus
Les revenus des rois francs comprenaient :

1° Le produit des grands domaines royaux ou villae, qui avaient passé du fisc romain au conquérant germain. L'administration en était confiée sous les Mérovingiens à des fonctionnaires spéciaux, appelés domestici. Charlemagne y consacra un capitulaire;

2° Les dons offerts par les sujets, tout d'abord volontaires, et plus tard obligatoires. Sous Charlemagne ils étaient remis au roi dans le placitum tenu au printemps;

3° Les profits de justice, ou prestations pécuniaires édictées dans l'intérêt du trésor royal. C'étaient notamment : le fredus, ou partie de la composition (un tiers), payée par l'auteur d'un délit à sa victime, pour le rachat de la vengeance privée; et le bannus, ou amende de 60 sous d'or, prononcée contre ceux qui contrevenaient aux ordres du roi;

4° Les réquisitions personnelles, tels le logement et l'entretien imposés aux habitants des villes que le roi et sa cour traversaient;

5° Les impôts. - Les rois francs tentèrent de percevoir à leur profit les impôts directs qui existaient au Bas-Empire et qui pesaient si lourdement sur la population de la Gaule; mais ils rencontrèrent une vive résistance de la part des Germains qui ne connaissaient pas l'impôt, et même de la part des Gallo-Romains, qui avaient vu avec plaisir la chute de l'Empire d'Occident précisément dans l'espoir d'être délivrés de la fiscalité du Bas-Empire.

Cependant, il semble bien que la capitatio humana et la capitatio terrena ont été perçues avec une certaine continuité sous les Mérovingiens. Avec les Carolingiens, l'impôt perd son caractère public pour se transformer en redevance coutumière, due comme prix des concessions de terres faites par le roi ou par les seniores.

Cela tient surtout aux Chartes d'immunités concédées par les rois francs à de grands propriétaires laïques ou ecclésiastiques. Ces concessions enlevaient aux agents du fisc royal le droit de percevoir aucune contribution sur les domaines de l'immuniste; mais celui-ci, se substituant au roi, perçoit désormais à son profit les impôts qui cessent d'être payés au trésor public.

Organisation de l'Eglise

Nous diviserons ce chapitre en trois paragraphes : 1° rapports de l'Eglise et de la monarchie franque ; 2° organisation du clergé ; 3° patrimoine de l'Eglise.

Rapports de l'Eglise et de la monarchie franque

Union étroite.
Sous la monarchie franque, une union étroite s'établit entre l'Eglise et l'Etat.

Tout d'abord, c'est l'Eglise demeurée toute puissante après la chute de l'Empire d'Occident, qui s'allie à Clovis et lui permet d'étendre sa domination sur toute la Gaule Plus tard, lorsque la monarchie franque est dans toute sa force, c'est elle à son tour qui prend l'Eglise sous sa protection. La chrétienté apparaît alors comme ayant deux chefs suprêmes : le pape et le roi.

Sous Charlemagne, le pouvoir civil tend à dominer l'Eglise. Charlemagne prend le titre de protecteur de l'Eglise romaine et se considère comme l'évêque du dehors. Comme tel, il nomme des évêques, préside des conciles, promulgue des canons, rend des capitulaires ecclésiastiques sur des questions qui auraient dû relever de l'Eglise. L'Eglise perd donc encore son indépendance, mais, en compensation, elle retire de cette union de grands avantages.

Pépin le Bref et Charlemagne garantissent le pouvoir temporel du pape; le patrimoine de l'Eglise est augmenté, le pouvoir de juridiction se développe, les évêques obtiennent des dignités temporelles : la charge de chancelier leur est réservée, et, ainsi que nous l'avons dit, les missi dominici sont, en général, un évêque et un comte.

Sous, Louis le Débonnaire et ses successeurs, l'Eglise profite de la faiblesse de la royauté pour dominer le pouvoir civil et pour gouverner l'Etat. C'est cette influence ecclésiastique qui aurait sauvé la société féodale de l'anarchie, selon Macaulay qui a dit :

« La France a été sauvée par les évêques comme l'Angleterre par les moines. »

Organisation du clergé

Du clergé séculier. 
Provinces.
A la tête de chaque province ecclésiastique est un métropolitain qui prend au IXe siècle le titre d'archevêque. Il consacrait les évêques, présidait les synodes provinciaux et recevait l'appel des décisions judiciaires de l'évêque.

Diocèses. 
Chaque province était divisée en un certain nombre de diocèses ayant à sa tête un évêque.

L'évêque était élu par le clergé et le peuple de la cité comme précédemment, mais l'ingérence du pouvoir civil se fait sentir sur deux points :

1° L'élection ne peut avoir lieu qu'avec la permission du roi; une fois qu'elle a eu lieu, elle doit être approuvée par le roi; enfin, c'est le roi qui met l'évêque en possession du temporel de son évêché, en exigeant de lui un serment de fidélité.

2° Le roi se réserve expressément le droit de nommer directement l'évêque (édit de Clotaire II de 614). Louis le Débonnaire renonce à ce droit dans un capitulaire de 819.

Subdivisions du diocèse. 
Le diocèse se divise en archidiaconés et en paroisses.
+ L'archidiaconé est une circonscription nouvelle qui est créée au IXe siècle. L'archidiacre est spécialement préposé à l'administration du temporel de l'église et rend la justice.

+ La paroisse existait déjà dans les villes à l'époque gallo-romaine; dans notre période sont créées des paroisses rurales, les unes par l'évêque qui en nomme le titulaire, d'autres par des propriétaires fonciers qui se réservent la désignation du desservant, d'autres enfin par des monastères dont l'abbé nomme le curé.

Chanoines. 
Au VIIIe siècle apparaissent les chanoines (canonici), prêtres d'un diocèse soumis à des règles particulières (canons), et réunis en chapitre, capitulum.

Du clergé régulier. 
Pendant la période franque, les monastères se multiplient; la plupart d'entre eux suivaient les règles que saint Benoît avait établies pour les moines du mont Cassin en 528 et que saint Maur avait apportées en France, en 544 (Les Bénédictins).

Mais ces règles s'étant altérées au milieu des désordres du IXe siècle, le concile d'Aix-la-Chapelle (817) les réforma et Louis le Débonnaire donna la consécration officielle aux résolutions de ce concile en les publiant dans un capitulaire spécial.

A la tête de chaque monastère était un abbé; d'après les règles canoniques, il était élu par les moines sous réserve de la confirmation de l'évêque; sous la monarchie franque, la confirmation du roi fut également nécessaire. Souvent même, comme pour les évêques, le roi usait du droit de nomination directe.

Patrimoine de l'Eglise

Capacité d'acquérir.
La capacité est reconnue par la monarchie franque à tous les établissements ecclésiastiques, diocèses et monastères, d'acquérir des biens de toute nature, sans limite et sans contrôle, soit entre vifs, soit par disposition testamentaire.

Richesse de l'Eglise.
La fortune immobilière de l'Eglise prit un développement considérable, et bientôt l'Eglise apparut comme le plus grand propriétaire foncier du royaume.

Cette situation fut consolidée par la règle de l'inaliénabilité qui ne tarda pas à s'appliquer aux biens immobiliers des diocèses et des monastères et par l'établissement de la dîme obligatoire.

Dîme.
La dîme est un impôt qui permettait à l'Eglise de percevoir à son profit la dixième partie des produits de la terre et parfois du croît de certains animaux. Plusieurs conciles avaient déclaré la dîme obligatoire sous peine de punitions ecclésiastiques. Mais, des capitulaires de Pépin le Bref et de Charlemagne, notamment celui de 779, en la déclarant obligatoire, en firent une charge publique reconnue et sanctionnée par la loi.

Administration et jouissance des biens de l'Eglise. 
Les biens de chaque diocèse étaient administrés par l'archidiacre sous l'autorité de l'évêque. Les revenus de ces biens étaient répartis entre les différents membres du clergé. Sous le règne de Grégoire VII, en 820 et 847, la répartition suivante avait été admise : un quart des revenus était réservé à l'évêque, un quart au clergé du diocèse, un quart aux pauvres et un quart était affecté à l'entretien des églises.

Plus tard, l'administration des biens du diocèse devenant une lourde charge pour l'évêque, la répartition cessa de porter sur les revenus pour porter sur les fonds de terre eux-mêmes. On attribua un certain nombre de mansi à chaque église, à l'évêque, au chapitre des chanoines, et ainsi on arriva à distinguer la mense curiale, la mense épiscopale, la mense capitulaire, celle-ci subdivisée en prébendes pour chacun des chanoines.

On agit de même pour les monastères (menses abbatiales et conventuelles, ces dernières subdivisées en prébendes monastiques).

Le patrimoine dont le titulaire ecclésiastique avait la jouissance reçut le nom de bénéfice ecclésiastique.

Histoire du droit privé

Nous consacrerons un chapitre spécial aux points suivants : 1° condition des personnes ; 2° organisation de la famille ; 3° condition des terres ; 4° transmission de la propriété.

Condition des personnes

Nous retrouvons dans la période franque la même distinction fondamentale des personnes que dans le droit Gallo-Romain : les hommes libres et les esclaves.

Esclaves. 
Au moment de l'établissement des Barbares en Gaule, la condition des esclaves romains s'était considérablement améliorée, tandis que les esclaves germaniques étaient toujours restés soumis au pouvoir absolu de leur maître. Mais le christianisme ne tarda pas à agir sur eux comme il avait agi à l'égard des esclaves romains.

Un capitulaire punit le maître qui a infligé à son esclave un châtiment auquel il n'aurait pas survécu vingt-quatre heures, des conciles interdirent de vendre des esclaves baptisés à des juifs ou à des païens ou de les vendre hors du royaume.

Le droit canonique va plus loin encore : il reconnaît à l'esclave un droit de famille et sanctionne le mariage des esclaves.

Au IXe siècle la plupart des esclaves sont attachés à la culture des terres, on les appelle servi casati; immeubles par destination, on ne peut les vendre sans terre, ni la terre sans eux. C'est la fin de l'esclavage et l'apparition du servage.

A côté des esclaves on trouve encore, à notre époque, des colons romains; enfin les lides d'origine germanique, dont la condition est semblable à celle des Romains.

Hommes libres. 
Les hommes libres se divisaient en deux classes : les ingénus et les affranchis.

Ingénus.
Les ingénus étaient les hommes libres qui n'avaient jamais été esclaves.

Il n'y avait pas égalité entre eux, mais, au contraire, une sorte de hiérarchie résultant de l'origine, de la fonction ou de la faveur du roi.

Cette différence de condition apparaissait en cas de crime, pour la détermination du montant du wergeld que devait payer l'auteur du crime à sa victime. Il était de 100 sous d'or pour le meurtre d'un Romain; de 200 sous d'or pour celui d'un Franc ingénu.

Les membres du clergé avaient droit à un wergeld plus élevé que les autres ingénus, 900 sous d'or pour l'évêque, 600 pour un prêtre.

Le wergeld était triplé pour les fonctionnaires royaux (comtes, sagi-barons, missi dominici, ducs).

Il en était de même pour les antrustions. On entendait par antrustions certains fidèles du roi, qui lui étaient attachés par des liens plus étroits (in truste regia). L'antrustion pouvait être un Franc, un Romain, on l'appelait alors Conviva regis, ou même un affranchi.

Affranchis. 
Les affranchis étaient les hommes libres sortis d'esclavage. Ils étaient dans une condition inférieure à celle d'un ingénu. Leur wergeld était moins élevé.

Il y avait deux formes d'affranchissement : le mode romain et le mode germanique.

Le mode romain avait lieu en présence de l'évêque, in sacrosanctis ecclesiis. L'affranchi était placé sous la protection de l'Eglise, in mundoburne ecclesiae.

Le mode germanique le plus usité était l'affranchissement per  denarium ante regem (par le denier, devant le roi). Le maître et l'esclave se présentaient devant le roi ou son mandataire, et là l'esclave jetait en l'air un denier, sans doute comme prix de sa liberté; un procès-verbal était dressé. L'affranchi était placé sous la protection du roi.

Par ce procédé, un esclave pouvait être affranchi par un tiers à condition de payer au maître une indemnité pécuniaire.

Organisation de la famille

Comparaison entre la famille romaine et la famille germanique.
Si l'on compare l'organisation de la famille à Rome et dans le droit germanique, on constate, à côté de certains points de ressemblance, des différences fondamentales.

Points communs. 
Comme points communs, on peut dire :

1° que la famille germanique est aussi fortement organisée que la famille romaine; 

2° que la famille germanique et la famille romaine apparaissent comme deux groupes vivant d'une existence propre, entièrement indépendants de l'Etat

Différences. 
La famille romaine donne l'aspect d'une monarchie absolue dont le pater familias est le roi et dont les agnats (femmes in manu, fils et filles de famille) sont les sujets. Au contraire, le mundium germanique est un pouvoir de tutelle et de protection qui n'absorbe ni la personne, ni le patrimoine des membres de la famille; il finissait pour les mâles à l'âge où ils n'avaient plus besoin d'être protégés.

Traits caractéristiques de la famille germanique. 
La famille germanique présente certains caractères particuliers qu'il est indispensable de faire connaître :

1° Elle n'existe qu'entre parents légitimes et entre parents par le sang. Dès lors, les bâtards en sont exclus, et l'adoption n'est pas admise;

2° La famille comprend deux groupes distincts : 

a) ceux qui peuvent porter les armes; ce sont les mâles majeurs; 

b) ceux qui ne peuvent porter les armes; ce sont les femmes et les enfants mâles encore mineurs;

3° Les membres de la famille en état de porter les armes sont unis par un lien étroit de solidarité qui se traduit par le responsabilité collective de tous, en cas de crime commis par l'un d'eux et par le partage du wergeld payé par l'auteur d'un délit commis au détriment d'un membre du groupe. Si celui-ci est insolvable, la dette passe sur la tête des autres, par une cérémonie symbolique, appelée chrenecruda; et si aucun membre du groupe ne peut payer le wergeld, le coupable était mis à mort. D'ailleurs on pouvait se dégager de cette solidarité en sortant de la famille par une cérémonie accomplie dans le mallum et qu'on appelait foris familiatio.

4° Les femmes sont en tutelle perpétuelle : de leur père d'abord, puis, plus tard, de leur mari.

Mariage. 
Droit germanique pur.
Le mariage avait lieu sous forme de vente, Le mari achetait la femme au père de famille. Cet achat était réel au début : il en était ainsi d'après la loi saxonne; la femme s'achetait 300 sous d'or; d'après la loi salique, ce n'était qu'un symbole. Clovis épousa Clotilde par le sou et le denier. L'achat devint purement symbolique plus tard. Lorsqu'une veuve se remariait, le futur époux payait trois sous et un denier aux parents du premier mari (reipus).

Le divorce était pratiqué, d'abord, sous forme de répudiation de la femme par le mari. Plus tard, on admit le divorce par consentement mutuel.

Influence exercée par l'Eglise.
L'Eglise fit sentir son influence en notre matière. Elle lutta contre le divorce et réussit à faire proclamer, par deux capitulaires de 744 et de 789, le principe de l'indissolubilité du mariage; elle défendit l'inceste; elle fit adopter par la loi civile plusieurs règles sur la publicité du mariage.

Mundium marital.
Par le mariage, la femme passait du mundium de son père sous le mundiurn de son mari. Ce mundium entraînait au profit du mari un droit de correction sur la personne de sa femme. De plus, le mari avait droit au wergeld lorsque la femme était victime d'un délit  il avait enfin un droit dans la succession de sa femme.

Régime des biens entre époux.
Pour comprendre le régime des biens entre époux, il faut étudier les apports du mari et ceux de la femme.

Apports du mari
Le mari apportait à la femme la dos et le morgengabe.

+ La dos consistait dans l'abandon de quelques biens que le mari faisait à sa femme avant le mariage; elle portait en général sur des immeubles. D'après les uns, cet apport était une survivance de l'ancien prix du mundiurn. D'après d'autres, c'était une cornpensation pour la femme de son lien de dépendance et un moyen d'assurer des moyens d'existence à la veuve.

Purement conventionnelle et volontaire, au début, la dos devint obligatoire par la suite. La dos legitima était fixée à 60 sous d'or d'après la loi Ripuaire.

+ Le morgengabe ou don du matin, était le don fait par le mari à sa femme au lendemain du mariage ob pretium virginitatis; il n'a pas l'importance de la dot; il consistait en meubles, en présents, souvent en immeubles.

La dos et le morgengabe se fondront au Moyen âge pour former le douaire.

A la mort de son mari, la femme avait droit à une certaine part des acquêts faits par les époux a titre onéreux, pendant le mariage : un tiers, dans la loi ripuaire; la moitié, dans la loi des Saxons. C'est, d'après beaucoup d'auteurs, l'origine de la communauté légale.

Apports de la femme. 
De son côté, la femme apportait à son mari l'usufruit de certains biens qui lui étaient donnés par son père, et dont elle gardait la nue propriété. Cet apport s'appelait faderfium ou maritagium.

Du mundium paternel. 
Le mundium paternel appartenait au père, et, à sa mort, au parent paternel le plus proche : il ne pouvait pas appartenir à la mère puisqu'elle était elle-même in mundio.

Pour les filles, il ne prenait fin que quand elles se mariaient pour faire place au mundium du mari : pour les fils il durait jusqu'à l'âge de la majorité (15 ans d'après la loi ripuaire).

Le mundium, très dur dans les anciennes coutumes germaniques, n'était plus, à notre époque, qu'un pouvoir de protection sur la personne de l'enfant; il entraînait en outre un droit de jouissance, un droit de succession sur les biens personnels de l'enfant, et enfin droit au wergeld dû à l'enfant.

Condition des terres

Caractère de la propriété dans le droit germanique. 
A l'époque de César, les Germains vivaient sous le régime de la propriété collective de la tribu; chaque année, un alotissement avait lieu entre ers familles par voie de tirage au sort.

Au moment de leur établissement en Gaule, ils franchissent le dernier pas qui les sépare du régime de la propriété individuelle; la propriété collective de la tribu disparaît pour faire place à la copropriété familiale : d'où, nous le verrons, l'interdiction d'aliéner sans le consentement de la famille, l'absence de testament et l'exclusion des filles.

Mais le régime de la copropriété familiale tomba rapidement en désuétude au contact de la législation romaine qui avait organisé la propriété individuelle d'une façon si savante. Lorsqu'un Franc acquérait une chose d'un Gallo-Romain, on finit par admettre que cette chose, libre entre les mains du vendeur, resterait libre entre les mains de l'acquéreur. On fut ainsi amené à distinguer dans le patrimoine deux sortes de biens : les biens de famille transmis héréditairement par les ancêtres, qui ne doivent pas
sortir de la famille, et les acquêts , biens provenant d'acquisitions entre vifs, vente ou occupation terres vacantes, dont le propriétaire a la libre disposition.

Au IVe siècle, des atténuations furent apportées au régime des biens de famille. Le consentement des membres de la famille ne fut plus exigé pour leur aliénation, et la faculté de disposer s'étendit à ces biens, mais on sauvegarda d'une autre façon le droit des héritiers naturels sur ces biens : par la réserve des quatre quints et par le retrait lignager. Ces institutions, qui ne sont qu'en germe à notre époque, vont se développer et seront en pleine vigueur au Moyen âge; nous les retrouverons dans la période féodale.

En résumé, le système de la copropriété familiale du droit germanique, se combinant avec le régime romain, produisit la propriété individuelle limitée par des restrictions au profit de la famille. Mais, à coté des terres possédées en pleine propriété et qui sont appelées propria, puis alodes ou alleux, apparaissent les précaires et les bénéfices.

Précaire.
On entend par précaire une terre concédée à charge de redevances pécuniaires, avec rétention de la propriété au profit du concédant et transfert de la jouissance au concessionnaire.

Cette concession était faite généralement par l'Eglise; quelque-fois, mais rarement, par un laïque.

Durée.
Elle était faite au début pour cinq ans, avec faculté de renouvellement indéfini tous les cinq ans; elle finit par devenir viagère; parfois dans la suite, elle fut stipulée héréditaire.

Condition.
La concession n'était pas gratuite; elle était faite moyennant le paiement d'une redevance pécuniaire appelée census.

Au début, le défaut de paiement du census entraînait de plein droit le retrait de la concession; plus tard, la sanction consista dans une amende infligée au tenancier.

La précaire était consacrée par deux titres; l'un, precaria, constatant la demande de concession, restait aux mains du concédant; l'autre, proestaria, constatant la concession, demeurait entre les mains du précariste.

Combinaison de la commendatio et de la precaria.
Souvent, l'établissement de la precaria se compliquait d'une commendatio. Le propriétaire d'une terre abandonnait la propriété de sa terre, à l'Eglise, qui lui en transférait ensuite la jouissance, moyennant un census très faible ayant un caractère purement récognitif de la propriété de l'Eglise. Le propriétaire retirait un double avantage de cette opération : 

1° il se placait sous la protection de l'Église; 

2° avec la jouissance de la terre qu'il avait abandonnée à l'Eglise, il recevait de celle-ci la concession de la ,jouissance d'une quantité de terre égale, prise sur le domaine ecclésiastique.

Origine historique. 
La precaria ecclésiastique ne tire pas son origine historique du precarium romain; elle a été empruntée au droit administratif romain. Le fisc impérial employait deux procédés pour la mise en valeur de ses terres; le bail emphytéotique et le bail de cinq ans. C'est ce dernier type que l'Eglise copia dans la precaria.

Bénéfice carolingien
Le bénéfice est une terre concédée à charge de certains services, notamment, du service militaire, avec rétention de la propriété au profit du concédant et transfert de la jouissance seulement au concessionnaire. On l'appelle « carolingien » parce que cette institution se développa sous les rois de la dynastie de Charles-Martel et Charlemagne; on l'appelle aussi « bénéfice militaire »  parce que la principale obligation qu'il faisait naître pour le concessionnaire était la charge du service militaire. C'était un moyen de recrutement de l'armée. Sous les Mérovingiens, le bénéfice existait déjà; mais il n'avait ni la même importance, ni les mêmes caractères.

Traits communs des bénéfices et des précaires. 
Dans le bénéfice, comme dans la précaire, on trouve comme caractères communs : 

1° concession de la jouissance;

2° rétention de la propriété par le concédant;

3° faculté de révocation dans certains cas.

Différences entre le bénéfice et la précaire. 
Le bénéfice diffère de la précaire aux points de vue suivants :
1° la précaire émane généralement de l'Eglise; au contraire, les bénéfices sont plutôt établis par le roi ou par les seniores

2° la précaire est concédée moyennant une redevance pécuniaire, le bénéfice était concédé gratuitement, seulement il créait un lien de vassalité entre le concédant et le concessionnaire, entraînant pour ce dernier l'obligation à des services personnels, notamment le service militaire; 

3° Ie précaire était un moyen économique pour la mise en valeur des terres ecclésiastiques, tandis que le bénéfice était un instrument politique employé par les seniores pour se faire une puissante clientèle de vassi.

Durée du bénéfice. 
Le bénéfice était viager, comme la précaire dans sa dernière forme; mais, en fait, sinon en droit, il devint héréditaire, au IXe siècle, par suite de l'habitude prise par le concédant de laisser l'héritier du concessionnaire, ait lieu et place de son auteur, continuer la possession et la jouissance de ce dernier. C'est cette pratique que suppose le célèbre capitulaire de Quiersy-sur Oise de 877.

Origine historique.
Le bénéfice carolingien tire son origine de l'habitude prise par les rois francs de donner des lettres en présent à leurs fidèles. Tout d'abord, ils abandonnaient ces terres en pleine propriété ; mais, comme de cette façon le domaine royal était menacé de s'épuiser rapidement, les rois francs firent des concessions en simple jouissance; la precaria leur servit de modèle. Les seniores agirent de même à leur tour.

Transmission de la propriété

Il faut distinguer les modes de transmission entre vifs et les modes de transmission après décès.

Modes de transmission entre vifs. 
Dans le droit Germanique, comme dans le droit Romain, le simple accord des parties ne suffisait pas pour opérer le transfert de propriété. Il fallait l'accomplissement d'une double formalité : 

1° mise en possession de l'acquéreur par la tradition de l'objet même,s'il est mobilier, ou d'un objet symbolique (motte de terre, branche d'arbre, etc.), pour les immeubles; 

2° dépossession de l'aliénateur par une cérémonie dite festucatio, et consistant dans le jet d'un fétu de paille (festuca), dans la poitrine de l'acquéreur.

Cette double formalité avait lieu devant témoins et souvent dans le mallum.

Modes de transmission après décès. 
Les modes de transmission après décès sont : la succession légitime et le testament.

Succession légitime. 
Pour la dévolution des biens par succession, on distinguait les meubles auxquels on assimilait les acquêts, et les immeubles.

Succession aux meubles et acquêts.
Tandis que dans le droit Romain appliqué aux Gallo-Romains, on tenait compte avant tout pour la dévolution des biens ab intestat de la parenté civile ou agnatique, dans le droit Germanique on ne se préoccupe que de la parenté naturelle par le sang.

Pour déterminer l'ordre de succession, les parents étaient groupés par parentèles. Une parentèle est l'ensemble des personnes qui sont reliées au défunt par un auteur commun.

La première, parentèle comprenait la descendance même du défunt; la deuxième parentèle, le père et la mère du défunt avec tous leurs ascendants; la troisième parentèle, les aïeuls et aïeules du défunt et leurs descendants, et ainsi de suite. La loi salique s'arrêtait à la sixième parentèle; la loi ripuaire à la cinquième. Après quoi c'est le fisc qui recueille.

Dans chaque parentèle on suivait l'ordre des degrés; on épuisait une parentèle avant de passer à la suivante. Le droit Germanique n'admettait pas le droit d'aînesse; il n'admettait pas non plus la fiction de la représentation qui permet à un enfant de venir au lieu et place de son père prédécédé.

Succession aux immeubles. 
On suit les mêmes règles que pour la succession aux meubles et acquêts, avec cette particularité que la femme est sur la terra salica primée par tous les mâles, d'après certaines lois (Thuringiens, peut-être loi salique très obscure), par les mâles du même degré seulement d'après d'autres lois (Loi burgonde). Terra salica doit s'entendre des biens de famille et est synonyme de terra aviatica ou paterna. Cette règle est établie pour empêcher que, par son mariage, la femme ne fasse sortir ces biens de la famille.

Testament. 
Tandis que le testament était le mode normal de transmission des biens après décès dans la législation romaine, il était inconnu des Germains avant leur établissement en Gaule. Il eût d'ailleurs été contraire au régime de la copropriété familiale. Mais cette institution ne tarda pas à être adoptée par les Germains, au contact des Gallo-Romains et sous l'influence de l'Église, favorable aux testaments à cause des legs pieux qu'ils renfermaient. Elle fut admise dans le droit Germanique, au VIe siècle, avec cette particularité essentielle, que le testament romain impliquait comme élément fondamental une institution d'héritier, tandis que le testament germain ne pouvait contenir que des legs pieux ou legs destinés à réparer des torts causés par le testateur de son vivant (pro remedio animi ou pro remissione peccatorum) (pour le repos de son âme ou pour le rachat de ses péchés).

De l'affatomie.
L'affatomie est un mode de disposer de ses biens à titre irrévocable, de son vivant, au profit d'une personne que l'on désignait ainsi pour son héritier. Il ne pouvait pas être employé par ceux qui avaient des enfants et ne s'appliquait pas aux biens propres.

Il ressemblait au testament romain par la constitution d'héritier, et il en différait par son caractère irrévocable.

Il comportait trois actes : 

1° Dans le mallum, le disposant jette la festuca dans le sein d'un tiers, pour lui transférer son patrimoine; en même temps, il déclare son intention de donner tout ou partie de sa fortune à une troisième personne qu'il désigne;

2° Celui auquel la festuca a été lancée s'installe dans la maison du disposant; il y reçoit trois hôtes, qui mangent avec lui de la bouillie et le remercient de son accueil. Il en résulte une prise de possession effective des biens;

3° Dans l'année, devant le roi ou au mallum, il transmet le patrimoine à la troisième personne, véritable bénéficiaire des biens, en lui lançant à son tour la festuca dans la poitrine

Histoire externe

Système de la personnalité des lois.
Exposé du système.
Les Germains en s'établissant en Gaule n'imposèrent pas leurs lois aux Gallo-Romains; ceux-ci, habitués aux règles savantes du droit Romain, auraient pu difficilement se plier aux coutumes grossières de leurs vainqueur.

Plus tard, lorsque les Francs eurent étendu leur domination sur toute la Gaule, ils agirent de même à l'égard des autres peuples barbares; ils laissèrent à chacun d'eux leur loi nationale. En sorte que, dans la Gaule franque, wisigoth, burgonde, franc, gallo-romain, chacun fut soumis à sa loi propre. Il y eut autant de lois différentes que de peuples et de dialectes. C'est ce système qui est connu sous le nom de système de la personnalité des lois. 

Raison d'être. 
Ce système s'explique par deux ordres de faits.

1° Nous avons vu qu'en s'établissant en Gaule les rois Barbares agissaient, soit en apparence, soit en réalité, comme des délégués de l'empereur Romain, en qualité de foederati. Il était dès lors logique de maintenir en vigueur la loi Romaine.

2° Le système de la personnalité des lois semble le plus facile à instaurer lorsque la conquête met en contact des hommes de civilisation différente. C'est encore la politique qui fut suivie à l'époque coloniale par les Etats modernes, par la France en Algérie, par l'Angleterre en Inde.

Règles communes.
Cependant, il y avait des règles communes à tous les habitants du royaume, sans distinction d'origine c'étaient les règles de l'organisation politique, administrative et judiciaire. Certains points du droit privé finirent aussi par être unifiés sous l'action des capitulaires et du droit canonique.

Application du système. 
Détermination de la loi nationale. 
Pour déterminer la loi qu'il fallait appliquer on devait rechercher l'origine de chacun.
L'enfant légitime prenait la nationalité et la loi de son père, l'enfant naturel suivait la condition de sa mère. La femme mariée était soumise à la loi de son mari. L'affranchi suivait la loi romaine ou la loi barbare selon qu'il avait été affranchi par le procédé romain ou par le procédé barbare. Enfin, l'Eglise comme corps, vivait sous l'empire de la loi romaine. Quant aux clercs eux-mêmes, considérés individuellement, ils pouvaient réclamer l'application de leur loi d'origine.

Il est inexact de dire, comme certains auteurs l'ont fait, que l'on avait le droit de choisir la loi sous l'empire de laquelle on voulait vivre.

Conflits entre lois différentes. 
Lorqu'un acte juridique était passé entre individus d'origine différente, un Gallo-Romain et un Barbare, un Franc et un Wisigoth, quelle loi fallait-il appliquer?

Tout d'abord, au cas de conflit entre la loi Romaine et la loi Barbare on donna systématiquement la préférence a la loi Barbare; il en fut ainsi dans le royaume des Burgondes, chez les Wisigoths et chez les Francs. Mais, lorsque Clovis eut réuni sous sa domination des peuples d'origines différentes, cette solution simpliste ne put plus être appliquée, et voici celles que l'on adopta. En matière de procédure, pour les délais, les modes de preuve, la prescription, etc., on suivait la loi du défendeur : en matière de contrat, c'était la loi du débiteur; en matière d'aliénation, la loi du disposant; en matière de succession, la loi du défunt.

Disparition du système de la personnalité des lois.
Inconvénients.
Le système de la personnalité des lois, simple en apparence, était d'une application difficile dans la pratique; le juge devait d'abord s'assurer de la nationalité de chaque partie, ce qui devenait malaisé avec le mélange des populations; et puis, il fallait qu'il connût toutes les lois.

Comment il disparut. 
Insensiblement, la personnalité des lois disparut pour faire place à des coutumes territoriales; partout la loi de la majorité tendit a effacer la loi de la minorité. Dans le midi, où les Gallo-Romains étaient en grand nombre, le droit Romain l'emporta sur les coutumes germaniques, et son application fut bientôt générale; dans le nord, au contraire, où il y avait peu de Romains, le droit Romain tendit à disparaître pour laisser le champ libre aux coutumes germaniques. C'est ainsi qu'à l'époque féodale on aboutit à la division de la France en deux régions bien séparées : au nord, les pays de coutumes; au midi, les pays de droit écrit.

Sources législatives

Les sources du droit à l'époque franque sont : les lois romaines, les lois barbares, les capitulaires et le droit canonique. Nous consacrerons un paragraphe spécial à chacune d'elles.

Les lois romaines

Les lois romaines sont des recueils de droit romain rédigés sur l'ordre des rois barbares à l'usage des Romains habitant l'étendue de leur royaume. Cette rédaction fut jugée nécessaire pour rendre plus aisées la connaissance et l'application des règles romaines contenues dans des compilations, ou trop savantes ou trop volumineuses, telles que le Code Grégorien, le Code Hermogénien, le Code Théodosien et les écrits des jurisconsultes visés par la loi des citations.

Les deux principales lois romaines sont : la lex romana Wisigothorum, ou Bréviaire d'Alaric, et la lex romana Burgundionum ou Papien.

On peut citer encore les édits de Théodoric et d'Athalaric, recueil de droit Romain qui présentait cette particularité qu'il s'appliquait à la fois aux Romains et aux Barbares dans le royaume des Ostrogoths.
Lex Romana Wisigothorum ou Bréviaire d'Alaric. 
Ce recueil, composé sur l'ordre du roi Alaric II, fut promulgué à Toulouse, la 22e année de son règne, environ vers l'année 506, par les soins du référendaire Anien; il reçut les surnoms de Bréviaire d'Alaric et de Bréviaire d'Anien.

Sa rédaction fut cofiée à une commission de prudentes réunie à Aire en Gascogne; le travail de la commission fut approuvé par une assemblée de notables et d'évêques.

Le Bréviaire d'Alaric comprend, sous forme d'extraits ou d'abrégés : 1° le Code Théodosien; 2° les Novelles des empereurs Théodose II, Valentinien III, Marcien, Majorien et Sévère; 3° le Liber Gaii, résumé en deux livres des Commentaires de Gaius; 4° les Sentences de Paul; 5° les Codes Grégorien et Hermogénien; 6° un fragment des Réponses de Papinien.

La plupart de ces textes sont accompagnés d'un commentaire ou interpretatio, pour en faciliter l'intelligence. On a cru longtemps que cette interprétation était l'oeuvre des rédacteurs du Bréviaire; mais il est généralement admis aujourd'hui que c'est là le produit d'une école d'Occident, du IVe ou du Ve siècle, que les commissaires d'Alaric se sont bornés à utiliser.

Le Bréviaire d'Alaric a eu une autorité considérable; il est demeuré en vigueur, même après la chute du royaume wisigoth en 507, et son application s'est étendue à tout l'empire franc. Il contient l'expression officielle du droit Romain jusqu'au XIIe siècle, époque à laquelle les compilations de Justinien, pénétrant en France, l'ont plongé dans l'oubli.

Lex Romana Burgundionum ou Papien. 
La loi romaine des Burgondes n'a pas de date précise; on suppose qu'elle a été rédigée sous le règne de Gondebaud, entre 502 et 516. Elle diffère essentiellement du Bréviaire d'Alaric; ce n'est pas, comme lui, un résumé de l'ensemble des lois romaines; c'est plutôt une sorte d'instruction adressée aux juges pour leur faire connaître les lois romaines usuelles et pour établir une concordance entre la loi romaine et la loi barbare des Burgondes. Elle comprend des extraits des Codes Grégorien, Hermogénien et Théodosien, des Sentences de Paul et des Commentaires de Gaius; elle renferme de plus des lois des rois Burgondes faites spécialement pour les Romains.

Le nom de liber papiani ou papien lui a été donné par suite de la méprise d'un copiste. La loi romaine des Burgondes se trouvait placée, dans les recueils de lois, à la suite du Bréviaire d'Alaric, dont il formait le complément pour les Gallo-Romains, habitant le royaume, des Burgondes. Or, nous avons vu que le Bréviaire d'Alaric se terminait par un écrit de Papinien, ainsi formulé : « Incipit Papiniani (par abréviation Papiani) liber I, Responsorum. » Le copiste prit ce texte pour le commencement de la loi Burgonde, d'où le nom de liber Papiani qui lui fut donné.

Les lois Barbares

Les lois Barbares qui ont été en vigueur dans la Gaule sont : la loi des Wisigoths, la loi des Burgondes ou loi Gombette, la loi salique et la loi des Francs Ripuaires.
Mais en dehors de la Gaule il faut encore citer la loi des Alamans, la loi des Bavarois, la loi des Saxons, la loi des Thuringiens, la loi des Frisons, la loi des Anglo-Saxons et les lois lombardes.
Loi des Wisigoths.
La loi des Wisigoths a eu des éditions successives. Sa première rédaction, dite lex antiqua, remonte au roi Euric (466 à 484); révisée par le roi Léovigilde (569 à 586), puis par le roi Recrède Ier, elle reçut sa forme définitive dans le Code préparé sous le règne de Chindaswind (641-649), et rédigé sur les ordres de son fils Receswind (649-672). Cette loi qui a surtout été appliquée en Espagne, porte l'empreinte du droit canonique.

Loi des Burgondes ou loi Gombette. 
La loi des Burgondes est un recueil de constitutions des rois Burgondes rédigé sous le roi Gondebaud, vers l'an 500, d'où son nom de la loi Gombette. Nous ne possédons pas l'édition primitive, mais des éditions postérieures où se trouvent des novelles de Gondebaud et des lois de son fils Sigismond. Cette loi est très disparate; à certains égards elle se rapproche du droit Romain dont elle a subi l'influence; à d'autres égards, elle est toute germanique, notamment par l'exclusion du témoignage et l'emploi du serment en matière pénale et par l'usage du duel judiciaire.

Loi salique. 
La loi salique est de beaucoup la plus importante des lois barbares; elle est aussi la plus exempte de tout mélange de droit Romain. Il y eut une rédaction primitive, en soixante-cinq titres, plus tard, une édition corrigée, en soixante-dix titres sous Charlemagne. Entre ces deux éditions extrêmes de nombreuses autres ont été faites dans l'espace de trois siècles.

Rédaction primitive. 
Nous ne possédons pas le texte de la rédaction primitive, mais seulement des fragments contenus dans des écrits de date postérieure. Aussi, tout est controversé à son égard : la date, le lieu et la langue.

En ce qui concerne la date, l'opinion qui tend à prévaloir est que la loi salique aurait été rédigée, sous le règne de Clovis, après la conquête du royaume des Wisigoths en 486 (en étendant leur autorité sur un plus vaste territoire, les Francs éprouvèrent le besoin de rédiger un Code pour constater leurs coutumes d'une façon précise), et avant la conversion des Francs au christianisme (496) (ce qui le prouve, c'est qu'on n'y trouve aucune disposition de faveur pour l'Eglise et pour le clergé, comme dans la loi Ripuaire).

En ce qui concerne le lieu, la loi salique, d'après l'opinion commune, aurait été rédigée en France et non en Belgique. On tire argument dans ce sens du titre 27 qui parle des vignes; or, il n'y en avait pas dans le pays Salien au Ve siècle.

Enfin, la langue originale aurait été la langue latine; mais dans le texte latin sont intercalés des mots en langue germanique; ces intercalations sont connues sous le nom de gloses malbergiques, parce qu'elles sont précédées du mot mall  ou malb (hoc est in mallobergio). Elles auraient été faites par les copistes à l'usage des juges peu au courant de la langue latine.

Lex emendata.
Sous Charlemagne, une édition plus correcte de la loi salique fut faite; on supprima les gloses malbergiques et on corrigea le texte latin. Cette rédaction avait été rendue nécessaire par les remaniements et les additions qui avaient été apportés au texte primitif, soit par de simples copistes, soit par les rois eux-mêmes : Clovis, Childebert et Clotaire, ainsi que le disent le grand prologue et les épilogues qui accompagnaient le texte de la loi.

Cette édition est connue sous le nom de lex salica a Carolo Magno emendata, bien qu'il ne soit pas certain qu'elle constitue une oeuvre officielle.

Caractères de la loi salique. 
La loi salique s'occupe dans la plus grande partie de ses dispositions de la répression des crimes et des délits; elle présente un tarif des compositions pécuniaires dues par l'auteur du délit à sa victime pour prix du rachat de la vengeance privée.

Les dispositions relatives au droit privé sont peu nombreuses. La plus importante se trouve dans le titre 59 de alodis, d'après laquelle les femmes sont exclues de la succession à la terre tant qu'il reste des parents mâles. C'est la règle qui a pour ainsi dire vulgarisé la loi salique; c'est elle qui sera plus tard détournée de son sens primitif pour être appliquée à la dévolution de la couronne.

Loi des Francs Ripuaires. 
La loi des Francs Ripuaires est un assemblage de textes hétérogènes par leur époque et leur origine; la partie la plus ancienne se plage entre 534 et 550 et la partie la plus récente est du règne de Charles Martel (715 à 741). Nous ne possédons qu'une édition établie à l'époque de Charlemagne. On a dit qu'elle était la soeur cadette de la loi salique; elle est, en effet, postérieure en date à la loi salique et elle en reproduit en grande partie les dispositions; on y reconnaît aussi l'influence du droit Romain et l'influence de l'Eglise.

 Les Capitulaires

Les capitulaires sont des actes législatifs émanés des rois francs; sous les Mérovingiens, ces actes s'appellent decretio, edictum, praeceptio; ils prennent le nom de capitulaires (de capitulum, petit chapitre), sous les Carolingiens.

Différences entre les leges et les capitulaires. 
Les capitulaires diffèrent des leges à deux points de vue :

1° Les leges sont des recueils qui ont pour objet de codifier des coutumes préexistantes, pour les consacrer d'une façon précise; au contraire, les capitulaires tendent à établir un droit nouveau, souvent en opposition avec les règles en vigueur.

2° Les leges ont une portée limitée par le principe de la personnalité des lois, les lois Romaines s'appliquant aux Romains et les lois barbares aux Barbares. Au contraire, les capitulaires s'appliquent indistinctement à tous les habitants du royaume, Barbares et Romains. C'est le premier germe de l'unité législative.

Classement.
On peut classer les capitulaires à deux points de vue : au point de vue de leur autorité et au point de vue de leur objet.

Au point de vue de leur autorité. 
Au point de vue de leur autorité, il existe une division tripartite. On distingue :

1° Les capitula legibus addenda ou pro lege tenenda. Ce sont des capitulaires qui modifient ou complètent les leges et font corps avec elles. Ils exigent le concours des assemblées populaires.

2° Les capitula per se scribenda. Ce sont ceux qui ne se rattachent pas aux leges, ayant une valeur propre et indépendante. Ils sont faits par le roi seul, sans le concours d'aucune assemblée publique. Mais aussi ils ne durent que pendant le règne de celui qui les a édictés.

3° Les capitula missorum sont des instructions adressées par le roi aux missi dominici pour leurs tournées d'inspection.
Au point de vue de leur objet.
Au point de vue de leur objet, on distinguait deux classes de capitulaires, les capitulaires ecclésiastiques et les capitulaires laïques.

Les capitulaires ecclésiastiques contiennent des règles sur la religion et le clergé; ils ne sont souvent que la reproduction fidèle des canons des conciles.

Les capitulaires laïques édictent en grande partie des mesures administratives et de police; le droit pénal et le droit privé y trouvent une très petite place.

Recueil des capitulaires. 
Les capitulaires rédigés par les soins de la chancellerie royale étaient dressés en plusieurs exemplaires, dont l'un restait dans les archives royales, et dont les autres étaient envoyés aux principaux fonctionnaires, comtes, évêques, etc.

Recueil d'Ansegise.
En 827, un premier recueil de capitulaires fut publié par Ansegise, abbé de Fontenelle. Ce recueil, quoique incomplet, eut un grand succès; il fut accepté comme un recueil officiel par Louis le Débonnaire.

Recueil de faux capitulaires. 
Un peu plus tard, parut un autre recueil dont l'auteur déclare se nommer Benedictus Levita, le diacre Benoît, de l'église de Mayence, entreprenant de compléter l'oeuvre d'Ansegise en publiant les capitulaires que celui-ci avait ignorés. Ce recueil, tenu pour sincère à l'époque où il fut publié, renferme des capitulaires qu'on a démontre avoir été fabriqués de toutes pièces dans le but d'étendre les prérogatives de l'Église et en particulier la juridiction ecclésiastique. Il doit avoir la même origine que le recueil des fausses décrétales dont nous avons à parler au paragraphe suivant.

Le droit canonique

On entend par droit canonique la législation propre que l'Eglise avait été amenée à établir pour l'usage de ses membres du jour où elle avait formé dans l'Etat une société particulière et indépendante.

Sources du droit canonique. 
Les sources du droit canonique sont :

1° La coutume de l'Eglise catholique, qui forma le droit non écrit;

2° Les livres saints, comprenant l'Ancien Testament et le Nouveau Testament pour les règles juridiques qu'ils pouvaient renfermer; 

3° Les canons des conciles;

4° Les décrétales des papes, qui apparaissent avec le second pape, saint Clément;

5° Les emprunts faits au droit Romain, qui, nous l'avons vu, était la législation appliquée à l'Eglise sous le régime de la personnalité des lois.

Recueils de droit canonique.
Les deux principaux recueils de droit canonique sont pour notre époque :
1° Les deux recueils composés successivement à Rome par un moine, Denys-le-Petit (Dionysius exiguus), à la fin du Ve siècle l'un renferme une traduction latine des cinquante premiers canons des apôtres et des canons des conciles; l'autre est une collection de décrétales dont les plus anciennes remontent au pape saint Sirice (385 à 398), et les plus récentes sont du pape Anastase II (496 à 498).

Ces deux recueils furent réunis en un seul ouvrage que le pape Adrien ler adressa à Charlemagne en 774. Il est resté le monument essentiel du droit canonique, sous le nom de Codex canonum Ecclesiae Gallicanae.

2° La collection Hispana ou Codex canonum Ecclesiae Hispanae, composée en Espagne et faussement attribuée à Isidore de Séville.

Recueil des fausses décrétales.
Il se produisit pour les décrétales le même fait qui s'était produit pour les capitulaires. Au milieu du IXe siècle, parut un recueil avec pour nom d'auteur Isidorus Mercator. Dans ce recueil se trouvaient, à côté des textes cités dans les précédents recueils, des décrétales des IIe et IIIe siècles, inconnues jusqu'alors. Elles tendaient surtout à augmenter l'autorité du pape sur les évêques au détriment de leur métropolitain.

Cet ouvrage fut accueilli comme authentique, et il exerça une grande influence au Moyen âge.

On est aujourd'hui certain que ces décrétales ont été fabriquées dans les mêmes conditions que les capitulaires de Benedictus Levita. Elles auraient vu le jour dans le diocèse du Mans et auraient été inspirées par l'évêque Aldric.

Ces décrétales sont appelées fausses décrétales ou décrétales pseudo-isidoriennes.

Monuments du droit ou sources historiques

Les monuments du droit ou sources historiques pour l'époque franque sont, outre les recueils de textes que nous avons indiqués dans le chapitre précédent : les recueils de formules, les cartulaires, les polyptiques, enfin les ouvrages des historiens et des écrivains.

Recueils de formules. 
On entend par formules des modèles préparés à l'avance pour faciliter aux praticiens la rédaction des actes de la vie courante. Dans les formulaires de l'époque franque on ne trouve pas seulement des modèles pour les contrats et les actes d'aliénation, mais aussi pour les jugements, et pour les titres délivrés par la chancellerie royale.

Principaux recueils. 
Les principaux recueils de formules sont :

1° Le formulaire d'Auvergne, après 532;

2° Le formulaire d'Anjou composé entre 511 et 589;

3°) Le formulaire du moine Marculf (ou Marculfe) dont la date est incertaine; d'après les uns le milieu du VIIe siècle, d'après d'autres la fin du VIIe siècle, d'après d'autres la fin du VIIIe siècle. Il est divisé en deux livres : l'un consacré au droit public et l'autre au droit privé. On y trouve des dispositions importantes au point de vue successoral et matrimonial.

Cartulaires.
Les cartulaires son les registres des églises et des couvents où sont transcrits les actes ou contrats relatifs à l'administration de leurs biens.

Polyptiques. 
Les polyptiques, libri censuales, sont des registres sur lesquels les grands propriétaires faisaient l'inventaire de leurs biens avec l'indication du nom de leurs tenanciers et du montant des redevances auxquelles ils étaient astreints.

Le plus intéressant est celui dressé par l'abbé Irminon vers l'an 800, pour le monastère de Saint-Germain-des-Prés.

Historiens et écrivains. 
Comme historiens, nous nous bornerons à citer : Grégoire de Tours, évêque de 573 à 594, pour son histoire ecclésiastique des Francs, et Isidore de Séville, évêque espagnol, pour ses vingt livres d'étymologie ou origine, du commencement du VIIe siècle.

Comme écrivain, nous mentionnerons Hincmar (806 à 882), archevêque de Reims. (René Foignet).

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