| Le droit constitutionnel est cette partie du droit public qui règle l'organisation des grands pouvoirs de l'Etat et leur rôle dans le gouvernement politique. Là conception du droit constitutionnel comme formant une branche spéciale du droit public, ayant son domaine propre et distinct du droit administratif, est assez nette dans son ensemble. Mais la limite à maintenir entre eux est indécise; les points de contact sont si nombreux qu'il est impossible de bien connaître l'un de ces deux droits sur l'autre. Ainsi même avant l'époque où le droit constitutionnel a fait son entrée officielle dans l'enseignement, aucun livre, aucun cours de droit administratif ne commençait sans donner aux lecteurs ou aux auditeurs quelques notions de droit constitutionnel. Rossi disait : « Le droit constitutionnel nous fait connaître à grands traits l'organisation sociale et politique du pays; le droit administratif nous expose la machine politique dans ses moindres détails et dans ses nombreuses applications. » Serrigny s'exprimait en termes analogues : « Il s'agit d'une même échelle occupée par un seul pouvoir sous des noms différents: il s'appelle gouvernement dans les degrés supérieurs, et administration dans les degrés inférieurs. » Une remarque à faire et qui montre bien la portée de cette distinction, c'est qu'en France les lois administratives ont survécu, dans leur généralité, depuis le Consulat, tandis que les lois constitutionnelles ont été renouvelées à chaque révolution ou du moins à chaque crise grave. La notion de Droit constitutionnel au fil de l'histoire. Le Droit constitutionnel ou politique, expression toute moderne, mais qui représente une chose de tout temps et de tout pays, est celui qui règle l'organisation d'un État, la division et les attributions des pouvoirs, les droits du gouvernement sur les citoyens, et ceux des citoyens comme participants de la souveraineté. Qu'il soit fondé sur un acte écrit, appelé charte, constitution, ou sur des coutumes et des traditions séculaires, il n'en n'existe pas moins. Mais, dans un système gouvernemental qui reconnaît et organise le pouvoir absolu, il n'y a pas de Droit constitutionnel; car ce Droit suppose nécessairement une certaine équité dans la distribution et dans l'exercice des pouvoirs sociaux. Le Droit constitutionnel du Moyen âge avait de nombreuses imperfections : les rois et les princes avaient octroyé des chartes et des privilèges, et paraissaient propriétaires du sol, des hommes, des institutions et des libertés; le Droit naturel était oublié. Le grand principe de l'égalité devant la loi, sans lequel il n'existe pas d'organisation politique juste et libérale, était inconnu; il n'y avait qu'inégalité entre les humains, entre les provinces, entre les villes, entre les universités, entre les corporations, chacun réclamant ses immunités et ses franchises, de telle sorte que ce qui était privilège pour les uns était surcharge pour les autres. La liberté individuelle, si ce n'est en Angleterre et en Aragon, n'existait pas : dans quelques pays, elle était stipulée d'une manière générale, mais sans moyen efficace de garantie; dans d'autres, pour les nobles seulement; ailleurs, pour personne, ou bien elle était à la merci d'un seul homme. Les assemblées d'états étaient divisées par ordres, conséquence de l'inégalité des citoyens, et par gouvernements, villes ou communautés, conséquence de l'inégalité territoriale : elles se fractionnaient donc en petites représentations, défendant des intérêts divers et souvent opposés, en classes jalouses et ennemies, dont la plus nombreuse, celle du tiers état, était la plus humiliée. Le libre vote de l'impôt, sanction de toutes les libertés, était, à la vérité, un principe de l'ancien Droit constitutionnel; mais les domaines considérables des souverains, les revenus des forêts et des mines, les péages qu'on leur avait concédés à perpétuité, la répartition inégale des contributions sur les diverses classes de la société, l'absence d'assignation des fonds à un emploi déterminé, ainsi que de toute reddition et vérification de comptes, rendaient ce principe illusoire. Le pouvoir judiciaire était partagé, entre une foule de tribunaux d'origines diverses, la procédure secrète, les moyens d'enquête violents, la pénalité cruelle et capricieuse. Le service militaire ne pesait pas également sur tous les citoyens, ni tour à tour sur toutes les générations. Les rapports des pouvoirs temporel et spirituel étaient mal définis. Ce n'était partout que confusion dans les pouvoirs, faiblesse et désordre dans l'administration. Enfin, dans la vieille organisation sociale, manquaient encore deux éléments constitutionnels, la presse et la publicité. Le Droit constitutionnel n'a été réellement fondé dans les États modernes que par l'avènement du gouvernement représentatif à deux chambres. Théories du Droit Constitutionnel. Voici un aperçu sommaire des principales théories qui font l'objet du droit constitutionnel. Il doit d'abord déterminer le principe de la souveraineté. Cette question est passionnément agitée depuis Locke. Les nations étant des agrégations d'individus naturellement libres et égaux en droit, le pouvoir souverain ne peut être la propriété ni d'une famille ni d'une classe. Le principe de la souveraineté nationale une fois établi, il reste à en déterminer les limites, les conséquences, telles que la liberté de la presse et le droit de réunion. Puis on doit s'occuper de l'organisation des grands pouvoirs de l'Etat. Ici on rencontre la doctrine de la séparation des pouvoirs qui, depuis qu'elle a été mise en circulation, a exercé une si puissante influence sur le droit français. L'étude du pouvoir législatif appartient tout entière au droit constitutionnel : le système représentatif, devenu une nécessité dans les temps modernes, avec la grosse question de l'unité ou de la dualité des Chambres, et tout son cortège de questions secondaires sur leur mode de formation, leurs attributions, leurs garanties, etc. Quant au pouvoir exécutif, il n'intéresse le droit constitutionnel que dans ses degrés supérieurs, le chef de l'Etat et les ministres; c'est là que se placent notamment la responsabilité du pouvoir exécutif et le régime parlementaire. Enfin, en dehors de ces diverses théories, qui forment à proprement parler la constitution d'un Etat, le droit constitutionnel doit encore s'occuper d'un certain nombre de droits primordiaux, qui ne sont ni de véritables droits politiques, ni des droits privés, et qu'on est convenu d'appeler droits publics. Les principaux sont la liberté de conscience, l'égalité civile, la liberté individuelle, la liberté du travail, la liberté de l'enseignement, l'inviolabilité de la propriété. Tous ensemble ils ont fait l'objet en France et aux Etats-Unis de déclarations de droits, à propos desquelles se sont élevées d'intéressantes controverses. Ces questions si vastes; si variées et si pleines d'intérêt doivent d'ailleurs être étudiées à un triple point de vue rationnel, historique et exégétique. Les sources du droit constitutionnel sont tantôt coutumières, quand la constitution se réduit, comme la fameuse constitution d'Angleterre, à de simples traditions, tantôt écrites, quand il existe des chartes ou lois constitutionnelles. (Marcel Planiol / B.). | |