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L'attention des
physiologistes des siècles passés a été vivement frappée par les propriétés
redoutables d'un poison rapporté de l'Amérique
du Sud par les voyageurs, et nommé curare, urari,
wooraria,
wurali,
ticuna
par les naturels qui le préparaient. Claude Bernard
en a surtout étudié les effets; introduit pur dans une blessure ou dans
les vaisseaux sanguins, le curare foudroie les animaux
en quelques secondes sans même laisser survivre la contractilité des
muscles;
étendu d'eau et ralenti dans ses effets.
Comme le venin des serpents, le curare
n'est pas absorbé à travers l'épithélium
de la muqueuse digestive; il en résulte qu'un animal peut ingérer sans
danger ce terrible poison dont une goutte mêlée à son sang
déterminerait sa mort.
L'origine
du curare a tardée à être connue. Humboldt ,
dans ses relations de voyages, en décrivait la fabrication sans indiquer
la plante qu'on y emploie. Waterton donnait aussi des détails sur cette
opération en nommant le poison wourali, mais sans en mieux préciser
l'origine. A. d'Orbigny ,
dans son Voyage dans les deux Amériques, racontait le procédé
des habitants des bords de l'Orénoque, en attribuant à tort ce produit
à une Berthollétie. C'est finalement à Endlicher
que l'on doit d'avoir montré que les naturels de l'Amérique du Sud tiraient
le curare de l'écorce de deux espèces
de lianes, le Strychnos de la Guyane et le
Strychnos toxifère, comme les Malais préparaient avec le Strychnos tieuté
leur redoutable upas tieuté. On sait aujourd'hui que cet alcaloïde
peut également être extrait de la feuille d'une
ménispermacée, le Chondrodendron tomentosum, ou encore du Sciadotenia
toxifère, et qu'il se trouve ordinairement associé à d'autres plantes.
Le procédé de fabrication traditionnel consiste
principalement dans l'expression du suc vénéneux par broiement des feuilles
et des écorces utilisées, une infusion à froid et une concentration
par évaporation. Des cérémonies
entourent l'opération. Cet agent toxique est destiné à empoisonner les
armes des Indiens. |
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