| Classique, en latin classicus (de classis, division, classe), mot employé pour la première fois dans la constitution du roi Servius Tullius, qui partagea les Romains en 6 classes. Au Moyen âge, classicus signifia un écolier, parce que les jeunes gens, dans les écoles, étaient partagés par classes ou catégories : par suite, classique a voulu dire d'école, et, en librairie et dans l'enseignement, on appelle livres classiques ceux qui sont destinés aux classes, c.-à-d. aux enfants et adolescents qui suivent un cours d'études régulier. D'autre part, quoique les classes de Servius comprissent tous les Romains, l'usage s'établit d'appeler classici les citoyens de la première classe seulement. Le mot prit donc un sens d'excellence, et on appela scriptor classicus un « écrivain du premier ordre. » Ce sens a passé dans le français, et classique signifie parfait, ou, si l'on veut, modèle. Dans chaque pays, il y a une époque de perfection plus ou moins grande pour la littérature, et les auteurs de cette époque, dite classique, sont ceux que les générations suivantes sont ou ont été supposés prendre pour modèles. Il y a donc des classiques espagnols, allemands, français, etc., qu'on pout appeler classiques nationaux. Mais chaque tradition culturelle, outre les traits qui font son originalité, possède des qualités qu'elle partage avec les autres : les littératures les plus originales sont celles qui peuvent le moins servir de modèle aux autres, et celles qui embrassent le plus grand nombre de traits communs à l'humanité sont considérées comme les plus classique. Il y a donc des classiques que l'on dit, quelque peu abusivement, universels, c.-à-d. qui peuvent servir ou qui ont servi à des degrés divers de modèles au-delà des frontières qui les ont vu naître, au moins par leurs traits essentiels : tel est le privilège attribué en Europe aux littératures grecque et latine. Il y a un art classique, comme une littérature classique : ainsi, la sculpture et l'architecture grecques sont classiques; en peinture, l'école romaine est classique. Une oeuvre est classique, quand elle est complète, c'est-à-dire qu'on ne peut y découvrir l'absence d'aucun mérite essentiel; quand elle aspire à quelque chose d'élevé, comme d'améliorer l'humain ou par le coeur ou par l'esprit; quand la haute valeur des idées s'y trouve réunie à la simplicité, au naturel, à la vie dans l'expression; quand enfin elle convient au plus grand nombre d'intelligences. Ainsi, dans la tradition occidentale, l'architecture grecque est la seule vraiment classique, parce que c'est la seule qui réunisse à la grandeur des impressions le naturel parfait des formes; au Moyen âge et à la Renaissance, l'architecture a atteint au sublime ou à la grâce, sans devenir classique, parce qu'elle a presque toujours sacrifié quelqu'un des mérites essentiels de l'art, tels que la proportion, ou le naturel, ou la sévérité des lignes. Seule aussi la sculpture grecque est classique, parce qu'elle tire sa beauté de la pureté des lignes unie à la richesse des contours, de l'animation du corps unie à l'aisance des attitudes, de la liberté des membres unie au rythme des parties; et les modernes, malgré de glorieuses exceptions, comme Michel-Ange et Puget, sont restés fort au-dessous des Grecs. En peinture, le dessin exprime mieux la pensée, et la couleur le sentiment; la couleur parle davantage aux sens, le dessin permet à l'esprit d'analyser davantage les intentions de l'auteur et de pénétrer plus avant dans sa pensée. Aussi les peintres qui ont le plus pensé sont-ils, en général, des dessinateurs. Voilà pourquoi la peinture classique compte plus de dessinateurs que de coloristes : les derniers paraissent trop dominés par leurs sens et par la fougue de leur imagination, pour gouverner leur travail avec cette possession de soi qui fait l'artiste classique. L'Italie au XVe et au XVIe siècle, la France au commencement du XVIIe, ont produit des écoles classiques de peinture. Dans la musique, les auteurs classiques sont ceux qui n'ont considéré les sons que comme un moyen d'exprimer les pensées et les sentiments, et non comme l'amusement des oreilles; les oeuvres de Haydn, de Mozart, de Beethoven, ne passeront pas, tandis qu'on est bientôt fatigué de cette musique qui ne doit ses succès qu'à des artifices promptement usés. Une poésie est classique, lorsqu'elle a pour caractères généraux l'unité de ton, l'unité d'impression, l'unité de style, et qu'elle traite des sujets capables d'intéresser l'humanité tout entière : On a longtemps considéré que la raison y devait jouer son rôle, qui aurait été de ramener toujours le génie du poète à l'observation de ces grandes lois. Dans la prose classique, l'imagination intervient pour tempérer la sécheresse de la raison, animer la froideur de la science, orner la nudité de la vérité; Xénophon, Platon, Démosthène, Pascal ont atteint à cet idéal de la prose. (C.). | |