| Chez les Romains, la marine militaire ne joua jamais, comme chez les Grecs, un rôle prépondérant. Peuple essentiellement terrestre, ils attendaient la victoire, non de leurs vaisseaux, mais de leurs légions, et, à moins de circonstances exceptionnelles, ils se bornaient à faire surveiller par des flottilles les côtes des territoires conquis. Aussi lorsque, deux siècles et demi avant notre ère, éclata la première guerre punique, ne possédaient-ils encore, en fait d'équipages, qu'un petit nombre de matelots inexpérimentés, en fait de navires, que des birèmes non pontées de faible tonnage, semblables probablement, comme dimensions et comme dispositions, aux triacontores dières des premières flottes grecques. Les Carthaginois, au contraire, disposaient d'un matériel et d'un personnel éprouvés. Ils avaient, au VIe siècle, avec l'aide des Etrusques, débarrassé la mer Tyrrhénienne des pirates phocéens qui l'infestaient. A la fin du Ve et au commencement du IVe siècle, ils s'étaient mesurés victorieusement, dans plusieurs batailles navales, avec de redoutables adversaires, les Syracusains, et, depuis la mort d'Agathocle (288), l'empire de la mer leur appartenait sans conteste dans tout le bassin occidental de la Méditerrané. Le sénat de Rome s'émut et ordonna de construire une flotte (261). Une tempête venait justement de jeter à la côte une quinquérème punique : elle fut prise pour modèle et elle devint la quinquérème romaine. On ne sait à peu près rien de sa construction, non plus d'ailleurs que de celle des autres types carthaginois. Polybe l'identifie avec la pentère grecque. Malgré son témoignage et l'analogie des terme, on incline à penser que la quinquérème des guerres puniques était un bateau ponté de 20 m sur 4, tout au plus, déplaçant une cinquantaine de tonneaux et monté par 70 ou 80 hommes, dont 40 rameurs. Son nom lui venait, croit-on, de ce qu'elle bordait cinq avirons de chaque côté. Deux mois suffirent aux Romains pour en mettre une centaine à flot, ainsi qu'une vingtaine de trirèmes. Elles étaient lourdes et d'une manoeuvre difficile; le consul Duilius, qui les commandait, munit leur avant du corbeau, espèce de pont-levis à crampons, qui happait le bateau ennemi, livrait passage aux légionnaires et transformait le combat sur mer en une lutte corps à corps. Il battit ainsi à Myles (260) la flotte carthaginoise. Quatre ans plus tard, à Ecnome, Régulus et Manlius, qui montaient des sexirèmes, lui infligèrent, en recourant à la même tactique, une nouvelle et sanglante défaite. Dans la seconde et la troisième Guerres puniques, Scipion eut encore quelques flottes; mais, après la chute de Carthage (201), les Romains négligèrent de nouveau d'entretenir leur marine, improvisant à la hâte un matériel chaque fois que les circonstances l'exigeaient, puis; la conquête terminée ou le péril passé, le laissant insouciamment dépérir. Il en fut ainsi, et des treize escadres qui furent nécessaires à Pompée pour purger la Méditerranée de ses audacieux pirates (67), et de celles que fit successivement construire César : en 57, pour combattre les Venètes, en 49, pour bloquer Marseille, en 47, pour s'emparer d'Alexandrie. Quant aux types qui prédominèrent durant toute cette période, il serait assez difficile de les déterminer. Procédant des lieux et des circonstances, offrant par suite un mélange confus d'éléments grecs et latins, ils se distinguaient seulement par une légèreté relative, par l'absence de catastromas et par des turres ad libram facilement démontables, qu'on dressait sur les longues avant le combat. - Troupes romaines embarquées sur un navire. Source : KarensWhimsy.com L'organisation manquait, elle aussi, de fixité. Tantôt les navires étaient construits aux frais du trésor, tantôt ils étaient fournis par les alliés. A bord de chacun se trouvaient un magister navis et un gubernator, dont les attributions sont mal connues. Le commandement suprême était dévolu au chef de l'armée et, dans des cas exceptionnels, à deux duumviri navales, que désignait le sénat. Les rameurs (ramiges) étaient ordinairement recrutés parmi les esclaves, les matelots (nautae) parmi les alliés. La mémorable bataille d'Actium, qui livra à Octave l'empire (30 av. J.-C.), eut comme contre-coups presque immédiats, d'une part la disparition de la marine grecque, d'autre part une transformation radicale de la marine romaine. A défaut de flottes à vaincre, celle-ci avait désormais à surveiller une étendue de côte immense. Et puis le nouvel empereur lui devait la pourpre! Il ne l'oublia pas, et il fit d'elle une institution à la fois puissante et permanente, minutieusement hiérarchisée et réglementée. Chaque région maritime eut sa flotte spéciale, qui tirait son nom, soit de soi port d'attache, comme les deux plus importantes, celles de Misène et de Ravenne, soit du pays où elle stationnait : classis Britannica, classis Pontica, classis Africana; chaque lac et chaque grand fleuve eut sa flottille. A la tête de chaque flotte fut placé un praefectus classis, ayant sous ses ordres des stolarehi, des archiguberni, des propositireliquationis classis, des trierarchi, des navarchi, des centuriones. La liburne, type essentiellement latin, devint le bâtiment de guerre national. Elle était pontée mais non couverte, unirème d'abord, puis trirème et quadrirème, assez bonne voilière, longue d'une trentaine de mètres, large de 4 à 5, déplaçait de 80 à 100 tonneaux et avait de 120 à 150 hommes d'équipage. Les flottes romaines comptaient aussi nombre de polyères du type grec, munies d'éperons et couvertes. Elles comprenaient enfin, de même que les anciennes flottes grecques, des flotilles de bâtiments légers non pontés, les liburnicae qui servaient d'auxiliaires et d'éclaireurs, et qui correspondaient sensiblement aux éikosores et aux triacontores grecques. La marine impériale n'eut pas, d'ailleurs, une histoire bien glorieuse : faute de rivales, elle concourut modestement à la défense du territoire et ne livra, durant quatre siècles, aucune grande bataille navale. (A.-M. B.). | |