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Les Incunables Au sens strict du mot, on ne devrait désigner sous la dénomination d'Incunables que des livres imprimés en caractères mobiles dont l'exécution remonte au berceau (incunabula), aux débuts de l'art typographique; mais on est convenu de faire entrer dans cette catégorie toute pièce ou tout volume imprimé avant 1501, ou présumé antérieur à cette date. On en exclut d'hahitude les livres tirés sur des planches fixes, gravées sur bois, les ouvrages xylographiques. L'étude des incunables joue un rôle capital dans l'histoire des origines de la typographie. Elle permet souvent, à défaut de toute indication du lieu et de la date d'impression d'un livre (ce qui arrive très fréquemment au XVe siècle), d'y suppléer par voie d'identification avec les caractères employés dans d'autres ouvrages émanant d'un typographe déjà connu. Elle a encore permis, grâce à cette étude comparée, de rectifier les attributions erronées, de restituer à qui de droit certains monuments typographiques, notamment parmi ceux qui datent des premières années de l'invention de l'imprimerie, et de contribuer à éclaircir ce dernier problème si hérissé de difficultés. Tous ceux qui s'en sont occupés ont plus ou moins touché à la description des incunables. Le commencement du commencement. « Cette fonte primitive, dit A. Bernard, a dû être faite dans du sable, à l'aide de modèles gravés sur bois. »On se trouve donc, très probablement, avec ces Speculum, en présence des premiers essais d'imprimerie. Et comme deux des éditions qui en ont été données sont en hollandais, c'est en Hollande qu'il faut en placer l'origine. C'est, en effet, à Coster que beaucoup de critiques en font honneur, acceptant sur ce point le fameux témoignage de Junius. En tout cas, on s'accorde à reconnaître que l'impression de cet ouvrage, qu'elle soit de Coster où d'un autre, qu'elle ait été faite à Haarlem ou dans une autre ville des Pays-Bas, est antérieure à toutes les productions des ateliers de Mayence. Quelles conclusions faut-il enfin tirer de ces hypothèses et de ces témoignages contradictoires? Celle qui nous paraît d'abord s'imposer avec la dernière évidence, c'est qu'il n'est pas possible, dans l'état actuel de la question, de désigner l'inventeur de l'imprimerie. Il semble même qu'il faille désespérer de le trouver jamais. Cette découverte, en effet, n'appartient, en réalité, comme on l'a très bien dit, « ni à une année, ni à un peuple ». Elle était devenue une véritable nécessité par suite des progrès de la technique. C'est pour cela qu'elle fut, dans le second quart du XVe siècle, l'objet de tant de recherches. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner qu'il en soit question, à des dates très voisines, en Hollande, sur les bords du Rhin et en Avignon. Il ne sera probablement jamais possible de dire avec précision quelle est la part de découverte qui revient à chacun de ces pays. Voici toutefois ce qui, pour l'instant, paraît le plus vraisemblable. C'est bien certainement dans les Pays-Bas qu'ont dû être fait les premiers essais; mais, soit que l'outillage fût incomplet, soit que les procédés employés pour la gravure ou la fonte des caractères fussent imparfaits, ce qu on est convenu d'appeler l'école de Haarlem n'a laissé que des oeuvres d'un art rudimentaire. Tout en reconnaissant à la Hollande l'honneur d'avoir vu naître l'inventeur des caractères mobiles, il convient donc de revendiquer pour Gutenberg celui d'avoir découvert la presse et perfectionné, pour tout le reste, les procédés antérieurs. C'est lui, en effet, qui a dû trouver « le véritable secret pratique si longtemps cherché ». On ne s'expliquerait pas les témoignages si nombreux et si sérieux qui parlent en sa faveur, si la typographie ne lui devait beaucoup. Il faut, par conséquent, lui conserver le mérite d'être, sinon le premier, du moins le véritable inventeur de l'imprimerie. Esquisse d'un inventaire impossible Malgré les difficultés de la tâche, divers auteurs se sont essayé à dresser une liste des ouvrages qu'on pouvait attribuer d'un côté à Coster ou à un atelier des Pays-Bas, et de l'autre à Gutenberg et aux ateliers de Mayence, autrement dit les "véritables incunabula". Sans discuter ces attributions, nous devons toutefois signaler les ouvrages qui en sont l'objet. On reconnaît une origine hollandaise non seulement aux quatre éditions du Speculum humanae salvationis, mais encore aux ouvrages suivants : 1° Donat, De Octo Partibus orationis, éditions qui portent les n° 7, 8, 9, 10 et 12, dans le Catalogue des vélins de la Bibliothèque du roi de Van Praet, t. IV (1822), p. 6-9 ;Parmi les impressions qu'on doit attribuer à Gutenberg, voici les résultats qui paraissent les plus certains. Le grand ouvrage qu'il imprima après s'être associé avec Fust et qui l'entraîna à des dépenses considérables ne peut être que la Bible; et de toutes les Bibles anonymes qu'on possède, celle qui répond le mieux aux conditions voulues est la Bible de 42 lignes, dite Bible Mazarine. On l'appelle ainsi parce que c'est l'exemplaire du cardinal Mazarin, conservé aujourd'hui à la bibliothèque Mazarine, qui a le premier attiré l'attention des bibliographes. Elle était certainement imprimée au commencement de 1456, car les deux volumes de l'exemplaire sur papier qu'en possède la Bibliothèque nationale de Paris sont terminés chacun par une souscription latine dans laquelle il est dit qu'ils furent enluminés et reliés par un certain Henri Cremer, le premier, le 24 août, et le second, le 15 août de cette même année. Aucun autre atelier n'aurait pu produire, à cette date, une oeuvre de cette importance. Il est à remarquer, en effet, que, en 1454, Mayence possédait déjà une seconde imprimerie. C'est la conclusion qu'amène à tirer l'examen des différentes éditions données en 1454 et 1455 des Lettres d'indulgences. Cette première attribution une fois établie, on a recherché les impressions faites avec les caractères de cette Bible, et on est ainsi arrivé à reconnaître que Gutenberg avait publié plusieurs Donats et deux éditions des Lettres d'indulgences. Ces Lettres sont les premiers textes imprimés avec date. A. Bernard attribue encore à Gutenberg, et avec assez de raison, les caractères du Psautier de 1457, d'abord parce qu'ils présentent de la ressemblance avec ceux de la Bible et ensuite parce que Schoiffer, à qui on en fait honneur, n'aurait pas eu le temps, pendant les dix-huit mois qui s'écoulèrent entre le jugement du 6 novembre 1455 et la date d'impression de l'ouvrage (15 août 1457), de les faire graver et fondre, puis de les employer enfin à la composition et au tirage de son livre. D'autres impressions ont encore été revendiquées pour Gutenberg, mais avec moins de probabilité. Elles appartiendraient à la dernière période de sa vie. On sait, en effet, que la malheureuse issue du procès de 1455 ne mit pas un terme à son activité et qu'il continua à imprimer. Certains bibliographes croient donc pouvoir augmenter la liste de ses productions d'un Tractatus de celebratione Missarum, du Calendrier de 1460, du Speculum sacerdotum d'Hermann de Saldis et d'un Traité des conciles, en allemand. Le Catholicon de Jean de Gênes, publié à Mayence, en 1460, est souvent attribué à Gutenberg, mais A. Bernard y voit plutôt, et pour des raisons très plausibles, la première oeuvre de Henri Bechtermuntze qui devait s'installer à Eltvil, quelques années après. C'est la façon la plus acceptable d'expliquer pourquoi on retrouve dans le Vocabularium ex quo, imprimé par ce dernier, son frère Nicolas et leur associé Wiegand Spyess, à Eltvil, en 1467, les caractères du Catholicon. On doit, en conséquence, ajouter à la liste des impressions de Bechtermuntze la Summa de articulis fidei de S. Thomas et le Tractatus rationis et conscientiae de Mathieu de Cracovie qui ont été aussi imprimés avec les caractères du Catholicon et qu'on avait de même attribué à Gutenberg. Un raisonnement du même genre a encore amené A. Bernard à retirer de la liste des livres ordinairement reconnus à Gutenberg la Bible de 36 lignes, appelée quelquefois Bible de Schelhorn, du nom du savant qui le premier l'a décrite. Les caractères avec lesquels elle a été imprimée sont, en effet, semblables à ceux qu'on trouve dans un recueil de fables en allemand, appelé Joyau de Boner ou Liber similitudinis, et dans le Livre des quatre histoires (Joseph, Daniel, Esther et Judith) également en allemand, qui ont été publiés par A. Pfister, à Bamberg, le premier en 1461, et le second en 1462. Cette attribution est corroborée par ce fait que « la plupart des exemplaires de cette Bible se sont conservés en Bavière et qu'un grand nombre de fragments, qui supposent une surabondance d'exemplaires, se sont retrouvés dans les couvents de ce pays ». Elle serait même confirmée, d'après quelques-uns, par un passage de l'Encyclopédie des sciences et des arts de Paul de Prague, mais les termes de ce texte sont peu clairs et contiennent une erreur manifeste qui en diminue l'autorité. On a deux raisons de croire que cette Bible a été imprimée vers 1460 ; la première c'est que l'un des exemplaires possédés par la Bibliothèque nationale de Paris se termine par une souscription manuscrite qui porte la date de 1461; la seconde, c'est qu'un feuillet en a été trouvé dans la couverture d'un registre de dépenses de l'abbaye de Saint-Michel de Bamberg, commencé le 21 mars 1460. Il ne semble pas, malgré des analogies réelles, qu'on doive attribuer à Pfister le Donat, dit de 1451, les Lettres d'indulgences de 1454-55, dans lesquelles on voit deux lignes de grosse gothique semblable à celle du Donat, l'Almanach de 1455 ou Appel contre les Turcs et le Calendrier de 1457. Ces ouvrages sont sortis d'un atelier de Mayence, sur lequel on n'a aucun renseignement. (C. Couderc). |
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