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Le
capital, dit Baudrillart, c'est un produit épargné
destiné à la reproduction. Pour nous faire une idée
nette du capital il convient donc de dire tout d'abord quelques mots de
l'épargne.
Épargne.
« On définit
l'épargne, la conservation calculée d'un ou de plusieurs
objets utiles. Nous disons : conservation calculée; car ce n'est
pas épargner que laisser se perdre et dépérir ou devenir
inutile une chose dont on pourrait jouir soi-même ou faire jouir
autrui. Épargner cette chose, c'est la
réserver pour un temps où elle pourra procurer une somme
d'utilité plus grande. » (Joly.) L'épargne suppose
donc la modération d'un désir actuel de jouissance en vue
d'éviter une souffrance future ou de se procurer, dans l'avenir
une satisfaction plus complète.
L'épargne
est fondée sur ce fait d'expérience que les exigences de
notre nature et les ressources de notre travail suivent dans leur progrès
et dans leur décroissance une loi inverse et réciproque;
de là, pour une personne jeune et forte qui produit au delà
de ses besoins, l'obligation de faire deux parts de son salaire, l'une
qu'elle consacre à son service actuel, l'autre qu'elle épargne
pour l'époque où elle sentira ses forces décroître
et son courage l'abandonner. C'est encore une loi que nos désirs
soient insatiables, et que nos besoins satisfaits se renouvellent sans
cesse plus impérieux et plus exigeants. L'épargne lutte avec
avantage contre cette loi d'accroissement de nos besoins, en les modérant
sans cesse.
Mais l'épargne,
que tant de motifs conseillent et commandent, exige un courage de tous
les jours, une fermeté de tout instant qui la rendent difficile.
Les gouvernements sont venus au secours du travailleur de bonne volonté
par l'institution des caisses d'épargne, qui lui permettent de rassembler
par petites fractions une somme un peu fonde qu'il dissipera moins facilement.
(A. Rondelet..
L'épargne
permet ainsi la constitution tantôt lente, tantôt rapide d'un
capital plus ou moins important.
Capital.
Le capital, avons-nous
dit, est un produit épargné destiné à la reproduction.
Il ne faut pas confondre le capital et la richesse; tout capital est une
richesse, mais toute richesse n'est pas un capital; les bijoux, par exemple,
les tableaux, font partie de la richesse, mais ne sont pas des capitaux,
parce qu'ils ne sont pas employés à la production d'autres
richesses.
«
La richesse ne devient donc capital que par sa destination; et, à
la différence du fond de consommation immédiatement applicable
à la satisfaction du besoin, au capital se rattache nécessairement
une idée productive. » (Baudrillart).
Le capital ne doit pas
être confondu non plus avec le numéraire, qui n'en forme qu'une
partie. Souvent même la monnaie ne fait pas fonction de capital,
et se rapporte au fond de consommation.
C'est dans le capital
proprement dit, plutôt que dans la richesse, que se résume
la puissance matérielle de la société; mais c'est
dans l'ordre moral, dans la vertu que réside la force qui l'engendre
et qui la conserve; le développement continu du capital peut donc,
dans une certaine mesure, attester le progrès moral d'une population.
Diverses
espèces de capitaux.
La principale distinction
est celle du capital fixe et du capital circulant. Le capital fixe comprend
tout instrument de travail établi en quelque sorte à poste
fixe. Exemple :
1° machines
utiles et instruments de métiers, etc.;
2° améliorations
du sol;
3° bâtiments
d'exploitation, etc.
Le capital circulant
comprend toute matière destinée à changer de forme
ou de main. Exemple :
1° l'argent,
par le moyen duquel les autres capitaux circulent;
2° le fonds de
vivres qui est dans la possession des industriels, des artisans, agriculteurs,
etc. ;
3° le fonds de
matières premières ou déjà manufacturées
qui, encore imparfaites, sont aux mains des producteurs;
4° l'ouvrage
achevé et non encore débité qui demeure chez le commerçant
ou le manufacturier.
Le principe fondamental
de cette distinction est non pas la nature ou la durée de l'objet
capital, mais sa destination. Ainsi une même machine est un
capital fixe chez le manufacturier qui s'en sert pour produire, et un capital
circulant chez le mécanicien qui en fait un objet de commerce; de
là vient que les capitaux fixes reçoivent le nom de capitaux
de production, tandis que les capitaux circulants sont des capitaux de
profit. La prospérité industrielle exige un certain rapport
entre ces deux sortes de capitaux.
Le
capital et le travail.
Le travail et le
capital, considérés comme les principes d'un antagonisme
social (la lutte des classes), sont également indissociablement
liés. On ne peut rien produire sans capital, et le capital ne peut
fonctionner sans l'assistance du travailleur; la dépendance est
réciproque. Aussitôt qu'il se forme quelque part, soit par
l'épargne, soit par le crédit, soit par tout autre moyen,
une portion de capital, un nouvel emploi pour le travail peut être
créé.
C'est une loi établie
par l'expérience et par la raison que l'abaissement des salaires
est la conséquence inévitable de la rareté du capital,
que la ruine des capitalistes qui vivent de profits entraîne la misère
des ouvriers qui vivent de salaires. Dès lors, dans le système
capitaliste, l'accord du travail et du capital, ou plutôt du travailleur
et du patron, n'est donc pas moins nécessaire au point de vue matériel
et économique qu'au point de vue moral et politique.
(P. Régnault). |
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