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Les canyons
Le mot canyon dérive de l'espagnol de cañon signifiant tuyau, tube, canal, est usité en géologie pour désigner certaines vallées caractérisées : 
1° par leur profondeur très grande eu égard à leur faible largeur;

2° par l'inclinaison considérable, souvent verticale, de leurs parois. 

Ces vallées, fort étroites, ne sont pas, toutes proportions gardées, beaucoup plus larges au sommet qu'au fond; deux lignes continues de falaises perpendiculaires ou de talus à fortes pentes les encaissent; leur aspect est donc celui d'un corridor sinueux, d'une rue tortueuse où un cours d'eau serpente au pied de deux murailles. 

Ces entailles, creusées en général dans les formations sédimentaires, tirent leur origine de deux principales causes, qui la plupart du temps ont combiné leurs effets : les mouvements de l'écorce terrestre et les érosions. Les fissures produites à une époque géologique reculée, soit par dessiccation et retrait, soit par des éboulements, soit par des effondrements, soit enfin par soulèvement du sol, les failles dues à des glissements de terrain, ont donné naissance à des lignes de fracture, à des dénivellations qui drainaient les eaux courantes et se transformaient en thalwegs : les torrents, encastrés entre leurs lèvres, ont ensuite lentement approfondi leurs lits par voie d'érosion, et quand les couches de terrain se trouvaient comme les grès, calcaires, basaltes et autres roches dures ou compactes, disposées à la démolition par grosses masses et non à la désagrégation fragmentaire, le sciage des flots les façonnait en murailles droites (dolomies), en pyramides (grès), en piliers (basaltes), ou en talus à gradins (marnes 'jurassiques, calcaires oxfordiens, etc.). Quelquefois l'érosion seule a suffi pour creuser un canyon.

A voir avec quelle lenteur se continue de nos jours l'approfondissement des canyons actuels, on peut se faire une idée du grand nombre de siècles révolus depuis le début de ces gigantesques évidements. Au point de vue pittoresque, les canyons appartiennent aux sites les plus grandioses de la nature : tous les voyageurs s'accordent à proclamer la magnificence des spectacles offerts par ces couloirs étroits, souvent obscurs, où la lumière tombe verticale, mystérieuse et tamisée, où les couchers de soleil teignent de reflets fantastiques les couleurs éclatantes des roches sédimentaires rougies, jaunies et noircies par les sels de fer, tandis que les promontoires de murailles hautes de 500 à 2000 m et tailladées par les actions atmosphériques en minarets et châteaux-forts, jouent le rôle de coulisses de théâtre et amènent à chaque coude de la rivière un changement de tableau saisissant : car bien souvent aucune route n'a pu être tracée dans le fond de ces fossés immenses : le cours d'eau seul qui les a patiemment excavés y trouve place, et c'est en barque sur ses flots que s'opère, merveilleux voyage, la descente de l'étrange vallée.
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Grand Canyon du Colorado.
Le Grand Canyon, en Arizona (Etats-Unis). Au fond, le Colorado.
 Photo : © Serge Jodra.

C'est dans l'Amérique du Nord que sont les plus grands canyons du monde. Le Grand canyon du Colorado (Arizona), le plus remarquable de tous, n'a pas moins de 370 km de développement entre le petit Colorado et le lac Mead; sa profondeur varie de 600 à 2000 m et sa largeur au sommet des murailles de 1 à 10 km; à l'entrée, au confluent du petit Colorado (rive gauche), la distance verticale entre les rives du fleuve et les rebords du plateau est d'environ 2250 m; mais en cet endroit ni l'une ni l'autre des deux parois ne se dresse d'un seul jet au-dessus du torrent; de gradins en gradins, une superposition de falaises rocheuses verticales et de talus marneux à fortes pentes s'étage en retraits successifs, de telle sorte que l'écartement des deux lèvres de la fissure devient considérable, et que le canyon prend ici l'aspect d'un amphithéâtre plutôt que d'une galerie; plus bas, au contraire, à la jonction de la vallée de Toroweap (rive droite) deux vrais murs tout droits s'élèvent d'une seule venue à 900 m au dessus du Colorado : à leur sommet, d'un bord à l'autre, l'écartement n'est que de 1000 m; c'est donc ici que se trouve le plus resserré et relativement le plus profond de tous les canyons. 

Au Nord, dans l'Utah, le Green River (Rivière Verte) s'écoule à travers le Horseshoe Canyon (Fer à Cheval) et le Red Canyon (C. Rouge) longs de 80 km, encaissés de 400 m dans les grès rouges; Lodore-Canyon (longueur 32 km, profondeur 636 à 914 m); le Whirlpool Canyon (24 km et 730 m); le Split Mountain Canyon; le Desolation's Canyon (156 km); le Gray Canyon (C. Gris, 46 km); le Labyrinth Canyon (98 km et 400 m) et le Stillwater Canyon (C. des eaux calmes, 67 km et 400 m). Après sa jonction avec le Grand River, le Green River prend le nom de Colorado et passe dans le Glen Canyon (C. du vallon, 240 km) et le Marble Canyon (C. de Marbre, 184 km de longueur, 600 à 1100 m. de profondeur dans les marbres polychromes, du San Juan au petit Colorado), digne vestibule du Grand Canyon. 
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Relief du Grand Canyon.
Le relief du Grand Canyon.

Plus au Nord encore dans le Wyoming et l'Idaho, le Snake (Serpent) ou Shoshone-River a creusé dans les trachytes et autres formations volcaniques un autre grand Canyon (50 km et 140 à 230 m) et le Shoshone Canyon (20 km et 250 m, cascades de 60 m de haut). Le grand canyon du parc national de Yellowstone, également dans les terrains volcaniques, est profond de 360 m, large de 400 à 1600 m au sommet, long de 40 km, et bordé de colonnades de basalte.  D'autres affluents du Colorado (Rio Dolores, Rio Virgen, Kanab, etc.) grondent aussi au fond de semblables rigoles entre 600 et 1500 m en contre-bas des hauts plateauxdes Montagnes Rocheuses, où le travail des eaux courantes a successivement entamé, par un abaissement constant du lit des rivières, les dépôts sédimentaires de toutes les périodes géologiques, depuis l'éocène jusqu'aux granits primitifs; le Grand Canyon du Colorado surtout doit sa splendeur à la dégradation des assises carbonifères et permiennes (dolomies roses, grès rutilants, etc.). Il faut citer enfin le canyon du Arkansas.

Les gorges du Caucase et des Alpes, les barrancas du Mexique (Barranca del Cobre, Sumidero), des Andes et des Pyrénées (Canyon d'Ordesa), les cluses du Jura, ne sauraient être comparées à ces immenses avenues, tant à cause de leurs dimensions moindres que parce que, souvent, une seule de leurs parois le plus souvent est taillée en mur, l'autre restant disposée en pente douce comme le versant d'une montagne normale. 
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Tunisie : canyon de la Selja.
Un canyon en Tunisie, dans les oasis du sud-ouest (région de Tamerza).
Photo : © Angel Latorre, 2008.

La France cependant possède de véritables canyons : ce sont les vallées escarpées du haut Tarn, de la Jonte, de la Dourbie et de la Vis, qui ont tronçonné en quatre grandes tables calcaires (Causse de Sauveterre, Causse Méjan, Causse Noir et Larzac), la masse jadis homogène du pays des causses (département de la Lozère, de l'Aveyron, du Gard et de l'Hérault). Sans être colossaux comme ceux de l'Amérique, les canyons français ont la même origine géologique, le même aspect physique et pittoresque et des proportions analogues : celui du Tarn, profond de 400 à 600 m, mesure 80 km de développement de Florac (Lozère) à Millau (Aveyron) : comme un Colorado restreint, la rivière y coule profondément encaissée entre deux murailles espacées au sommet de 700 m à 2 km et constituées par les gradins des falaises dolomitiques alternant avec les talus des marnes secondaires : c'est le plus beau des quatre. Celui de la Jonte, long de 21 km seulement, est remarquable par la coupe uniforme et régulière de ses parois, divisées en quatre degrés :

1° falaise de dolomie du lias (info à vérifier), haute de 20 à 100 m; 

2° talus de marnes du jurassique incliné à 35°, haut de 200 m; 

3° falaise verticale de dolomie, haute de 400 à 200 m, crénelée comme une forteresse, découpée en clochetons comme un toit de cathédrale; 

4° assise de calcaire oxfordien (?) taillée en marches d'escalier et haute de 50 à 100 m. 

Dans ces quatre canyons, les sels de fer se sont livrés sur les roches à la même débauche de couleurs qu'aux rives du Colorado, et si les entailles des causses ont une majesté moins écrasante que celles de l'Arizona, la fraîche et souple végétation européenne des thalwegs y rend peut-être le charme des contrastes plus vif et plus enchanteur.

La belle vallée espagnole d'Arazas (Canyon d'Ordesa), qui forme la contrepartie du cirque de Gavarnie, au pied du mont perdu, est aussi un canyon très remarquable par les proportions de son profil. (E. A. Martel).

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