Jalons |
Les
plantes dans l'ancienne Grèce.
Les Présocratiques.
Empédocle
d'Agrigente.
Empédocle
d'Agrigente écrivit, vers 440
avant J.-C., un traité Sur la Nature (Peri
phuseôs), en hexamètres. Dans ce livre, dont on n'a conservé
que quelques fragments, le philosophe enseigne que
«
les plantes
apparurent avant la formation complète de la Terre ,
qu'elles ont comme les animaux ,
des instincts, de sentiments
et même de l'intelligence, enfin qu'elles
ont les deux sexes réunis. »
Il ajoutait, suivant
Aristote qui commente ce vers :
«
Les arbres mêmes pondent des oeufs ,
à commencer par l'olive. »
Ces assertions n'étaient que l'extrapolation
d'un fait banal, à savoir que les plantes naissent et meurent comme
tous les êtres vivants.
Anaxagore
de Clazomène.
Pour Anaxagore
de Clazomène ,
l'air est rempli de semences qui, entraînées par les eaux
de pluie, produisent des végétaux. Tout ce qui vit respire,
la plante aussi bien que l'animal.
Hippon
de Rhegium.
Hippon, comme
Thalès, faisait venir toute substance de
l'eau et enseigna le premier que toute plante cultivée, abandonnée
à elle-même, retourne au type sauvage. Cette opinion sera
partagée par Platonqui regardait les espèces
sauvages comme plus anciennes que les espèces cultivées.
Aristote.
Aristote avait
écrit un ouvrage sur la Théorie des plantes, qui malheureusement
n'est pas parvenu jusqu'à nous. On
lui attribuait encore d'autres ouvrages du même genre, qui sont également
perdus, à l'exception de quelques fragments,
rassemblés avec ceux de la Théorie des Plantes, par
Wimmer sous le titre de Phytologiae aristotelicae fragmenta (Breslau,
1838,
in-8). En voici les points les plus saillants.
Il y a des plantes qui ne vivent qu'un
an tandis qu'il y en a d'autres qui peuvent vivre un grand nombre d'années.
C'est la première distinction qui ait été faite des
plantes en annuelles
et vivaces .
Ce que les mollusques
sont pour l'élément humide, les végétaux le
sont pour l'élément terrestre; les premiers sont les plantes
de la mer, et les derniers les huîtres de la terre.
Aristote ne
soupçonnait pas encore la fonction respiratoire des feuilles .
Ces organes ne devaient, selon lui, servir qu'à couvrir ou protéger
le fruit .
C'était là le but qui leur était assigné par
la nature.
Tout être qui sort d'un oeuf
vit dabord comme un végétal : la gemmule
s'accroît comme l'embryon. Les racines
sont analogues à des intestins ;
elles puisent les aliments dans le sol qui est pour la plante ce que la
cavité abdominale
est pour l'animal. Avant d'arriver à se mouvoir librement, à
changer de place, l'embryon d'où sortira l'animal est fixé
d'abord à l'utérus ,
où il a une vie purement végétative (c'est-à-dire,
donc, semblable à celle des végétaux).
La chute des feuilles, Aristote
la comparait à la mue des oiseaux
et au changement du pelage de certains quadrupèdes ,
et il en attribuait la cause à un défaut de chaleur humide.
La coïncidence de la chute des feuilles et de la période d'hibernation
de certains animaux l'avait particulièrement frappé :
«
Pourquoi les cheveux ne repoussent-ils pas des têtes chauves, tandis
que le feuillage de la plante et le pelage de l'animal hibernant se renouvellent
régulièrement? C'est que l'humain porte en lui-même
l'hiver et l'été; les âges de sa vie sont ses saisons.
La vie des plantes et des animaux hibernants est, au contraire, intimement
liée aux périodes de l'année, aux saisons proprement
dites [...]. Pourquoi un grain de blé produit-il toujours le même
blé, pourquoi l'olive ne produit-elle qu'un olivier de même
espèce, etc? Ce n'est point là, évidemment, l'effet
du hasard ou une coïncidence fortuite : ce n'est pas davantage le
résultat de l'action des éléments, ni de l'attraction
et de la répulsion. Il y a donc là quelque chose de prémédité,
de rationnel, de divin, d'éternel. »
D'après Aristote,
la femelle représente la matière, et le mâle le mouvement;
les deux sexes, distincts dans les animaux supérieurs, se trouvent
confondus dans les plantes.
«
Tout cela, ajoute-t-il, a été arrangé conformément
à la raison. L'unique affaire, le seul
but de la plante, est dans la production de la graine ,
et comme cette production a lieu par l'accouplement du mâle et de
la femelle, les deux sexes se trouvent réunis dans les plantes.
»
Aristote enfin
adopte la doctrine de quelques uns de ses prédécesseurs d'après
laquelle tout ce qui vit a une âme. Conséquemment,
les végétaux
n'en sont pas plus dépourvus que les animaux .
Puis, partant de là, il admet au moins trois espèces d'ames
: l'âme nutritive, qui préside aux fonctions nutritives; l'âme
sensible, comprenant les sens et les mouvements de relation, et l'âme
rationnelle. La première est le partage exclusif des végétaux;
elle s'ajoute à l'âme sensible dans les animaux; l'humain
seul réunit les trois.
Les successeurs
d'Aristote.
Au nombre des disciples d'Aristote qui
avaient pris le règne végétal pour objet de leurs
études, on compte particulièrement Phanias,
Dicéarque, et surtout Théophraste
qui allait prendre la tête de l'école
aristotélicienne après la mort du maître.
Phanias.
Phanias le botaniste,
qu'il ne faut pas confondre avec Phanias le stoïcien,
vivait vers 350 av. J.-C. De son ouvrage
Sur les Plantes (Peri phutôn) il ne reste plus qu'un
très petit nombre de fragments. Ils laissent penser qu'il s'est
surtout occupé des fruits .
C'est ainsi qu'Athénée rapporte
que, d'après Phanias, les Mendéens avaient coutume d'arroser
les grappes de raisin avec le jus amer des fruits d'élatérium
(Momordica elaterium, L.), pour enlever au vin son âpreté,
pour lui donner du velouté. Phanias appela le premier l'attention
sur ce qu'on nommera plus tard les végétaux agames ou cryptogames
:
«
Il y a des plantes, dit-il, qui n'ont ni fleurs ,
ni organes de fructification apparents; tels sont les champignons ,
les mousses ,
les fougères .
»
Il compara le fruit
de la mauve à un gâteau rond, à bord denté.
Les fruits des haricot, fenouil, coriandre, ciguë, semblent avoir
été chez Phanias l'objet d'études spéciales.
Dicéarque.
Dicéarque
de Messine avait été chargé par les successeurs
d'Alexandre le Grand de mesurer la hauteur
des montagnes de la Grèce. Il en profita pour décrire en
même temps les arbres et les plantes herbacées qui forment
la végétation du mont Pélion
Théophraste.
Théophraste,
né à Erèse comme Phanias,
succéda, on l'a dit, à Aristote
comme chef de l'école péripatétitienne.
Les deux ouvrages de botanique qui nous sont
parvenus de lui ont pour titres, l'un l'Histoire des plantes (Peri
phytôn historia), en dix livres, l'autre
Des causes des plantes (Aitia physika).
L'Histoire
des plantes.
L'auteur de l'Histoire des plantes
traite, dans le premier chapitre des parties ou organes des végétaux.
Il distingue très bien les parties qui, telles que les racines et
la tige ,
sont permanentes, des parties qui, telles que les feuilles ,
les fleurs, les fruits, n'ont qu'une durée limitée. Poursuivant
les analogies du végétal
et de l'animal ,
il regarde les nervures
de la feuille comme des veines ,
et il assimile les fibres du bois
aux fibres des muscles, la sève
au sang. Sa classification est celle des
végétaux divisés en arbres, arbrisseaux ,
arbustes et plantes herbacées - division qui
subsistera jusqu'au milieu du XVIIIe
siècle , mais dont il relativise
déjà la portée, en montrant que d'autres distinctions
peuvent être tout aussi utiles : il établit ainsi une
distinction en plantes terrestres et plantes aquatiques, en plantes à
feuillage persistant ,
et en plantes à feuillage caduc ,
etc.
Les chapitres (XI et XIII) du premier livre,
qui traitent des fleurs, des fruits, des graines et de leurs enveloppes
offrent beaucoup d'intérêt. Nous en dirons autant des chapitres
qui, dans le deuxième livre, traitent de la durée et de la
maladie des arbres, des différentes espèces de bois, de leur
propagation et de leur multiplication. A la fin du deuxième livre
(chapitre IX), l'auteur s'étend sur la caprification, procédé
qui consistait à hâter la maturation des fruits du figuier
cultivé au moyen des piqûres d'insectes
nés sur une espèce de figuier sauvage, nommé epinos.
Un procédé qui à survécu dans les îles
grecques jusqu'à l'époque contemporaine et que Tournefort,
au XVIIe siècle
avait également décrit dans son Voyage au Levant (t.
1, p. 130, éd. de 1718).
Au nombre des espèces végétales
décrites par Théophraste dans
son Histoire des plantes, nous signalerons la sensitive, le citronnier,
la mâcre, le silphium, l'oseille, etc. A propos d'une plante qu'il
nomme anthemon, il fait remarquer que ses fleurs se développent
non pas de bas en haut, comme chez les autres plantes, mais de haut en
bas.
Des
causes des plantes.
C'est dans cet ouvrage que Théophraste
a consigné ses principales théories.
Comme Aristote il admet la génération
spontanée, surtout pour les végétaux inférieurs.
Mais il croit que dans beaucoup de cas la reproduction de ces végétaux
s'explique plus naturellement par le transport des semences par la pluie,
par des inondations, et même par l'air. Il chercha, l'un des premiers,
à échapper à cette téléologie
qui rapporte tout dans la nature aux usages des
humains :
«
La nature, dit-il, a ses principes en elle-même;
c'est par là qu'elle agit conformément à ses propres
plans. La partie charnue de la pomme du péricarpe n'existe pas pour
être mangée par l'humain, mais pour protéger le fruit.
»
Tous les phénomènes
de la végétation sont ramenés par Théophraste
à l'action de la chaleur, et à celles de l'humidité
et de la sécheresse. Il consacra presque tout le second livre des
Causes des plantes aux influences que la pluie, la neige, les vents,
l'exposition au Nord ou au Sud, à l'Est ou à l'Ouest, les
eaux douces et les eaux salées, les différentes sortes de
terrain, peuvent exercer sur les productions végétales.
«
Les arbres
trop rapprochés, sur lesquels, dit-il, n'agit ni le Soleil ,
ni le vent, deviennent élancés, grêles, et perdent
facilement les fruits avant leur maturité [...]. Les arbres stériles
ou portant peu de fruits vivent plus longtemps que les arbres fertiles.
»
On trouve encore dans les Causes des plantes
la description de différentes maladies des végétaux,
particulièrement des céréales,
la manière de conserver les graines, la transformation des espèces
sauvages par la culture, le développement d'excroissances ou de
monstruosités, la comparaison des graminées avec les légumineuses ,
enfin une série de chapitres sur la saveur
et l'odeur des plantes.
Les auteurs tardifs.
Nous ne connaissons que par les citations
de Pline et d'Athénée,
et de quelques scoliastes, les noms de Diphile de Philotine, d'Erasistrate
de Céos, d'Hérophile de Chalcédoine,
d'Apollonius, d'Andréas, d'Héraclide
de Tarente ,
etc. qui avaient écrit sur différentes parties d'histoire
naturelle et de matière médicale ( H.
F. Meyer, Geschichte der Botanik). Parmi les herboristes ou
rhizotomes du IIe
siècle avant notre ère, nous devons citer
Crateus, Dionysios et Métrodoros. Malheureusement aucun écrit
ne nous en est parvenu et l'on peut en dire autant d'un certain nombre
d'écrivains postérieurs à cette époque : Mnésithée
d'Athènes, Hikesios, Mikton (ou Mycon), Dalion, Solon de Smyrne ,
Pharnakès, Amérias le Macédonien, etc. dont Pline
a donné la liste et dont on retrouve quelques fragments dans les
Géoponiques
de Casssanus Bassus (Xe
siècle) ( La
Botanique au Moyen Âge). Le seul écrivain de la période
alexandrine dont il reste encore des ouvrages relatifs à la connaissance
des plantes est Nicandre de Colophon
(auquel on serait tenté d'ajouter le poète Théocrite,
qui évoque beaucoup de plantes que l'on retrouvera plus tard dans
l'oeuvre de Virgile). A l'époque de la
domination romaine sur la Grèce, on citera Nicolas
de Damas et Dioscoride.
Nicandre
de Colophon.
Nicandre vivait
au IIe s. av.
J.C.. Il nous reste de lui deux poèmes didactiques ,
dont l'un a pour titre Thériaka, composé de 958 héxamètres,
l'autre est intitulé Alexipharmaka, et contient 630 vers.
De ses Géoponiques ,
il ne reste que des fragments. Trois plantes sont particulièrement
recommandées dans les Thériaques ,
la chironia (probablement une espèce de gentiane), l'aristoloche
et le triphyllon (sans doute une légumineuse). Dans les Alexipharmaka,
Nicandre traite des poisons et de leurs antidotes. Les Anciens faisaient
grand cas de cet ouvrage. Dioscoride, Aétius
et d'autres le consultaient souvent.
Nicolas
de Damas.
Nicolas de
Damas est, de tous les écrivains grecs du Iersiècle,
le seul dont il nous soit resté (grâce à une traduction
en arabe du Xe
siècle due à Honaïn ibn Ischak) un ouvrage
sur la botanique. L'auteur, qui s'en rapporte à l'autorité
de ses maîtres plutôt qu'à ses propres observations,
définit la plante comme
«
un être vivant, privé de mouvement de relation et fixé
au sol. »
Il
lui suppose une âme, différente de celle
de l'animal, en tant qu'elle manque de sentiment
(air connu) :
«
L'âme naturelle de ces plantes a, dit-il, pour principale fonction
d'attirer et s'approprier de la nourriture; l'animal la possède
aussi. »
Ses idées
sur le sexe des plantes étaient purement imaginaires, et les raisonnements
dans lesquels il entre à ce sujet tiennent bien plus de la dialectique
pure que de l'étude de la réalité.
Mais sa classification des végétaux
suivant la nature du terrain est l'expression même de ce qui est.
Nicolas de Damas reconnaît ainsi que
les végétaux qui croissent aux bords des rivières
ou dans les marais sont tout à fait différents de ceux des
localités élevées, sèches et arides. Il croit
en même temps à la transformation des espèces cultivées
en espèces sauvages.
Dioscoride.
Dioscoridequi
vivait au Ier
siècle de l'ère chrétienne a laissé
un Traité de matière médicale qui renferme
la description de six cents plantes et un essai de classification en quatre
groupes :
1° les
Aromates;
2° les Alimentaires;
3° les Médicinales;
4° celles dont
on peut faire du vin.
Parmi les plantes mentionnées par Dioscoride,
on notera, par exemple, celle qu'il nomme phoû, et qui était
selon toute vraisemblance la grande valériane, que Hawkins baptisera
Valeriana dioscoridis. Ce que Dioscoride dit de ce qu'il nomme matière
indienne tinctoriale bleue, montre que les anciens Grecs connaissaient
l'indigo, mais sans que cela n'implique qu'ils aient eu connaissance de
la plante (l'Indigofera tinctoria).
Les
plantes dans le monde romain
En passant des Grecs aux Romains, on voit
l'étude des plantes prendre un cachet essentiellement pratique,
comme nous le montrent les écrits qui nous restent des Scriptores
rei rusticae (ed. Leipzig, 1734-35),
que nous allons passer en revue dans leur ordre chronologique. On verra
ainsi que Caton, Varron,
Virgile ou Columelle,
ont incidemment écrit sur les végétaux sans émettre,
à leur sujet, d'opinions personnelles,
et on ne peut en faire de véritables botanistes, pas plus qu'ensuite
Hyginus qui écrira sur les Géorgiques
de Virgile un ouvrage qui d'ailleurs ne nous ait pas parvenu, ni même
Horace, Vitruve ou Strabon,
même s'ils ont donné dans leurs ouvrages des observations
intéressantes sur les plantes. C'est seulement au Iersiècle
de notre ère que la botanique, oubliée depuis Théophraste
réapparaîtra d'une certaine manière à Rome avec
Pline l'Ancien, d'ailleurs contemporain de
Dioscoride, en Grèce.
Caton.
Le traité De re rustica
de Caton l'Ancien (IIe
siècle av. J. C) est une réunion de préceptes,
d'observations faites jour après jour et exposés sans aucun
ordre.
«
Le plus grand éloge, écrit Caton dès le commencement
de son livre, qu'on pût autrefois faire d'un citoyen, c'était
de le présenter comme un bon cultivateur et un bon colon [...].
C'est de cette classe de citoyens que sortent les hommes les plus forts
et les meilleurs soldats, etc. »
L'auteur fait ensuite
des observations pleines d'intérêt pour l'histoire de l'économie
rurale, mais l'on voit déjà dans quel état d'esprit
les Romains invitent les plantes dans l'ordre des préoccupations
humaines. Les plantes mentionnées par Caton
sont au nombre d'environ 120. Nous y remarquons particulièrement
l'asperge, dont les conseils de culture montrent que les principes suivis
restent les mêmes depuis plus de deux millénaires; parmi les
arbres fruitiers, l'olivier et le figuier occupent le premier rang, puis
viennent les pommiers (parmi lesquels l'auteur range le cognassier et le
grenadier, à cause de la forme de leurs fruits )
et les poiriers. Il parle de six variétés de poires, nommées
en partie d'après les pays d'où elles proviennent. Il ne
fait que mentionner le prunier; le cerisier lui était inconnu.
Varron.
Varron (Ier
s. av. J.-C.), un des esprits les plus actifs de son temps,
s'était appliqué à presque toutes les branches des
connaissances humaines. Son traité
De rustica, en trois livres, est le seul de ses ouvrages qui nous ait
été conservé intégralement.
Il est assez complémentaire de
celui de Caton : ce qui est à peine esquissé
dans l'un est détaillé dans l'autre. C'est dans le premier
livre qu'il traite de l'agriculture proprement dite, et au 39e
chapitre on trouve mentionné pour la première fois le cerisier
(cerasus), sur lequel s'étendra plus tard Palladius.
Parmi les autres arbres ou arbrisseaux indiqués par Varron, on remarque
l'arbousier, le sapin, le genévrier, le platane, le peuplier ,
le saule, le sorbier, etc. Les légumes alors les plus cultivées
étaient le pois, la fève, la lentille, la vesce, l'ervilie,
le lupin, le concombre, le chou. Parmi les plantes cultivées pour
leurs propriétés aromatiques
ont distinguait le serpolet, l'ocimum (basilic), plusieurs espèces
de mélisse ou de menthe, le romarin, le thym, etc. Varron mentionne
également le premier deux espèces fourragères jusqu'alors
inconnues en Italie, la médique (medica), probablement notre luzerne
et dont le nom suggère qu'elle était originaire de médie,
et le cytise ou luzerne arborescente, issue de l'île de Kythmos (Cyclades).
Virgile.
Le sentiment profond
de la nature de Virgile
éclate à chaque page des Bucoliques
et surtout des Géorgiques ,
et se retrouve aussi dans l'Enéide .
Les Bucoliques ,
ou Églogues ,
sont des poèmes champêtres. Ils furent composés de
43 à
37 av. J.-C.,
peu après la mort de César, où
Virgile prend pour modèle Théocrite
qu'il imite dans la forme et dont il reprend les thèmes. Les Géorgiques
coûtèrent également à leur auteur six ans de
travail (de 37 à 31).
Parfois les plantes y sont si bien décrites qu'il est facile d'y
reconnaître les synonymes de la nomenclature moderne. Telle est entre
autres cette belle espèce de marguerite, appelée melle, qui
se rencontre dans les prés (flos in pratis) et qui mérite
d'être comparée à une étoile, aster amellus
, quand elle montre au-dessus de ses feuilles, denses comme un gazon,
une forêt de capitules
fleuris, disposés en corymbe ,
fleurs composées d'une couronne
d'or, garnie de rayons d'un pourpre foncé comme les pétales
de la violette, et que notre auteur chante dans ces vers :
Et etiam
flos in pratis, cui nomen amello
Fecere agricolae,
facilis quaerentibus herba.
Namque uno ingentem
tollit de cespite silvam,
Aureus ipse; sed
in follis, quae plurima circum
Funduntur, violae
sublucet purpura nigrae.
L'aster amellus, que sa beauté a fait
surnommer oeil du Christ, appartient aux contrées méridionales,
où elle se plaît sur les collines arides. La plupart des plantes,
cependant, n'étant pas désignées dans d'autres vers
de Virgile que par un ou deux qualificatifs,
il est difficile d'en déterminer exactement les espèces.
Columelle.
Natif de Cadix ,
Columelle parcourut au commencement du Ier
siècle de notre ère, l'Espagne, la Gaule, l'Italie,
la Grèce, plusieurs provinces d'Asie mineure, la Syrie, ainsi que
les côtes d'Afrique aux environs de Carthage
où il s'attacha à suivre pas à pas les travaux agricoles
décrits par Magon dans son Traité
d'Agriculture. Après ses voyages Columelle s'établit
à Rome pour y rédiger son propre traité d'agriculture,
De re rustica, en treize livres, où Virgile
est souvent cité comme une autorité. Les quatre premiers
livres sont consacrés aux exploitations rurales, aux labours, aux
semailles, aux engrais, à la culture des champs, des prés
et de la vigne .
La culture de l'olivier, du grenadier, du noyer, des pommiers et du cytise
(qui serait dans l'ouvrage de Columelle le faux ébénier et
non la luzerne arborescente) fait l'objet du cinquième livre. Le
dixième livre, en vers, est consacré à la culture
des jardins ,
que l'auteur recommande de bien arroser,
«
car, dit-il, ils ont toujours soif, semper sitiunt horti. »
Le treizième
et dernier livre traite de l'arboriculture. (Les livres que l'on n'a pas
mentionnés traitent d'élevage, d'apiculture, etc.).
Pline.
Vivant dans la première moitié
du Ier siècle,
Pline l'Ancien a laissé sous le titre d'Historia
naturalis, en trente-sept livres, un vaste recueil de curiosités
de toutes sortes. Il y aborde le règne végétal, depuis
le douzième jusqu'au vingt-huitième livre. A l'exemple de
ses prédécesseurs, Pline adopte la division primitive des
plantes en arbres
et herbes
: il commence le douzième livre par les arbres et leurs usages en
général. Il s'étend d'abord sur le platane (Platanus
orientalis), et admire la grosseur des platanes de l'Académie et
du Lycée ,
où se promenaient à Athènes les disciples de Platon
et d'Aristote. Puis il traite des arbres étrangers
ou encore peu connus tels que le citronnier, les cotonniers, l'ébénier,
le figuier d'Inde, le pistachier. Il décrit ensuite la racine
de gingembre qu'il supposait être un arbre comme le poivrier. Il
mentionne encore quelques essences et termine par les arbres d'où
l'on tire l'oliban, l'encens
et la myrrhe, etc. Pline évoque également un phénomène
qui affecte un arbre (probablement un acacia) d'une île du golfe
arabique, et que Linné généralisera
sous le nom d'horloge ou sommeil des plantes.
«
La fleur qui, dit-il, se ferme la nuit, commence à s'ouvrir au lever
du Soleil, et est entièrement épanouie à midi. Les
indigènes disent qu'elle dort. »
Le treizième livre de l'Histoire
naturelle continue l'étude des arbres et des arbrisseaux tels
que les palmiers dattiers, pistachiers, caroubiers, etc. On y trouve aussi
la description de végétaux non arborescents tels que le papyrus,
etc. Le quatorzième livre est consacré à la vigne
et à sa culture et donne d'intéressantes informations sur
les techniques romaines; le quinzième livre a pour objet l'olivier,
sa culture et les différentes espèces d'huiles, ainsi que
le pêcher, le poirier, le pommier, le cerisier, le mûrier,
etc. Le seizième livre est consacré principalement à
la description des arbres forestiers, notamment les chênes
que Pline distingue en sauvages et en cultivés.
Le dix-septième livre traite de l'arboriculture; le dix-huitième
des céréales, mais aussi des pronostics tirés des
astres; le dix-neuvième est consacré à l'horticulture
et à la culture du lin; le vingtième traite des plantes potagères;
le vingt-et-unième est une énumération des fleurs
entrant dans la composition des couronnes. Dans les livres suivants, jusqu'au
vingt-huitième, Pline aborde la matière médicale :
les remèdes sont exposés tantôt suivant la nature
des maladies qu'ils était supposés guérir, tantôt
suivant l'ordre alphabétique. (F. Hoefer). |