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Antiquité et Moyen âgeLa croyance que l'air et l'eau (voire le feu) fourmillent d'organismes de petite taille se retrouve souvent dans les anciennes doctrines cosmologiques, aussi bien en Occident qu'en Inde (Jaïnisme). Les Romains, en particulier, ont formulé l'idée selon laquelle des agents infectieux microscopiques pourraient être à l'origine des maladies. Varron évoque les risques infectieux à proximité des marais, qui pourraient être liés à la présence en ces lieux de créatures minuscules pénétrant dans l'organisme par la bouche et le nez. Idée qui fut précisée au Moyen âge par Avicenne. Dans son Canon de la médecine (1020), il supposait que les sécrétions corporelles pouvaient être contaminées par une multitude de micro-organismes, présents dans l'organisme avant même que la maladie ne se déclenche. Cela pourrait aussi expliquer, pensait-il, que la tuberculose et d'autres maladies soit contagieuses. Avenzoar de traités sur les fièvres reprend des idées similaires. Au XIVe siècle, quand la peste noire ravage l'Andalousie, Ibn Khatima et Ibn al-Khatib considèrent que les maladies infectieuses sont dues à des entités inconnues ayant pénétré dans le corps. La Renaissance reprendra cette même hypothèse, en particulier en 1546, sous la plume de Giriolamo Fracastoro (Fracastor) qui s'interroge sur les modes de propagation des épidémies et évoque l'action d'organismes invisibles analogues à des semences.XVIIe et XVIIIe sièclesAucun de ces auteurs n'était en mesure de donner d'éléments concrets à l'appui de ses conjectures. Il a fallu attendre pour cela que des instruments d'optique grossissants soient enfin mis au point et capables de révéler le monde microscopique.Leeuwenhoeck
Pour déterminer leur taille, il
les comparait à un grain de poussière de un quart de millimètre,
en examinant les deux objets avec la même lentille. Malgré
l'imperfection si grande de ses procédés d'observation, il
a reconnu et décrit sommairement ce que, d'après ses descriptions,
on sera capable plus tard d'identifier à plusieurs espèces
de Bactéries,
et a laissé entrevoir le grand rôle que ces êtres pouvaient
jouer dans les phénomènes de putréfaction et de décomposition.
et quelques-uns des "animalcules" qu'il lui a permis d'observer. Il en a signalé la présence dans l'eau, les infusions végétales, dans l'intestin des mouches, des grenouilles, du poulet, dans les matières intestinales de l'humain, où il a fort bien reconnu leur augmentation très notable dans les cas de diarrhée, premier appoint à la pathologie humaine, dans le tartre dentaire et dans la salive. Il a décrit des formes en bâtonnets, en longs filaments droits ou courbés, en tire-bouchon; plusieurs lui ont montré des mouvements très manifestes. Il prenait ces organismes pour des animaux et cette opinion a prévalu, chez la plupart des micrographes, jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle, mais c'était beaucoup pour le temps et surtout les moyens d'investigation si imparfaits dont disposait Leeuwenhoeck; aussi ne sait-on vraiment ce qu'on doit le plus admirer, de la nouveauté et de la netteté des résultats annoncés ou de l'habileté de l'expérimentateur. Après Leeuwenhoeck, l'étude de ces organismes micoscopiques fut délaissée, l'emploi du microscope simple n'en permettant que fort difficilement l'observation. Müller.
Müller décrit au total 45 espèces d'organismes microscopiques, qu'il répartit dans les deux genres Monas et Vibrio, dont les dénominations subsistent encore. Les espèces du genre Monas, incomplètement décrites et mal figurées, sont peu reconnaissables; deux de ces espèces, sur dix qu'il renferme, sont bien certainement de courtes Bactéries en bâtonnets. Dans le genre Vibrio, il décrit trente et une espèces, dont six seulement sont des Bactéries véritables. On trouve réunis là des Algues Diatomées et Desmidiées (son Vibrio lunula est un Closterium), des Infusoires Flagellés, son Vibrio acus est un Euglénien, des Infusoires Ciliés (des Paramécies) et des Nématodes (Anguillules). XIXe siècleAvant 1860.Lamarck (Histoire des Animaux sans vertèbres, Paris, 1815-1819), Bruguière (Encyclopédie méthodique, Paris, 1824) se bornèrent à reproduire, intactes ou peu modifiées, les données du naturaliste danois, qui firent ainsi loi pendant près d'un demi-siècle. La seule innovation est due à Bory de Saint-Vincent (Encyclopédie méthodique, Paris, 1824) : au commencement du XIXe siècle, la distinction entre les animaux et les végétaux ne reposait pas encore sur des bases suffisantes pour qu'on pût déterminer exactement la véritable nature de ces organismes; aussi Bory de Saint-Vincent proposa d'en former un règne à part intermédiaire aux deux autres, sous le nom de Microscopiques ou de Psychodiaires, règne que l'on essaiera de faire revivre à la fin du siècle sous la nom de Règne des Protistes (Haeckel). Ehrenberg.
« Animaux filiformes, sans intestin, nus, sans organes externes, réunis en chaînes ou séries filiformes par l'effet d'une division spontanée incomplète-».Cette famille comprenait les quatre genres suivants : • Bacterium : Bâtonnets rigides à mouvement vacillant.Dujardin. Félix Dujardin (Histoire naturelle des Zoophytes, Infusoires, suites à Buffon, Paris, 1841) reprend, en les modifiant peu, les idées d'Ehrenberg. Il donne des détails nouveaux et intéressants sur le développement des Bactéries dans diverses infusions et sur la manière de les obtenir et de les étudier. Des quatre genres d'Ehrenberg, il n'en garde que trois, en réunissant le genre Spirochaete au genre Spirillum, fusion qui a été approuvée depuis par bien des observateurs, les caractères distinctifs de ces deux genres n'ayant qu'une valeur relative d'ordre par trop secondaire. Robin
et Davaine.
Enfin Davaine, dans son Traité des Entozoaires (1859), établit nettement que les Bactéries sont des végétaux voisins des Algues et particulièrement des Conferves. Il adopte la classification d'Ehrenberg, en ajoutant un genre nouveau, Bacteridium, qui ne diffère de Bacterium que par son immobilité, distinction peu heureuse, le mouvement n'étant chez les Bactéries qu'une question d'âge et de développement et nullement une question d'espèce, ni à plus forte raison de genre. Les
connaissances au seuil de l'ère pasteurienne.
Jusqu'alors, l'apparition de ces organismes
vivants si simples, de ces animalcules, comme on disait à l'époque,
dans les infusions, était regardée comme un simple phénomène
fortuit. On observait en même temps des altérations très
appréciables des milieux en question, mais on était loin
de supposer qu'il y avait entre ces deux ordres de faits des rapports si
étroits, des rapports de cause à effet. Si même on
cherchait à rapprocher l'une de l'autre ces deux manifestations
d'un même phénomène, c'était pour faire dépendre
la seconde de la première, se faisant ainsi une loi de l'ancien
adage : Corruptio unius, generatio allerius. Et si Leeuwenhoeck
avait constaté l'augmentation considérable des êtres
microscopiques des selles dans les cas de diarrhée, si bien des
savants, Linné entre autres, étaient portés, par de
simples vues de l'esprit, il faut le dire, à considérer ces
Vibrions comme des éléments de contagion dans plusieurs états
pathologiques, rien de positif n'avait été avancé,
aucun fait ne venait étayer ces suppositions toutes gratuites.
Sans doute, dès 1840, le pathologiste allemand Jacob Henle avait-il proposé une « théorie des germes » pour expliquer l'origine des maladies. Mais les esprits étaient si peu tournés de ce côté que Davaine et Rayer (Inoculation du sang de rate, Mémoires de la Société de Biologie, 1850), signalent, tout simplement comme un fait curieux et sans y attacher grande importance, la présence d'une bactérie en bâtonnets dans le sang des animaux morts de la curieuse maladie appelée sang de rate. Déjà cependant, dès 1831, Braconnot, remarquant que certaines substances, telles que le chlore, l'acide sulfureux, l'acide nitrique, employées comme destructeurs des agents, tout à fait inconnus alors, des maladies contagieuses, possédaient aussi des propriétés antifermentescibles énergiques, concluait au rapprochement de la contagion et de la fermentation. Dans le même ordre d'idées, Cagniard-Latour (Mémoire sur la fermentation vineuse, Annales de Chimie et de Physique, 1828), étudiant la fermentation vineuse, proclamait qu'elle n'était qu'une conséquence de la végétation et de la vie des globules de levure que l'on observait toujours dans le liquide sucré qui se transformait. L'âge d'or
de la bactériologie.
C'est à Pasteur
que revient le grand honneur d'avoir établi avec certitude les connexités
étroites ou les rapports de causalité qui unissent les altérations
de certains liquides, certaines fermentations, au développement
et à la vie, dans leur intérieur, d'êtres vivants des
plus simples, de Bactéries. C'est dans son travail sur la fermentation
lactique qu'il a posé les premières bases certaines de
Ces travaux attirèrent
l'attention de Davaine, qui, dès 1830,
avait signalé, avec Rayer, dans le sang des animaux morts de la
maladie appelée Charbon ou Sang de rate, de petits bâtonnets
types de son genre Bacteridium (actuellement Bacillus anthracis). Davaine
se demanda si ces bâtonnets n'étaient pas la cause même
de la maladie : il inocula à des animaux du sang charbonneux et
constata que ce liquide, même à dose infinitésimale,
reproduisait la maladie au point de provoquer la mort, et que le sang des
animaux infestés contenait des quantités prodigieuses de
Bactéries identiques à son Bacteridium (Recherches
sur le sang de rate (Comptes rendus de l'Académie des sciences,
1863
et 1864); Réimprimé dans
« l'Oeuvre de Davaine ». Paris, J.-B. Baillière, 1589,1
vol. in-8.). Pasteur avait créé
la physiologie des Bactéries; Davaine venait ainsi de fonder la
pathologie bactérienne.
Grâce à
des expériences d'une extrême précision, Pasteur démontra
également que le sang et les liquides du métabolisme animal,
dans l'état de santé, ne contenaient pas de Bactéries,
et que ces organismes, cause de la putréfaction cadavérique,
y étaient apportés par l'air atmosphérique, et ne
s'y montraient qu'après la mort ou dans certaines maladies.
Tyndall, de son côté, étudiait les poussières de l'atmosphère et y démontrait la présence de nombreux germes ou spores qui, tombant dans un liquide convenable, ne tardent pas à s'y développer sous forme de Bactéries. C'est à cette époque (1860-1870) que se rattache la lutte célèbre entre les Hétérogénistes et les Panspermistes, les premiers représentés par Pouchet, les seconds par Pasteur et Tyndall, lutte assez vite terminée, et qui se solda par la défaite presque complète des hétérogénistes. A partir de 1870 les recherches qui se rapportent à l'étude des Bactéries et de leur rôle dans les maladies se multiplient d'une façon considérable. Signalons, par exemple, les travaux de Coze et Feltz ( Recherches cliniques sur les maladies infectieuses, Paris, J.-B. Baillière, 1872), qui montraient que les profonds changements du sang, dans les maladies infectieuses humaines, étaient dus aussi à des Bactéries, et donnaient une étude magistrale d'une de ces affections les plus terribles, la septicémie. Au point de vue du rôle des Bactéries dans la biosphère et surtout dans les maladies de l'humain et des animaux domestiques, signalons, en France, les travaux de Pasteur et des savants qui se sont formés dans son laboratoire, Chamberland, Roux, Thuillier et Duclaux, etc., ceux de Cornil et Babès, de Coze, Feltz, etc., de Miquel qui a continué et repris les recherches de Tyndall sur les germes de l'air. Klein, en Angleterre, Domingos Freire, au Brésil, et beaucoup d'autres, devraient encore être cités ici. En Allemagne,
Robert
Koch et ses élèves ont fait faire de grands progrès
à l'étude des Bactéries. En 1876
Koch isole le Bacillus anthracis, dont il démontre la responsabilité
dans la maladie du charbon. Pour cela, il a isolé la Bactérie
sur un animal mort, puis, après culture, l'a réintroduite
dans un animal en bonne santé, qui a contracté alors la maladie.
Entre 1873
et 1882,
le chercheur travaille à la mise en évidence du bacille
responsable de la maladie la plus grave de l'époque, la tuberculose
(Mycobacterium tuberculosis). Par ailleurs, sur la base d'un postulat qui
veut qu'une Bactérie donnée soit à l'origine d'une
maladie donnée, il établit en 1884,
les règles (toujours utilisées) qui permettent de démontrer
rigoureusement si une Bactérie est à l'origine ou non
d'une infection. Ses travaux sur le bacille de la tuberculose, et sa contribution
à la démonstration de la validité de la théorie
des germes, lui vaudront le prix Nobel de médecine en 1905.
La découverte des Ptomaïnes (alcaloïdes issus de la décomposition des protéines des matières animales par des Bactéries), par Panum, puis par Selmi et Gautier, a fait faire un pas de plus à la question en mettant en lumière que l'action nocive des Bactéries sur l'organisme était due presque toujours à la présence d'un liquide virulent (Ptomaïne) secrété par elles et élaboré aux dépens mêmes de cet organisme comme un produit physiologique de leur nutrition, et cette découverte a diminué le nombre de ceux qui ne croyaient pas au rôle des Bactéries dans les maladies des humains et des animaux. A la fin du XIXe siècle, en effet, les chercheurs, et plus particulièrement les pathologistes, se divisaient encore en deux camps qui ont renouvelé la vieille querelle des hétérogénistes et des panspermistes. • D'une part, ceux qu'on pourrait appeler les spontanéistes, ou les partisans de la maladie spontanée, représentants de l'école classique, restée fidèle à la théorie de l'inflammation et des causes banales comme facteurs des maladies. Cette école niait le rôle des Bactéries, même comme agents du transport dans le fait de la contagion. Pour elle, les Bactéries, lorsqu'elles existent dans l'organisme ne sont qu'un épiphénomène, suivant l'expression de Robin, c.-à-d. la conséquence et non la cause de la maladie, une complication sans importance au point de vue de la marche même de la maladie. Peter a été le chef le plus ardent de cette école.
A la fin du XIXe siècle, la réalité des infections bactériennes semble au moins établie. Il n'existe pas pour autant de véritable traitement pour combattre les maladies causées par des Bactéries. Tout au plus quelques prémices. Ainsi, en 1890, Emil von Behring et Kitasato Shibasaburo annoncent-ils à Berlin la découverte de l'antitoxine diphtérique, qui deviendra dans les années suivantes la base de la sérothérapie toujours en usage aujourd'hui dans le cas de cette maladie. Dans une perspective toute différente, il faut encore signaler pour cette dernière décennie du siècle, les travaux de Sergei Winogradsky, qui parvient à isoler les bactéries responsables de nitrification et de la fixation de l'azote du sol. En montrant le rôle essentiel joué par les micro-organismes processus géochimiques, il établit le concept de chimiolithotrophie. Le XXe siècleJusqu'à la Seconde Guerre mondiale.Les premiers antibiotiques. La priorité va être la mise au point de traitements contre les maladies infectieuses. Pour s'en tenir ici à celles qui sont d'origine bactérienne, on doit d'abord mentionner le développement, en 1910 du Salvarsan (arsphénamine) puis, en 1912 du Neosalvarsan (plus soluble), le premier antibiotique par Erlich, déjà prix Nobel en 1908 pour ses travaux en immunologie . Il s'agit de colorants dérivés de l'arsenic capables de teindre et de tuer sélectivement les Bactéries de l'espèce Treponema pallidum, responsables de la syphilis. Alexander Flemming, qui avait été, en Angleterre, parmi les rares médecins à administrer l'agent chimiothérapeutique développé par Ehrlich, publie, en 1929, la première étude sur les effets de la pénicilline (substance produite par une moisissure, le Penicillium) sur les Bactéries à Gram positif. Cette découverte ouvre l'ère des antibiotiques, qui prend toute sa dimension à partir des travaux des Howard Florey et Ernest Chain, en 1940. La même année, Chain et E.P. Abraham décrivent une substance produite par Escherichia coli qui peut rendre inactive la pénicilline. C'est donc la première reconnaissance de la possibilité pour les bactéries de produire des agents (enzymes) les rendant résistantes aux antibiotiques. D'autres pistes sont également explorées. En 1935, Gerhard Domagk utilise un anti-métabolite synthétisé chimiquement, le Prontosil (sulfamidochrysoïdine), capable de tuer les Bactéries du genre Streptococcus chez la souris. L'un des premiers patients à être traités avec ce médicament, le premier de la famille des sulfamides, sera la fille de Domagk qui a une affection à streptocoques sur laquelle les autres traitements sont inéfficaces. Une administration de grandes quantités de Prontosil aboutira à un rétablissement spectaculaire. En 1944,
un autre antibiotique est découvert par Albert Schatz, E. Bugie
et Selman Waksman, la streptomycine, qui va vite montrer son efficacité
dans le traitement de la tuberculose. Agissant sur les Bactéries
à Gram négatif, il a un mode d'action analogue à celui
de la pénicilline.
Salmonella Typhimurium. Image obtenue par microscopie électronique à balayage. Source : Rocky Mountains laboratories, NIAID, NIH. La
naissance de la biologie moléculaire.
Frederick Griffith établit en 1928 les fondements de la génétique moléculaire en mettant en évidence ce que l'on a appelé la transformation bactérienne (ou transformation génétique). Il montre sur des souris que l'injection d'un mélange de Streptococcus pneumoniae de type II non virulents et de Streptococcus pneumoniae de type I virulents mais tués par la chaleur, conduit à la mort des individus. Des Streptococcus pneumoniae de type II virulents sont isolés dans les souris mortes. Griffith Il faudra attendre les années 1930 pour que Avery, Macleod et McCarty reprennent les expériences de Griffiths et s'emploie à en expliquer les résultats, par un échange de gènes entre Bactéries. En 1931, Cornelis van Niel montre que les bactéries photosynthétiques (bactéries vertes sulfureuses, bactéries pourpres sulfureuses), sous l'effet de la lumière, utilisent des composés réduits comme donneurs d'électrons sans produire de l'oxygène. Les bactéries sulfureuses utilisent H2S comme source d'électrons pour la fixation du dioxyde de dioxyde de carbone. Il postule que les plantes vertes utilisent l'eau comme source et libèrent de l'oxygène . Salvador Luria et Max Delbrück, qui étudient l'hérédité des caractères génétiques des Bactéries, fournissent en 1943 une démonstration statistique que cette hérédité suit, comme chez les organismes complexes, les principes darwiniens de la descendance avec modification, mais au lieu d'invoquer le rôle premier de la sélection naturelle ou la pression du milieu, leur test de fluctuation montre que les mutations génétiques surviennent aléatoirement; la notion d'adaptation ne pouvant dès lors être définie qu'a posteriori. Luria et Delbrück, s'étaient basés notamment sur l'apparition de formes mutantes de Bactéries résistantes au Virus, même en l'absence de ces Virus. On comprendra bientôt que de telles mutations sont aussi l'explication de l'apparition de souches bactériennes résistantes à tel ou tel antibiotique. Oswald Avery, Colin MacLeod et McCarty Maclyn découvrent en 1944, que l'ADN (Les acides nucléiques) est le matériel de transformation dans les cellules. Ils montrent que la transformation d'un type non virulent de Streptococcus pneumoniae en type virulent est le résultat du transfert de l'ADN : l'ADN porte les informations héréditaires, c'est la molécule qui constitue les gènes, dans les chromosomes. Ils montrent également que le principe de transformation est détruit par la désoxyribonucléase pancréatique, une enzyme qui hydrolyse l'ADN, mais n'est pas affectée par la ribonucléase ou des enzymes qui détruisent les protéines du pancréas. La bactériologie
après 1945.
En 1952, le même Lederberg, cette fois avec Norton Zinder, réalise des expériences dans lesquelles il existe un transfert de l'information génétique aux cellules par des virus (transduction). Un phage de Salmonella typhimurium peut ainsi transporter l'ADN d'une bactérie à une autre et en modifier l'hérédité. François Jacob, Jacques Monod, Carmen Sanchez et David Perrin proposent en 1960 le concept d'opéron pour expliquer le contrôle de l'expression des gènes bactériens. L'opéron est une portion d'ADN regroupant des gènes contrôlés par une signal moléculaire donné et qui selon leur activation ou non, donneront lieu à une transcription des gènes en ARN messager. Jacob et Monod montreront par la suite que le transport et le métabolisme du lactose chez Escherichia coli, ainsi que d'autres entérobactéries requièrent un opéron particulier, l'opéron lactose (ou opéron lac). En 1961, Sydney Brenner, François Jacob et Matthew Meselson utilisent des bactéries infectées par un bactériophage pour montrer que les ribosomes sont le site de la synthèse des protéines, et confirmer l'existence de l'ARN messager. Ils montrent que l'infection d'Escherichia coli par le phage T4 arrête la synthèse de l' ARN de cellule hôte et conduit à la synthèse d'ARN T4. Ce dernier se fixe sur les ribosomes cellulaires et détermine la synthèse des protéines. Stanley Cohen, Annie Chang, Robert Helling et Herbert Boyer montrent en 1973 que les brins extrachromosomiques d'ADN appelés plasmides agissent comme vecteurs pour le maintien de gènes clonés dans des bactéries. Ils montrent que, si l'ADN est fragmenté et combiné avec de l'ADN de plasmide, de telles molécules d'ADN recombiné se reproduisent si elles sont insérées dans des cellules bactériennes. La découverte est une avancée majeure pour le génie génétique, permettant à ces progrès que le clonage des gènes et la modification des gènes. En utilisant une enzyme de la bactérie Thermus aquaticus, Kary Mullis invente en 1986 la technologie dite PCR (Polymerase Chain Reaction) ou d'amplification en chaîne par polymérase. La méthode permet la duplication massive d'une séquence d'ADN ou d'ARN, à partir d'une infime quantité de matériel génétique. C'est devenu aujourd'hui l'outil de base de la biologie moléculaire (détection de la présence de virus HIV ou autres dans un organisme, identification d'ADN en criminalistique, etc.). Enfin, terminons en notant que le premier séquençage complet d'un génome bactérien (Haemophilus influenzae) a été mené à bien en 1995 par Craig Venter, Claire Fraser et Hamilton Smith complètent le séquençage d'un génome bactérien. La place des Bactéries dans le monde du vivantPour les premiers observateurs, Müller, Ehrenherg, Dujardin, les Bactéries faisaient, sans aucun doute, partie du règne animal : la motilité bien évidente des quelques espèces connues et décrites était, a leurs yeux, un caractère gui devait forcément manquer à la plante. Plus tard, lorsque Davaine eut prouvé, en étudiant la Bactérie du charbon, l'immobilité absolue de certaines espèces dans tout le cycle de leur existence, espèces qui, sans conteste, ne pouvaient en rien d'autre être distinguées des voisines, et que la motilité ne paraissait plus être le propre de l'animal, les idées changèrent. Davaine (Recherches sur les Vibrioniens (C. R. de l'Acad. des sc., 1864). Voy. aussi « l'Oeuvre de Davaine ») en fait des Algues voisines des Oscillaires, auxquelles les rattachent les Beggialoa ou Sulfuraires. Rabenhorst (Flora europaea Algarum, 1865) partage cette opinion et les classe dans sa tribu des Oscillariées.Depuis lors, la plupart des naturalistes les ont placées à la base du règne végétal. Cependant, ici surtout, aucun des caractères que l'on peut donner comme raison ne doit être considéré comme critérium d'une valeur absolue : il faut plutôt s'appuyer sur un ensemble de faits, sur une impression générale, que sur telle ou telle particularité semblant trop exclusive à une étude peu approfondie. Haeckel (Le règne des Protistes, traduit par J. Soury, Paris, 1879) range les Bactéries parmi ses Protistes, à côté des Monères (les deux autres règnes étant pour lui les Plantes et les Animaux); Pasteur les a longtemps regardées comme des Infusoires, à l'exemple des premiers observateurs cités. Cette dernière opinion a semblé recevoir confirmation des recherches à la fin du XIXe siècle sur la structure intime des éléments cellulaires des Bactéries. Les travaux de Bary (De Bary, Morphologie und Biologie der Pilze, Mycetozoen und Bacterien, Leipzig, 1884), Balbiani (Journ. de micr., 1886 et suiv.), Künstler (De la position systématique des Bactériacées (Journ. de micr., 1883), Bütschli (Ueber den Bau der Bacterien und verwandter Organismen, Leipzig, 1890) conduisaient ces observateurs à rapprocher les Bactéries des Flagellés. Il faut reconnaître que les raisons qu'ils mettaient en avant pouvaient alors paraître excellentes. Reste que Van Tieghem (Traité de botanique, p. 1109, 1883) et la plupart des botanistes de son temps, en restent cependant aux opinons de Davaine, et font des bactéries une famille de la classe des Algues et de l'ordre des Cyanophycées. Pour eux se sont donc des Algues, classées à côté des Oscillariées et des Nostoccacées, où elles forment une série parallèle dépourvue de chlorophylle. Un des grands arguments qui servent à étayer cette combinaison est la présence, chez quelques espèces de Bactéries, de pigment vert qu'on a hâtivement et sans preuves rapproché de la chlorophylle, et les rapports que présentent avec certaines Algues quelques espèces tout à fait aberrantes qui sont probablement à séparer du groupe. Il est peut-être plus rationnel, pense-t-on aussi, avec Naegeli, de Bary, Colin, etc., d'en faire des Champignons. Ils se rattachent à ces végétaux par le manque de chlorophylle et par toute une série de propriétés biologiques. Les fermentations les rapprochent des Saccharomycètes, dont les éloigne toutefois leur genre de reproduction végétative, les Levures se multipliant par bourgeonnement et les Bactéries par division. C'est cette dernière particularité qui leur a fait donner par Naegeli (1876) le nom de Schizomycètes (shizein = diviser; mykès = champignon), et par Cohn celui de Schizophytes (phyton = plante) ou de Schizosporées, une famille voisine des Phycochromatées, dans la classe des Algues. Le XIXe siècle a ainsi laissée ouverte la question de la place que l'on devait accorder aux Bactéries dans le monde du vivant. Au moins, estime-t-on alors, quoi qu'il en soit de cette place, il est nécessaire de fixer son étendue et de préciser ses caractères. Aussi le nom de Bactéries, proposé par Conn en 1872, devient-il désormais préféré aux autres, en particulier à des dénominations beaucoup plus vagues, telle celle de Microbes, proposée par Sédillot en 1878, et englobant des êtres tout à fait dissemblables (Bactéries, Levures, Moisissures, Protistes). Le rôle de ces espèces est en effet trop spécial, leur constitution assez différente, pour les laisser confondues avec d'autres organismes microscopiques. Une solution à cette question va
se dégager dans les premières années du XXe
siècle, quand les bactériologistes finissent par
se convaincre que les bactéries sont des cellules dépourvues
de noyau et que cela peut fournir un critère qui les distingue complètement
des autres organismes vivants.
En 1925, Edouard Chatton propose ainsi une classification faisant apparaître deux groupes fondamentaux : les Eucaryotes, qui sont tous les organismes possédant des cellules à noyau (Protistes, Végétaux, Animaux), et les Procaryotes, organismes dont les cellules n'ont pas de noyau véritable (ou du moins dont l'appareil nucléaire a une structure diffuse : le matériel génétique n'est pas entouré d'une membrane nucléaire), autrement dit les Bactéries; on y rangera plus tard les Archéobactéries, découvertes à la fin des années 1960. Alors que les travaux
de Thomas Rivers conduisent de distinguer les Bactéries de Virus
dès 1926
(date à laquelle la virologie se définit donc en tant que
telle), la division des organismes cellulaires en Eucaryotes et
en Procaryotes n'a été réellement acceptée
qu'à partir des années 1960,
quand elle est promue, notamment, par André Lwolf, l'un des anciens
élèves de Chatton. Mais, dans l'intervalle, les systématiciens
ont continué de prendre en compte le critère choisi par Chatton.
C'est le cas en particulier de Copeland (1938)
et de Wittaker (1969), reprennent simplement
l'ancien terme de Monères à la place de celui de Procaryotes.
Ce sont des synonymes.
Les formes de vie cellulaires. Les études génétiques (séquençage de l'ARN ribosomial) ont modifié ces conceptions à partir de 1977, avec les travaux de Carl Woese et de ses collaborateurs, qui les conduisent à distinguer parmi les Procaryotes, les Bactéries et les Archéobactéries. Les Bactéries sont plus que jamais séparées des autres formes de vie cellulaire, alors que les Archéobactéries, renommées Archées, sont désormais considérées comme le groupe frère des Eucaryotes. Ensemble, Archées et Eucaryotes forment le groupe des Néomurains (Neomurae, terme introduit par Thomas Cavalier-Smith en 1987), que l'on fait dériver des Actinobactéries. (E. Macé / E. Trt.).
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