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Histoire de la bactériologie
Les Bactéries.

Antiquité et Moyen âge

La croyance que l'air et l'eau (voire le feu) fourmillent d'organismes de petite taille se retrouve souvent dans les anciennes doctrines cosmologiques, aussi bien en Occident qu'en Inde (Jaïnisme). Les Romains, en particulier, ont formulé l'idée selon laquelle des agents infectieux microscopiques pourraient être à l'origine des maladies. Varron  évoque les risques infectieux à proximité des marais, qui pourraient être liés à la présence en ces lieux de créatures minuscules pénétrant dans l'organisme par la bouche et le nez. Idée qui fut précisée au Moyen âge par Avicenne. Dans son Canon de la médecine (1020), il supposait que les sécrétions corporelles pouvaient être contaminées par une multitude de micro-organismes, présents dans l'organisme avant même que la maladie ne se déclenche. Cela pourrait aussi expliquer, pensait-il, que la  tuberculose et d'autres maladies soit contagieuses. Avenzoar de traités sur les fièvres reprend des idées similaires. Au XIVe siècle, quand la peste noire ravage l'Andalousie, Ibn Khatima et Ibn al-Khatib considèrent que les maladies infectieuses sont dues à des entités inconnues ayant pénétré dans le corps. La Renaissance reprendra cette même hypothèse, en particulier en 1546, sous la plume de Giriolamo Fracastoro (Fracastor) qui s'interroge sur les modes de propagation des épidémies et évoque l'action d'organismes invisibles analogues à des semences.

XVIIe et XVIIIe siècles

Aucun de ces auteurs n'était en mesure de donner d'éléments concrets à l'appui de ses conjectures. Il a fallu attendre pour cela que des instruments d'optique grossissants soient enfin mis au point et capables de révéler le monde microscopique.

Leeuwenhoeck
C'est le naturaliste de Delft  Leeuwenhoeck, à partir de 1675, et grâce aux premiers microscopes qu'il venait de fabriquer, qui, le premier, reconnut l'existence d'organismes vivants dont la petitesse avait défié jusqu'alors la sagacité des curieux de la nature.

Pour déterminer leur taille, il les comparait à un grain de poussière de un quart de millimètre, en examinant les deux objets avec la même lentille. Malgré l'imperfection si grande de ses procédés d'observation, il a reconnu et décrit sommairement ce que, d'après ses descriptions, on sera capable plus tard d'identifier à plusieurs espèces de Bactéries, et a laissé entrevoir le grand rôle que ces êtres pouvaient jouer dans les phénomènes de putréfaction et de décomposition.
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Microscope de Leeuwenhoek.
Animalcules observés par Leeuwenhoek.
Le microscope dont s'est servi Leeuwenhoeck 
et quelques-uns des "animalcules" qu'il lui a permis d'observer.

Il en a signalé la présence dans l'eau, les infusions végétales, dans l'intestin des mouches, des grenouilles, du poulet, dans les matières intestinales de l'humain, où il a fort bien reconnu leur augmentation très notable dans les cas de diarrhée, premier appoint à la pathologie humaine, dans le tartre dentaire et dans la salive. Il a décrit des formes en bâtonnets, en longs filaments droits ou courbés, en tire-bouchon; plusieurs lui ont montré des mouvements très manifestes. 

Il prenait ces organismes pour des animaux et cette opinion a prévalu, chez la plupart des micrographes, jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle, mais c'était beaucoup pour le temps et surtout les moyens d'investigation si imparfaits dont disposait Leeuwenhoeck; aussi ne sait-on vraiment ce qu'on doit le plus admirer, de la nouveauté et de la netteté des résultats annoncés ou de l'habileté de l'expérimentateur.

Après Leeuwenhoeck, l'étude de ces organismes micoscopiques fut délaissée, l'emploi du microscope simple n'en permettant que fort difficilement l'observation.

Müller.
La découverte du microscope composé fit faire un grand pas à cette partie des sciences de la nature. Otto Frédéric Müller (Vermium terrestrium et fluviatilium historia, 1774, et Animalcula infusoria fluviatilia et marina, 1786) l'appliqua le premier à la connaissance de ce qu'il appelait des infusoires (infusoria crassiuscula), et le fit servir à leur description et à leur classification. Il réussit à mettre un ordre relatif dans ce fouillis d'êtres microscopiques, que le grand Linné lui-mêne avait cru devoir laisser de côté et pour lesquels il avait créé son genre Chaos, véritable caput mortuum ou se trouvaient réunis des organismes vivants et des choses bien dissemblables, avouant ainsi très simplement son ignorance en cette partie.

Müller décrit au total 45 espèces d'organismes microscopiques, qu'il répartit dans les deux genres Monas et Vibrio, dont les dénominations subsistent encore. Les espèces du genre Monas, incomplètement décrites et mal figurées, sont peu reconnaissables; deux de ces espèces, sur dix qu'il renferme, sont bien certainement de courtes Bactéries en bâtonnets. Dans le genre Vibrio, il décrit trente et une espèces, dont six seulement sont des Bactéries véritables. On trouve réunis là des Algues Diatomées et Desmidiées (son Vibrio lunula est un Closterium), des Infusoires Flagellés, son Vibrio acus est un Euglénien, des Infusoires Ciliés (des Paramécies) et des Nématodes (Anguillules).

XIXe siècle

Avant 1860.
Lamarck (Histoire des Animaux sans vertèbres, Paris, 1815-1819), Bruguière (Encyclopédie méthodique, Paris, 1824) se bornèrent à reproduire, intactes ou peu modifiées, les données du naturaliste danois, qui firent ainsi loi pendant près d'un demi-siècle. La seule innovation est due à Bory de Saint-Vincent (Encyclopédie méthodique, Paris, 1824) : au commencement du XIXe siècle, la distinction entre les animaux et les végétaux ne reposait pas encore sur des bases suffisantes pour qu'on pût déterminer exactement la véritable nature de ces organismes; aussi Bory de Saint-Vincent  proposa d'en former un règne à part intermédiaire aux deux autres, sous le nom de Microscopiques ou de Psychodiaires, règne que l'on essaiera de faire revivre à la fin du siècle sous la nom de Règne des Protistes (Haeckel). 

Ehrenberg.
Christian Gottfried Ehrenberg, usant d'instruments perfectionnés, fit faire de grands progrès à l'étude des organismes microscopiques. On trouve dans son grand ouvrage, Die Infusionstierchen als volkommene Organismen (Berlin, 1833), des résultats bien supérieurs à ceux énoncés par ses devanciers et donna, le premier, une classification qui a eu au moins le mérite de fournir leurs bases aux classifications ultérieures. Il sépare en particulier les organismes qui nous occupent de ceux bien différents qui en avaient été rapprochés, et les réunit dans sa famille des Vibrionia, qu'il caractérise de la façon suivante :

« Animaux filiformes, sans intestin, nus, sans organes externes, réunis en chaînes ou séries filiformes par l'effet d'une division spontanée incomplète-». 
Cette famille comprenait les quatre genres suivants :
Bacterium : Bâtonnets rigides à mouvement vacillant.

Vibrio : Corps filiforme, susceptible de mouvements ondulatoires comme un serpent.

Spirillum : Corps filiforme, en hélice, inflexible.

Spirochaete : Corps en hélice, formant un long cordon flexible.

Dujardin.
Félix Dujardin (Histoire naturelle des Zoophytes, Infusoires, suites à Buffon, Paris, 1841) reprend, en les modifiant peu, les idées d'Ehrenberg. Il donne des détails nouveaux et intéressants sur le développement des Bactéries dans diverses infusions et sur la manière de les obtenir et de les étudier. Des quatre genres d'Ehrenberg, il n'en garde que trois, en réunissant le genre Spirochaete au genre Spirillum, fusion qui a été approuvée depuis par bien des observateurs, les caractères distinctifs de ces deux genres n'ayant qu'une valeur relative d'ordre par trop secondaire.

Robin et Davaine.
Ch. Robin fut le premier, en 1853, à rapprocher les Bactéries des Leptothrix et à indiquer par cela même leurs affinités végétales. 

Enfin Davaine, dans son Traité des Entozoaires (1859), établit nettement que les Bactéries sont des végétaux voisins des Algues et particulièrement des Conferves. Il adopte la classification d'Ehrenberg, en ajoutant un genre nouveau, Bacteridium, qui ne diffère de Bacterium que par son immobilité, distinction peu heureuse, le mouvement n'étant chez les Bactéries qu'une question d'âge et de développement et nullement une question d'espèce, ni à plus forte raison de genre.

Les connaissances au seuil de l'ère pasteurienne.
Les résultats obtenus à cette époque étaient sérieux : certains d'entre eux ont été bien des lors confirmés et se retrouvent encore dans les meilleurs travaux des décennies suivantes. Le microscope achromatique se perfectionnait de jour en jour et permettait alors, surtout entre les mains d'observateurs expérimentés comme Dujardin, d'énoncer des conclusions que l'on pouvait considérer comme fortement appuyées, sinon tout à fait certaines.

Jusqu'alors, l'apparition de ces organismes vivants si simples, de ces animalcules, comme on disait à l'époque, dans les infusions, était regardée comme un simple phénomène fortuit. On observait en même temps des altérations très appréciables des milieux en question, mais on était loin de supposer qu'il y avait entre ces deux ordres de faits des rapports si étroits, des rapports de cause à effet. Si même on cherchait à rapprocher l'une de l'autre ces deux manifestations d'un même phénomène, c'était pour faire dépendre la seconde de la première, se faisant ainsi une loi de l'ancien adage : Corruptio unius, generatio allerius. Et si Leeuwenhoeck avait constaté l'augmentation considérable des êtres microscopiques des selles dans les cas de diarrhée, si bien des savants, Linné entre autres, étaient portés, par de simples vues de l'esprit, il faut le dire, à considérer ces Vibrions comme des éléments de contagion dans plusieurs états pathologiques, rien de positif n'avait été avancé, aucun fait ne venait étayer ces suppositions toutes gratuites.
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Davaine.
Rayer.
Henle.
Casimir Davaine
(1812-1882).
Pierre Rayer
(1793-1867).
Friedrich Henle
(1809-1885).

Sans doute, dès 1840, le pathologiste allemand Jacob Henle avait-il proposé une « théorie des germes » pour expliquer l'origine des maladies. Mais les esprits étaient si peu tournés de ce côté que Davaine et Rayer (Inoculation du sang de rate, Mémoires de la Société de Biologie, 1850), signalent, tout simplement comme un fait curieux et sans y attacher grande importance, la présence d'une bactérie en bâtonnets dans le sang des animaux morts de la curieuse maladie appelée sang de rate.

Déjà cependant, dès 1831, Braconnot, remarquant que certaines substances, telles que le chlore, l'acide sulfureux, l'acide nitrique, employées comme destructeurs des agents, tout à fait inconnus alors, des maladies contagieuses, possédaient aussi des propriétés antifermentescibles énergiques, concluait au rapprochement de la contagion et de la fermentation. 

Dans le même ordre d'idées, Cagniard-Latour (Mémoire sur la fermentation vineuse, Annales de Chimie et de Physique, 1828), étudiant la fermentation vineuse, proclamait qu'elle n'était qu'une conséquence de la végétation et de la vie des globules de levure que l'on observait toujours dans le liquide sucré qui se transformait.

L'âge d'or de la bactériologie.
La date de 1860 marque un ère nouvelle dans l'histoire des Bactéries : ce groupe d'organismes vivants, resté jusqu'alors presque inconnu, va jouer désormais un rôle immense dans l'industrie, la médecine et l'hygiène. 

C'est à Pasteur que revient le grand honneur d'avoir établi avec certitude les connexités étroites ou les rapports de causalité qui unissent les altérations de certains liquides, certaines fermentations, au développement et à la vie, dans leur intérieur, d'êtres vivants des plus simples, de Bactéries. C'est dans son travail sur la fermentation lactique qu'il a posé les premières bases certaines de
l'étude physiologique de ces organismes (Mémoire sur la fermentation appelée lactique). Ce qu'il avait démontré pour cette fermentation, il l'étendit à d'autres et arriva a en former cette suite d'études qui lui ont donné sa place dans l'histoire.

Ces travaux attirèrent l'attention de Davaine, qui, dès 1830, avait signalé, avec Rayer, dans le sang des animaux morts de la maladie appelée Charbon ou Sang de rate, de petits bâtonnets types de son genre Bacteridium (actuellement Bacillus anthracis). Davaine se demanda si ces bâtonnets n'étaient pas la cause même de la maladie : il inocula à des animaux du sang charbonneux et constata que ce liquide, même à dose infinitésimale, reproduisait la maladie au point de provoquer la mort, et que le sang des animaux infestés contenait des quantités prodigieuses de Bactéries identiques à son Bacteridium  (Recherches sur le sang de rate (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1863 et 1864); Réimprimé dans « l'Oeuvre de Davaine ». Paris, J.-B. Baillière, 1589,1 vol. in-8.). Pasteur avait créé la physiologie des Bactéries; Davaine venait ainsi de fonder la pathologie bactérienne.

Pasteur (Études sur la maladie des vers à soie, Paris, Gauthier-Villars, 1869), bientôt montre la voie à suivre, en élucidant dans tous leurs détails deux terribles maladies des vers à soie, la ruine des éleveurs, la pébrine, causée par des micro-organismes de la classe des Sporozoaires, et la flacherie, d'origine manifestement bactérienne. Ce sont les premières études complètes d'une affection contagieuse; on y puisera longtemps de remarquables enseignements, et on en tirera de lumineuses conclusions relatives à l'étude de maladies reconnues depuis de même origine, où se trouvent aussi en présence ces mêmes questions de contagion, de réceptivité, de milieu, d'hérédité, qui jouent un si grand rôle dans l'étiologie et la pathogénie des maladies infectieuses.

Grâce à des expériences d'une extrême précision, Pasteur démontra également que le sang et les liquides du métabolisme animal, dans l'état de santé, ne contenaient pas de Bactéries, et que ces organismes, cause de la putréfaction cadavérique, y étaient apportés par l'air atmosphérique, et ne s'y montraient qu'après la mort ou dans certaines maladies.
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Pasteur.
Koch.
Ehrlich.
Louis Pasteur
(1822-1895).
Robert Koch
(1843-1910).
Paul Ehrlich
(1854-1915).

Tyndall, de son côté, étudiait les poussières de l'atmosphère et y démontrait la présence de nombreux germes ou spores qui, tombant dans un liquide convenable, ne tardent pas à s'y développer sous forme de Bactéries. 

C'est à cette époque (1860-1870) que se rattache la lutte célèbre entre les Hétérogénistes et les Panspermistes, les premiers représentés par Pouchet, les seconds par Pasteur et Tyndall, lutte assez vite terminée, et qui se solda par la défaite presque complète des hétérogénistes. 

A partir de 1870 les recherches qui se rapportent à l'étude des Bactéries et de leur rôle dans les maladies se multiplient d'une façon considérable. Signalons, par exemple, les travaux de Coze et Feltz ( Recherches cliniques sur les maladies infectieuses, Paris, J.-B. Baillière, 1872), qui montraient que les profonds changements du sang, dans les maladies infectieuses humaines, étaient dus aussi à des Bactéries, et donnaient une étude magistrale d'une de ces affections les plus terribles, la septicémie.

Au point de vue du rôle des Bactéries dans la biosphère et surtout dans les maladies de l'humain et des animaux domestiques, signalons, en France, les travaux de Pasteur et des savants qui se sont formés dans son laboratoire, Chamberland, Roux, Thuillier et Duclaux, etc., ceux de Cornil et Babès, de Coze, Feltz, etc., de Miquel qui a continué et repris les recherches de Tyndall sur les germes de l'air. 

Klein, en Angleterre, Domingos Freire, au Brésil, et beaucoup d'autres, devraient encore être cités ici. 

En Allemagne, Robert Koch et ses élèves ont fait faire de grands progrès à l'étude des Bactéries. En 1876 Koch isole le Bacillus anthracis, dont il démontre la responsabilité dans la maladie du charbon. Pour cela, il a isolé la Bactérie sur un animal mort, puis, après culture, l'a réintroduite dans un animal en bonne santé, qui a contracté alors la maladie. Entre 1873 et 1882, le chercheur  travaille à la mise en évidence du bacille responsable de  la maladie la plus grave de l'époque, la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis). Par ailleurs, sur la base d'un postulat qui veut qu'une Bactérie donnée soit à l'origine d'une maladie donnée, il établit en 1884, les règles (toujours utilisées) qui permettent de démontrer rigoureusement  si une Bactérie est à l'origine ou non d'une infection. Ses travaux sur le bacille de la tuberculose, et sa contribution à la démonstration de la validité de la théorie des germes, lui vaudront le prix Nobel de médecine en 1905
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La couleur des Bactéries

Au début des années 1880, des méthodes ont été élaborées afin de détecter et d'identifier les Bactéries grâce à leurs affinités tinctoriales. Paul Ehrlich est le pionnier de cette approche. Il découvre en 1882 le moyen de rendre apparent le Bacille de Koch, méthode qui sera peu après perfectionnée indépendamment par Ziehl et Neelsen, qui lui donneront leur nom. 

En 1884, Hans Christian Gram met au point un autre procédé de coloration par le violet de gentiane / décoloration par l'éthanol-acétone, qui  rend les Bactéries plus facilement observables en lumière visible. Cette technique est celle qui sera la plus utilisée dans l'étude et la classification des Bactéries  (La coloration de Gram). Elle permet de distinguer deux grands groupes de Bactéries, en fonction de l'épaisseur de leur paroi externe : Bactéries à Gram positif (paroi épaisse et dense) et Bactéries à Gram négatif (paroi fine et peu dense).

La découverte des Ptomaïnes (alcaloïdes issus de la décomposition des protéines des matières animales par des Bactéries), par Panum, puis par Selmi et Gautier, a fait faire un pas de plus à la question en mettant en lumière que l'action nocive des Bactéries sur l'organisme était due presque toujours à la présence d'un liquide virulent (Ptomaïne) secrété par elles et élaboré aux dépens mêmes de cet organisme comme un produit physiologique de leur nutrition, et cette découverte a diminué le nombre de ceux qui ne croyaient pas au rôle des Bactéries dans les maladies des humains et des animaux.

A la fin du XIXe siècle, en effet, les chercheurs, et plus particulièrement les pathologistes, se divisaient encore en deux camps qui ont renouvelé la vieille querelle des hétérogénistes et des panspermistes. 

• D'une part, ceux qu'on pourrait appeler les spontanéistes, ou les partisans de la maladie spontanée, représentants de l'école classique, restée fidèle à la théorie de l'inflammation et des causes banales comme facteurs des maladies. Cette école niait le rôle des Bactéries, même comme agents du transport dans le fait de la contagion. Pour elle, les Bactéries, lorsqu'elles existent dans l'organisme ne sont qu'un épiphénomène, suivant l'expression de Robin, c.-à-d. la conséquence et non la cause de la maladie, une complication sans importance au point de vue de la marche même de la maladie. Peter a été le chef le plus ardent de cette école. 

• Les non-spontanéistes, au contraire, ou les partisans de la théorie microbienne, n'admettaient pas de maladie contagieuse sans Bactéries, et considèrent celles-ci comme la cause immédiate de cette maladie, soit par leur multiplication dans le sang, soit par l'empoisonnement dû à leurs ptomaïnes. Les plus belles applications de ces idées fécondes se trouvaient sans contredit dans les recherches sur la maladie charbonneuse, où des maîtres tels que Pasteur et Koch avaient mis tout leur savoir et étaient arrivés à faire de l'étude de cette maladie « la base de la doctrine parasitaire des maladies contagieuses. » (Straus, Le charbon des animaux et de l'homme, Paris, 1887). Outre le deux nom que l'on vient de mentionner, notons aussi ceux de  Verneuil, Cornil, etc.,  qui on été les représentants les plus attitrés de cette nouvelle école, qui ne cessa de gagner du terrain pendant quelques décennies, jusqu'à ce que l'on nuance ses affirmations, quand on comprend que d'autres micro-organismes peuvent aussi être des agents infectieux. Ce premier pas sera accompli  par Alphonse Laveran, qui au tout début des années 1880 montre que c'est un Protozoaire, le Plasmodium falciparum, et non une Bactérie qui est la cause du paludisme, puis en 1899,  par Dmitri Ivanowski (1892 ) et Martinus Beijerinck (1899) qui découvrent, en étudiant la mosaïque du tabac, que les Virus (micro-organismes non-cellulaires), sont aussi des agents infectieux, capables de se reproduire en infectant une cellule hôte. 

Découvertes de Bactéries (premières descriptions)
Date
Découverte et pathologies associées
Auteur (s)
1873 Mycobacterium leprae. Responsable de la lèpre. Gerhard Hansen Armauer
1875 Clostridium chauvoei (C. feseri). Affecte les bovidés et les ovidés (gangrène emphysemateuse). Johann Feser 
1876 Bacillus anthracis (Bacille du charbon). Agent de la maladie du charbon. Robert Koch 
1877 Clostridium septicum. Cause de gangrènes gazeuses. Louis Pasteur, Jules Joubert
1879 Neisseria gonorrhoeae. Responsable d'une maladie sexuellement transmissible (MST), la gonorhée ou blennorragie. Albert Neisser
1880 Salmonella typhi (Salmonella enterica enterica). Agent de la fièvre typhoïde ou fièvre entérique. Probablement transmise par le contact avec des mouches.


Erysipelothrix muriseptica (Erysipelothrix rhusiopathiae). Cause, chez l'humain du rouget du porc (aussi appelé érysipélotrichose, erysipéloïde de Rosenbach, érythème migrateur, ou encore maladie des poissonniers).
Karl Joseph Eberth


Robert Koch (+ travaux de F. Loeffler en 1886).
1882 Mycobacterium tuberculosis (bacille de Koch, BK). Cause de la tuberculose.

Burkholderia mallei (anc. Malleomyces m.). Bactérie responsable de la morve, maladie affectant principalement les équidés, mais aussi transmissible aux humains.

Streptococcus pyogenes. A l'origine des infections dites de type A (angine, scarlatine, impétigo, rhumatisme articulaire aigu, gangrène de Fournier; bactériémie, etc.).
Robert Koch


 Friedrich Loeffler, Wilhelm Schütz


Friedrich Fehleisen
1883 Vibrio cholerae. Responsable du choléra.



Corynebacterium xerosis. Bactérie présente sur la peau, généralement non pathogène, mais susceptible, chez des sujets immunodéprimés, de causer des infections de la peau, des endocardites, etc.
Robert Koch

Albert Neisser, P. Kuschbert

1884 Corynebacterium diphtheriae. Agent de la diphtérie.

Clostridium tetani. Cause du tétanos.
F. Loeffler

Arthur Nicolaier

1885 Mycobacterium smegmatis. Bactérie généralement non-pathogène et, à cause de cela, couramment utilisée en laboratoire; présente notamment dans certaines excrétions génitales (smegma).

Salmonella cholerae. Bactérie qui se rencontre chez les porcs. Elle peut cause des gastro-entérites aigues et des fièvres entériques ches les humains.

Corynebacterium pseudotuberculosis. Affecte les ovidés principalement, mais aussi équidés,  et les camélidés (lymphadénite caséeuse ou fièvre du pigeon).


Escherichia coli (Colibacille). Bien que faisant partie de la flore intestinale normale, certaines souches peuvent être pathogènes (gastro-entérites, infections urinaires, méningites, etc.).

E. Alvarez, E. Tavel
 



Daniel Elmer Salmon
 


Edmond Nocard


 Theodor Escherich

 

1886 Streptococcus pneumoniae (anc. Diplococcus p. ou pneumocoque). Cause des pneumonies. Albert Fraenkel, Anton Weichselbaum
1887 Neisseria meningitidis (méningocoque). Bactérie impliquée dans les méningintes.

Corynebacterium pseudodiphthericum. Bactérie présente dans la muqueuse des voies respiratoires. Généralement non-pathogène mais peut être impliquée dans des pneumonies chez les sujets immunodéprimés.


Streptococcus agalactiae. Bactérie impliquée dans les mammites de la vache, et chez les humains, dans des infections néonatales (septicémie, méningite, pneumonie)..
Anton Weichselbaum


Franz Adolf Hofmann


 E.Nocard, H. Mollereau
1888 Salmonella enteritidis. Cause de gastro-entérites aigues fébriles. August Gärtner
1891 Salmonella typhimurium. Une des bactéries à l'origine des salmonelloses. Des souches de S. typhimurium sont devenues extrêmement résistantes aux antibiotiques depuis les années 1990. Epidémie rapportée dans le Sud du Jura en 1997. Friedrich Loeffler
1892 Micrococcus epidermidis (Staphylococcus epidermidis). Présente sur la peau et les muqueuses humaines. Flore normale et non-pathogène en générale, mais souvent impliquée dans les infections nosocomiales.

Moraxella catarrhalis (Branhamella catarrhalis, Neisseria c.). A l'origine d'infections du système respiratoire, du système nerveux central, de l'oreille moyenne et des yeux.


Clostridium perfringens. Omniprésente, cette bactérie peut être la cause de l'entérite nécrosante, de gangrènes, de bactérémies, de cholécystite emphysémateuse.
William Henry Welch


Par Seifert, Richard Pfeiffer


William Henry Welch, George Nuttal
1893 Arcanobacterium pyogenes (anc. Corynebacterium pyogenes). Produit des lésions suppuratives dans n'importe quel organe ou tissu chez les animaux.  . Chez les ruminants, ce sont les bactéries les plus communes trouvées dans les plaies infectées et des abcès. Une cause importante de mammite. A. Lucet 
1894 Clostridium novyi. Cause de gangrènes gazeuses; l'infection la plus typique est l'hépatite nécrotique. Frederick G. Novy 
1896 Mycobacterium bovis. A l'origine de la tuberculose bovine, éventuellement transmissible à l'humain.


Clostridium botulinum. Responsable du botulisme, un empoisonnement (à l'origine d'une paralysie locomotrice et respiratoire), causé par une toxine, la botuline, libérée par la bactérie.
Theobald Smith


Emile van Ermengem 
1897 Propionibacterium acnes (Corynebacterium acnes). Bactérie liée au développement de l'acné. Raymond Sabouraud
1898 Shigella dysenteriae. A l'origine d'une forme de dysenterie; se trouve dans les oeufs, l'eau et les crudités.

Mycoplasma. M. genitalum est la cause d'une MST répandue; même chose pour Mycoplasma hominis à l'origine d'urétrites, vaginites, cervicites, salpingite, etc.
 Kiyoshi Shiga


E. Nocard, Émile Roux
1900 Salmonella paratyphi B. Responsable de la fièvre paratyphoïde.

Shigella flexneri (S. paradysenteriae B). A l'origine d'un  tiers des cas de shigellose, une forme de dysenterie.
Hugo Schottmüller


Simon Flexner, Richard Pearson Strong
1903 Enterococcus faecalis (anc. Streptococcus f). Bactérie du tube digestif, susceptible de causer des infections de la vessie, de la prostate et de l'épididyme, ainsi que des  endocardites. Theodor Escherich
1905 Treponema pallidum. Agent de la syphilis, une MST.

Treponema pertenue. Responsable du pian, une tréponématose affectant la peau et pouvant se propager aux os; ce n'est pas une MST.


Bacillus thuringiensis. Cause d'une maladie épidémique des vers à soie.
Fritz Schaudinn, Erich Hoffmann

Aldo Castellani



Shigetane Ishiwata
 
1907 Shigella sonnei (Shigella du groupe D). A l'origine des deux tiers des cas de shigellose.

Chlamydia trachomatis. Responsable de  l'urétrite à Chlamydia (ou chlamydiose), une MST, de la proctite, et du trachome ou ophtalmie égyptienne.


Agrobacterium tumefaciens. Bactérie cause, chez les végétaux, de la galle du collet
Walther Kruse, Carl Olaf Sonne


Ludwig Halberstaedter, Stanislaus von Prowazek 



Erwin Smith ,  C.O. Townsend
1909 Rickettsia. Genre de Bactéries parasites intracellulaires, transmises par les tiques et causes, selon les espèces, de diverses rickettsioses (typhus exanthématique, fièvre de Marseille, fièvre pourprée des Montagnes Rocheuses, etc.).  Howard Ricketts
1910 Paracoccus (Micrococcus) denitrificans. Figure parmi les possibles ancêtres des mitochondries, organites des cellules eucaryotes.  Martinus Beijerinck
1919 Campylobacter fetus (Vibrio fetus). Cause d'avortement chez les bovins et les ovins. La Bactérie peut éventuellement être transmise aux humains (cause de thrombophlébites, voire septicémies chez les sujets immunodéprimés). Theobald Smith, M. S. Taylor
1926 Listeria monocytogenes (anc. Bacterium monocytogenes). Bactérie capable de se reproduire à basse température dans la nourriture et responsable de la listériose ches l'humain. Everitt Murray
1983 Helicobacter pylori. Responsable de la plupart des ulcères gastro-duodénaux et soupçonnée d'être impliquée dans le déclenchement de la maladie de Parkinson. Barry Marshall, John Robin Warren

A la fin du XIXe siècle, la réalité des infections bactériennes semble au moins établie. Il n'existe pas pour autant de véritable traitement pour combattre les maladies causées par des Bactéries. Tout au plus quelques prémices. Ainsi, en 1890, Emil von Behring et Kitasato Shibasaburo annoncent-ils  à Berlin la découverte de l'antitoxine diphtérique, qui deviendra dans les années suivantes la base de la sérothérapie toujours en usage aujourd'hui dans le cas de cette maladie.

Dans une perspective toute différente, il faut encore signaler pour cette dernière décennie du siècle, les travaux de Sergei Winogradsky, qui parvient à isoler les bactéries responsables de nitrification et de la fixation de l'azote du sol. En montrant le rôle essentiel joué par les micro-organismes  processus géochimiques, il établit le concept de chimiolithotrophie.

Le XXe siècle

Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
Les premiers antibiotiques.
La priorité va être la mise au point de traitements contre les maladies infectieuses. Pour s'en tenir ici à celles qui sont d'origine bactérienne, on doit d'abord mentionner le développement, en 1910 du Salvarsan (arsphénamine) puis, en 1912 du Neosalvarsan (plus soluble), le premier antibiotique par Erlich, déjà prix Nobel en 1908 pour ses travaux en immunologie . Il s'agit de colorants dérivés de l'arsenic capables de teindre et de tuer sélectivement les Bactéries de l'espèce Treponema pallidum, responsables de la syphilis. 

Alexander Flemming, qui avait été, en Angleterre, parmi les rares médecins à administrer l'agent chimiothérapeutique développé par Ehrlich, publie, en 1929, la première étude sur les effets de la pénicilline (substance produite par une moisissure, le Penicillium) sur les Bactéries à Gram positif. Cette découverte ouvre l'ère des antibiotiques, qui prend toute sa dimension à partir des travaux des Howard Florey et Ernest Chain, en 1940. La même année, Chain et E.P. Abraham  décrivent une substance produite par Escherichia coli qui peut rendre inactive la pénicilline. C'est donc la première reconnaissance de la possibilité pour les bactéries de produire des agents (enzymes) les rendant résistantes aux antibiotiques.

D'autres pistes sont également explorées. En 1935, Gerhard Domagk utilise un anti-métabolite synthétisé chimiquement, le Prontosil (sulfamidochrysoïdine), capable de tuer les Bactéries du genre Streptococcus chez la souris. L'un des  premiers patients à être traités avec ce médicament, le premier de la famille des sulfamides, sera  la fille de Domagk qui a une affection à streptocoques sur laquelle les autres traitements sont inéfficaces. Une administration de grandes quantités de Prontosil aboutira à un rétablissement spectaculaire.

En 1944, un autre antibiotique est découvert par Albert Schatz, E. Bugie et Selman Waksman,  la streptomycine, qui va vite montrer son efficacité dans le traitement de la tuberculose. Agissant sur les Bactéries à Gram négatif, il a un mode d'action analogue à celui de la pénicilline.
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Salmonella Typhimurium.
Salmonella Typhimurium. Image obtenue par microscopie électronique à balayage.
Source : Rocky Mountains laboratories, NIAID, NIH.

La naissance de la biologie moléculaire.
Frederick Twort (1915) et Félix d'Hérelle découvrent (1917) des Virus capables de s'attaquer aux Bactéries et de les détruire, ce sont les Bactériophages ou Phages. Twort, qui a mis en évidence cet agent nouveau, y voit un outil pour combattre les épidémies; d'Hérelle, qui voit dans cet agent un ultravirus, développe les possibilités qu'il offre de lutter contre les bactéries responsables de la dysenterie. Plus tard, les Bactériophages interviendront dans de nombreuses recherches de génétique moléculaire, notamment  comme vecteurs de clonage de gènes.

Frederick Griffith établit en 1928 les fondements de la génétique moléculaire en mettant en évidence ce que l'on a appelé la transformation bactérienne (ou transformation génétique). Il montre sur des souris que l'injection d'un mélange de Streptococcus pneumoniae de type II non virulents et de Streptococcus pneumoniae de type I virulents mais tués par la chaleur, conduit à la mort des individus. Des Streptococcus pneumoniae de type II virulents sont isolés dans les souris mortes. Griffith  Il faudra attendre les années 1930 pour que Avery, Macleod et McCarty reprennent les expériences de Griffiths et s'emploie à en expliquer les résultats, par un échange de gènes entre Bactéries.

En 1931, Cornelis van Niel montre que les bactéries photosynthétiques (bactéries vertes sulfureuses, bactéries pourpres sulfureuses), sous l'effet de la lumière, utilisent des composés réduits comme donneurs d'électrons sans produire de l'oxygène. Les bactéries sulfureuses utilisent H2S comme source d'électrons pour la fixation du dioxyde de dioxyde de carbone. Il postule que les plantes vertes utilisent l'eau comme source et libèrent de l'oxygène .

Salvador Luria et Max Delbrück, qui étudient l'hérédité des caractères génétiques des Bactéries, fournissent en 1943 une démonstration statistique que cette hérédité suit, comme chez les organismes complexes, les principes darwiniens de la descendance avec modification, mais au lieu d'invoquer le rôle premier de la sélection naturelle ou la pression du milieu, leur test de fluctuation montre que les mutations génétiques surviennent aléatoirement; la notion d'adaptation ne pouvant dès lors être définie qu'a posteriori. Luria et Delbrück, s'étaient basés  notamment sur l'apparition de formes mutantes de Bactéries résistantes au Virus, même en l'absence de ces Virus. On comprendra bientôt que de telles mutations sont aussi l'explication de l'apparition de souches bactériennes résistantes à tel ou tel antibiotique.

Oswald Avery, Colin MacLeod et McCarty Maclyn découvrent en 1944, que l'ADN (Les acides nucléiques) est le matériel de transformation dans les cellules. Ils montrent que la transformation d'un type non virulent de Streptococcus pneumoniae en  type virulent est le résultat du transfert de l'ADN : l'ADN porte les informations héréditaires, c'est la molécule qui constitue les gènes, dans les chromosomes. Ils montrent également que le principe de transformation est détruit par la désoxyribonucléase pancréatique, une enzyme qui hydrolyse l'ADN, mais n'est pas affectée par la ribonucléase ou des enzymes qui détruisent les protéines du pancréas.

La bactériologie après 1945.
Parmi les principaux jalons de cette très féconde période, presque complètement dominée par les avancées de la génétique moléculaire (meilleure connaissance des bactéries, mais surtout utilisation des bactéries comme support d'expériences), on peut mentionner, pour commencer, les travaux de Joshua Lederberg et Edward Tatum, qui publient en 1946 la première étude sur un type de reproduction bactérienne, d'abord observé sur Escherichia coli, et appelée conjugaison. La démonstration des chercheurs est basée sur la génération de cellules-filles capables de croître dans des milieux qui ne peuvent pas supporter la croissance d'aucune des cellules mères. Leurs expériences montrent que ce type d'échange réciproque de gènes nécessite un contact direct entre les bactéries. Jusque là, on croyait que les bactéries (organismes sexuellement indifférenciés) se multipliaient seulement par voie végétative. 

 En 1952, le même Lederberg, cette fois avec Norton Zinder, réalise des expériences dans lesquelles il existe un transfert de l'information génétique aux cellules par des virus (transduction). Un phage de Salmonella typhimurium peut ainsi transporter l'ADN d'une bactérie à une autre et en modifier l'hérédité. 

François Jacob, Jacques Monod, Carmen Sanchez et David Perrin proposent en 1960 le concept d'opéron pour expliquer le contrôle de l'expression des gènes bactériens. L'opéron est une portion d'ADN regroupant des gènes contrôlés par une signal moléculaire donné  et qui selon leur activation ou non, donneront lieu à une transcription des gènes en ARN messager. Jacob et Monod montreront  par la suite que le  transport et le métabolisme du lactose chez Escherichia coli, ainsi que d'autres entérobactéries requièrent un opéron particulier, l'opéron lactose (ou opéron lac).

En 1961, Sydney Brenner, François Jacob et Matthew Meselson utilisent des bactéries infectées par un bactériophage pour montrer que les ribosomes sont le site de la synthèse des protéines, et confirmer l'existence de l'ARN messager. Ils montrent que l'infection d'Escherichia coli par le phage T4 arrête la synthèse de l' ARN de cellule hôte et conduit à la synthèse d'ARN T4. Ce dernier se fixe sur les ribosomes cellulaires et détermine la synthèse des protéines.

Stanley Cohen, Annie Chang, Robert Helling et Herbert Boyer montrent en 1973 que les brins extrachromosomiques d'ADN appelés plasmides agissent comme vecteurs pour le maintien de gènes clonés dans des bactéries. Ils montrent que, si l'ADN est fragmenté et combiné avec de l'ADN de plasmide, de telles molécules d'ADN recombiné se reproduisent si elles sont insérées dans des cellules bactériennes. La découverte est une avancée majeure pour le génie génétique, permettant à ces progrès que le clonage des gènes et la modification des gènes.

En utilisant une enzyme de la bactérie Thermus aquaticus, Kary Mullis invente en 1986 la technologie dite PCR (Polymerase Chain Reaction) ou d'amplification en chaîne par polymérase. La méthode permet la duplication massive d'une séquence d'ADN ou d'ARN, à partir d'une infime quantité de matériel génétique. C'est devenu aujourd'hui l'outil de base de la biologie moléculaire (détection de la présence de virus HIV ou autres dans un organisme, identification d'ADN en criminalistique, etc.).

Enfin, terminons en notant que le premier séquençage complet d'un génome bactérien (Haemophilus influenzae)  a été mené à bien en 1995 par Craig Venter, Claire Fraser et Hamilton Smith complètent le séquençage d'un génome bactérien.

La place des Bactéries dans le monde du vivant

Pour les premiers observateurs, Müller, Ehrenherg, Dujardin, les Bactéries faisaient, sans aucun doute, partie du règne animal : la motilité bien évidente des quelques espèces connues et décrites était, a leurs yeux, un caractère gui devait forcément manquer à la plante. Plus tard, lorsque Davaine eut prouvé, en étudiant la Bactérie du charbon, l'immobilité absolue de certaines espèces dans tout le cycle de leur existence, espèces qui, sans conteste, ne pouvaient en rien d'autre être distinguées des voisines, et que la motilité ne paraissait plus être le propre de l'animal, les idées changèrent. Davaine (Recherches sur les Vibrioniens (C. R. de l'Acad. des sc., 1864). Voy. aussi « l'Oeuvre de Davaine ») en fait des Algues voisines des Oscillaires, auxquelles les rattachent les Beggialoa ou Sulfuraires. Rabenhorst (Flora europaea Algarum, 1865) partage cette opinion et les classe dans sa tribu des Oscillariées. 

Depuis lors, la plupart des naturalistes les ont placées à la base du règne végétal. Cependant, ici surtout, aucun des caractères que l'on peut donner comme raison ne doit être considéré comme critérium d'une valeur absolue : il faut plutôt s'appuyer sur un ensemble de faits, sur une impression générale, que sur telle ou telle particularité semblant trop exclusive à une étude peu approfondie.

Haeckel (Le règne des Protistes, traduit par J. Soury, Paris, 1879) range les Bactéries parmi ses Protistes, à côté des Monères (les deux autres règnes étant pour lui les Plantes et les Animaux); Pasteur les a longtemps regardées comme des Infusoires, à l'exemple des premiers observateurs cités.

Cette dernière opinion a semblé recevoir confirmation des recherches à la fin du XIXe siècle sur la structure intime des éléments cellulaires des Bactéries. Les travaux de Bary (De Bary, Morphologie und Biologie der Pilze, Mycetozoen und Bacterien, Leipzig, 1884), Balbiani (Journ. de micr., 1886 et suiv.), Künstler (De la position systématique des Bactériacées (Journ. de micr., 1883), Bütschli (Ueber den Bau der Bacterien und verwandter Organismen, Leipzig, 1890)  conduisaient ces observateurs à rapprocher les Bactéries des Flagellés. Il faut reconnaître que les raisons qu'ils mettaient en avant pouvaient alors paraître excellentes.

Reste que Van Tieghem (Traité de botanique, p. 1109, 1883) et la plupart des botanistes de son temps, en restent cependant aux opinons de Davaine, et font des bactéries une famille de la classe des Algues et de l'ordre des Cyanophycées. Pour eux se sont donc des Algues, classées à côté des Oscillariées et des Nostoccacées, où elles forment une série parallèle dépourvue de chlorophylle. Un des grands arguments qui servent à étayer cette combinaison est la présence, chez quelques espèces de Bactéries, de pigment vert qu'on a hâtivement et sans preuves rapproché de la chlorophylle, et les rapports que présentent avec certaines Algues quelques espèces tout à fait aberrantes qui sont probablement à séparer du groupe.

Il est peut-être plus rationnel, pense-t-on aussi, avec Naegeli, de Bary, Colin, etc., d'en faire des Champignons. Ils se rattachent à ces végétaux par le manque de chlorophylle et par toute une série de propriétés biologiques. Les fermentations les rapprochent des Saccharomycètes, dont les éloigne toutefois leur genre de reproduction végétative, les Levures se multipliant par bourgeonnement et les Bactéries par division. C'est cette dernière particularité qui leur a fait donner par Naegeli (1876) le nom de Schizomycètes (shizein = diviser; mykès = champignon), et par Cohn celui de Schizophytes (phyton = plante) ou de Schizosporées, une famille voisine des Phycochromatées, dans la classe des Algues. 

Le XIXe siècle a ainsi laissée ouverte la question de la place que l'on devait accorder aux Bactéries dans le monde du vivant. Au moins, estime-t-on alors, quoi qu'il en soit de cette place, il est nécessaire de fixer son étendue et de préciser ses caractères. Aussi le nom de Bactéries, proposé par Conn en 1872, devient-il désormais préféré aux autres, en particulier à  des dénominations beaucoup plus vagues, telle celle de Microbes, proposée par Sédillot en 1878, et englobant des êtres tout à fait dissemblables (Bactéries, Levures, Moisissures, Protistes). Le rôle de ces espèces est en effet trop spécial, leur constitution assez différente, pour les laisser confondues avec d'autres organismes microscopiques.

Une solution à cette question va se dégager dans les premières années du XXe siècle, quand les bactériologistes finissent par se convaincre que les bactéries sont des cellules dépourvues de noyau et que cela peut fournir un critère qui les distingue complètement des autres organismes vivants. 
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Le noyau des Bactéries

Jusque dans les années 1920, la question du noyau a été une des plus controversées. Ici plusieurs opinions ont été en présence. Pour certains, le noyau n'existe pas chez les Bactéries; pour d'autres, le noyau ne s'y trouve pas à l'état nettement individualisé et différencié, mais la substance nucléaire est plus ou moins fractionnée, disséminée dans le cytoplasme; d'autres, enfin, croient à l'existence d'un noyau typique.

L'existence d'un véritable noyau ou de granulations de substance nucléaire chez tous les organismes cellulaires voisins doit conduire à rejeter l'absence d'un tel organe. Par contre, les faits observés en très grand nombre conduisent plutôt à admettre la seconde opinion, la fragmentation plus ou moins grande, parfois très grande, du noyau, la substance nucléaire, la chromatine, pouvant être mélangée au cytoplasme sous forme de granules très fins, ou différenciée en un nombre plus ou moins grand de chromidies, granulations de dimensions variables; c'est un noyau diffus ou fractionné, constituant plutôt ce qu'on a appelé un système chromidial.

D'après Swellengrebel (1906, 1907, 1909), ce système chromidial, chez le Bacillus maximus buccalis que l'on trouve dans le tartre dentaire, et chez le Spirillum giganteum et le Spirillum  volutans, formerait un filament longeant l'axe de la cellule en décrivant une spirale. 

Beaucoup des granulations du cytoplasme fixent en effet fortement les colorants nucléaires et, par là et d'autres caractères spéciaux de coloration, se distinguent nettement d'autres granulations, ce qui permet de les considérer comme étant de nature chromatique

Pour Bütschli, le corps central serait tout entier un noyau : les Bactéries seraient des cellules constituées presque exclusivement par noyau, le cytoplasme étant réduit à une mince couche située sous membrane; ce cytoplasme pourrait même manquer et la cellule se trouver alors entièrement constituée d'un noyau. C'est la grande affinité du contenu cellulaire pour les colorants qui a conduit Bütschli à cette conception, affinité qui, à vrai dire, n'est pas exclusivement propre à la substance chromatique, mais se remarque souvent dans ce qu'on appelle alors le protoplasme chez bien des micro-organismes, en particulier des Flagellés, des Saccharomycètes, même chez les Spermatozoïdes, dont le parenchyme chromophile contient un véritable noyau.

Pour Ruzicka (1908) toute la substance, colorable contenue dans les bâtonnets du Bacille du charbon se comporterait, vis-à-vis des agents chimiques, comme la chromatine des noyaux cellulaires.

Beaucoup croient à l'existence chez les Bactéries d'un vrai noyau. Bien des observations à l'appui, toutefois, se rapportent à des types dont la place est certainement ailleurs, chez les Flagellés ou les Algues principalement; il est donc impossible de faire état de ces données pour les Bactéries.

Arthur Meyer (1908) était un des partisans convaincus de l'existence du noyau chez ces organismes. Chez le Bacillus asterosporus et beaucoup d'autres espèces, après fixation au formol et coloration à la fuchsine, il observe de 1 à 6 granulations fortement colorées, qu'il admet être des noyaux; un noyau apparaîtrait toujours au moment de la formation de la spore et interviendrait directement dans ce processus. C'est aussi l'opinion d'Amato (1908) qui signale en plus une granulation nucléaire dans les cellules très jeunes, granulation qui plus tard se dissocierait en système chromidial.

En résumé, il peut sembler dès lors raisonnable d'admettre que, chez les Bactéries en général, la substance nucléaire est d'ordinaire ou diffuse ou fractionnée en un système chromidial; dans certaines circonstances, chez les éléments très jeunes et lors de la formation de spores, elle peut se condenser, en partie ou en totalité, pour former une granulation nucléaire bien reconnaissable : l'existence d'un noyau bien individualisé serait donc au moins exceptionnelle.

Le fait de l'existence d'un noyau fractionné est, du reste, signalé chez beaucoup de Champignons inférieurs. Cette division du noyau en plusieurs masses peut même dépendre des conditions de vie : Bouin (1898) avait montré que chez les Levures le noyau, normalement unique, se segmentait sous l'influence d'une concentration exagérée du milieu nutritif, d'un manque d'aliments minéraux ou d'une élévation de température.

En 1925, Edouard Chatton propose ainsi une classification faisant apparaître deux groupes fondamentaux : les Eucaryotes, qui sont tous les organismes possédant des cellules à noyau (Protistes, Végétaux, Animaux), et les Procaryotes, organismes dont les cellules n'ont pas de noyau véritable (ou du moins dont l'appareil nucléaire a une structure diffuse : le matériel génétique n'est pas entouré d'une membrane nucléaire), autrement dit les Bactéries; on y rangera plus tard les Archéobactéries, découvertes à la fin des années 1960.

Alors que les travaux de Thomas Rivers conduisent de distinguer les Bactéries de Virus dès 1926 (date à laquelle la virologie se définit donc en tant que telle), la division des organismes cellulaires en Eucaryotes et en Procaryotes n'a été réellement acceptée qu'à partir des années 1960, quand elle est promue, notamment, par André Lwolf, l'un des anciens élèves de Chatton. Mais, dans l'intervalle, les systématiciens ont continué de prendre en compte le critère choisi par Chatton. C'est le cas en particulier de Copeland (1938) et de Wittaker (1969), reprennent simplement l'ancien terme de Monères à la place de celui de Procaryotes. Ce sont des synonymes.
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Les formes de vie cellulaires.

Les études génétiques (séquençage de l'ARN ribosomial) ont modifié ces conceptions à partir de 1977, avec les travaux de Carl Woese et de ses collaborateurs, qui les conduisent à distinguer parmi les Procaryotes, les Bactéries et les Archéobactéries. Les Bactéries sont plus que jamais séparées des autres formes de vie cellulaire, alors que les Archéobactéries, renommées Archées, sont désormais considérées comme le groupe frère des Eucaryotes. Ensemble, Archées et Eucaryotes forment le groupe des Néomurains (Neomurae, terme introduit par Thomas Cavalier-Smith en 1987), que l'on fait dériver des Actinobactéries. (E. Macé / E. Trt.).



En librairie . - François Renaud, Willy hansen et Jean Freney, Dictionnaire des précurseurs en bactériologie : les grands savants de l'infiniment petit. Editions Eska, 2005; Bruno Latour, Pasteur : guerre et paix des microbes, La Découverte, 2001. Jean-Pierre Dedet (préf. Luc Montagnier), La Microbiologie, des origines aux maladies émergentes, Dunod, 2006.
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